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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ADOPTE SES CONCLUSIONS SUR LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE

Arrière

17 Mars 1999


APRÈS-MIDI

HR/CERD/99/27
17 mars 1999





Il examine la situation au Soudan dans le cadre de sa procédure d'action urgente

Le Comité a adopté, cet après-midi, ses observations et recommandations finales sur le rapport de la République de Corée. Il a également examiné la situation au Soudan au titre de la procédure d'action urgente.

Le Comité recommande à la République de Corée de prendre davantage de mesures pour assurer que les personnes d'origine étrangère vivant dans le pays ne fassent pas l'objet de discrimination. Il recommande au pays de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger contre la discrimination les femmes mariées à des demandeurs d'asile et les enfants issus de mariage mixtes. Il recommande en outre que des mesures soient prises pour améliorer la situation de tous les travailleurs migrants.

S'agissant de l'examen de la situation au Soudan, le Représentant permanent adjoint du Soudan auprès des NationsUnies à Genève, M.Abuel Gasim Idris, a rappelé qu'un accord de paix a été conclu en avril 1997 entre sept des huit factions rebelles combattantes dans le Sud et qu'un nouveau cycle de négociations doit se tenir en avril prochain à Nairobi. Le comité créé en 1996 pour enquêter sur les allégations d'esclavage a mené, depuis cette date, des investigations qui n'ont relevé aucune preuve crédible attestant de la pertinence de ces allégations. La délégation a indiqué que le Soudan respectera le choix exprimé par la population du Sud du pays lors du référendum d’autodétermination sous surveillance internationale.

Mme Gay McDougall, experte chargée de l'examen de la situation au Soudan, a souligné que tant les forces gouvernementales que les groupes rebelles armés ont pris part à de graves violations du droit humanitaire au cours du conflit. Des informations dignes de foi indiquent que le Gouvernement soudanais a procédé au recrutement forcé d'enfants-soldats et qu'il a donné son soutien à des milices qui ont régulièrement réduit à l'esclavage des femmes et des enfants capturés durant le conflit, a-t-elle relevé. Mme Shanti Sadiq Ali et MM. Régis de Gouttes, Theodoor van Boven, Ivan Garvalov et Agha Shahi sont également intervenus.

Demain matin, à 10 heures, le Comité poursuivra ses travaux en adoptant ses recommandations finales sur d'autres rapports examinés au cours de la présente session, qui se termine vendredi, 19 mars.


Déclaration de la délégation du Soudan

M. Abuel Gasim Idris, Représentant permanent adjoint du Soudan auprès des NationsUnies à Genève, a indiqué au Comité que son pays était sur le point de finaliser son rapport périodique qui devrait être soumis dans un avenir proche. Il a souligné que le Soudan compte environ 572 tribus parlant divers dialectes et langues et appartenant à diverses origines ethniques. Ces tribus ont néanmoins partagé, au cours de l'histoire contemporaine du pays, une destinée commune. Elles ont coexisté pacifiquement, d'une manière générale, et ont établi, au fil des ans, des mécanismes locaux de règlement des différends. Bien que le pays ait malheureusement eu à faire face, depuis 1955, à un conflit armé interne entre les rebelles du Sud et les forces gouvernementales, les relations raciales ont généralement continué à être harmonieuses, a déclaré le représentant. Alors que la proximité géographique aurait dicté qu'elles cherchent refuge dans les pays voisins, la plupart des personnes qui ont fui le conflit armé dans le S
ud ont cherché asile dans le Nord, ce qui prouve bien que les causes du conflit n'avaient aucune dimension ethnique, raciale ou religieuse, a-t-il ajouté.

M. Idris a rappelé que parmi événements importants intervenus au Soudan depuis la présentation du précédent rapport du pays figurent l'accord de paix conclu en avril 1997 entre sept des huit factions rebelles combattantes dans le Sud et le Gouvernement ainsi que l'accord concernant les montagnes de Nuba. Depuis la présentation du précédent rapport, les bases d'un système fédéral et d'une décentralisation des pouvoirs ont été jetées. Une constitution, incluant une charte sur les droits et libertés, est entrée en vigueur en juillet 1998 et un grand nombre de lois ont été adoptées ou amendées pour s'y conformer. Le Gouvernement a en outre reconnu, dans le cadre de la négociation avec la faction rebelle restante dans le Sud, celle de John Garang, le droit à l'autodétermination pour la population du Sud qui figurait déjà dans l'accord de paix susmentionné. Des négociations se poursuivent et un nouveau cycle de négociations doit se tenir en avril à Nairobi.

Le représentant soudanais a affirmé que les causes du conflit dont souffre le pays depuis 1955 sont essentiellement d’ordre socio-économique. Cela ressort clairement du fait que chaque partie en conflit comprend à la fois des musulmans et des chrétiens, des personnes du Nord comme du Sud, et que les hostilités ont commencé bien après que les lois de la charia soient introduites dans le pays. Conformément aux dispositions pertinentes du Code pénal, le Sud du pays lui-même n'a jamais été soumis à la charia, a rappelé le Représentant permanent. Il a déclaré que le Gouvernement continue de rechercher une solution pacifique au conflit et, dans ce but, continue de lancer sans relâche des appels en faveur d'un cessez-le-feu définitif dans le Sud pour des raisons humanitaires et prône une solution négociée. Le Gouvernement est persuadé que seule une paix permanente constitue une solution viable aux souffrances des populations civiles. Le Gouvernement accepte l'ouverture de corridors afin de permettre l'achemin
ement, par le biais de l'Opération Survie au Soudan, de la nourriture à destination des populations civiles dans les zones contrôlées tant par le Gouvernement que par les rebelles.

M. Idris a affirmé que la famine qui a frappé la population de Bahr-el-Ghazal durant le premier semestre 1998 est le résultat de la défection du Commandant Kerbuno, l'un des signataires de l'accord de paix de 1997, qui a tenté avec le SPLA d'occuper la ville de Wau en janvier 1998. La situation d'insécurité qui en a découlé dans la région a entraîné le déplacement de la population civile et la famine. Le Gouvernement, en dépit de l'insécurité ambiante, a accordé un accès illimité à l'aide alimentaire pour pallier la famine, a affirmé le représentant soudanais. Il a par ailleurs assuré que son Gouvernement a considéré avec beaucoup de sérieux les allégations faisant état de pratiques d'esclavage dans les régions en conflit du Bahr-el-Ghazal septentrional et a établi, en 1996, un comité chargé d'enquêter sur ces allégations. Le Comité a mené, depuis cette date, des investigations qui n'ont relevé aucune preuve crédible attestant de la pertinence de ces allégations, a déclaré M. Idris. Le Comité mène toujours ses activités et le Gouvernement a établi la semaine dernière un comité ministériel chargé de suivre la question. Le représentant a rappelé que le Soudan a déjà adressé une invitation au Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage (de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités) afin qu'il se rende dans le pays pour enquêter sur la question.

La région du Darfur occidental a connu, à la fin du mois de janvier1999, des combats entre les bergers arabes et les fermiers masalit lorsque les premiers ont fait irruption dans les fermes des seconds, a poursuivi le représentant. Une délégation de conciliation constituée de chefs arabes est tombée dans une embuscade qui a fait cinq victimes et les représailles des bergers se sont soldées par de nombreuses morts et l'incendie de nombreuses maisons. Le Président de la République a déclaré l'état d'urgence dans la région et a nommé un représentant spécial pour restaurer la sécurité et la stabilité. Des réunions entre les deux tribus concernées ont été organisées sous les auspices du Gouvernement et l'on est parvenu à un accord pour convoquer une conférence de réconciliation qui s'est effectivement réunie. Parallèlement, le Président de la République a mis sur pied une commission d'enquête dirigée par un juge de la Cour suprême pour enquêter sur ces incidents. Des forces supplémentaires ont été envoyées d
ans la région pour éviter toute nouvelle agression par l'une des deux parties. Actuellement, la situation est calme et sous contrôle, a assuré le représentant.

Examen de la situation au Soudan

Mme Gay McDougall, experte chargée de l'examen de la situation au Soudan, a rappelé qu'au mois d'août dernier, le Comité avait exprimé sa profonde préoccupation face aux informations indiquant que la situation continuait de se dégrader dans le pays en matière de droits de l'homme. Elle a souligné que la guerre qui a éclaté au Soudan il y a seize ans comporte une importante dimension raciale et ethnique et fait 1,9 million de morts depuis 1983. Il faut se réjouir des informations préliminaires indiquant que toutes les parties au conflit ont donné leur accord à la prolongation du cessez-le-feu au Sud, ce qui devrait permettre de créer un climat plus favorable aux négociations qui doivent reprendre le mois prochain à Nairobi entre le Gouvernement et le SPLA (Armée de libération du peuple soudanais), a dit MmeMcDougall. En outre, l'apparente volonté du Gouvernement de débattre de la possibilité d'une autonomie accrue voire d'une sécession du Sud constitue sans conteste un geste positif au moment où doivent s'
ouvrir de nouvelles négociations de paix, a-t-elle ajouté.

Mme McDougall a affirmé qu'à la lumière de nombreuses sources émanant des milieux universitaires, des organisations non gouvernementales, des organisations et institutions de droits de l'homme, il semble incontestable que le Soudan présente une situation unique dans laquelle les questions de race, d'appartenance ethnique, de religion et de culture sont étroitement imbriquées. Il semble également incontestable qu'à maints égards, le conflit civil actuel au Soudan trouve son origine dans cette situation complexe. Quelle qu'ait été la genèse du conflit, il est important de souligner que tant les forces gouvernementales que les groupes rebelles armés composant l'Armée de libération populaire du Soudan (SPLA) ont pris part à de graves violations du droit humanitaire au cours du conflit. Des informations indiquent que le Gouvernement du Soudan a régulièrement bombardé des cibles non militaires, y compris des centres de secours d'urgence, a déclaré MmeMcDougall. De graves violations des droits de l'homme auraie
nt également été commises par les forces gouvernementales dans des régions qui ne font pas partie de la zone de conflit, a-t-elle noté.

Des rapports dignes de foi indiquent que le Gouvernement soudanais s'est rendu responsable du recrutement forcé d'enfants-soldats et qu'il a apporté son appui à des milices qui ont régulièrement réduit à l'esclavage des femmes et des enfants capturés durant le conflit. L’experte s’est félicitée que le Gouvernement soudanais ait fait part de son intention de poursuivre en justice les personnes impliquées dans le commerce des esclaves. Elle a souhaité savoir si de telles poursuites avaient déjà été engagées.

En dépit de la famine qui se manifestait dans diverses régions du pays, il semble que le Gouvernement soudanais ait interdit les vols aériens de secours d'urgence de l'Opération Survie au Soudan en mars 1998. Bien que cette interdiction ait été levée six semaines plus tard et en dépit des efforts déployés, les taux de mortalité liés à la famine devraient rester à un haut niveau inacceptable pendant encore quelques temps, a affirmé MmeMcDougall. Elle a par ailleurs souligné que la situation dans les montagnes de Nuba, au sud-ouest du pays, reste particulièrement grave. Selon des informations dignes de foi, les troupes gouvernementales et les milices appuyées par le Gouvernement auraient sommairement exécuté un grand nombre de civils dans la région au lieu de les réinstaller. Dans le contexte de la guerre, a par ailleurs affirmé Mme McDougall, des rapports font état de l'appui que le Gouvernement soudanais apporterait à la Lord's Resistance Army (LRA), mouvenent ougandais opérant à partir du Sud-Soudan. La LRA est un groupe paramilitaire bien connu qui est accusé d'avoir réduit à l'esclavage entre 8000 et 10000 femmes et enfants, a précisé Mme McDougall.

En dépit des déclarations officielles selon lesquelles les lois islamiques ne s'appliquent pas aux non musulmans, le Gouvernement a clairement cherché à imposer son interprétation des lois islamiques aux communautés non musulmanes, a affirmé Mme McDougall.

Le Président du Comité, M. Mahmoud Aboul-Nasr, a vivement regretté, en tant que musulman, le ton employé par Mme McDougall dans ses commentaires, qui laisse entendre que l'application de la charia à des individus constitue un crime. En fait, nombre de pays musulmans appliquent la charia, a ajouté le Président. M.Aboul-Nasr a rappelé qu'il faudrait, autant que possible, citer les sources sur lesquelles on se base pour alléguer de violations des droits de l'homme.

Mme Gay McDougall a souligné que c'est sur la base du caractère unique de la situation au Soudan en ce qui concerne les questions de race et de religion qu'elle a développé son exposé de la situation dans ce pays.

Une autre experte du Comité a souligné qu'à ce jour, trois exigences du SPLA n'ont toujours pas été prises en compte, à savoir l'établissement d'un système confédéral plutôt que fédéral, la mise en place d'un régime laïc et la délimitation d'un Sud qui inclurait les zones pétrolifères et minières.

Un membre du Comité a souligné que les préoccupations précédemment exprimées par le Comité, en 1994, au sujet de la situation au Soudan restent à maints égards pertinentes. Cet expert a relevé que l'article 132 de la Constitution maintient la possibilité de décréter l'état d'urgence en vertu duquel il peut être dérogé aux droits fondamentaux. Selon le rapport d'Amnesty International pour 1998, le Soudan compterait 4,5 millions de personnes déplacées suite à la guerre, a rappelé ce membre du Comité. Malgré les dénégations de la délégation à cet égard, le rapport d'Amnesty International souligne que le Vice-Président du Comité national des droits de l'homme a lui-même reconnu que des enfants avaient été enlevés dans le Bahr-el-Gazal aux fins de l'esclavage.

La délégation du Soudan a rappelé qu'en vertu du système fédéral soudanais, chacun des 26 États du pays, y compris les dix du Sud, dispose de son propre Gouverneur élu au suffrage universel. Mais il suffit qu'une seule faction du Sud ne respecte pas l'accord de paix pour que la guerre se poursuive, a souligné la délégation.

La délégation a indiqué que grâce à l'appui de nombreux pays, en particulier la Chine, la Malaisie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada et l'Argentine, le Soudan est en train de créer une énorme raffinerie qui sera opérationnelle à partir du mois de juillet et devrait permettre au pays d'économiser les deux-tiers de ses devises.

La guerre que connaît le Soudan est une guerre du sous-développement, a déclaré la délégation. À l'issue du référendum d’autodétermination qui doit se tenir sous surveillance internationale dans le cadre des accords de paix, le Soudan respectera les choix exprimés par la population du Sud du pays.

Il est vrai qu'il existe certaines milices armées que le Gouvernement appuie. L'origine de ces milices remonte au milieu des années 1980 et leur objectif est d'assurer la défense et la protection des civils comme cela se fait dans nombre de pays occidentaux, a déclaré la délégation.

Depuis 1996, l'agglomération de Khartoum ne comporte plus de bidonvilles, a affirmé la délégation. À leur arrivée dans la capitale, les personnes qui fuient les combats dans le Sud sont logées et reçoivent un lopin de terre.

La délégation a assuré que la famine dans la région de Bahr-el-Gazal est désormais surmontée, grâce à l'aide internationale. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a lui-même assuré que les stocks alimentaires disponibles dans la région sont désormais suffisants.

Mme McDougall a clos le débat en affirmant qu'il faut espérer que le cessez-le-feu sera respecté dans le Sud du pays et qu'un accord de paix pourra être signé afin que le peuple soudanais puisse enfin vivre en paix.

Conclusions sur le rapport de la République de Corée

Dans ses conclusions relatives au rapport de la République de Corée, le Comité exprime sa satisfaction devamt la régularité avec laquelle ce pays présente ses rapports. Il est néanmoins d'avis que les informations fournies en ce qui concerne le suivi des précédentes recommandations du Comité sont incomplètes. Le Comité se réjouit de l'engagement pris par le pays d'adopter une loi sur les droits de l'homme et d'établir une institution nationale des droits de l'homme avant la fin de l'année 1999. Il prend également note avec satisfaction que le pays a ratifié le 4 décembre 1998 la Convention N111 de l'OIT concernant la discrimination en matière d'emploi. Le Comité se réjouit par ailleurs des mesures législatives prises par la République de Corée pour prévenir et combattre la discrimination raciale, notamment la décision d'appliquer la loi sur les normes en matière de travail à tous les travailleurs étrangers illégaux, l'amendement à la loi sur l'acquisition des terres par les étrangers et l'amendement à la loi sur la nationalité.

Le Comité suggère que la loi sur les droits de l'homme qui doit être adoptée avant la fin de l'année interdise explicitement la discrimination fondée sur la race, la couleur, la descendance ou l'origine nationale ou ethnique et que la même loi pénalise et déclare illégaux les actes de discrimination raciale. Il recommande que davantage de mesures soient prises pour assurer que les personnes d'origine étrangère qui sont nées et se sont installées dans le pays ne fassent pas l'objet d'une discrimination sur la base de leur origine ethnique. Le Comité recommande également au pays de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger les femmes mariées à des demandeurs d'asile et les enfants issus de mariage mixtes, en particulier les enfants amérasiens, contre la discrimination et les préjugés.

Le Comité, tout en reconnaissant que le pays a récemment pris des mesures pour améliorer la situation des «stagiaires d'industrie» étrangers et d'autres étrangers travaillant dans le pays, suggère que le Gouvernement prenne davantage de mesures contre la discrimination en matière de conditions de travail à l'encontre des travailleurs étrangers. Il recommande également que des mesures soient prises pour améliorer la situation de tous les travailleurs migrants, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière. Relevant qu'aucun cas de discrimination raciale n'a été porté devant les tribunaux ou les organes administratifs du pays, le Comité recommande à la République de Corée d'accroître ses efforts visant à faciliter l'accès aux mécanismes de recours existants, y compris la procédure établie conformément à l'article 14 de la Convention relatif aux communications.
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