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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ADOPTE
UNE RÉSOLUTION SUR LA SITUATION DANS
LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ

Arrière

27 Mars 2007

Conseil des droits de l'homme
APRES-MIDI (15 heures - 18 heures)

27 mars 2007


Il examine des rapports sur les exécutions extrajudiciaires, le racisme et les personnes d'ascendance africaine


Le Conseil des droits de l'homme a adopté cet après-midi par consensus une résolution portant sur la situation des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé, demandant que soient appliquées les résolutions adoptées lors de ses première et troisième sessions extraordinaires, notamment les paragraphes prévoyant l'envoi de missions d'enquête urgentes. Le Conseil a d'autre part adopté une résolution sur un projet de manuel des procédures spéciales. Le Conseil a aussi entamé l'examen de rapports sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance qui y est associée, sur les personnes d'ascendance africaine, et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

L'Allemagne (au nom de l'Union européenne), Israël, la Palestine, les Pays-Bas et le Canada ont fait des déclarations à propos de la résolution portant sur la situation des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé qui a été présentée par le Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique et du Groupe arabe). L'Allemagne (au nom de l'Union européenne) et le Canada ont fait des déclarations au sujet de la seconde résolution qui concerne les travaux du Groupe de travail intergouvernemental chargé du réexamen des mandats et qui a été présentée par l'Algérie.

M. Philip Alston, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, présentant son rapport annuel, a notamment observé que le problème de la peine de mort continue de diviser les États. Il ne faut pas, dans ce contexte, oublier qu'il existe un point de convergence voire un consensus en ce qui concerne les conditions d'application de cette peine. À cet égard, le mandat du Rapporteur spécial est d'engager les États à un dialogue autour de l'application effective des normes internationales. Il a indiqué qu'il avait formulé des demandes de visites en Inde, au Kenya, au Pakistan, en Russie, en Thaïlande aux États-Unis. Concernant l'Iran, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il avait reçu des informations dignes de foi qui donnent toutes les raisons de croire que le système judiciaire iranien ignore délibérément l'interdiction de la peine de mort pour les jeunes de moins de 18 ans et a demandé au Conseil de se saisir de cette situation. Il a en outre rendu compte des missions qu'il a effectuées au Guatemala et aux Philippines. Le Guatemala et les Philippines ont fait des déclarations à titre de pays concernés.

M. Doudou Diène, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a indiqué que la recrudescence des phénomènes et des manifestations de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie à travers le monde constitue aujourd'hui la plus grande menace contre la démocratie et le «vivre-ensemble» des sociétés actuelles. Pour M. Diène, la défense de l'identité et de la sécurité nationales se traduisent par une crispation identitaire et le refus du multiculturalisme ethnique, culturel et religieux. Le Rapporteur spécial a rendu compte des visites qu'il a effectuées en Suisse et en Italie. Ces deux pays ont fait des déclarations après la présentation du rapport.

M. Peter Kasanda, Président-Rapporteur du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a rappelé que les recommandations du Groupe de travail visent à aider les États à éliminer le profilage racial qui affecte les personnes d'ascendance africaine. Ce problème est aujourd'hui largement reconnu et perpétue une stigmatisation dont sont victimes les personnes d'ascendance africaine et d'autres groupes minoritaires. Le Groupe de travail a observé que le profilage racial a augmenté depuis les attaques du 11 septembre 2001. À cet égard, M. Kasanda a exprimé sa préoccupation à l'égard du profilage qui touche les musulmans et relevé que le profilage racial n'a jamais démontré de résultats probants.

En début de séance, le Conseil a achevé le débat engagé en début d'après-midi sur la liberté d'expression et d'opinion, la liberté de religion et de conviction et les détentions arbitraires, en entendant les conclusions des détenteurs de mandats, chargés de ces questions, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes : Becket Fund for Religious Liberty; Fraternité Notre Dame; Reporters sans frontières - international; International Human Rights Association of American Minorities; Défense des enfants - international (au nom également de l'Organisation mondiale contre la torture); Internationale démocrate de centre; Fédération des femmes cubaines; Fondation bouddhiste internationale; Fédération des femmes et de la planification familiale (au nom également d'Action Canada pour la population et le développement); et Interfaith International.

Les États-Unis, l'Azerbaïdjan, le Bélarus ont exercé le droit de réponse en fin de séance.


Le Conseil reprend ses travaux demain matin à 10 heures afin de conclure le débat sur les rapports présentés cet après-midi. Il sera ensuite saisi de rapports sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises (A/HRC/4/35 et Add.1 à 4) et sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (A/HRC/4/28 et Add.1 à 3). Il sera aussi saisi du rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général concernant la situation des défenseurs des droits de l'homme (A/HRC/4/37 et Add.1 et 2).


Adoption d'une résolution sur le territoire palestinien occupé

Par une résolution portant sur la situation des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé (A/HRC/4/L.2 adopté sans vote), le Conseil des droits de l'homme note avec regret qu'Israël, la puissance occupante, n'a pas appliqué à ce jour les résolutions S-1/1 et S-3/1 du Conseil (datant de juillet et novembre 2006 respectivement) et a fait obstacle à l'envoi des missions d'enquête urgentes qui y sont demandées. Le Conseil demande que soient appliquées ces résolutions, notamment les paragraphes prévoyant l'envoi de missions d'enquête urgentes. Le Conseil prie le Président du Conseil et le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de lui faire rapport à sa cinquième session sur leurs efforts pour assurer la mise en œuvre de ces résolutions, ainsi que sur le respect de ces deux résolutions par Israël, la puissance occupante.


Déclarations concernant le projet de résolution

MME TEHMINA JANJUA (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique et le Groupe arabe) a présenté le projet de résolution L.2 en rappelant que le Conseil avait décidé, par ses résolutions adoptées lors de ses première et troisième sessions extraordinaires, d'envoyer le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 dans la région et de détacher une Mission de haut niveau pour enquêter sur la situation à Beit Hanoun. Or, ni le Rapporteur spécial, ni la Mission de haut niveau n'ont été en mesure de remplir leur tâche. Il revient au Conseil de veiller à l'application de toutes ses résolutions, a souligné Mme Janajua, qui a exprimé l'espoir que le Conseil adoptera le projet de résolution par consensus.

M. MICHAEL STEINER (Allemagne, au nom de l'Union européenne) a rappelé que l'Union européenne reste très préoccupée par la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés et qu'elle a plusieurs fois souligné la responsabilité incombant aux deux parties de respecter les droits de l'homme. Il a expliqué que l'Union européenne n'a pas pu appuyer les décisions S-1/1 et S-3/1 car elles ne reflètent pas tous les aspects de la situation. Nous aurions souhaité une rédaction différente, a-t-il précisé. Toutefois, la coopération avec les mécanismes du Conseil des droits de l'homme est une question de principe et le Conseil doit être uni, a-t-il fait valoir, avant de souhaiter que le Président demande au Conseil d'accepter cette décision sans vote.

M. ITZHAK LEVANON (Israël) a déclaré que les résolutions S-1/1 et S-3/1 sont remarquables par leur sélectivité et leur politisation, montrant comment les membres de l'Organisation de la Conférence islamique entendent gérer le cours des débats au Conseil, au détriment de l'examen de certaines situations qui embarrassent ces pays. Les résolutions ne prennent en compte qu'une seule version des événements. Israël n'est pas opposé à la concertation et au dialogue pour résoudre les conflits. L'approche israélienne changera dès lors que les mandats seront plus équilibrés, a conclu le représentant.

M. MOHAMMED ABU-KOASH (Palestine) a salué la proposition faite par l'Allemagne, au nom de l'Union européenne, d'adopter la résolution sans vote et a dit qu'en contre-partie, il renonçait à son droit de faire une déclaration à titre de partie concernée.

MME GWYNETH KUTZ (Canada) a expliqué que le Canada soutient le principe de suivi des décisions. Toutefois, elle a rappelé l'importance et la responsabilité du Conseil d'assurer que chaque situation soit abordée de façon équitable. À cet égard, elle a fait valoir que de l'utilité de la décision dépendra la coopération de tous. En prenant une décision, le Conseil doit être impartial, non sélectif et non subjectif, a-t-elle souligné, avant de rappeler que si les décisions S-1/1 et S-3/1 avaient été plus équilibrées, le Canada les aurait soutenues. Le Conseil va devoir aller au-delà de l'examen ciblé d'un pays pour s'intéresser aux questions des droits de l'homme, a-t-elle insisté. Pour toutes ces raisons et par conséquent, le Canada se dissocie de la décision du Conseil, a-t-elle indiqué.


Adoption d'une résolution sur le projet de manuel des procédures spéciales

Par une résolution sur le Groupe de travail intergouvernemental chargé du réexamen des mandats (A/HRC/4/L.6 adopté sans vote), le Conseil demande au Comité de coordination des procédures spéciales de reporter à la clôture de la prochaine session du Conseil - qui se tiendra du 11 au 18 juin 2007 - la date limite pour la soumission d'observations et de contributions au projet de manuel des procédures spéciales. Il demande également au Groupe de travail de soumettre le résultat de ses délibérations sur le code de conduite pour les travaux relevant des procédures spéciales à la prochaine session du Conseil.


Déclarations concernant le projet de résolution

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie), présentant le projet de résolution L.6, a indiqué que ce texte prie le Conseil de proroger le délai de présentation du projet de manuel des procédures spéciales car la rédaction de ce projet de code de conduite n'a pu encore être menée à terme du fait que le Groupe africain n'a pas encore soumis son projet. Le Groupe de travail n'a donc pas eu le temps de discuter du projet. Cette résolution, purement formelle, propose donc d'inviter le Groupe de travail à présenter à la prochaine session le résultat de ses travaux sur le code de conduite.

M. MICHAEL STEINER (Allemagne, au nom de l'Union européenne), rappelant que l'Union européenne ne soutient pas le principe d'un code de conduite régissant les procédures spéciales, accepte cependant la décision du Conseil, précisant qu'il s'agit d'un appui purement procédural et qu'il ne reviendrait pas ici sur les arguments invoqués précédemment sur l'opportunité d'un tel code de conduite.

MME JOANNE LEVASSEUR (Canada) a fait remarquer que les travaux du Groupe de travail intergouvernemental continuent de progresser. Le Canada estime que le Groupe de travail doit consacrer l'indépendance des procédures spéciales et Mme Levasseur s'est dite inquiète de la rédaction d'un code de conduite, qui risque de limiter fortement leur capacité à recueillir des informations. Le code devra respecter les textes adoptés par l'Assemblée générale qui comportent des codes de conduite prévoyant déjà des critères utiles pour un tel document, a fait valoir la représentante.


Fin du débat concernant les rapports sur la liberté de conviction, la liberté d'opinion et la détention arbitraire

MME ANGELA WU (Becket Fund for Religious Liberty) a estimé que l'exercice de toutes les religions doit être protégé, et non pas les seules religions majoritaires. La représentante a estimé que les lois sur la diffamation des religions ne sont rien d'autre que des mesures de contrôle de la pensée visant à défendre les religions majoritaires. En outre, il ne doit pas revenir à l'État de décider des questions religieuses qui peuvent ou ne peuvent pas être exprimées. Relevant que le Pakistan a proposé un projet de résolution sur la diffamation des religions, la représentante a souligné qu'une telle proposition ne peut que nuire à la liberté de religion. Le Conseil doit assumer son rôle pour protéger la liberté de religion et d'expression.

MME MARIE-SABINE LEGRAND (Fraternité Notre Dame) a expliqué que son organisation a ouvert des centres d'accueil pour les plus pauvres, sans discrimination aucune, et œuvre à soulager la détresse de ces personnes. Elle a indiqué que son organisation a subi des pratiques de discrimination de la part de la France, pays où l'organisation est née, mais qui la considère comme une secte. Dès lors, en raison de leur appartenance à une minorité, les membres de l'organisation se voient victimes d'une discrimination et ont dû s'exiler aux États-Unis. La représentante a ainsi fustigé la guerre que la France mène contre les religions.

M. GEORGE GORDON LENNOX (Reporters sans frontières - international) a rappelé que 155 journalistes sont morts en Iraq depuis quatre ans, de même que de nombreux autres partout dans le monde. Compte tenu de la fréquence des actes de violence commis contre les journalistes, le représentant a demandé au Secrétaire général des Nations Unies d'inclure le problème de la protection des journalistes dans ses prochains rapports. Le Rapporteur spécial M. Ligabo informera-t-il le public des éléments en sa disposition et témoignera-t-il, le cas échéant au Conseil de sécurité, a demandé le représentant?

MME TAHIRA JALEEN KHAN (International Human Rights Association of American Minorities) a attiré l'attention sur les cas de détentions arbitraires qui ont cours dans le Cachemire occupé par l'Inde. Elle a déploré à cet égard que l'absence de vérification et le silence de la communauté internationale ne font qu'empirer les choses. Enfin, elle a demandé au Conseil de soutenir les recommandations du Groupe de travail sur la détention arbitraire, notamment s'agissant de limiter la durée de détention provisoire, et de permettre la visite au Cachemire d'un Rapporteur spécial pour examiner la question.

MME REBECCA MORTON (Défense des enfants - international, au nom également de l'Organisation mondiale contre la torture) a attiré l'attention sur les personnes en détention préventive, qui connaissent des conditions de vie sont souvent atroces. Le Groupe de travail n'a malheureusement pas tenu compte du million et demi d'enfants emprisonnés dans le monde, dénués de tout accès à leurs droits fondamentaux, privés de contact avec leur famille. La représentante a en outre demandé que l'emprisonnement des enfants soit une solution de dernier recours et appelé les États à honorer les engagements pris dans le cadre de la Convention sur les droits de l'enfant.

M. LAKHRIF AHMED (Internationale démocrate de centre) s'est dit préoccupé de la situation des droits de l'homme dans les camps de Tinduf dans le Sud de l'Algérie. Un drame continue depuis 30 ans, les droits de l'homme sont violés quotidiennement et la population est victime de détention, de violences et d'emprisonnement sans procès, a-t-il souligné, avant de lancer un appel pour que cette situation cesse. Il a ainsi appelé le Secrétaire général, les organisations internationales, le Comité international de la Croix-rouge, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et les organisations non gouvernementales à intervenir au plus vite pour faire respecter les droits de l'homme dans cette région.

MME ADRIANA PÉREZ (Fédération des femmes cubaines) a dénoncé l'injustice faite à cinq détenus cubains depuis neuf ans dans des prisons des États-Unis, victimes de détention arbitraire, ainsi que l'ont montré le Groupe de travail sur cette question et trois juges de la Cour d'Atlanta. Le Gouvernement des États-Unis doit garantir un traitement juste et respectueux du droit international à ces détenus, arrêtés alors qu'ils combattaient le terrorisme international.

M. DOUGLAS WICKSAMRATNO (Fondation Bouddhiste Internationale) a estimé ne pas avoir à rappeler les exactions commises par les Tigres de l'Eelam Tamoul (LTTE), comme les attentats-suicide, l'enlèvement d'enfants et leur recrutement en tant que soldats. Il a cependant voulu attirer l'attention sur la destruction de nombreux lieux de culte bouddhistes à Sri Lanka à laquelle se livrent les LTTE. Le représentant a en outre rappelé que Sri Lanka est le seul pays qui octroie des jours fériés pour toutes les religions, mais que les forces LTTE portent atteinte aux droits religieux. Ces atteintes à la liberté de religion et la destruction de lieux de culte sont intolérables et le Conseil des droits de l'homme doit réagir, a-t-il conclu.

MME WANDA NOWINCKA (Fédération des femmes et de la planification familiale, au nom également de Action Canada pour la population et le développement) a félicité la Rapporteuse spéciale, Mme Asma Jahangir de ses recommandations relatives aux pratiques culturelles à motivation religieuse, et visant clairement à contrôler la vie sexuelle des femmes. Certains gynécologues peuvent ainsi refuser d'octroyer certains soins aux femmes. Comment faire en sorte que les États éliminent ces obstacles en matière de santé reproductive, a demandé la représentante?

M. KELTOUM IRBAH (Interfaith International) a fait observer qu'au cours de ces dernières années, la répression au Sahara occidental a connu un renforcement sans précédent et que la population sahraouie paie le prix fort de violations répétées de leurs droits de l'homme. Elle a ainsi dénoncé des cas d'intimidations, de menaces, d'arrestations arbitraires et jugements inéquitables. Rappelant que dans une intervention suivant la présentation du rapport sur la violence contre les femmes, un orateur a estimé que les femmes sahraouies dans les campements de femmes marocaines sont séquestrées et objets de tous les sévices, elle a tenu à réfuter ces allégations, arguant qu'elle a pu à plusieurs reprises visiter ces camps. Ce genre d'allégation, dont le but est d'induire en erreur la communauté internationale est aussi contrarié par le fait que des Secrétaires généraux des Nations Unies et de l'Union africaine, des journalistes, des missions des organisations internationales et diplomatiques et des organisations non gouvernementales visitent régulièrement les campements de réfugiés et peuvent constater l'inanité de telles assertions, a-t-elle fait observer.


Conclusions des détenteurs de mandats

MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion et de conviction, a souligné que les conversions font partie intégrante de la liberté religieuse. Elle a par ailleurs souligné la nécessité de mener un travail de sensibilisation pour lutter contre les extrémismes religieux. Le dialogue interculturel n'est pas possible, a-t-elle souligné, si les sentiments sont réprimés. S'agissant des libertés fondamentales des femmes, elle a indiqué que même si des progrès apparaissent, un certain nombre de pays continuent, par exemple, de restreindre les codes vestimentaires féminins. Il y a certes eu de bonnes pratiques, mais les victoires contre les pratiques traditionnelles restreignant la liberté des femmes sont dues aux femmes et aux femmes seules qui ont reçu très peu d'appui de la part des États. Mme Jahangir a par ailleurs fait état du manque de collaboration manifesté par certains pays, notant qu'en vingt ans, vingt pays n'ont jamais répondu aux questions posées dans le cadre de son mandat.

M. AMBEYI LIGABO, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression a proposé la mise en place de mécanismes indépendants visant à analyser les peines infligées pour délits de presse. Il a par ailleurs rappelé que son rapport précise clairement que les responsabilités en matière de protection du droit à la liberté d'expression incombent aux acteurs étatiques tout comme aux acteurs non étatiques. Pour ce qui est de la sécurité des journalistes, le Rapporteur spécial s'est dit prêt à faire une étude critique des racines de cette violence, en examinant les responsabilités des États et des acteurs non étatiques. Un fonds d'indemnisation des familles des journalistes tués pourrait être institué, a-t-il plaidé. Les limites à la liberté d'expression prennent notamment la forme d'un contrôle des sites Internet et de la répression politique, a poursuivi M. Ligabo. On constate par ailleurs que l'Internet est aux mains de groupes commerciaux puissants, dont la recherche de profit constitue une limite à la liberté d'expression des citoyens, a ajouté le Rapporteur spécial. M. Ligabo a par ailleurs indiqué qu'il n'avait pas, pour l'instant, l'intention de se rendre au Zimbabwe, même si la question du Zimbabwe est pour lui un sujet de préoccupation. La demande de visite dans ce pays formulée en 2003 n'a jamais reçu de réponse, a rappelé le Rapporteur spécial. Il s'est dit à la disposition des organes des Nations Unies pour leur faire part de ses avis, s'ils s'avèrent nécessaires.

MME LEILA ZERROUGUI, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, s'est dite encouragée par la volonté des pays de mettre en œuvre ses recommandations. À la question de savoir pourquoi on assiste à une augmentation des transferts de prisonniers (ou restitutions - renditions), elle a répondu que des causes peuvent être recherchées dans les préoccupations sécuritaires des pays, chacun souhaitant que les personnes qu'il considère comme une menace quittent le pays, et ce, sans toujours tenir compte des risques auxquels elles seront soumises dans le pays où elles sont envoyées. Les personnes suspectées de terrorisme doivent certes être présentées devant un juge, mais dans le cadre du respect des normes internationales, a-t-elle insisté. Revenant sur les préoccupations dont elle faisait part dans son rapport s'agissant notamment de l'augmentation de la population carcérale et du manque de moyens consacrés aux prisons, elle a expliqué que, tantôt les pays ne disposent pas de moyens suffisants, comme cela est le cas pour certains pays en développement, tantôt les ressources existent mais elles ne sont pas dirigées vers l'amélioration des conditions de détention. Parfois, a-t-elle ajouté, il existe des mesures alternatives à l'emprisonnement, mais elles ne sont pas au bénéfice de tous et surtout pas des plus pauvres. Commentant l'intervention du représentant cubain, elle a concédé que la question du suivi était effectivement un domaine dans lequel les procédures spéciales souffrent d'une certaine faiblesse.


Présentation de rapports sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; les personnes d'ascendance africaine; et le racisme

Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

M. PHILIP ALSTON, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a proposé une brève réflexion sur le rôle joué par les missions des rapporteurs spéciaux, expliquant notamment que leurs visites dans les pays n'en constituent pas forcément l'élément fondamental, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Les situations doivent plutôt être évaluées de manière régulière et constante, tout au long de l'année, y compris celles des pays qui refusent de collaborer avec les procédures spéciales.

Le Rapporteur spécial a observé que le problème de la peine de mort continue de diviser les États. Il ne faut pas, dans ce contexte, oublier qu'il existe un point de convergence voire un consensus en ce qui concerne les conditions d'application de cette peine, comme en témoigne les normes contenues dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À cet égard, le mandat du Rapporteur spécial est d'engager les États à un dialogue autour de l'application effective de ces normes.

M. Alston a par ailleurs indiqué avoir formulé des demandes de visites en Inde, au Kenya, au Pakistan, en Fédération de Russie, en Thaïlande et aux États-Unis. Il a ajouté avoir été invité à effectuer une visite en Guinée et être optimiste quant à la possibilité que cette mission se déroule dans les quelques semaines à venir.

Concernant l'Iran, le Rapporteur spécial a observé que si ce pays a lancé une invitation ouverte aux procédures spéciales, il n'a pas donné suite à ses demandes de fixation d'une date précise pour sa visite. Le Rapporteur spécial a rappelé qu'entre août 2004 et mars 2006, il avait envoyé à l'Iran douze communications concernant quinze jeunes (neuf garçons et six filles - parmi lesquelles trois étaient condamnées pour «actes contraires à la chasteté") condamnés à mort pour des crimes commis alors qu'ils avaient moins de 18 ans. Selon les informations disponibles, quatre de ces délinquants juvéniles ont été exécutés et deux acquittés; cinq autres sentences de mort sont en attente et une est à l'examen; la situation en ce qui concerne les trois cas restants n'est pas claire. Ces informations crédibles donnent toutes les raisons de croire que le système judiciaire iranien ignore délibérément l'interdiction de la peine de mort pour les jeunes, ce qui contrevient de manière flagrante aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n'existe pas d'autre pays au monde pour lesquels je reçoive régulièrement des allégations de ce type, a affirmé le Rapporteur spécial. Il appartient au Conseil de se saisir de cette situation inacceptable, a-t-il déclaré.

Concernant sa visite au Guatemala, effectuée en août 2006, M. Alston a notamment affirmé que certaines allégations faisant état de nettoyage social dans lequel seraient engagées des personnes travaillant pour une division particulière de la police sont hautement crédibles, comme en témoigne l'assassinat récent de trois députés salvadoriens par des policiers guatémaltèques. Ce scandale a apporté la preuve évidente de l'existence d'un escadron de la mort au sein de la police. Pour autant, ce scandale ne doit pas occulter des problèmes davantage structurels, a souligné M. Alston. Ainsi, le taux d'élucidation des crimes est, par exemple, tout à fait dérisoire. L'impunité qui semble ainsi régner au Guatemala est à mettre en lien avec la corruption et avec des défauts d'organisation institutionnelle, a estimé M. Alston. Le système de justice n'est pas correctement financé, un manque de ressources imputable aux choix politiques des élites, a poursuivi le Rapporteur spécial, rappelant que l'État n'en a pas moins la responsabilité de protéger les droits de l'homme de son peuple. À cet égard, M. Alston s'est étonné de l'existence au Guatemala de 100 00 gardes de sécurité privés, soit cinq fois plus que les effectifs de la police nationale.

Le Rapporteur spécial a ensuite rappelé qu'à l'issue de la visite qu'il a effectuée aux Philippines le mois dernier, il avait indiqué que l'armée restait dans une posture de déni total de la nécessité pour elle de répondre véritablement au nombre significatif de meurtres qui lui ont été attribués de manière convaincante. Un mois après cette visite, a déclaré M. Alston, «j'ai peu de raison d'être optimiste». Le Rapporteur a précisé que l'impact de sa visite a été profondément «schizophrénique». D'un côté le Président des Philippines a pris toutes une série d'initiatives positives; alors que de l'autre, les militaires et de nombreux fonctionnaires se cachent la tête dans le sable et affirment que rien ne va changer, refusant d'admettre jusqu'à l'existence d'un problème. M. Alston a indiqué que le Ministre de la défense avait ainsi pu dire la semaine dernière du Rapporteur spécial qu'il ne comprenait rien, qu'il était sourd, aveugle et muet, après que M. Alston lui eut fait comprendre qu'il n'acceptait pas les explications de l'armée selon lesquelles les activistes de gauche tués ne seraient victimes que de règlements de comptes au sein de mouvements de gauche. L'existence d'une dimension de propagande dans les accusations selon lesquelles l'armée exécute de manière extrajudiciaire des activistes de gauche ne détruit pas en elle-même la crédibilité des informations et des allégations reçues, a souligné M. Alston; d'autant plus que les organisations non gouvernementales qui présentent ces allégations n'appartiennent pas toutes à un seul et même bord politique. Il n'y a pas de doute raisonnable quant au fait que l'armée est bien responsable d'un nombre important de ces meurtres, a déclaré M. Alston. Si de nombreux responsables de l'État ont insisté pour affirmer qu'un grand nombre d'activistes de gauche étaient morts victimes des purges internes au sein du Parti communiste des Philippines et de son mouvement rebelle associé, la Nouvelle Armée du Peuple, aucune preuve ne vient étayer cette théorie, a souligné le Rapporteur spécial, ajoutant que les preuves présentées à ce sujet par l'armée n'étaient de toute évidence pas convaincantes. S'il ne fait aucun doute que la Nouvelle Armée du Peuple tue des gens et que ces meurtres sont répréhensibles et doivent être condamnés, il n'existe aucune preuve - a insisté M. Alston - que le récent regain de meurtres d'activistes de gauche serait le fait d'une purge communiste. Au contraire, des preuves fortes et crédibles mènent à la conclusion qu'un grand nombre de ces meurtres sont le fait de l'armée.

M. Alston a par ailleurs indiqué que depuis la visite qu'il a effectuée à Sri Lanka à la fin de l'année 2005, le pays a connu une escalade radicale des hostilités, les informations reçues indiquant un retour des exécutions extrajudiciaires. Aussi, les Nations Unies devraient-elles établir une mission internationale de surveillance des droits de l'homme dans ce pays.

Le rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (A/HRC/4/20, à paraître en français), analyse quatre questions importantes. Il rejette en particulier l'idée, mise en avant par un État en particulier, selon laquelle les événements survenant lors de conflits armés n'entreraient pas dans le champ de compétence du Rapporteur spécial, ni même du Conseil des droits de l'homme. Cette approche, contraire aux politiques de l'ancienne Commission des droits de l'homme, du Conseil économique et social et de l'Assemblée générale des Nations Unies, si elle était admise, saperait profondément leur capacité de traiter les menaces imminentes contre les droits de l'homme dans nombre des situations soumises au Conseil. Le rapport réaffirme par ailleurs l'interdiction formelle de tuer des personnes ayant déposé les armes ou mises hors de combat de quelque manière que ce soit. En outre le rapport dénonce l'interprétation très subjective que certains États font de la notion de «crimes les plus graves», dans un contexte où le droit international pose que seuls ces crimes peuvent justifier l'application de la peine de mort. Enfin le Rapporteur spécial dénonce formellement le principe des peines de mort obligatoires, estimant que des procès doivent être instruits au cas par cas, pour éviter tout traitement cruel, inhumain ou dégradant, de même que la privation arbitraire de liberté.

Le rapport est accompagné de deux additifs. L'un est une note préliminaire consacrée à la mission du Rapporteur spécial aux Philippines (A/HRC/4/20/Add.3, à paraître en français) en février 2007, visite motivée par des rapports faisant état dans ce pays de très nombreuses exécutions extrajudiciaires d'activistes et de journalistes de gauche, depuis environ six ans. Le nombre des victimes se situerait entre 100 et 800, un problème connexe résidant dans l'impact que ces exécutions ont sur de nombreux acteurs de la société civile. À titre de recommandations provisoires, le Rapporteur spécial estime que le Gouvernement devrait ordonner aux officiers de son armée de s'abstenir de faire des déclarations publiques faisant un amalgame entre, d'une part, les groupes politiques et d'autres acteurs de la société civile et, d'autre part, les personnes engagées dans des insurrections armées. Parallèlement aux activités du pouvoir exécutif, la Cour suprême devrait user de ses pouvoirs constitutionnels en matière procédurale pour faire prendre conscience aux procureurs de leur devoir de faire respecter et protéger les droits de l'homme, et pour les inciter à agir de telle sorte que des enquêtes sérieuses soient menées et que les témoins bénéficient de programmes de protection. De même, les services de l'Ombudsman devraient commencer à prendre au sérieux leur rôle constitutionnel indépendant en matière d'enquête sur les exécutions extrajudiciaires imputables de manière plausible à des agents de l'État.

Un autre additif est consacré à la mission au Guatemala (A/HRC/4/20/Add.2, disponible en anglais et en espagnol uniquement) effectuée par le Rapporteur spécial en 2006. Dans ce document, le Rapporteur spécial relève que le Guatemala est touché par un certain nombre de phénomènes violents, parmi lesquels l’élimination des individus socialement indésirables, les meurtres de femmes ? qui se multiplient à vive allure ?, les lynchages, les meurtres de personnes en raison de leur identité ou orientation sexuelle, les meurtres de défenseurs des droits de l’homme et les violences dans les établissements pénitentiaires. Dans certains cas, l’État est directement responsable. De nombreux faits concourent à indiquer que certains actes de nettoyage social ? exécution de membres de gangs, de personnes suspectées d’actes criminels et d’autres «indésirables» ? sont commis par les forces de police. Certains meurtres commis par des détenus ont été facilités par des gardiens de prison. Dans d’autres cas, la responsabilité de l’État est indirecte. Parce que son système de justice pénale n’arrive pas même à porter son taux d’élucidation des meurtres et de condamnation des auteurs à la barre des 10 %, l’État est, au regard du droit des droits de l’homme, responsable du nombre élevé des meurtres commis par des particuliers. Le Guatemala a conscience des problèmes qu’il rencontre, il sait quelles sont les solutions qui s’offrent à lui et s’est engagé par le passé à les traduire en actions concrètes. Si le présent rapport comporte un certain nombre de recommandations, l’accent n’y est pas mis sur les détails mais bien sur la nécessité pour les autorités et la société guatémaltèques, de prendre leur avenir en main. Toute stratégie contre ces exécutions devrait comporter deux volets: l'éradication de la pratique de «nettoyage social» par les organes de l'État; et une réforme du système de justice pénale, en particulier du Ministère public, pour assurer que des enquêtes efficaces soient diligentées et que les auteurs de meurtres soient poursuivis. Par ailleurs, un programme de protection devrait être lancé au bénéfice des témoins et des victimes de violations des droits de l'homme commises par des agents de l'État ou d'autres personnes particulièrement influentes.


Personnes d'ascendance africaine

M. PETER KASANDA, Président du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a indiqué que lors de sa dernière session, le Groupe de travail s'est concentré sur l'élaboration de recommandations visant à aider les États à éliminer le profilage racial qui affecte les personnes d'ascendance africaine dans toutes les régions du monde. Ce problème, a-t-il dit, est aujourd'hui largement reconnu et perpétue une stigmatisation dont sont victimes les personnes d'ascendance africaine et d'autres groupes minoritaires. M. Kasanda a souligné que le Groupe de travail préconise d'inclure la religion dans cette perspective et d'interdire le profilage racial fondé sur la religion. Notant que le profilage racial touche souvent des personnes dans des situations tout à fait banales de la vie quotidienne, il a évoqué les effets dévastateurs de ce phénomène sur les victimes dont la dignité humaine est ainsi bafouée. Le Groupe de travail a observé que l'usage illégal du profilage racial - dans les procédures de police, d'immigration et dans les aéroports - a augmenté depuis les attaques du 11 septembre 2001. À cet égard, M. Kasanda a exprimé ses préoccupations face aux manifestations d'intolérance et de discrimination dont sont victimes les musulmans et qui affectent non seulement la vie quotidienne des communautés musulmanes mais aussi les sociétés dans lesquelles elles vivent. Aucune excuse ne saurait justifier le profilage racial, a souligné M. Kasanda, d'autant plus que lorsqu'il a été utilisé comme outil de protection de la sécurité nationale, il n'a abouti à aucun résultat tangible de ce point de vue. À court terme, les États devraient accorder la priorité à l'amélioration des comportements professionnels des agents responsables de l'application des lois dans le cadre des interpellations et des fouilles, a indiqué le Président du Groupe de travail d'experts. Le Groupe de travail recommande également aux États de prendre des mesures législatives interdisant explicitement le profilage racial. Le Groupe recommande également que les fonctionnaires de police et les militaires soient sensibilisés et que des mécanismes de plainte et de contrôle soient systématiquement mis en place.

Dans son rapport, le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine (A/HRC/4/39, à paraître en français), rappelle que le profilage racial - que le Programme d'action de Durban a défini comme une pratique policière ou d'autres acteurs du maintien de l'ordre, fondée sur des critères de race, de couleur, de nationalité, d'origine ethnique ou de religion - est une violation du droit à la non-discrimination. Il rappelle aussi que les normes régionales et internationales établissent clairement que la discrimination raciale dans la conduite de la justice est illégale. Le Groupe de travail a, en particulier, exprimé son souci à l'égard de la discrimination et de l'intolérance qui touchent les personnes de confession musulmane. Le Groupe de travail engage les gouvernements à définir et adopter des mesures légales afin de prévenir le profilage racial. Il invite aussi les gouvernements à établir des statistiques afin de cerner et être en mesure de lutter contre ce phénomène et demande aux gouvernements d'assurer la participation effective des personnes d'ascendance africaine et d'autres groupes vulnérables dans les institutions judiciaires et de maintien de l'ordre.


Formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée

M. DOUDOU DIÈNE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a souhaité attirer l'attention du Conseil sur les observations centrales qu'il a développées dans son rapport général et qui montrent que la recrudescence des phénomènes et des manifestations de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie à travers le monde constitue aujourd'hui la plus grande menace contre la démocratie et le «vivre-ensemble» des sociétés actuelles.

Le combat contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée se heurte à plusieurs défis majeurs graves qui s'articulent autour des tendances lourdes suivantes: la recrudescence de la violence raciste et xénophobe qui prend pour cible des membres de minorités nationales ou de communautés ethniques, religieuses ou culturelles; la criminalisation et le traitement exclusivement sécuritaire des questions relatives à l'immigration, à l'asile et à la situation des étrangers et des minorités nationales; la montée générale de la diffamation des religions et de la haine raciale et religieuse, qui se traduit notamment par la recrudescence des manifestations d'antisémitisme, de christianophobie et, de manière plus particulièrement grave, d'islamophobie; l'importance croissante dans les constructions identitaires du refus de la diversité et du processus de multiculturalisation des sociétés; et enfin, malgré les efforts de la FIFA, des manifestations violentes de racisme dans le sport, notamment le football.

Selon M. Diène, il y a trois développements graves de nature à nourrir et légitimer la recrudescence du racisme et de la xénophobie. Il y a tout d'abord la légitimation politique et démocratique des partis et mouvements racistes. Ceux-ci instrumentalisent électoralement les enjeux sensibles d'identité et de sécurité à des fins idéologiques et instrumentalisent la liberté d'expression à des fins de légitimation des plateformes racistes et xénophobes. La deuxième tendance est la montée d'un racisme des élites, dont la recrudescence en France de déclarations, commentaires et publications racistes de la part de personnalités politiques, intellectuelles ou médiatiques en constitue l'exemple le plus grave. Dans ce contexte, une ligne rouge vient d'être franchie par une personnalité de la télévision publique française, M. Pascal Sevran, qui non seulement développe la thèse selon laquelle le sous-développement du continent africain serait dû «au pénis de l'homme noir», mais plus grave encore, prône de manière ouverte la stérilisation des hommes africains, a précisé M. Diène. Le Rapporteur spécial s'est à cet égard réjoui de ce que le Gouvernement français ait clairement condamné ces propos. Il a toutefois tenu à souligner que la gravité extrême de ces propos requiert une vigilance éthique, politique et légale et des mesures fortes pour mettre fin à l'impunité de leurs auteurs. Enfin, un dernier développement, particulièrement alarmant, est la montée du révisionnisme, c'est-à-dire la remise en question ou la tentative de brouillage de la réalité ou de la mémoire des manifestations historiques les plus graves de la violence raciste de masse. Le combat contre le racisme est d'abord un combat de mémoire, a rappelé M. Diène, avant de souligner que l'organisation par le Gouvernement iranien d'une conférence sur l'holocauste constitue à cet égard une grave régression du combat contre le racisme. Dans le même registre, une tentative est en cours, de la part d'intellectuels et d'hommes politiques en Europe, pour disqualifier la caractérisation, notamment par la Conférence de Durban, de l'esclavage transatlantique comme crime contre l'humanité, sous prétexte que cette notion n'existait pas à l'époque de l'esclavage.

D'autre part, le Rapporteur spécial a fait part des visites qu'il a menées en Suisse et en Italie. Le rapport sur sa visite en Fédération de Russie sera pour sa part présenté à la cinquième session du Conseil en juin 2007.

S'agissant de sa visite en Suisse, effectuée au mois de janvier dernier, M. Diène a indiqué avoir fait le constat principal de la réalité d'une dynamique de racisme et de xénophobie. Il a noté l'absence au niveau national à la fois de la reconnaissance de cette réalité et d'une stratégie politique et légale cohérente et déterminée contre le racisme et la xénophobie. La Suisse, a-t-il poursuivi, offre l'illustration particulièrement frappante d'une des sources profondes du racisme et de la xénophobie, à savoir l'instrumentalisation politique de la tension identitaire qui découle du processus de multiculturalisation. Cet état de fait peut être constaté à travers les législations et politiques traitant les questions d'immigration et d'asile sous l'angle uniquement sécuritaire et criminalisant les immigrés et les demandeurs d'asile, par le nombre élevé d'actes de violence policière à connotation raciste et xénophobe contre ces groupes, ainsi que par l'impunité dont jouissent, selon les victimes, leurs auteurs, a précisé M. Diène.

En ce qui concerne sa visite en Italie, effectuée en octobre 2006, le Rapporteur spécial dit avoir constaté l'engagement ferme du nouveau Gouvernement italien dans le combat contre le racisme et la xénophobie. Cette volonté politique est illustrée notamment par les réformes législatives en matière d'immigration et de citoyenneté, les efforts visant l'amélioration de la situation des communautés rom et sinti et de leur reconnaissance, et enfin par une plus grande sensibilité vis-à-vis du multiculturalisme, a-t-il précisé. Il a expliqué avoir conclu que, même si la société italienne n'est pas empreinte d'un phénomène de racisme profond, il s'y développe une inquiétante dynamique de xénophobie et une montée des manifestations de racisme, en partie découlant de l'héritage et de l'impact des politiques et des programmes du gouvernement de coalition précédent comprenant des partis promouvant des plateformes ouvertement racistes et xénophobes.

Pour conclure, M. Diène a informé le Conseil d'un développement particulièrement positif au Japon: la constitution, sur la base de son rapport de visite et sur l'initiative d'une organisation non gouvernementale, d'un réseau d'organisations de la société civile pour combattre le racisme. Il a également estimé particulièrement significative l'amorce d'un dialogue entre historiens japonais, coréens et chinois et la rédaction conjointe, sous l'égide de l'UNESCO, d'une histoire régionale.


Le rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, M. Doudou Diène (A/HRC/4/19) souligne que le Rapporteur spécial continue de promouvoir, dans toutes ses activités, l'élaboration d'une double stratégie, politique et juridique d'une part, et culturelle et éthique d'autre part, afin de reconnaître et de combattre les manifestations et les expressions du racisme et de la xénophobie ainsi que leurs sources profondes. D'une part, la stratégie politique vise à susciter et à renforcer la volonté politique des gouvernements de combattre le racisme et la xénophobie, et la stratégie juridique et légale doit permettre aux États de se doter, dans la ligne de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, des instruments juridiques, légaux et administratifs et des mécanismes appropriés à cette fin. D'autre part, la stratégie culturelle et éthique doit viser les sources profondes des mentalités et de la culture racistes et xénophobes, notamment les constructions identitaires, l'acceptation de la diversité et de l'enjeu central du multiculturalisme afin de favoriser le «vivre ensemble» dans les sociétés.

Les communications envoyées aux gouvernements par le Rapporteur spécial, ainsi que les réponses reçues des gouvernements concernés paraîtront en tant qu'additif 1 au rapport.

L'additif 2 au rapport porte sur la mission que le rapporteur a effectuée début 2006 en Suisse; y est dressé le constat principal de la réalité d'une dynamique de racisme et de xénophobie en Suisse. Il note, à cet égard, malgré l’existence de mécanismes compétents et de responsables motivés ayant des mandats pour combattre le racisme, l’absence, au niveau national, à la fois de la reconnaissance de cette réalité et d’une stratégie politique et juridique cohérente et déterminée contre le racisme et la xénophobie. Il constate en particulier deux causes profondes de cette dynamique: les résistances culturelles profondes de la société suisse au processus de multiculturalisation, surtout d’origine du sud-est européen et non européenne, et la prégnance croissante de plates-formes racistes et xénophobes dans les programmes et discours politiques, notamment à l’occasion d’élections et de votations diverses. Ses recommandations s’articulent en conséquence autour des actions principales suivantes: la reconnaissance de la dynamique de racisme et de xénophobie et l’expression de la volonté politique pour la combattre; la nécessité d’un programme national d’action contre le racisme et la xénophobie comprenant une législation nationale à cet effet et une stratégie culturelle et éthique pour la construction à long terme d’une société multiculturelle, basée à la fois sur la reconnaissance et la promotion de la diversité culturelle, ethnique et religieuse de la société; et la promotion des interactions et de la connaissance réciproque des différentes communautés qui composent la société suisse.

Un rapport sur la mission du Rapporteur spécial en Fédération de Russie paraîtra en tant qu'additif 3.

L'additif 4 porte sur la mission de M. Diène en Italie. Il y est souligné que le Rapporteur spécial souhaitait y analyser les politiques et les mesures envisagées par le gouvernement nouvellement élu pour combattre le racisme, suite au départ du gouvernement précédent profondément influencé par l'idéologie xénophobe. Le Rapporteur spécial s'alarme tout particulièrement des conditions de travail proches de l'esclavage qui ont cours dans le secteur agricole et de la situation des femmes migrantes. S'agissant des mesures mises en place, M. Diène se réjouit tout particulièrement de la ferme volonté du gouvernement de combattre le racisme et la xénophobie, tout comme des réformes prévues en matière d'immigration et visant notamment à améliorer la protection des migrants au travail. En conclusion, le Rapporteur spécial recommande à l'État de faire en sorte que sa détermination à combattre le racisme trouve son expression au plus haut niveau politique. Il préconise également l'adoption d'une stratégie destinée à faciliter la mise en application des lois existantes en matière de non discrimination, la mise en œuvre de réforme des lois régulant l'immigration et l'asile politique et la reconnaissance des communautés Roms et Sinti en tant que minorité nationales.

M. FRANK LA RUE (Guatemala) a déclaré que le rapport de M. Alston permet au Gouvernement de se confronter aux réalités du terrain. Un système de justice et de police efficace et orienté sur le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels des citoyens doit être instauré, et les efforts du Gouvernement dans ce sens sont réels, même s'ils sont lents. Le Guatemala réaffirme sa volonté politique de coopérer avec les Nations Unies mais aussi avec la société civile. La Présidence a ainsi créé une commission nationale de la sécurité. Le contenu du rapport est très clair: les Guatémaltèques doivent se confronter à la réalité et œuvrer sans relâche à l'amélioration de la situation juridique, sécuritaire et sociale du pays, avec l'aide des institutions des Nations Unies.

M. ENRIQUE MANALO (Philippines) a fait remarquer que des améliorations pourraient être apportées au rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, afin de mieux tenir compte des efforts concrets consentis par le Gouvernement des Philippines dans ce domaine. Il a indiqué que des mesures urgentes ont été prises par les Philippines pour mettre fin aux exécutions extrajudiciaires et des tribunaux ont été créés pour poursuivre et juger les responsables. Il a insisté sur le fait que son gouvernement ne nie pas que l'armée puisse être impliquée dans certaines exécutions extrajudiciaires et qu'en ce moment même, des cas où l'armée pourrait être impliquée sont examinés avec l'aide et la collaboration de la communauté nationale et internationale des droits de l'homme. Il a regretté encore que certains passages du rapport reflètent les vues de son auteur sur les politiques de son pays.

M. BLAISE GODET (Suisse) a déclaré que la lutte contre le racisme ne peut se limiter à la ratification des conventions internationales, mais nécessite un effort constant de mise en œuvre de la part de chaque État. En cela, les analyses du Rapporteur spécial sur le racisme représentent une importante source d'informations sur les problèmes qui persistent dans le domaine de l'intégration des étrangers et de la discrimination raciale. Revenant sur le constat du Rapporteur spécial de l'existence d'une dynamique de racisme et de xénophobie en Suisse, il a indiqué qu'en effet, à l'instar de beaucoup d'autres pays de toutes les régions du globe, le racisme est présent en Suisse et que les autorités suisses en sont conscientes.

Tout en reconnaissant le mérite qu'a le rapport de soulever nombre de points à améliorer et tout en rappelant ne pas vouloir ni embellir ni nier la situation, le représentant suisse a souhaité préciser certaines des remarques du Rapporteur spécial, notamment s'agissant de l'affirmation que la législation suisse serait lacunaire. Avec plus de 20% d'immigrés résidant en Suisse, les étrangers constituent une fraction non négligeable de la population, a notamment souligné M. Godet. Il a souligné que malgré ce pourcentage élevé, l'immigration n'a engendré aucune ghettoïsation et que les étrangers sont dans l'ensemble bien intégrés et acceptés par la population suisse, qui a conscience de leur apport culturel et économique. Le représentant a à cet égard fait mention de diverses mesures mises en place pour faciliter l'intégration des étrangers et notamment rappelé qu'elle est inscrite au niveau fédéral dans la récente loi sur les étrangers. S'agissant de la lutte contre le racisme, il a expliqué que la Suisse met en œuvre les engagements qui ont été pris dans le document de la Conférence mondiale contre le racisme de Durban et profité de l'occasion pour rappeler que tout traité international ratifié fait partie de l'ordre juridique suisse dès la date de son entrée en vigueur. Pour conclure, il a réaffirmé la détermination de son pays, en tant qu'État hôte du Conseil des droits de l'homme et de par sa longue tradition humanitaire, à protéger et promouvoir les droits humains.

M. PASQUALE D'AVINO (Italie), répondant à la présentation du rapport de M. Diène, a précisé qu'une nouvelle loi sur la citoyenneté est en cours d'étude en Italie, loi qui assouplira notamment les conditions d'obtention de la nationalité italienne par les personnes au bénéfice d'un statut de réfugié. Par ailleurs, le Gouvernement italien examine la possibilité d'institutionnaliser les rapports entre l'État et les communautés musulmanes italiennes. Une des difficultés à cet égard est de trouver des interlocuteurs représentatifs de ces communautés. Il a précisé qu'un Conseil consultatif de l'islam en Italie a été institué en 2005, au sein du Ministère de l'intérieur: il regroupe des représentants des principales associations de la communauté musulmane. En outre, le Gouvernement s'apprête à introduire au Parlement une réforme complète des lois sur l'immigration qui permettra de revaloriser le statut des travailleurs migrants. La situation des Roms est traitée par un groupe de travail ministériel qui peut compter sur la participation d'organisations non gouvernementales. Enfin, le Parlement est actuellement saisi d'un projet de loi concernant l'octroi de l'asile.


Exercice du droit de réponse

MME VELIA DE PIERO (États-Unis) a souhaité revenir sur les affirmations de Cuba s'agissant des cinq personnes condamnées aux États-Unis pour des activités d'espionnage en faveur de l'État cubain. Elle a informé le Conseil que trois parmi ces personnes ont été condamnées de complot et d'espionnage, et que des peines longues ont été prononcées. Les accusés ont bénéficié de tous les droits de la défense. La représentante américaine a précisé encore que les accusés n'ont jamais nié les faits et qu'en 2006, la Cour d'Atlanta a confirmé l'équité du procès et la légitimité des peines.

M. AZAD CAFAROV (Azerbaïdjan) est intervenu suite à la déclaration faite par le représentant de l'Arménie en faisant observer qu'aucun monument historique d'Azerbaïdjan n'a résisté aux attaques arméniennes. Cette politique fait partie des stratégies de nettoyage ethnique des populations non arméniennes, non seulement en Arménie mais également dans les territoires de l'Azerbaïdjan, a-t-il souligné. Pour conclure, il a expliqué que son pays a demandé à l'UNESCO d'envoyer une équipe pour mener une étude sur les détériorations des patrimoines culturels dans les deux pays. Mais, a-t-il souligné, l'Arménie a retardé la visite, vraisemblablement pour ne pas se priver d'un instrument de propagande aujourd'hui.

M. ANDREY TARANDA (Bélarus) a répondu à une déclaration de l'Allemagne en faisant valoir que les organisateurs de la manifestation mentionnée ont ignoré les termes de l'autorisation qui leur avait été accordée. Les participants ont en outre ignoré les appels de la police à la renégociation du parcours de la manifestation. L'Union européenne doit mieux s'informer de la réalité des faits et balayer devant sa cour: de nombreuses manifestations dans les pays de l'Union européenne ont été interdites par les autorités, a-t-il fait remarquer.


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