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DISCOURS DU PROF. PAULO SERGIO PINHEIRO, RAPPORTEUR SPECIAL SUR
LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME AU BURUNDI

Arrière

31 Mars 1999


Cinquante-cinquième session de la Commission des droits de l’homme,
Genève, 22 mars - 30 avril 1999
Point 9 de l’ordre du jour: Question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elle se produise dans le monde

Genève, le 31 mars 1999



Madame la Présidente,
Madame le Haut Commissaire aux droits de l’homme,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

1. J’ai l’honneur pour la quatrième fois consécutive de prendre la parole devant cette auguste assemblée pour vous présenter mes vues sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Comme la plupart d’entre vous le savent, j’ai entrepris ma cinquième mission dans ce pays du 21 au 31 août 1998, qui s’est déroulée sous les meilleurs auspices jusqu’au moment où un fort malencontreux accident de voiture m’a obligé à l’interrompre et à rentrer précipitamment en Europe pour me faire opérer d’une triple fracture au bras droit. Bien que mon état de santé se soit sensiblement amélioré, j’ai été toutefois immobilisé durant de longs mois, empêché de me rendre à nouveau au Burundi et contraint à mener une activité professionnelle très limitée. En raison de ces circonstances exceptionnelles, mon intervention orale de ce jour remplace l’habituel rapport soumis à la Commission. Toutefois, le rapport élaboré pour l’Assemblée générale des Nations Unies, en octobre 1998, figure parmi les documents présentés à la cinquante-cinquième session de la Commission. Je saisis cette occasion pour remercier le Gouvernement burundais de m’avoir adressé, en décembre dernier, de judicieux commentaires à propos de ce rapport sur lesquels je me réserve la possibilité de revenir dans une autre communication.

2. Ainsi que je l’ai souligné dans mon dernier rapport, j’ai pris acte avec satisfaction des efforts déployés par les autorités burundaises pour promouvoir le processus de paix dans le cadre des négociations d’Arusha, malgré les obstacles rencontrés sur la voie de la réconciliation nationale et les séquelles du conflit qui, au Burundi comme ailleurs dans la région des Grands Lacs, privent nombre de citoyens de leurs droits civiques et d’un environnement démocratique.

3. Sur le front intérieur, l’accord conclu entre le Président Buyoya et le Président de l’Assemblée nationale, en juin 1998, a facilité l’adoption d’un Acte constitutionnel de transition et la mise en place d’un nouveau cabinet, doté de deux Vice-Présidents. Les nouvelles dispositions régissant le partage du pouvoir entre le Gouvernement, les partis politiques, l’Assemblée nationale, élargie à 121 membres (dont 16 femmes), ainsi que la société civile ont permis de réduire les antagonismes qui divisaient les parties en présence et de restaurer un minimum de confiance. Celles-ci ont manifesté en outre leur détermination à renforcer le processus de paix interne. Le Gouvernement, à l’instar de l’Assemblée nationale, a affirmé, à plusieurs reprises, qu’il avait pris la décision cardinale de changer la situation.

4. Ces changements doivent donc être considérés comme des mesures transitoires destinées à accompagner les négociations en cours, soutenir le dialogue à l’intérieur du pays, et à déboucher sur un cessez-le-feu effectif ouvrant la voie à l’instauration d’une véritable démocratie. Une fois la paix revenue, il conviendra de favoriser la participation des populations aux décisions politiques les concernant. Le processus de paix se heurte, certes, à des difficultés qui entravent, à des degrés divers, le retour à la normalité au Burundi. Si les changements mis en oeuvre ont recueilli l’adhésion de plusieurs partis politiques, ils ont aussi suscité des réactions négatives parmi d’autres, et notamment auprès du Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD) et de son bras armé, les Forces pour la défense de la démocratie (FDD). D’ailleurs, l’absence de ce mouvement à la table des négociations, la persistance des violences sur le terrain et le non respect par certains groupes armés de la déclaration du 21 juin 1998 concernant l’arrêt des hostilités provoquent quotidiennement la mort de dizaines de Burundais, du fait de la guerre.

5. Un des grands mérites des négociations d’Arusha aura été de rassembler dans un dialogue constructif près d’une vingtaine de groupes politiques burundais, d’éminents représentants des pays de la région des Grands Lacs, ainsi que les principaux bailleurs de fonds. En marge de ces négociations, d’autres initiatives comme celles de l’UNESCO, à Paris, en septembre 1997, et de Morat-Fribourg, sous les auspices de la Confédération helvétique, en mars 1998, ont enclenché une dynamique visant à entretenir et faciliter le processus des négociations. Les travaux des quatre commissions techniques d’Arusha axées sur la nature du conflit, la démocratie et la bonne gouvernance, la reconstruction, ainsi que sur la paix et la sécurité pour tous constituent autant de pas décisifs vers la recherche d’une solution durable au conflit burundais. Mais ce processus demeure fragile. Je ne peux m’empêcher de m’inquiéter de la grave crise interne qui vient de secouer le FRODEBU, dont le Secrétaire général avant sa suspension, le 21 mars 1999, par le Comité directeur du parti, avait tenté d’exclure quatre personnalités du FRODEBU, parmi lesquelles l’ancien Président Sylvestre Ntibantunganya.

6. La communauté internationale se doit donc de soutenir les efforts de médiation de l’ancien Président Nyerere et les négociations d’Arusha, même s’ils pèsent lourdement sur les moyens financiers mis à disposition. A cet égard, j’ai été heureux d’apprendre la reprise du processus de paix à Arusha, du 10 au 16 mars écoulé, auquel ont participé pour la première fois des représentants religieux. Cette rencontre, précédée d’un atelier de deux jours réunissant des représentants de la Bosnie, de l’Irlande du nord et du Mozambique, a ainsi démontré que le conflit burundais, en dépit de sa spécificité propre, n’était pas unique au monde et présentait des caractéristiques communes avec d’autres conflits sanglants résolus par la voie des négociations. A l’évidence, il faudra encore du temps aux négociateurs pour propager autour d’eux l’esprit de compromis qui préside à leurs travaux et rallier à leur cause les Burundais de l’intérieur comme de l’extérieur.

7. La pacification du Burundi est fondamentale non seulement pour gérer les conséquences désastreuses des énormes pertes en vies humaines qui ont eu lieu ces dernières années dans le pays, mais aussi pour surmonter les effets physiques, psychologiques, sociaux et économiques du déplacement ou de la fuite d’environ 15 % de la population burundaise, estimée à 6 millions d’habitants. Après cinq années de guerre, le Burundi est le pays de la région des Grands Lacs qui compte le plus grand nombre de personnes déplacées et de populations regroupées. En outre, plus de 300'000 Burundais ont fui leur pays pour se réfugier essentiellement en Tanzanie, où ils sont rassemblés dans des camps.

8. Au Burundi même, quelque 600'000 déplacés et regroupés vivent dans des sites de fortune, surtout dans les provinces occidentales du Burundi qui, notamment en raison de leur terrain montagneux et de leur situation géographique, sont propices à l’activité de groupes rebelles. La seule province de Bubanza abrite 160'000 déplacés et regroupés. Les conditions de vie dans les sites demeurent dans l’ensemble extrêmement précaires. Une étude du Fonds des Nations Unies pour la Population, effectuée en 1998, indique que 46 % des femmes vivant dans ces sites ont été victimes d’actes de violence physique; 39 % ont subi des violences psychologiques par intimidation ou menace, et 11 % des abus sexuels. Le sort des dispersés cachés dans les forêts ou les marais, dont on ignore le nombre exact, n’est pas plus enviable, dans la mesure où les organisations humanitaires ne peuvent ni les localiser ni leur faire parvenir l’assistance dont ils ont un urgent besoin. Tant que perdurera cette instabilité, il est illusoire de penser que le Burundi recouvrera une situation normale dans un proche avenir.

9. Les progrès réalisés dans le cadre du processus de paix au Burundi ont amené les neuf pays de l’Afrique de l’Est à suspendre, le 23 janvier 1999, les sanctions économiques imposées au Burundi, il y a presque trois ans. Je me réjouis de cette décision et suis convaincu, comme je l’ai déjà dit dans mes deux derniers rapports, que cette décision insufflera un nouvel élan aux négociations. La suspension des sanctions contribuera aussi à alléger les souffrances endurées par la grande majorité de la population, et notamment par ses éléments les plus vulnérables tels les femmes, les enfants et les personnes âgées. Il est à souhaiter que la minorité Twa, constituant environ 1 % de la population burundaise, puisse également bénéficier de cette amélioration et sortir de l’isolement politique, économique et social dans lequel elle a été maintenue jusqu’ici.

10. La suspension des sanctions offrira également au pays la possibilité de recouvrer une auto-suffisance alimentaire, jusque-là fortement entravée par l’augmentation du prix des semences, des outils et des engrais, ainsi que par les perturbations ayant frappé la commercialisation des denrées. La relance de la coopération entre le Burundi et la Tanzanie, le Kenya, l’Ouganda, ainsi que le Rwanda augure positivement de la reprise des exportations vers ces pays et des débouchés que le Burundi peut en attendre pour sa production agricole et son économie en général.

11. Madame la Présidente, après avoir brossé un tableau général de la situation au Burundi, j’en viens à certains aspects plus spécifiques des droits de l’homme. De nombreuses violations commises par les agents de l’Etat, de même que des violences perpétrées par des groupes de rebelles ont perturbé la situation des droits de l’homme au Burundi, depuis le mois d’août 1998. Le droit à la vie compte parmi les droits les plus bafoués. La population civile non armée continue d’être victime de massacres, d’exécutions sommaires, de disparitions forcées ou involontaires, de détentions arbitraires, de tortures, parfois de viols ou d’autres formes d’abus sexuels, et de mauvais traitements infligés aux détenus. Les civils sont régulièrement attaqués par des combattants, que ceux-ci appartiennent aux forces de l’ordre ou aux groupes rebelles. Divers incidents durant le mois de février écoulé l’ont attesté, notamment dans les provinces particulièrement troublées de Bujumbura-rural, de Bururi, et de Makamba. Les populations craignant pour leur vie sont obligées de fuir, en laissant derrière elles leurs foyers et leurs biens.

12. Depuis ma dernière visite au Burundi, de nombreux massacres ont été perpétrés. Je n’en mentionnerai que quelques exemples. Le 2 septembre 1998, des rebelles auraient tué 17 personnes et blessé 17 autres dans la commune de Murata, province de Kayanza. Le 27 octobre 1998, des rebelles auraient tué 26 personnes et blessé 25 autres à Kanyosha, dans la province de Bujumbura-rural. Les 3 et 4 novembre 1998, des éléments de l’armée burundaise auraient tué une cinquantaine à une centaine de civils non armés dans les secteurs de Busenge, commune de Muhuta et de Rutovu, commune de Mutambu, province de Bujumbura-rural, en détruisant plusieurs maisons. Je tiens à signaler que le Gouvernement a ouvert une enquête sur ces tragiques incidents. Le 2 décembre 1998, des rebelles auraient tué 60 déplacés et blessé 31 autres dans un camp de la commune de Gihanga, province de Bubanza. Du 13 au 21 janvier 1999, dans la province de Makamba, des combats entre rebelles et militaires se seraient soldés par la mort de 124
personnes et le déplacement de plus de 13'000 personnes réparties sur 12 sites. Diverses allégations font état d’attaques de rebelles dans la commune de Makamba dont les habitants auraient subi des pillages, vu leurs maisons incendiées et plus de 50 d’entre eux tués par des militaires de la position de Muresi.

13. Les civils continuent de souffrir le plus des conséquences de la guerre. Les enfants et les femmes sont des cibles extrêmement vulnérables. De plus, les enfants et les jeunes sont non seulement les victimes innocentes des affrontements entre militaires et rebelles, mais servent de surcroît à ces derniers de sentinelles, d’éclaireurs, ou de porteurs de lourdes charges et d’armes bien souvent. Ils participent aussi à des actions de vol de bétail et de pillage de récoltes. La dissémination d’armes légères parmi la population burundaise a pour corrolaire un recrutement accru de combattants toujours plus juvéniles. La communauté internationale se doit de trouver les voies et moyens nécessaires pour protéger les enfants burundais victimes de la guerre et attirer l’attention de leurs autorités sur la nécessité de répondre aux besoins spécifiques de ces enfants avant qu’ils ne se transforment en problèmes insolubles, une fois la paix revenue. La communauté internationale peut d’ailleurs s’appuyer sur les dispositions pertinentes des Conventions de Genève de 1949 et des Protocoles additionnels de 1977. Pour ma part, je soutiens sans réserve la proposition faite par le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants dans les conflits armés, lors de sa récente visite au Burundi, de traiter cette question lors des prochaines discussions d’Arusha.

14. Je suis également vivement préoccupé des risques encourus par les témoins de crimes perpétrés, lorsqu’ils s’en entretiennent avec les observateurs du Haut Commissariat aux droits de l’homme. Durant les mois de décembre 1998 et de janvier 1999, et pour la première fois au Burundi, deux personnes ont trouvé la mort à Mubone, commune de Kabezi, province de Bujumbura-rural, à la suite d’une entrevue avec des observateurs. D’après les indications recueillies, l’arrestation puis la disparition du premier témoin, ainsi que le meurtre du chef de secteur de Mubone seraient attribués à des militaires. Je tiens à rappeler aux autorités burundaises l’obligation qui leur incombe de protéger l’immunité des témoins, telle qu’elle est prévue au sein de l’accord signé entre l’Office du Haut Commissaire aux droits de l’homme et le Gouvernement du Burundi, et de mener les enquêtes nécessaires pour élucider ces deux malheureux incidents.

15. Madame la Présidente, je souhaiterais aussi attirer l’attention de cette Commission sur la pratique des sentences de peines de mort qui continuent d’être prononcées par les trois chambres criminelles du Burundi : déjà quelque 260 personnes ont été condamnées à mort, suite aux événements de 1993. Dans mes précédents rapports, j’ai exprimé à plusieurs reprises ma vive réprobation contre les conditions quasi inhumaines dans lesquelles vivent ces condamnés qui, pour la plupart, n’ont bénéficié d’aucune assistance juridique au cours de procès souvent expéditifs ou inéquitables. Leur seul recours demeure la Cour de cassation qui, dans une cinquantaine de cas, a rejeté leurs pourvois. Ces condamnés à mort seront donc exécutés un jour ou l’autre, à moins que le Président de la République ne leur octroie sa clémence. J’adresse donc un appel solennel et pressant aux autorités burundaises pour qu’elles veillent au plein respect des droits des personnes condamnées à la peine capitale, selon les normes internationales pertinentes en vigueur. Je leur recommande de prononcer un moratoire sur les exécutions à venir. A l’heure où le Burundi bénéficie enfin d’une embellie sur le plan international, ce serait une grave erreur d’appréciation de la part du Gouvernement burundais que d’autoriser la mise à mort d’autres condamnés en sus des six malheureux exécutés le 31 juillet 1997.

16. D’après les informations que j’ai recueillies depuis ma dernière visite au Burundi, on ne peut déceler aucune amélioration significative du droit à la liberté et à la sécurité de la personne. Les violations de ce droit persistent. Des cas de mauvais traitements, voire des cas de torture physique, sont signalés parmi les divers corps de police, surtout au moment de l’arrestation et durant les interrogatoires, comme le reconnaissent d’ailleurs les autorités burundaises. A cet égard, j’ai reçu diverses allégations de mauvais traitements de prisonniers, ayant abouti dans le cas de M. Minani Didace, à la mort de ce détenu, le 15 novembre 1998, à la prison de Bururi.

17. La situation des mineurs détenus en milieu carcéral est très préoccupante, car il n’y a aucune séparation entre ceux-ci et les adultes, qu’il s’agisse des prisons ou des cachots. Les enfants et les jeunes sont ainsi exposés à des violences, et notamment à des abus sexuels, de la part de détenus adultes. Cet état de choses est d’autant plus alarmant que la crise et la guerre ont aggravé les manifestations de délinquance juvénile telles que le vol et le trafic d’armes.

18. Au-delà des progrès accomplis tant sur le plan intérieur que dans le cadre des négociations de paix, subsistent d’urgents besoins en matière d’assistance et de coopération qui ne peuvent guère attendre une normalisation complète de la situation au Burundi. Dans mes précédents rapports, j’avais déjà évoqué divers problèmes qui doivent être traités en priorité : l’intégration progressive des femmes aux affaires du pays, l’ouverture du système éducatif à tous les Burundais et l’impérative nécessité de l’adapter aux besoins de la majorité de la population. A cet égard, un effort particulier devrait être consacré à l’alphabétisation des adultes. J’ai également formulé diverses recommandations en faveur de la réforme de l’administration de la justice pour garantir à celle-ci efficacité, indépendance et impartialité.

19. A cet égard, la réforme du système judiciaire au Burundi demeure pressante. Des milliers de détenus arrêtés à la suite de l’assassinat du Président Ndadaye et des massacres qui en ont résulté attendent toujours de passer en jugement. De plus, les auteurs de violations graves des droits de l’homme, attribuées à des éléments de l’armée ou des forces de l’ordre, sont rarement poursuivis. Malgré l’ouverture, le 2 octobre 1998, du procès de 79 personnes impliquées dans le coup d’Etat de 1993, les principaux responsables n’ont été ni arrêtés ni poursuivis. La lumière n’a toujours pas été faite sur l’identification des auteurs de l’assassinat, le 4 juin 1996, des trois délégués du Comité international de la Croix-Rouge, alors que j’avais pourtant demandé dans plusieurs de mes rapports qu’une enquête sérieuse, indépendante et impartiale soit diligemment menée.

20. Toutefois, certaines des carences dont souffre la justice burundaise tant à l’échelon humain que sur le plan matériel ne pourront trouver de remède que dans la mesure où la communauté internationale s’engagera à renforcer de manière significative le soutien financier qu’elle apporte déjà à la tenue des sessions bi-mensuelles des trois chambres criminelles du pays, en recrutant une douzaine d’avocats internationaux (au lieu des six généralement engagés) pour les associer au déroulement du programme d’assistance judiciaire aux côtés de leurs collègues burundais.

21. J’insiste aussi sur les réformes indispensables à apporter à l’armée et à la police burundaises. Il s’agit de donner à l’une comme à l’autre sa spécificité propre pour garantir la paix aux frontières et l’ordre public dans le pays. En effet, il est grand temps que les autorités burundaises prennent les mesures nécessaires pour faciliter l’accès de la majorité de la population aux grands corps constitués de l’Etat, tels l’enseignement, la justice et l’armée.

22. Par ailleurs, la communauté internationale ne doit pas limiter son engagement à la distribution de biens d’urgence aux populations sinistrées, mais elle est fortement encouragée à promouvoir simultanément la réhabilitation des communautés en détresse et la satisfaction de leurs besoins à moyen et à long terme en matière de développement. Cet engagement exige des ressources considérables que l’Appel consolidé de 1998 pour le Burundi auprès des donateurs n’a que partiellement mobilisées, puisque seul un tiers des fonds requis ont été réunis. Et encore, ceux-ci sont en majorité destinés à l’aide alimentaire. Il appartient donc à la communauté internationale de développer une stratégie en faveur du Burundi qui privilégie tout ensemble le redressement du pays, la paix et la réconciliation nationale, la jouissance des droits de l’homme et la croissance économique.

23. Enfin, la communauté internationale se doit d’accorder des moyens suffisants au développement de programmes d’éducation et de promotion des droits de l’homme, notamment chez les jeunes, à l’instar des efforts que mène courageusement le Ministre des droits de la personne humaine, néanmoins sans toujours bénéficier d’un appui substantiel de la part des bailleurs de fonds. En effet, il faut reconnaître qu’il est extrêmement difficile de promouvoir la cause des droits de l’homme dans un pays en guerre. La communauté internationale peut dès lors jouer un rôle déterminant, afin de soutenir les efforts accomplis par la société civile burundaise pour émerger de la crise, tout en encourageant celle-ci à s’informer de ce qui se fait ailleurs, et apporter des appuis ciblés à des projets bien définis, associant organisations de défense de droits de l’homme, groupes de femmes, de jeunes, d’enfants ou de détenus.

24. Il convient de saluer à cet égard l’initiative prise par le PNUD de développer au Burundi un programme de bonne gouvernance, d’une valeur de deux millions de dollars, axé en priorité sur l’essor de la société civile, la lutte contre la corruption, le renforcement du système judiciaire et les droits de l’homme.

25. Si comme l’a affirmé récemment le Président Mandela, il n’existe pas de conflit qui ne puisse être résolu par la voie des négociations, l’instabilité persistante caractérisant aujourd’hui le Burundi, les violences, voire la guerre qui continue de sévir dans certaines provinces, contribuent à déstabiliser non seulement l’ensemble du pays, mais la région des Grands Lacs tout entière. L’inverse est cependant aussi vrai dans la mesure où le succès des négociations de paix en cours apporterait la preuve irréfutable qu’aucun différend, quel qu’il soit, n’est insoluble.

26. Madame la Présidente, je souhaite vivement que la Commission souligne cette année dans ses travaux que seule une approche concertée des problèmes de la région des Grands Lacs est à même de venir à bout des maux endémiques qui la déchirent. Je ne citerai que les violations massives des droits de l’homme, les divers conflits qui ont ravagé tour à tour le Rwanda, le Burundi, la République du Congo et la République démocratique du Congo, de même que les déplacements massifs de populations à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs pays respectifs. Je recommande instamment que le Haut Commissaire aux droits de l’homme prenne l’initiative de convoquer une nouvelle réunion des trois Rapporteurs spéciaux avec les pays intéressés. La communauté internationale a déjà déployé des moyens considérables en faveur des négociations de paix du Burundi à Arusha. Une approche régionale des enjeux communs aux pays précités, encouragée par elle, serait de nature à stabiliser la région des Grands Lacs et à l’ancrer résolument sur la voie de la réconciliation nationale, de la reconstruction et du développement, ainsi que de la démocratie.

27. Je vous remercie de votre attention.
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