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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LA TORTURE, L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE ET LA DÉTENTION ARBITRAIRE


Arrière

20 Septembre 2006

Conseil des droits de l'homme HR/HRC/06/41
APRÉS-MIDI

20 septembre 2006


Le Conseil des droits de l'homme a examiné cet après-midi des rapports sur la torture, l'indépendance des juges et des avocats et la détention arbitraire. Un débat interactif s'est engagé avec les membres du Conseil autour de ces trois rapports. Le Conseil a en outre achevé la discussion commencée ce matin autour de rapports sur la violence contre les femmes la traite des personnes.

Présentant son rapport sur la question de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Rapporteur spécial sur la question, M. Manfred Nowak, a relevé que, si la plupart des gouvernements s'accordent pour reconnaître que la torture constitue une des violations des droits de l'homme les plus graves ainsi qu'une attaque directe contre la dignité de la personne humaine, on constate pourtant un manque flagrant de sensibilisation des agents responsables de l'application des lois et des politiciens à cet égard. Il a souligné l'importance de rester vigilant contre les pratiques qui sapent le principe de non-refoulement, telles que l'extradition fondée sur les «assurances diplomatiques» ou autres accords bilatéraux. Après le 11 septembre 2001 et d'autres attaques terroristes, a poursuivi M. Nowak, un certain nombre de gouvernements ont adopté un point de vue juridique remettant en question l'interdiction absolue des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Rapporteur spécial a aussi rendu compte des missions qu'il a effectuées en Géorgie, en Mongolie, au Népal et en Chine. La Géorgie, le Népal, la Jordanie, la Chine et l'Algérie sont intervenus en tant que pays concernés.

Mme Leïla Zerrougui a présenté le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire qu'elle préside. Elle a notamment informé le Conseil que le Groupe de travail s'était penché sur les cas de détention liés à un conflit armé, de même que certaines questions préoccupantes, telles que le «suremprisonnement» et l'utilisation de prisons secrètes dans le cadre de la «guerre mondiale contre la terreur». Dans ses recommandations, le Groupe engage les États à cesser d'administrer des prisons secrètes et à faire des efforts pour diminuer la surreprésentation des groupes vulnérables dans la population carcérale. Le Groupe a encore invité les États à garantir l'application effective du droit de contester la légalité de la détention de tout national étranger en vertu des lois sur l'immigration. La Présidente-Rapporteuse a ensuite rendu compte des visites du Groupe de travail au Canada et en Afrique du Sud. Ces deux pays sont intervenus en tant que parties concernées.

M. Leandro Despouy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a notamment souligné que le droit à la vérité sur les violations graves des droits de l'homme est un droit fondamental qui a acquis une dimension indépendante au plan international. Il s'agit davantage que du simple droit à la justice: le droit à la vérité implique en particulier la possibilité pour les victimes de réclamer et recevoir une réparation. Les commissions «vérité et réconciliation» jouent à cet égard un rôle très important, a rappelé M. Despouy. Concernant ses visites au Tadjikistan et au Kirghizistan, le Rapporteur spécial a relevé que toutes les anciennes républiques soviétiques connaissaient des difficultés dans le recrutement et le licenciement du personnel juridique. La figure du procureur général est proéminente dans ces systèmes, parfois supérieure à celle des juges. Les avocats ne sont dans ces conditions pas en mesure d'assurer leur mission avec l'indépendance requise, a déploré M. Despouy. L'Équateur est intervenu à titre de pays concerné.

Les États suivants ont pris la parole dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi la présentation des rapports présentés cet après-midi: Indonésie, Pays-Bas, Liechtenstein, République dominicaine, États-Unis, Géorgie, Jordanie, Népal, Canada, Afrique du Sud, Équateur, Algérie, Argentine, Tunisie, Uruguay, Ouzbékistan, Suisse, Finlande, Chili, Brésil, Danemark, Iran, Nouvelle Zélande, Bélarus et Mali.

Le Conseil a également achevé le débat interactif entamé ce matin autour des rapports sur la la traite des personnes et la violence contre les femmes, en entendant les États suivants: Indonésie, Pays-Bas, Liechtenstein, République dominicaine et États-Unis. Des représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont également fait des déclarations: Franciscain international au nom également de Human Rights Watch; Comité Inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique, au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1; Human Rights Watch; Movement for Abolition of Pornography and Prostitution au nom également de Coalition contre le trafic des femmes; Global Alliance Against Trafficking in Women; et International Educational Development au nom également de Interfaith International. Les deux Rapporteuses spéciales, Mme Yakin Ertürk et Sigma Huda, ont ensuite présenté leurs conclusions et répondu aux questions. Singapour a exercé le droit de réponse.

Le Conseil poursuivra, demain à 10 heures, le débat interactif entamé cet après-midi et sera ensuite saisi des rapports concernant la liberté religieuse et la liberté d'expression, ainsi qu'un rapport conjoint sur la situation à Guantánamo.


Suite du débat interactif sur la violence à l'égard des femmes et la traite des être humains

M. JONNY SINAGA (Indonésie) a déclaré que son pays étant affecté par la traite des femmes, il accueillait très favorablement le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants. Mme Sigma Huda note que les conditions sociales et culturelles influencent fortement le sort qui est fait aux femmes et qu'il convient d'adopter des approches spécifiques à ce propos. Une action centrée sur le renforcement de l'autonomie étant favorable à la protection des femmes et des enfants, l'Indonésie a donc pris d'importantes mesures juridiques dans ce sens. La Rapporteuse spéciale compte-t-elle adopter davantage de mesures concernant la traite des êtres humains, a demandé la représentante?

M. PIET DE KLERK (Pays-Bas) s'est réjoui de que son pays ait reçu de la visite au mois de juillet dernier de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Mme Erturk. Il a assuré qu'il accorderait toute l'attention voulue à son rapport et que son pays poursuivrait ses efforts, tant au niveau national qu'international, afin d'éradiquer la violence contre les femmes. Le représentant a en outre souhaité savoir pourquoi la Rapporteuse spéciale sur la traite de personne, Mme Huda, s'est limitée dans son rapport à la question de la traite à des fins d'exploitation sexuelle. Il a souligné que la prostitution aux Pays-Bas n'a jamais été interdite par la loi.

MME ANDREA HOCH (Liechtenstein), relevant la qualité du rapport de la Rapporteuse spéciale sur les violences contre les femmes, a affirmé l'adhésion de son pays au principe d'élargissement du concept de diligence due. Concernant la critique du relativisme culturel que contient le rapport, elle a demandé s'il existe des mesures destinées à combattre cette approche.

MME YSSET ROMAN MALDONADO (République dominicaine) a remercié la Rapporteuse spéciale sur la traite des être humain, dont le rapport mentionne le fait que le pays n'aurait pas répondu à une des demandes. Or, la réponse demandée a été apportée entre-temps, et le rapport devrait faire l'objet d'une rectification, a dit la représentante.

MME VELIA DE PIRRO (États-Unis) a apporté le soutien de sa délégation aux mandats des rapporteuses spéciales sur la traite de personnes et sur la violence contre les femmes, soulignant que ces deux questions constituent des priorités pour les États-Unis. Abordant la question de la juridiction extraterritoriale, la représentante des États-Unis a indiqué que son pays avait décidé de faire de la lutte contre la traite de personnes et contre le tourisme sexuel des priorités. Elle s'est en outre réjouie que Mme Huda ait choisi de faire de la question de la demande une priorité dans le contexte de la lutte contre la traite des êtres humains.

MME ALESSANDRA AULA (Franciscain international au nom également de Human Rights Watch) s'est adressée à la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, lui demandant si elle avait constaté des changements allant dans le sens de ses recommandations, à la fois dans les dispositions du droit du travail relatif à l'emploi de personnel domestique et en regard des personnes travaillant dans des night-clubs. Au cours des événements qui ont touché le Liban, cet été, elle a indiqué que les migrants et les personnes victimes de traite ont été particulièrement affectés; la Rapporteuse spéciale envisage-t-elle de se pencher sur cette question, a-t-elle demandé.

MME RAS WORK (Comité Inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique, au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1) a estimé que davantage d'efforts doivent être consentis pour la défense des droits des femmes. De nombreux instruments internationaux existent pour encadrer une telle action, il reste maintenant à appliquer les instruments à disposition. Toutes les organisations pertinentes devraient être engagées à cette action, y compris les forces armées et les institutions nationales de droits de l'homme, et des campagnes d'information devraient être lancées sur la nécessité d'éradiquer la violence contre les femmes.

M. SEBASTIEN GILLIOZ (Human Rights Watch) a relevé que la violence contre les femmes se manifeste en interaction avec d'autres formes de discriminations à l'égard des femmes. Aussi, a-t-il demandé à la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes dans quelle mesure elle estimait que cette interaction relevait de son mandat. De l'avis de la Rapporteuse spéciale, les ressources sont-elles suffisantes pour éradiquer la violence contre les femmes ? Mme Ertürk pense-t-elle qu'il faut promouvoir l'égalité entre les sexes pour lutter contre la violence à l'encontre des femmes ?

MME LAURA CHAVEZ (Mouvement pour l'abolition de la prostitution et de la pornographie et de toutes formes de violences sexuelles et de discriminations sexistes, MAPP, au nom d'une centaine d'organisations œuvrant pour l'abolition de la prostitution) a félicité la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes d'avoir mis en évidence dans son rapport le rôle des clients et de la demande. Elle a également salué le lien démontré entre la traite et l'exploitation. Elle a encore affirmé comme un principe que la victime ne doit pas avoir à prouver qu'elle a dû subir des relations sexuelles forcées.

MME MARKOVICH (Global Alliance Against Trafficking in Women) a souligné que la criminalisation de la consommation de services sexuels n'a aucun effet sur la traite des femmes, un phénomène tributaire en réalité des conditions socio-économiques dans lesquelles les femmes vivent. La Rapporteuse spéciale, Mme Huda, a-t-elle l'intention de mener des recherches dans toutes les formes de traite des femmes, et donc sur les différentes formes de violence qui leur sont faites, a demandé la représentante.

MME KATERINE MC DONALD (International Educational Development au nom également de Interfaith International) a rappelé que la Rapporteuse spéciale sur la traite de personnes a fait état des poursuites judiciaires dont ont fait l'objet des membres du Falun Gong, victimes de viols, de viols collectifs et de trafic d'organes. Elle a souligné qu'en 2005, le Gouvernement de Singapour a lui aussi engagé des poursuites contre des membres du Falun Gong.

MME YAKIN ERTÜRK, Rapporteuse spéciale sur la violences contre les femmes, a souligné l'utilité de la discussion qui a eu lieu sur les violences contre les femmes et remercié ceux qui ont directement réagi à ses rapports par des remarques particulièrement constructives. Elle a regretté la manière dont la Russie a reçu son rapport, estimant que la volonté de comprendre son rapport de manière erronée ne contribuait pas à améliorer la situation des femmes en Russie; elle a invité, à cet égard, la Russie à discuter avec elle des points qu'elle juge litigieux ou incorrects. Elle a aussi rappelé que les chiffres qu'elle donne s'appuient sur les statistiques officielles; si ces chiffres devaient se révéler incorrects, elle est disposée à les rectifier et à en parler.

Mme Ertürk a par ailleurs présenté ses excuses au Gouvernement de l'Australie pour avoir donné l'impression que la citation, incluse dans le paragraphe 91 de son rapport, lui était imputée.

Le Rapporteuse spéciale a indiqué que son prochain rapport thématique porterait sur le relativisme culturel, un point qui a soulevé l'attention et l'intérêt de plusieurs pays. Se référant à sa recommandation de rendre attentifs à leurs responsabilités d'autres acteurs que les États, elle a expliqué que si la responsabilité de veiller au respect des droits de l'homme incombe certes à l'État, dans le contexte de globalisation actuel, d'autres acteurs entrent en jeu en relation avec les violences contre les femmes et il convient de les prendre en compte. Elle a insisté, encore une fois, sur la nécessité d'agir au niveau de la prévention; la violence contre les femmes fait partie de processus; c'est là qu'il faut agir et ne pas renoncer devant les positions sociétales, a-t-elle dit.

MME SIGMA HUDA, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, a remercié les pays qui l'ont autorisée à leur rendre visite et estimé en particulier que sa mission au Liban a été particulièrement fructueuse. Concernant une question du Costa Rica, Mme Huda a estimé que le contrôle de la criminalité sur l'Internet doit notamment passer par une législation nationale destinée à sanctionner les délinquants. Par ailleurs, la centralisation des efforts des experts des Nations Unies passe par des visites communes, comme elle a pu en faire l'expérience en Thaïlande. La diminution de la demande nationale et l'aide aux victimes sont des sujets qui demandent une réflexion approfondie, a souligné la Rapporteuse spéciale, estimant qu'il pourrait être utile en particulier de revoir les modalités d'extradition et de parvenir à des arrangements avec des États tiers accueillant les personnes convaincues de crimes dans d'autres États.

La Rapporteuse spéciale a aussi remercié les organisations non gouvernementales pour leur collaboration, notamment dans le domaine de la mise é disposition de foyers pour femmes victimes. Mme Huda a estimé que la criminalisation des clients de la prostitution contribue à encourager les victimes à demander une aide sociale et surtout à déposer des plaintes pénales. Des campagnes d'éducation sont dans tous les cas nécessaires. À la question de savoir si la légalisation de la prostitution serait efficace pour éradiquer la traite des femmes, la Rapporteuse spéciale a fait valoir que cela ne serait probablement pas le cas. Elle a enfin précisé qu'elle comptait à l'avenir aborder d'autres problèmes dans ses rapports, comme par exemple celui de la traite des jeunes filles dans le contexte des mariages forcés.
Exercice du droit de réponse

MME FAITH GAN (Singapour) a répondu à l'intervention de l'organisation International Educational Development en rappelant que tout rassemblement ou manifestation dans un lieu public à Singapour doit être préalablement enregistré. À cet égard, il convient de souligner que les lois de Singapour sont les mêmes pour les citoyens et pour les étrangers, qui doivent tous les respecter. Pour les faits auxquels faisait référence l'organisation non gouvernementale susmentionnée, il s'agissait d'une manifestation sous un pont qui entravait la libre circulation des personnes; certains manifestants n'obtempérant pas aux ordres de la police, deux personnes ont été arrêtées et condamnées à l'issue d'un procès équitable.


Présentation des rapports sur la torture, la détention arbitraire et l'indépendance de la justice

M. MANFRED NOWAK, Rapporteur spécial sur la question de la torture et autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants, a constaté que, si la plupart des gouvernements s'accordent pour reconnaître que la torture constitue une des violations des droits de l'homme les plus graves ainsi qu'une attaque directe contre la dignité de la personne humaine, il existe un manque surprenant de sensibilisation des agents responsables de l'application des lois et des politiciens à cet égard. Il est également étonnant que la majorité des États n'aient pas jugé nécessaire de prendre les mesures législatives indispensables et de transmettre à leurs agents responsables de l'application des lois le message selon lequel la torture constitue un crime grave qui ne saurait être justifié en aucune circonstance et qui entraîne des conséquences graves, à savoir des condamnations à de longues peines d'emprisonnement. M. Nowak a souligné que les résultats de la visite qu'il a effectuée en Jordanie au mois de juin dernier illustrent clairement ces propos. Bien que la torture soit définie dans le Code pénal jordanien, cette définition n'est pas conforme à celle énoncée à l'article premier de la Convention contre la torture, la torture ne faisant pas l'objet de peines en rapport avec sa gravité. Mais la Jordanie n'est pas une exception à cet égard, a souligné le Rapporteur spécial, citant l'exemple de son propre pays, l'Autriche, où, pour la première fois, le 31 août dernier, quatre policiers viennois ont été condamnés pour un acte de torture. Or le Code pénal autrichien ne contient toujours pas de délit spécifique de torture, la seule disposition applicable étant alors celle relative au mauvais traitement ou à la négligence contre un prisonnier de la part d'un agent public.

M. Nowak a souligné que l'interdiction absolue de la torture, en particulier dans le contexte des mesures antiterroristes, reste l'une de ses préoccupations. Il a souligné l'importance qu'il y a à rester vigilant contre les pratiques qui sapent le principe de non-refoulement, telles que le recours à des assurances diplomatiques ou autres accords bilatéraux. La pratique de la torture en Ouzbékistan est systématique, comme l'indiquait le rapport de l'ancien Rapporteur spécial sur la torture, M. Theo van Boven, à l'issue de sa visite dans ce pays en 2002, a poursuivi M. Nowak, indiquant qu'il continuait de recevoir des allégations graves de torture imputable aux agents ouzbeks responsables de l'application des lois. M. Nowak a jugé profondément regrettable que le Gouvernement ouzbek ait rejeté une enquête internationale sur les événements d'Andijan. Aussi, face à des preuves si graves et crédibles de torture systématique de la part des agents responsables de l'application des lois en Ouzbékistan, le Rapporteur spécial recommande-t-il aux gouvernements de s'abstenir de transférer des personnes en Ouzbékistan.

Après le 11 septembre 2001 et d'autres attaques terroristes, a poursuivi M. Nowak, un certain nombre de gouvernements ont adopté un point de vue juridique remettant en question l'interdiction absolue des traitements cruels, inhumains ou dégradants. La question de savoir si le recours à la force est légal ou excessif dépend de la proportionnalité de la force appliquée dans une situation particulière, a poursuivi le Rapporteur spécial. L'exercice disproportionné ou excessif des pouvoirs de police équivaut à un traitement cruel, inhumain ou dégradant et est toujours interdit, a souligné M. Nowak. Mais le principe de proportionnalité ne s'applique qu'aux situations dans lesquelles la personne concernée se trouve encore en position d'utiliser la force contre un agent responsable de l'application des lois ou une tierce personne; dès que cette personne est placée sous le contrôle d'un agent et devient impuissante, le principe de proportionnalité cesse de s'appliquer, a fait observer le Rapporteur spécial.

S'agissant de la mission qu'il a effectuée en Géorgie en février 2005, y compris dans les territoires d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, M. Nowak a notamment considéré cette visite comme un modèle et a donc transmis aux autorités géorgiennes sa satisfaction pour l'entière coopération apportée par le Gouvernement de ce pays. «J'ai conclu que la torture persiste en Géorgie, perpétuée par une culture d'impunité», a déclaré M. Nowak. «Dans les territoires d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, j'ai trouvé les conditions de détention particulièrement préoccupantes», a-t-il ajouté. Il a précisé qu'à la suite de sa visite, il avait été informé d'un certain nombre d'évolutions conformes à ses recommandations préliminaires, s'agissant notamment des amendements apportés au Code pénal afin de rendre la définition de la torture conforme à la Convention contre la torture.

En ce qui concerne la Mongolie, où il a entrepris une visite en juin 2005, M. Nowak a notamment indiqué avoir constaté que l'impunité persistait en raison de l'absence d'une définition de la torture conforme à la Convention ainsi qu'en raison d'un manque de mécanismes effectifs pour recevoir les plaintes et enquêter à leur sujet. Le Rapporteur spécial a souligné que l'un de ses plus sérieux sujets de préoccupation reste la situation des prisonniers condamnés à un régime spécial en isolement, en vertu duquel ils purgent des peines de 30 ans d'emprisonnement en situation d'isolement quasiment total, ce qui équivaut à un traitement cruel et inhumain voire à de la torture.

S'agissant de la visite qu'il a effectuée au Népal en septembre 2005, M. Nowak a notamment souligné que le Gouvernement népalais avait pleinement coopéré avec lui durant cette visite. Le Rapporteur spécial a indiqué avoir constaté que la torture était systématiquement pratiquée par les forces de police et par l'armée. En fait, le Rapporteur spécial a indiqué que des agents supérieurs de la police et de l'Armée avaient franchement admis devant lui que la torture était acceptable dans certains cas et était même systématiquement pratiquée. M. Nowak a également indiqué avoir reçu des preuves choquantes de torture et de mutilations pratiquées par des Maoïstes à des fins d'extorsion d'aveux, de punition pour non-coopération et d'intimidation. Le Rapporteur spécial s'est dit profondément préoccupé par le fait que l'impunité pour les actes de torture soit institutionnalisée. Depuis ma visite, a ajouté M. Nowak, j'ai pris note d'un certain nombre d'évolutions positives au Népal, dans le sens d'une plus grande démocratisation et d'une résolution du conflit.

En ce qui concerne la visite qu'il effectuée en Chine à l'automne 2005, y compris à Beijing, à Lhassa et à Urumqi, M. Nowak a déclaré que la pratique de la torture, bien qu'en déclin, en particulier dans les zones urbaines, reste largement répandue dans le pays. Il s'est dit particulièrement préoccupé par la pratique continue de la rééducation forcée de personnes ayant des opinions dissidentes ou non conformistes, dans le but de changer leur personnalité et de briser leur volonté. Du point de vue du Rapporteur spécial, de telles pratiques constituent une forme systématique de traitement inhumain et dégradant et sont incompatibles avec une société moderne basée sur la culture des droits de l'homme, la démocratie et la primauté du droit.

M. Nowak a par ailleurs indiqué qu'il entreprendrait une visite en Fédération de Russie du 9 au 20 octobre prochain, en se concentrant plus particulièrement sur le Nord-Caucase, notamment les républiques de Tchétchénie, d'Ingouchie, d'Ossétie du Nord et de la Kabardino-Balkarie. Le Rapporteur spécial entreprendra en outre une visite au Paraguay en novembre 2006. M. Nowak a précisé que sa visite au Sri Lanka était confirmée pour la fin du mois de janvier 2007. Il a en outre annoncé des invitations à se rendre au Nigéria et au Togo, les visites dans ces deux pays devant respectivement se dérouler en avril et juin 2007. Enfin, suite à une demande de longue date – la première remontant à 1993 – M. Nowak a indiqué avoir reçu une invitation émanant du Gouvernement de l'Indonésie pour une visite en 2007.

Dans son rapport sur la question de la torture et autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants (E/CN.4/2006/6 et Add.1 à 6) le Rapporteur spécial rappelle que les «assurances diplomatiques» ne sont pas juridiquement contraignantes et compromettent le respect par les États de leurs obligations s'agissant d'interdire la torture, qu'elles sont inefficaces et peu fiables pour assurer la protection des personnes envoyées dans un autre pays et que par conséquent les États ne doivent pas y recourir. Le Rapporteur spécial analyse dans son rapport la distinction entre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il conclut que cette distinction est liée principalement à la question de la liberté personnelle. En dehors des situations dans lesquelles l'individu est sous le contrôle total d'un autre, c'est-à-dire en état d'impuissance, le principe de la proportionnalité est une condition préalable pour déterminer si l'interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s'applique. Dans tous les autres cas, et en particulier quand l'individu est soumis à un interrogatoire, aucun critère de la proportionnalité ne peut être appliqué et l'interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est aussi absolue que l'interdiction de la torture.

Le résumé de communications envoyées par le Rapporteur spécial entre le 1er décembre 2004 et le 15 décembre 2005 et les réponses reçues des gouvernements au 31 décembre 2005, ainsi que plusieurs observations spécifiques relatives à des pays déterminés figurent dans l'additif 1 du rapport. L'additif 2 contient un résumé des renseignements adressés par les gouvernements et par les organisations non gouvernementales sur la mise en œuvre des recommandations du Rapporteur spécial à la suite de ses visites dans les pays.

Les additifs 3 à 6 du rapport rendent compte des visites effectuées par le Rapporteur spécial en Géorgie, en Mongolie, au Népal et en Chine.

S'agissant de la Géorgie (Add.3), où il s'est rendu du 19 au 25 février 2005, le Rapporteur spécial conclut que la torture se perpétue dans ce pays, surtout en raison de la culture de l'impunité. Il s'est également rendu en Abkhazie et en Ossétie du Sud, où il a jugé les conditions de détention préoccupantes. S'agissant de l'Abkhazie en particulier, il s'est dit préoccupé par le fait qu'en dépit du moratoire actuel, il est encore possible d'imposer la peine capitale, ainsi que par les conditions de détention dans le couloir de la mort. Aussi recommande-t-il aux autorités d'adopter un certain nombre de mesures visant à prévenir et à éliminer les actes de torture et les autres formes de mauvais traitements. Le Rapporteur spécial met en outre l'accent sur certaines mesures positives prises par le Gouvernement géorgien, telles que la mise en place de mécanismes de contrôle permettant d'inspecter les lieux de détention.

En ce qui concerne la Mongolie (Add.4), où il a séjourné du 6 au 9 juin 2005, le Rapporteur spécial souligne que, malgré des demandes réitérées, il n'a obtenu aucun renseignement sur les questions relatives à la peine de mort et n'a pas pu accéder aux prisonniers du quartier des condamnés à mort, ce qui constitue une violation grave de son mandat pour la visite. Le Rapporteur spécial conclut que la torture est toujours pratiquée en Mongolie, en particulier dans les postes de police et les centres de détention provisoire. En outre, dans deux affaires très récentes, des détenus ont même été torturés à mort. Le Rapporteur spécial a constaté que dans les affaires de torture et de mauvais traitements, l'impunité restait la règle du fait de l'absence, dans le Code pénal, d'une définition de la torture conforme à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de l'absence de mécanismes efficaces permettant de recueillir des allégations de mauvais traitements et de mener des enquêtes et d'une méconnaissance fondamentale, en premier lieu parmi les procureurs, les avocats et les membres du système judiciaire, des normes internationales relatives à l'interdiction de la torture.

S'agissant du Népal (Add.5), où il s'est rendu en mission du 10 au 16 septembre 2005, le Rapporteur spécial conclut que la torture et les mauvais traitements sont pratiqués de manière systématique dans ce pays par la police, la police armée et l'Armée royale népalaise. Ayant entendu à plusieurs reprises de la part de hauts responsables de la police et de l'armée que le recours à la torture était acceptable dans certaines circonstances, le Rapporteur spécial a pris conscience qu'il était urgent que le Gouvernement condamne sans appel la torture et les mauvais traitements. Ces dernières années, le Rapporteur spécial et ses prédécesseurs ont reçu un grand nombre d'informations faisant état d'actes de torture et de mauvais traitements au Népal, la plupart du temps en relation avec le conflit armé impliquant le parti communiste népalais (les Maoïstes). Il a aussi été saisi d'éléments de preuve choquants attestant de la pratique de la torture par les Maoïstes et a reçu nombre d'informations concernant le recrutement forcé de femmes et d'enfants. D'après le Rapporteur spécial, les textes relatifs à la détention provisoire, comme la loi sur la sécurité publique et l'arrêt sur les activités terroristes et déstabilisatrices, confèrent à la police et à l'armée des pouvoirs très étendus qui leur permettent de maintenir des suspects en détention préventive, pendant des mois parfois. En effet, il a reçu un très grand nombre d'informations au sujet de personnes enlevées par les forces de sécurité et détenues au secret dans des lieux inconnus. Le Rapporteur spécial est profondément préoccupé par l'étendue de la culture de l'impunité en ce qui concerne la torture au Népal, et en particulier par le fait que le juge puisse ordonner l'indemnisation des victimes d'actes de torture plutôt qu'imposer des sanctions pénales aux auteurs de ces actes.

En ce qui concerne la Chine (Add.6), où il s'est rendu du 20 novembre au 2 décembre 2005, le Rapporteur spécial estime que la torture, bien qu'en déclin, en particulier dans les zones urbaines, reste une pratique répandue dans ce pays. Il se félicite de la volonté du Gouvernement de reconnaître que la torture est généralisée dans le système de justice pénale comme des divers efforts accomplis aux niveaux central et provincial ces dernières années pour lutter contre la torture et les mauvais traitements. De l'avis du Rapporteur spécial, ces mesures ont contribué à une diminution régulière du nombre d'actes de torture au cours des dernières années. Bon nombre de facteurs contribuent à perpétuer la pratique de la torture en Chine. On peut citer notamment les règles de preuve, qui incitent les agents chargés des interrogatoires à obtenir des aveux sous la torture, la durée excessive de la garde à vue en l'absence de tout contrôle judiciaire des personnes soupçonnées d'infractions pénales, l'absence de culture juridique reposant sur la présomption d'innocence (en particulier l'absence d'un droit effectif de garder le silence) et des droits à la défense et à l'assistance d'un défenseur limités. Si, pour l'essentiel, les conditions de détention semblent généralement satisfaisantes, le Rapporteur spécial a été frappé par la sévérité de la discipline dans les prisons et par la peur et l'autocensure palpables dans ses entretiens avec les détenus. Le système de justice pénale et le fort accent que celui-ci place sur la reconnaissance de la culpabilité, les aveux et la rééducation sont particulièrement inquiétants s'agissant des infractions politiques et du système de détention administrative dit de «rééducation par le travail». La privation de liberté pour sanctionner l'exercice pacifique de la liberté d'expression, de réunion et de religion, conjuguée aux mesures de rééducation par la coercition, l'humiliation et les châtiments pour pousser les détenus à reconnaître leur culpabilité et altérer leur personnalité jusqu'à briser leur volonté, constitue une forme de peine ou traitement inhumain ou dégradant, incompatible avec les valeurs essentielles de toute société démocratique fondée sur une culture des droits de l'homme.

MME LEÏLA ZERROUGUI, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a informé le Conseil que le Groupe de travail a adopté, au cours de l'année 2005, 48 avis concernant 115 personnes vivant dans 30 pays. Il a par ailleurs adressé des communications aux gouvernements et effectué des visites dabs certains pays. À cet égard, le Groupe de travail a continué d'élaborer sa procédure de suivi et cherché à instaurer un dialogue continu avec les pays dans lesquels il s'était rendu et pour lesquels il avait recommandé certains changements des lois internes régissant la détention.

Mme Zerrougui a indiqué que le Groupe de travail avait également abordé la question de la privation de liberté liée à l'utilisation de l'Internet ou résultant de cette utilisation. Elle indique que le Groupe de travail avait conclu qu'en dépit des aspects spécifiques de l'Internet en tant que moyen particulier de communication, les mêmes règles de droit international régissent la liberté d'expression et les conditions dans lesquelles elle peut être soumise à des restrictions légales, que cette liberté soit exercée par la voie de l'Internet ou par d'autres moyens. Relativement à cette question, le Groupe de travail engage les États à prendre dûment en considération les principes définis dans sa délibération et traitant des aspects législatifs ou répressifs de l'utilisation de l'Internet.

La Présidente du Groupe de travail a fait état de la préoccupation du Groupe de travail s'agissant des prisons secrètes ou «sites noirs» qui apparaissent comme totalement contraires aux exigences de protection des droits de l'homme. Cette politique actuelle de détention ne peut conduire qu'à de graves violations des droits de l'homme tout en discréditant la lutte contre le terrorisme, a-t-elle affirmé. Le Groupe de travail a constaté avec préoccupation que ces transferts ont lieu en dehors de toute procédure légale, notamment de déportation ou d'extradition, et ne permettent pas aux intéressés d'entrer en contact avec un conseil ou un organe judiciaire pour contester le transfert. Le Groupe de travail demande instamment aux États de cesser d'administrer des prisons et installations de détention secrètes et, lorsqu'ils coopèrent avec d'autres États dans le cadre de la lutte légitime qu'ils mènent contre le terrorisme, de veiller à ce que les transferts de suspects entre l'État reposent toujours sur des bases juridiques solides.

Mme Zerrougui a aussi exprimé l'inquiétude du Groupe de travail par rapport au recours excessif à l'incarcération et par rapport à la surreprésentation des populations autochtones, des minorités et d'autres groupes vulnérables dans la population carcérale. À cet égard, elle a recommandé aux États de n'épargner aucun effort pour éviter le sur-emprisonnement et pour diminuer la surreprésentation des minorités et d'autres groupes vulnérables dans la population carcérale. Elle a aussi invité les États à prendre en considération les meilleures pratiques existant dans ce domaine et à utiliser à la place de la détention d'autres méthodes qui ont prouvé leur efficacité.

La Présidente du Groupe de travail a ensuite rendu compte de ses visites au Canada et en Afrique du Sud.

Au Canada, le Groupe de travail a été impressionné par plusieurs novatrices telles que le Programme de surveillance et de vérification de la liberté sous caution à Toronto, la création de tribunaux spécialisés pour juguler la présence disproportionnée des autochtones dans les établissements pénitentiaires et éviter la privation de libertés aux personnes drogués ou malades mentales. En revanche, elle a exprimé l'inquiétude du Groupe de travail par rapport à plusieurs dispositions de la législation régissant la détention des demandeurs d'asile et des migrants et par certains aspects d'ordre pratique qui font qu'il soit très difficile de contester la légalité de la détention.

La deuxième visite du Groupe a eu lieu en Afrique du Sud et constituait la première mission du Groupe sur le continent africain. La Présidente-Rapporteuse a fait état de l'évolution remarquable qui est intervenue en Afrique du Sud au cours des 15 dernières années. La protection des droits de l'homme et en particulier des droits des personnes privées de liberté est bien encrée dans la Constitution et que les institutions de contrôle jouent un rôle efficace dans le processus de transition d'un régime raciste autoritaire à une démocratie mature, soucieuse du respect des droits de l'homme. Elle a indiqué que la transformation du système pénitentiaire était désormais axée sur la réadaptation et la réinsertion. Toutefois, elle a relevé le taux particulièrement élevé d'incarcérations, attribué en partie à la sévérité des peines imposées par les tribunaux, et conduisant à une surpopulation qui affecte tous les détenus, y compris les mineurs. Elle a aussi indiqué que les conditions de détention des prévenus dans les locaux de police étaient bien pires que celles des condamnés. Elle a aussi fait mention de la violence policière, notamment à l'égard des étrangers et des requérants d'asile. Sur la base de ces observations, le Groupe de travail a notamment invité le gouvernement sud-africain à limiter le recours à la détention provisoire, à mettre ne place un système séparé de justice pour les mineurs et à adopter des mesures appropriées pour que les étrangers privés de liberté soient traités conformément à la loi.

Le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire (E/CN.4/2006/7) traite des activités du Groupe de travail en 2005, et particulièrement celles relatives au traitement des communications adressées aux gouvernements et au suivi de ses missions dans des pays. Le Groupe de travail a, en effet, continué d'élaborer sa procédure de suivi et cherché à instaurer un dialogue continu avec les pays dans lesquels il s'était rendu et pour lesquels il avait recommandé certains changements des lois internes régissant la détention.

Le rapport aborde également la question de la compétence du Groupe de travail pour les cas de détention liés à un conflit armé et pour certaines questions préoccupantes, telles que le suremprisonnement et l'utilisation de prisons secrètes dans le cadre de la prétendue «guerre mondiale contre la terreur». Le Groupe de travail juge, en effet, préoccupante l'utilisation de prisons secrètes ou «sites noirs» qui apparaît comme une inobservation totale des protections des droits de l'homme. En ce qui concerne la question du suremprisonnement, le rapport énonce que nul ne peut être privé de sa liberté en violation de la loi ou pour avoir exercé un droit fondamental mais aussi, en tout premier lieu, que les États ne devraient avoir recours à la privation de liberté que dans la mesure où cela est nécessaire pour répondre à un besoin sociétal urgent et ce, de façon proportionnée.

Le Groupe de travail signale par ailleurs qu'en dépit des aspects spécifiques de l'Internet en tant que moyen particulier de communication, les mêmes règles de droit international régissent la liberté d'expression et les conditions dans lesquelles elle peut être soumise à des restrictions légales, que cette liberté soit exercée par la voie de l'Internet ou par d'autres moyens.

Dans ses recommandations, le Groupe de travail engage les États à prendre dûment en considération les principes définis dans sa délibération no 8 lorsqu'ils traitent des aspects législatifs ou répressifs de l'utilisation de l'Internet. Il demande instamment aux États de cesser d'administrer des prisons secrètes. Le Groupe de travail demande en outre instamment aux États de faire des efforts pour éviter le suremprisonnement et diminuer la surreprésentation des groupes vulnérables dans la population carcérale. Enfin, le Groupe de travail invite les États à garantir l'application effective du droit de contester la légalité de la détention de tout national étranger en vertu des lois sur l'immigration.

L'additif 1 (E/CN.4/2006/7/Add.1) au rapport présente les avis du Groupe de travail suite à l'examen, en 2005, de la situation de 115 personnes vivant dans 30 pays. Dans 30 cas, il a estimé que la privation de liberté avait été arbitraire.

S'agissant de sa mission au Canada (Add.2), le Groupe de travail est vivement préoccupé par le système de certificats de sécurité qui autorise les pouvoirs publics à détenir des étrangers pendant des années lorsqu'ils sont soupçonnés de constituer un danger pour la sécurité sans avoir à les inculper. Le contrôle judiciaire de la détention se fait à des intervalles de temps excessivement longs et n'aborde pas quant au fond la légalité du maintien en détention. L'aptitude du détenu à contester la détention est sévèrement restreinte par le fait qu'il ne reçoit qu'un résumé très superficiel des motifs de sa détention. Le Groupe de travail adresse en outre des recommandations au Gouvernement en ce qui concerne le nombre disproportionné d'autochtones dans les prisons, le recours excessif à la détention avant jugement dans le cas des accusés appartenant à des groupes sociaux vulnérables et les besoins non satisfaits d'aide judiciaire. Pour ce qui est de la détention dans le contexte de l'immigration, le Groupe de travail recommande quelques changements d'ordre législatif et pratique. Enfin, le Groupe de travail recommande que les personnes soupçonnées de terrorisme soient détenues non pas dans le contexte de l'immigration mais dans le cadre d'une procédure pénale assortie de toutes les garanties requises. Il recommande aussi au Gouvernement de poursuivre et de renforcer les politiques visant à remédier à la surreprésentation des autochtones et des personnes appartenant aux groupes sociaux vulnérables et marginalisés, dans la population carcérale.

En ce qui concerne l'Afrique du Sud (Add.3) le Groupe de travail demande au Gouvernement de prévoir des mesures substitutives à la privation de liberté, de réduire la durée de la détention provisoire, d'éviter d'incarcérer dans des locaux de la police des personnes en attente de jugement. Il l'encourage à poursuivre les réformes engagées pour améliorer le traitement des jeunes délinquants et pour mettre en place un système de justice spécial pour les mineurs. Le Groupe de travail invite par ailleurs le Gouvernement à prendre les mesures appropriées pour que les étrangers en situation irrégulière disposent d'un recours utile pour contester leur mise en détention et puissent exercer ainsi tous les droits garantis par la Constitution.

M. LEANDRO DESPOUY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a indiqué que l'essentiel de ses activités au cours de l'année écoulée ont porté sur le droit à la vérité et aux menaces et pressions contre les avocats. Le droit à la vérité sur les violations graves des droits de l'homme est un droit fondamental qui a acquis une dimension indépendante au plan international. Il s'agit davantage que du simple droit à la justice et implique la possibilité pour les victimes de réclamer et recevoir une réparation. Les Commissions «vérité et réconciliation» jouent à cet égard un rôle très important, a rappelé M. Despouy. La problématique de la justice en période de transition est présente dans le rapport de cette année, a dit M. Despouy, estimant que les premières urgences des États sortant de conflits sont de lutter contre l'impunité et de sanctionner les coupables de violations de droit humanitaire. Cependant il faut dans ce contexte assainir et renforcer le pouvoir judiciaire, afin que ces mesures aient une légitimité certaine. De nombreuses bonnes pratiques existent désormais au plan international pour guider les États dans cette étape délicate, a fait valoir le Rapporteur spécial, bonnes pratiques qui sont actuellement systématiquement recensées.

Concernant la situation en Iraq, le Rapporteur spécial a estimé que le Tribunal pénal spécial chargé de juger Saddam Hussein est d'une légitimité et d'une portée limitées. M. Despouy s'est aussi dit inquiet de la restauration de la peine de mort en Iraq. M. Despouy s'est dit par ailleurs très préoccupé par les jugements de civils par des tribunaux militaires, en Amérique latine, en Asie et en Afrique de l'Est. Le Conseil des droits de l'homme doit œuvrer pour que chacun puisse bénéficier en toute circonstance d'un jugement équitable. Concernant sa visite au Tadjikistan et au Kirghizistan, le Rapporteur spécial a relevé que toutes les anciennes républiques soviétiques connaissaient des difficultés dans le recrutement et le licenciement du personnel juridique. La figure du procureur général est proéminente dans ces systèmes, parfois supérieure à celle des juges. Les avocats ne sont dans ces conditions pas en mesure d'assurer leur mission avec l'indépendance requise, a déploré M. Despouy, c'est pourquoi ce système devrait être réformé. En ce qui concerne l'Équateur, où il a aussi fait une visite, le Rapporteur spécial a espéré en particulier que le processus d'élection de la nouvelle Cour suprême pourra se faire en collaboration avec les Nations Unies.

Le rapport sur l'indépendance des juges et des avocats (E/CN.4/2006/52) porte son attention sur les questions liées à l'administration de la justice et au droit à la vérité, au pouvoir judiciaire et à la justice en période de transition et au Tribunal spécial iraquien. Il aborde le droit à la vérité en tant que droit autonome et en tant que moyen de réalisation du droit à l'information, à l'identité, à la possibilité de faire son deuil et en particulier du droit à la justice; il évoque également sa dimension individuelle et collective et analyse les différents acteurs et procédures à même d'assurer sa réalisation. En ce sens, il traite de la question de la qualité pour agir en justice en vue de la mise en œuvre de ce droit, ainsi que de l'interaction entre les tribunaux et les commissions de la vérité. Enfin, il passe en revue les expériences de certains pays (Argentine, Chili, Espagne et Timor-Leste, entre autres) afin d'en dégager les traits communs et d'en tirer un certain nombre d'enseignements.

Concernant la justice en période de transition, le Rapporteur spécial dresse une liste non exhaustive des différentes catégories de situations les plus fréquentes à l'heure actuelle. Le rôle central de la justice en tant que colonne vertébrale du processus de construction ou de reconstruction institutionnelle d'un pays y est mis en évidence. Il en ressort surtout la nécessité de respecter les Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature dans l'application des mesures prises dans le cadre d'un processus de réforme judiciaire.

Le Rapporteur spécial a analysé le Tribunal spécial iraquien, qui lui inspire une préoccupation particulière et il réitère ses réserves concernant sa légitimité, les limites de sa compétence personnelle et temporelle, ainsi que la violation de principes et normes internationales de protection des droits de l'homme. Il lui paraît souhaitable, au vu des irrégularités notoires du procès à ce jour, qu'il se déroule devant un tribunal international bénéficiant de la coopération de l'Organisation des Nations Unies. Les conclusions et recommandations mettent en lumière le poids croissant du droit à la vérité et de la justice de transition. La communauté internationale est invitée à jouer un rôle fondamental tant pour la réalisation du droit à la vérité que pour la mise en route des activités de coopération requises en période de transition. La justice, dans ce contexte, n'est pas seulement l'objectif à atteindre pour l'instauration de l'état de droit, mais aussi le moyen de consolider la stabilité institutionnelle. Le rapport informe par ailleurs des communications formulées aux Gouvernements et des réponses qui ont été reçues (Add.1).

S'agissant des missions qu'il a effectuées en Équateur (Add.2), en rapport avec la crise judiciaire et institutionnelle qu'a connue ce pays, le Rapporteur spécial indique que les institutions équatoriennes ont créé un comité de qualification qui a procédé à la sélection des nouveaux juges de la Cour suprême de justice de manière transparente, sous le contrôle des citoyens et la supervision d'organismes internationaux et nationaux, avec la participation de magistrats d'autres pays de la région. Il convient également de souligner l'importance de l'observation internationale assurée par les Nations Unies au cours de ce processus qui, par son caractère inédit, représente une véritable innovation en ce qui concerne les activités de l'Organisation dans ce domaine. Le Rapporteur recommande de faire de toute urgence la mise en œuvre de réformes dans le domaine de la justice, notamment par l'adoption d'une nouvelle loi organique relative à l'ordre judiciaire et d'une loi tendant à réglementer et garantir la carrière judiciaire, la réalisation concrète du principe d'unité juridictionnelle et la mise en place d'une aide juridique efficace. De même, le Rapporteur spécial recommande que la priorité soit donnée à la création du Tribunal constitutionnel et à la normalisation du Tribunal suprême électoral ainsi qu'à la nomination du Contrôleur général et du Ministro Fiscal General.

S'agissant de s amission au Kirghizistan (Add.3), effectuée en 2005, le Rapporteur spécial reconnaît que le Gouvernement kirghize s'est efforcé d'améliorer l'indépendance des juges et des avocats au cours des dernières années. Un certain nombre de problèmes continuent néanmoins d'entraver leur indépendance et l'institution judiciaire n'est pas encore entièrement indépendante et à même d'exercer son rôle fondamental qui est d'administrer la justice en toute équité et en toute indépendance, et de sauvegarder et de protéger les droits de l'homme. Les procédures qui régissent la nomination des juges, la durée et la reconduction de leur mandat et leur révocation, les empêchent d'exercer leur charge en toute indépendance. De plus, la corruption est toujours très répandue chez les magistrats, ce à quoi la médiocrité des salaires n'est pas étrangère. Le barreau aurait la capacité de jouer un rôle fondamental dans la protection des droits de l'homme, mais son action est entravée par le fait que l'organe exécutif garde la haute main sur la nomination des membres et contrôle les procédures disciplinaires, ainsi que par d'autres obstacles qui s'opposent en droit et en fait à l'application effective du principe de l'égalité des armes. La réforme de la législation doit être accompagnée de la volonté politique de veiller à ce que les textes relatifs à l'indépendance des juges et des avocats soient pleinement mis en application. Il a formulé un certain nombre de recommandations à cet effet. Le Rapporteur spécial espère que ces recommandations répondront aux aspirations de tous ceux qui s'efforcent de promouvoir un système qui permettra aux juges et aux avocats de jouer en toute indépendance le rôle fondamental qui est le leur, à savoir protéger et sauvegarder les droits de l'homme.

En ce qui concerne sa mission au Tadjikistan (Add.4), M. Despouy indique que, suite à l'indépendance du pays, et en particulier après la guerre civile, le Tadjikistan a entrepris une série de réformes, parmi lesquelles l'introduction d'un moratoire sur la peine de mort, l'adoption d'un nouveau Code civil et d'un nouveau Code pénal, l'allongement du mandat des juges et la ratification de tous les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Tout en soulignant l'importance de ces réformes, le Rapporteur spécial se dit préoccupé par le rôle et les pouvoirs que la loi constitutionnelle sur le ministère public a récemment confiés au procureur, ce qu'il considère être un «retour en arrière». Il tient à souligner que le rôle dominant dont est investi le procureur constitue un obstacle majeur à l'efficacité et à l'indépendance que la réforme entend conférer au pouvoir judiciaire. En outre, cette prépondérance va à l'encontre du principe de l'égalité des armes en matière judiciaire. De plus, l'indépendance du Conseil de la magistrature a encore besoin d'être renforcée et il conviendrait d'apporter des changements à la procédure de nomination des juges. La corruption de ces derniers demeure l'une des principales sources de préoccupation et un réel problème auquel il faut s'attaquer d'urgence et avec détermination. Le Rapporteur spécial est convaincu que, bien que critique à certains égards, le rapport propose des conclusions et recommandations qui seront utiles au Tadjikistan dans le cadre de sa réforme visant à éliminer les principaux obstacles à l'indépendance de sa magistrature.

Interventions de pays concernés

M. SHA ZUKANG (Chine) a souligné que le Gouvernement chinois accorde une grande importance aux procédures spéciales pour la promotion et la protection des droits de l'homme. En novembre 2005, le Rapporteur spécial sur la question de la torture, M. Manfred Nowak s'est rendu en Chine et le Gouvernement chinois a fait tout ce qui était en son pouvoir pour lui faciliter sa mission, a-t-il fait valoir. Comme le reconnaît M. Nowak, la complexité du pays et sa taille font qu'il est difficile de saisir la réalité complexe de la Chine en deux semaines, a souligné le représentant chinois. Or, nombre de parties du rapport de M. Nowak se fondent sur des allégations non étayées. En outre, le rapport ne saisit pas de manière précise certains concepts associés aux lois et aux décrets en Chine. De plus, le rapport prétend que la torture serait communément pratiquée en Chine; de telles allégations sont inexactes, a assuré le représentant chinois. En réalité, a-t-il déclaré, si des actes de torture se produisent en Chine, ils ne relèvent que de cas isolés et la tendance en la matière est indiscutablement à la baisse. Le représentant a indiqué que le Gouvernement était en train de prendre des mesures afin de mettre en œuvre les recommandations du rapport de M. Nowak qui sont valables et peuvent être appliquées.

M. LEVAN MIKCLADZE (Géorgie), s'adressant au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a mentionné diverses mesures contribuant à mieux tenir compte des droits des personnes détenues en Géorgie. Il a notamment cité à cet égard une amélioration des conditions de détention préventive, la création de locaux modernes, la promulgation de directives particulières en faveur des détenus et l'introduction croissante d'alternatives à la détention. En ce qui concerne la prévention de la torture, il a réitéré l'engagement de son pays à respecter les dispositions internationales existantes. Il a relevé des mesures notables avaient été prises au niveau du pouvoir judiciaire. Un département de la protection a été créé, un système d'inspection assure la discipline interne, un code de déontologie à l'intention des policiers a été diffusé, qui tient compte des dispositions et normes internationales, a-t-il ajouté. Il a aussi indiqué que le Gouvernement faisait en sorte de respecter ses obligations, dans la mesure des possibilités imposées par la situation, en Ossétie du Nord et en Abkhazie.
M. MOUSA BURAYZAT (Jordanie) a fait état de réformes entreprises dans la branche exécutive du pouvoir politique jordanien, réformes visant à un renforcement de la lutte contre la torture. Les conclusions, qu'elles soient positives ou sévères, contenues dans le rapport de M. Nowak seront considérées avec le plus grand sérieux par le Gouvernement de la Jordanie, a dit son représentant. Ce dernier s'est dit étonné de la remarque tendant à faire de la Jordanie un mauvais exemple en matière de sensibilisation au problème de la torture. En effet, le code pénal jordanien donne une conception particulièrement avancée de la notion de torture; il est néanmoins probable que, suite aux commentaires du Rapporteur spécial, le code sera adapté dans le sens d'une meilleure cohérence avec la formulation de la Convention internationale sur la torture. Le représentant a expliqué par ailleurs que les personnes convaincues d'actes de torture sont passibles d'un minimum de trois ans de prison, la peine pouvant être beaucoup plus élevée si les victimes de ces actes souffrent des séquelles à long terme. Le Gouvernement de la Jordanie s'est en tout état de cause engagé à coopérer pleinement avec le Conseil des droits de l'homme en général et avec M. Nowak en particulier, a assuré le représentant.

M. GYAN CHANDRA ACHARYA (Népal) a souligné que la visite que le Rapporteur spécial sur la question de la torture, M. Manfred Nowak, a effectué l'an dernier au Népal témoigne de l'engagement du pays à poursuivre son dialogue avec les procédures spéciales des Nations Unies. Comme l'a reconnu le Rapporteur spécial lui-même, il a reçu durant sa visite l'entière coopération des autorités népalaises. La torture n'est pas acceptée par le Gouvernement népalais pas plus que par la police ou par d'autres autorités. Les questions abordées devant le Conseil aujourd'hui font partie des priorités des autorités népalaises, a souligné le représentant. La question de la torture est liée au conflit dans le pays, a-t-il déclaré; aussi, le Népal est-il convaincu que grâce au processus de paix en cours, une solution pourra être apportée à ce problème. Du point de vue des autorités népalaises, la torture constitue un délit grave; aussi, des mesures vont-elles être prises pour enquêter sur toute plainte pour torture. Le Gouvernement népalais prend acte des recommandations énoncées par M. Nowak à l'issue de sa visite dans le pays, a ajouté le représentant.

MME GWYNETH KUTZ (Canada) a indiqué que, lors de sa visite dans son pays, le Groupe de travail sur la détention arbitraire avait visité des lieux de détention dans plusieurs villes et eu des contacts, tant avec les instances politiques et judiciaires qu'avec les détenus, leurs familles et les organisations non gouvernementales œuvrant sur le thème de la détention. Relativement à la représentation des communautés autochtones dans la population carcérale, elle a indiqué que le Canada se préoccupait vivement de cette question et encourageait ces communautés à participer à des modèles de correction communautaires. Sur le système de certificats de sécurité, la représentante canadienne a indiqué que ceux-ci pourraient être réexaminés. Relativement à la détention et à l'expulsion de personnes étrangères, elle a précisé que le Canada ne recourrait à ces mesures que lorsqu'il estimait que les personnes représentaient une menace pour la sécurité publique

MME GLAUDINE MTSHALI (Afrique du Sud) s'est félicitée que les recommandations du Groupe de travail sont constructives et conformes à son mandat. Elle s'est aussi dite satisfaite que le Groupe ait su reconnaître les problèmes que connaît l'administration de la justice en Afrique. Dans le cas de l'Afrique du Sud en particulier, la récente accession à la démocratie est un problème qui se complique d'une difficulté linguistique, l'existence de onze langues officielles compliquant la vie des justiciables. Des retards dans les procédures sont à déplorer et, par conséquent, un allongement de la durée des détentions préventives. La représentante a fait remarquer que son pays était devenu une destination pour les immigrants en situation irrégulière, une situation à laquelle le Gouvernement tente actuellement de s'adapter en révisant son système et ses procédures.

M. GALO LARENAS SERRANO (Équateur) a souligné, eu égard au contexte politique et social de l'Équateur, qu'il est clair que le pays fait face à une crise dans son système judiciaire, ce qui l'a poussé à engager un certain nombre de réformes. Il convient à cet égard de souligner le rôle joué tant par les Nations Unies que le système interaméricain ou encore le système des communautés andines ainsi que l'Union européenne. L'Équateur s'engage à collaborer avec ces instances, a souligné le représentant. Il a notamment fait état des nouvelles mesures prises s'agissant du mécanisme de désignation des juges et du Procureur général de la République ou encore de la restructuration du Tribunal suprême électoral.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a regretté que le Rapporteur spécial sur la torture mentionne dans son rapport, sans tenir compte de la réponse du Gouvernement algérien qui lui était parvenue au préalable, un incident ayant eu lieu à Constantine et ayant donné lieu à un appel urgent, alors qu'il s'agissait, en réalité, d'un cas de détention provisoire de manifestants, suivie d'une libération immédiate. En conséquence, il a observé qu'il était nécessaire de déterminer la gravité des plaintes justifiant la saisine du Rapporteur spécial sans épuisement préalable des procédures de recours nationales. D'autre part, il a relevé la nécessité d'éviter des abus dans le recours aux appels urgents pour court-circuiter les procédures usuelles.

Débat interactif

M. SERGIO CERDA (Argentine) a estimé très importantes les conclusions de M. Despouy relatives au rôle que sont appelées à jouer les commissions «vérité et réconciliation». En matière de droit à la vérité, le représentant a fait savoir que son pays prenait bonne note des quatre mesures mises en place par les institutions des Nations Unies, au niveau en particulier du Conseil des droits de l'homme. Le représentant de l'Argentine a par ailleurs fait valoir que son pays est partie à la Convention internationale contre la torture.

M. SAMIR LABIDI (Tunisie) a souligné que les questions relatives à l'administration de la justice sont essentielles pour la protection des droits de l'homme. Il a rappelé que la législation pénale tunisienne a été modifiée pour écourter la durée de la garde à vue. Il a également fait part des mesures prises en matière de contrôle de l'exécution des jugements et d'introduction du double degré de juridiction criminelle. La justice prévoit des sanctions contre les fonctionnaires qui, dans l'exercice de leurs fonctions, attentent à l'intégrité physique d'autrui. Selon les statistiques, entre 2000 et 2005, 104 fonctionnaires ont été condamnés, a-t-il précisé.

M. WARREN W. TICHENOR (États-Unis) a relevé que Rapporteur spécial contre la torture reconnaît que la sécurité pouvait parfois prévaloir sur la liberté et que la lutte contre la torture était un objectif louable. Notant que la mauvaise utilisation des assurances diplomatiques est un problème, le représentant des États-Unis a relevé que cette procédure ne pouvait être utilisée que dans certaines situations spécifiques et appropriées. Le Groupe de travail estime qu'un droit de réponse s'agissant d'allégations de violations doit être laissé à l'État, a-t-il relevé; ce principe doit pouvoir s'appliquer aux États-Unis dans certaines occasions. Il a par ailleurs indiqué que le 6 septembre, le Président Bush avait annoncé le transfert de 6 détenus soupçonnés d'entretenir des liens avec Al-Qaïda, à Guantánamo et que le Comité international de la Croix-rouge serait autorisé à s'entretenir avec eux. Il a, par ailleurs, exprimé son appréciation pour le rapport sur l'indépendance des juges et des avocats et indiqué qu'il répondrait aux questions soulevées concernant les détenus de Guantanamo demain, lorsque le Conseil examinera le rapport qui sera présenté sur la question.

M. RICARDO GONZALEZ (Uruguay) s'est dit d'accord avec M. Nowak pour regretter qu'en dépit des efforts de la communauté internationale, la torture continue d'être appliquée aux quatre coins du monde. L'impunité dans ce domaine doit absolument être combattue, a souligné le représentant, appelant les États à contribuer, tous, à l'éradication de ce phénomène. Le représentant a demandé à M. Nowak comment il imaginait que le Haut-commissariat pourrait être renforcé dans sa mission d'aide aux États dans ce domaine particulier. Le représentant s'est par ailleurs félicité de ce que le Rapporteur spécial sur l'indépendance de la justice, M. Leandro Despouy, se soit référé de manière détaillée au droit à la vérité, auquel l'Uruguay attache la plus grande importance, compte tenu du rôle central qu'il joue dans le processus de réparation due aux victimes de la dictature. La Convention sur les disparitions forcées ou involontaires est une avancée importante dans ce domaine, a-t-il ajouté. Le représentant uruguayen a demandé à M. Despouy comment il comptait aborder, dans ses prochains rapports, la question délicate de l'administration de la justice des mineurs.

M. BADRIDDIN OBIDOV (Ouzbékistan) a commenté le rapport présenté par le Rapporteur spécial sur la question de la torture, M. Manfred Nowak, en soulignant que son pays menait une lutte constante contre toute violation des droits de l'homme, y compris la torture. En témoignent les instruments internationaux ratifié par le pays ainsi que sa législation interne, a-t-il dit. Le représentant ouzbek a rappelé que son pays avait indiqué en son temps ne pas être d'accord avec la conclusion à laquelle était parvenu le précédent Rapporteur spécial sur la torture, M. Théo van Boven, concernant le caractère prétendument systématique de la torture en Ouzbékistan. Il n'en demeure pas moins que l'Ouzbékistan a pris des mesures concrètes afin de renforcer la prévention de la torture et de lutter contre les actes de torture, a souligné le représentant. Il est étonnant que le Rapporteur spécial ne mentionne pas ces mesures, a-t-il observé.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé au Rapporteur spécial sur la torture quelle influence aura l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à la Convention internationale contre la torture sur son travail. Par ailleurs, constatant des tendances qui pourraient compromettre sérieusement la lutte contre la torture, surtout dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, le représentant suisse a dit partager le souci de Rapporteur spécial au sujet des «assurances diplomatiques», qui ne présentent pas de garantie contre la torture et sont susceptibles de porter atteinte au principe de non refoulement. Comment le Rapporteur spécial envisage-t-il de contrôler les pratiques qui contournent l'interdiction absolue de la torture, telles que le recours à ces assurances diplomatiques, et comment un tel contrôle pourrait-il être mis en œuvre, a demandé le représentant de la Suisse?

M. LASSE KEISALO (Finlande, au nom de l'Union européenne) a noté les réactions négatives de certains pays à l'égard du rapport du Rapporteur spécial sur la torture, mentionnant notamment le cas de l'Ouzbékistan, qui a nie les constatations du Rapporteur. Par ailleurs, il a demandé quelles mesures le Rapporteur préconisait pour favoriser une meilleure collaboration entre les gouvernements, la communauté internationale et les acteurs non-étatiques concernés.

À la Présidente du Groupe de travail sur la détention arbitraire, Mme Leïla Zerrougui, il a demandé si elle envisageait d'aborder la question des procédures en matière de politiques migratoires en relation avec les détentions arbitraires.

M. Keisalo a encore demandé au Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats de se prononcer sur les procédures judiciaires engagées par des juges contre des journalistes en Iran.

M. PATRICIO UTRERAS (Chili) a souscrit au lien qu'établit le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Leandro Despouy, entre droit à la vérité et droit à la justice ainsi qu'à l'affirmation selon laquelle le droit à réparation ne peut être assuré sans ce concept vital de droit à la vérité. Il apparaît que vérité, justice et réparation sont des composantes essentielles d'une société démocratique, a ajouté le représentant. Le Chili souhaiterait qu'à l'avenir, le Rapporteur spécial se penche sur la question de l'administration de la justice dans le contexte des situations d'urgence.

M. GUSTI AGUNG WESAKA PUJA (Indonésie) a fait observer que les rapports des trois experts de cet après-midi démontrent les liens qui peuvent être établis entre différents aspects des droits de l'homme. Cela dit, il a recommandé que les Rapporteurs spéciaux et autres experts veillent à rester dans les limites de leurs mandats respectifs. En tant que partie à la Convention contre la torture, l'Indonésie a présenté son rapport au Comité contre la torture et a adressé une invitation le Rapporteur spécial à se rendre dans le pays en 2007. Il a souligné que les visites des rapporteurs spéciaux doivent constituer une occasion de définir les meilleures mesures à mettre en œuvre pour mener à bien et renforcer la protection des droits de l'homme dans le pays.

M. CLODOALDO HUGUENEY (Brésil) a souligné que depuis la visite que le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats avait effectuée au Brésil en octobre 2004, la coopération avec ce Rapporteur n'a cessé de croître. Fin 2004, un amendement constitutionnel traitant de la réforme du judiciaire a été approuvé. Le Conseil national de la justice a ainsi été créé. Cet amendement constitutionnel prévoit aussi que certains traités internationaux relatifs aux droits de l'homme puissent être intégrés au droit interne avec un statut juridique équivalent à celui de l'amendement apporté à la Constitution. A en outre été introduite la possibilité de porter devant la Cour suprême certaines violations des droits de l'homme qui relevaient auparavant des états composant le système fédéral brésilien.

MME MARIE LOUISE OVERVAD (Danemark) a demandé à M. Nowak s'il estimait utile que la communauté internationale développe des définitions des concepts de «torture», «traitements inhumains» et «dégradants» dans le sens d'une plus grande clarté.

MME FOVOUZADEH VADIATI (Iran) a demandé à la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire si elle prévoyait d'étudier de manière détaillée les transferts secrets de prisonniers sur le territoire européen? Quelles informations les États européens ont-ils données à ce propos au Groupe de travail, a aussi demandé la représentante?

MME HILDA HILL (Nouvelle-Zélande) a rappelé que son pays avait lancé une invitation permanente aux procédures spéciales des Nations Unies. Il est positif que le Rapporteur spécial sur la torture ait reçu une invitation, attendue de longue date, de la part de l'Indonésie. Il faut toutefois espérer qu'il recevra des invitations similaires de la part de pays dont on attend depuis longtemps qu'ils adressent de telles invitations.

M. ANDREI MOLCHAN (Bélarus) a souligné que son pays accordait une grande importance à la coopération avec les procédures spéciales des Nations Unies. Le Bélarus a pris des mesures afin de donner suite aux recommandations du Groupe de travail sur la détention arbitraire. Il a notamment élaboré un code pour l'administration de la justice et le statut des tribunaux et poursuit le perfectionnement du Code de procédure pénale. A en outre été décrétée l'inadmissibilité des aveux obtenus en transgression du droit constitutionnel et de la législation interne.

MME FATOUMATA DIALL (Mali) a déclaré que les hommes et femmes de loi doivent être d'une moralité à toute épreuve et bénéficier d'une formation adéquate. La communauté internationale doit aider les États à former ce personnel judiciaire indispensable. Au niveau procédural, la représentante a fait valoir que la présence d'un avocat conseil à l'étape préliminaire permettrait d'assurer un bon déroulement des procédures juridiques dès le départ. Cette lacune, comme beaucoup d'autres du même ordre, sont liées à un manque de moyens matériels, qui pourraient être limités par l'aide internationale.
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1Déclaration conjointe: Comité Inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique, Mouvement international pour l'union fraternelle entre les races et les peuples, Association des femmes du pacifique et de l'asie du sud-est, Women's Association International, Mouvement mondial des mères, Alliance internationale des femmes, et la Fondation sommet mondial des femmes.


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