D. La notion de handicap dans la Convention
Le préambule de la Convention affirme que le handicap est une notion qui évolue. Le texte adopte pourtant une approche sociale du handicap, puisqu’il précise que ce dernier résulte de l’interaction entre
les personnes présentant des handicaps et les barrières extérieures qui font obstacle à leur pleine participation à la société
(alinéa e) du préambule).
Dans cet esprit, la Convention dans son ensemble repose sur l’idée que l’environnement extérieur et les attitudes que sa construction
révèle jouent un rôle central dans la création de cette situation qu’il est convenu d’appeler «le handicap». Nous sommes loin
de l’approche médicale, qui se fonde au contraire sur l’idée d’un «corps brisé», le handicap étant le résultat manifeste d’une
déficience physique, mentale ou sensorielle de la personne.
Dès lors, la notion de handicap ne peut pas être rigide; elle dépend au contraire du milieu ambiant et varie d’une société à l’autre. Si la Convention reconnaît que cette notion
évolue, elle souscrit à l’évidence à l’idée qu’il s’agit d’une construction sociale, puisqu’ elle affirme que «le handicap
résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales
qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres».
Conformément à ce principe, la Convention ne propose pas une définition figée des personnes handicapées, se contentant d’indiquer qu’il s’agit «des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles
ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation
à la société sur la base de l’égalité avec les autres» (article premier, objet).
Voici quelques éléments importants à prendre en considération
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:
- a) Le handicap est une notion qui, loin d’être immuable, évolue. La Convention reconnaît que le «handicap» est une notion qui évolue sous l’effet de barrières comportementales et environnementales.
Cette notion n’est donc pas rigide et peut être adaptée aux conditions qui règnent dans une société déterminée (l’accent sera
placé sur le type d’obstacles comportementaux et environnementaux présents dans cette société et sur les manières de les surmonter);
- b) Le handicap est envisagé non pas comme un problème médical mais comme le résultat de l’interaction entre une incapacité et
l’environnement. La Convention ne s’intéresse pas au handicap en tant que problème médical; pour elle, les personnes deviennent handicapées
lorsqu’elles se heurtent à un environnement inhospitalier ou inaccessible. Les personnes handicapées n’ont pas besoin d’être
«traitées» avant d’accéder à leur environnement (la société); c’est au contraire l’environnement qui doit s’ouvrir uniformément
à tous ses membres. Il le fait en éliminant les barrières comportementales et environnementales de telle sorte que chacun
puisse participer activement et jouir de la totalité de ses droits;
- c) La Convention s’étend à tous les handicaps. Le champ d’application de la Convention ne se limite pas à telles ou telles personnes; quiconque présente un handicap physique,
mental, intellectuel ou sensoriel durable est le bénéficiaire de cet instrument. La définition donnée à l’article premier
pourrait être étendue à toutes les personnes handicapées – par exemple aux personnes ayant un handicap de courte durée ou
aux personnes considérées comme faisant partie de ces groupes;
- d) Ce sont les barrières qu’il faut cataloguer, et non les êtres humains. Cataloguer une personne, ce peut être le premier pas sur la voie de son exclusion et de la violation de sa dignité intrinsèque.
La Convention n’exclut pas l’emploi de définitions dans la législation nationale, qui peuvent d’ailleurs se révéler particulièrement
utiles dans des secteurs comme l’emploi ou la sécurité sociale. Ce qui compte, c’est que les définitions qui sous-tendent
les politiques et les lois soient conformes à l’approche sociale du handicap, en vertu de laquelle les enjeux sont évalués
en fonction des obstacles existants et non de la catégorie ou du pourcentage de l’incapacité.
La mention expresse des barrières extérieures au sujet en tant que facteurs constitutifs du handicap marque un important progrès par rapport aux conceptions qui assimilent le handicap à des limitations fonctionnelles.