I. Obligations
Les obligations se situent à deux niveaux: l’article 4 consacre des obligations générales et chacun des articles qui suivent énonce des obligations liées à des droits particuliers.
La première question qui se pose est celle de savoir qui doit tenir les engagements pris. Comme tous les autres instruments des droits de l’homme, la Convention impose ses obligations
aux États. Toutefois, plusieurs articles font également ressortir le rôle des entreprises privées dans la réalisation des
droits des personnes handicapées. S’il appartient aux États de veiller à ce que les entreprises privées respectent la Convention
(autrement dit, si les obligations ne pèsent pas directement sur celles-ci), il importe de reconnaître le rôle du secteur
privé et de souligner la nécessité de l’associer par des partenariats à la promotion des droits des personnes handicapées.
D’autres instruments des droits de l’homme mentionnent également le secteur privé, et l’on s’intéresse grandement, depuis
quelques années, à la question de la responsabilité des entreprises au regard de ces droits. Cependant, la Convention va certainement
plus loin que les autres instruments dans l’énumération de domaines précis qui se prêtent aux interventions du secteur privé.
Ce secteur ou les entreprises ou organismes privés sont mentionnés dans les articles relatifs: aux obligations générales (art.
4.1 e)), à l’accessibilité (art. 9.2 b)), à la mobilité personnelle (art. 20 d)), à la liberté d’expression (art. 21 c)),
à la santé (art. 25 d)), et au travail (art. 27.1 h)).
Outre les entreprises, d’autres acteurs non étatiques ont l’obligation de respecter les droits des personnes handicapées.
L’article 25, par exemple, cite les professionnels de la santé. Plusieurs articles évoquent les services d’accompagnement
et les services sociaux (l’article 12 à propos du soutien nécessaire à l’exercice de la capacité juridique et l’article 19
au sujet de l’autonomie de vie, par exemple). L’article 24 mentionne notamment l’emploi d’enseignants qualifiés afin de promouvoir
l’insertion scolaire. Donc, même si la responsabilité juridique du respect de la Convention appartient à l’État, nombre d’autres
acteurs ont un rôle à jouer.
Quelles sont, dans ces conditions, les obligations des États? Elles sont récapitulées ci-dessous, et analysées plus en détail dans les
modules qui suivent:
-
Réexaminer les lois et politiques existantes – pour s’assurer qu’elles respectent la Convention et ne fixent pas des règles et des normes incompatibles avec ses dispositions
– et en adopter de nouvelles pour que le cadre juridique et politique contribue à la mise en œuvre de la Convention. Il pourra
s’agir de lois anti-discrimination et d’une législation générale sur le handicap (le cas échéant – il n’y a pas d’obligation
à cet égard) mais aussi de textes relatifs à la tutelle, à l’éducation, à la santé mentale, etc. Il s’agira aussi de textes
d’application et de règlements. Quant aux politiques, ce pourront être des stratégies nationales de développement, des stratégies
nationales relatives au handicap ou à l’intégration sociale, ou encore des stratégies de services ministériels visant à améliorer
les droits des personnes handicapées;
-
Financer – il ne suffit pas d’adopter des lois. Si certaines interdictions de la discrimination n’ont pas d’incidences financières,
d’autres ont un coût (c’est le cas, par exemple, de l’aménagement des espaces publics pour les rendre accessibles aux personnes
handicapées). Les lois et politiques qui ne sont pas assorties de moyens financiers ont peu de chances d’être pleinement appliquées;
-
Rendre les biens et services accessibles – nombre de dispositions de la Convention exigent l’accès à des biens et des services tels que des technologies d’aide, des
soins de santé et des programmes éducatifs. Pour que les personnes handicapées puissent jouir de leurs droits dans des conditions
d’égalité avec les autres, il faut que ces services soient accessibles. Il conviendra tantôt de mettre en place des services
adaptés au handicap, tantôt de rendre accessibles les services qui s’adressent à l’ensemble de la population (éducation par
exemple);
-
Sensibiliser – les barrières auxquelles se heurtent les personnes handicapées tiennent bien souvent aux mentalités. Pour que celles-ci
évoluent, il faut sensibiliser l’opinion aux droits ainsi qu’aux capacités de ces personnes;
-
Former – pour donner effet à bon nombre de droits des personnes handicapées, et notamment à ceux qui ont trait à l’accès aux services,
il importe de familiariser des personnels tels que les enseignants et les professionnels de la santé avec les dispositions
de la Convention. Ainsi, les enseignants doivent avoir les connaissances nécessaires pour pouvoir soutenir l’éducation inclusive,
et, si l’on veut que les personnes handicapées accèdent aux services de santé dans des conditions d’égalité avec les autres,
il faut que les professionnels de la santé comprennent en quoi consiste le passage à l’approche sociale/fondée sur les droits
de l’homme;
-
Recueillir des données – pour pouvoir élaborer de bonnes lois et de bonnes politiques d’application de la Convention, il faut de bonnes données.
Les États devraient donc mener des recherches et recueillir des données qui permettent de mieux comprendre la situation des
personnes handicapées et les obstacles auxquels elles se heurtent;
-
Renforcer les capacités – dès lors que le handicap est envisagé sous l’angle des droits de l’homme, il devient essentiel, pour la pleine application
de la Convention, de renforcer tant les capacités des États de s’acquitter de leurs obligations que celles des personnes handicapées
de faire valoir leurs droits.
Il y a différentes manières de présenter les obligations des États qui découlent des instruments des droits de l’homme. Le
système international repose sur deux grandes catégories d’obligations, dites négatives et positives:
-
L’obligation négative est l’obligation de s’abstenir de faire quelque chose, c’est la liberté vis-à-vis de l’État;
-
L’obligation positive est l’obligation qu’a l’État de prendre des mesures pour promouvoir les droits, c’est la liberté grâce à l’action de l’État.
L’habitude s’est prise de désigner les obligations des États par la formule «respecter, protéger et donner effet». C’est la
formulation que nous proposons ici:
-
L’obligation de respecter: les États doivent s’abstenir de s’immiscer dans la jouissance des droits;
-
L’obligation de protéger: les États doivent prévenir les violations des droits par des tiers tels qu’entreprises privées, professionnels de la santé,
etc.;
-
L’obligation de donner effet: les États doivent prendre des mesures appropriées (législatives, administratives, budgétaires, judiciaires et autres) en
vue de la réalisation des droits.
Chacune des obligations générales dont il a déjà été question peut se classer dans une de ces trois catégories. Par exemple:
- Respecter: s’abstenir de tout acte incompatible avec la Convention;
- Protéger: prendre des mesures pour éliminer la discrimination dans le secteur privé;
- Donner effet: adopter des lois compatibles avec la Convention; prendre des mesures pour assurer la réalisation progressive
des droits économiques, sociaux et culturels.