Comité européen des droits sociaux Autisme Europe c. France, réclamation n° 13/2002

1. Les faits

D’après la législation de l’État, les personnes autistes peuvent fréquenter les établissements d’enseignement ordinaires, soit à titre individuel (scolarisation individuelle) dans des classes ordinaires avec l’assistance d’un personnel auxiliaire spécialisé, soit en groupe (scolarisation collective) dans le cadre de classes d’intégration scolaire (niveau primaire) ou d’unités pédagogiques d’intégration (niveau secondaire). Les personnes qui, du fait de la gravité de leur autisme, ne sont pas en mesure d’intégrer le système scolaire ordinaire peuvent recevoir un enseignement spécial dans une institution spécialisée. La scolarisation individuelle est financée par le budget général de l’éducation, tandis que la scolarisation collective est financée par l’assurance maladie. Autisme-Europe a fait valoir que le Gouvernement n’avait pas pris, dans la pratique, suffisamment de mesures en faveur de l’éducation des enfants et des adultes autistes en raison d’insuffisances identifiables – quantitatives et qualitatives – concernant tant la scolarisation ordinaire que ce qu’il était convenu d’appeler le secteur éducatif spécialisé.

2. La plainte

Autisme-Europe soutenait que le fait de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer le droit à l’éducation des enfants et des adultes autistes avait porté atteinte au droit des personnes handicapées à l’indépendance, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, au droit des enfants et des jeunes à la protection sociale, juridique et économique, et à l’interdiction de la discrimination.

3. La décision

Le Comité a rappelé que, pour mettre en œuvre la Charte, les États parties étaient tenus de prendre non seulement des mesures juridiques, mais aussi des mesures pratiques afin de donner pleinement effet aux droits qui y étaient reconnus. Lorsque la réalisation de l’un de ces droits était exceptionnellement complexe et particulièrement coûteuse, un État partie se devait de prendre des mesures pour que les objectifs énoncés dans la Charte soient atteints dans un délai raisonnable, avec des progrès mesurables, et dans toute la mesure compatible avec l’utilisation maximale des ressources disponibles. En agissant ainsi, les États devraient tenir compte des incidences que les mesures choisies pouvaient avoir sur des groupes particulièrement vulnérables, ainsi que sur les autres personnes qu’elles touchaient, en particulier les familles des personnes vulnérables. À la lumière des faits de l’espèce, le Comité a observé que le Gouvernement avait continué à utiliser une définition de l’autisme plus restrictive que celle adoptée par l’Organisation mondiale de la Santé, et que les statistiques officielles permettant de mesurer de manière rationnelle les progrès accomplis au fil du temps demeuraient insuffisantes. En outre, la proportion d’enfants autistes scolarisés dans les établissements d’enseignement général ou spécialisé était nettement inférieure à celle des autres enfants – handicapés ou non -, et il existait une insuffisance chronique en matière de soins et d’appui aux adultes autistes. Pour ces raisons, le Gouvernement n’avait pas réalisé de progrès suffisants pour développer la scolarisation des personnes autistes. Le Comité a également observé que les établissements spécialisés dans l’éducation et les soins aux enfants handicapés – en particulier les enfants autistes – n’étaient généralement pas financés par le même budget que les écoles ordinaires. Toutefois, cette situation ne pouvait être assimilée à une discrimination dans la mesure où c’était aux États eux-mêmes qu’il appartenait de décider des modalités de financement.

4. Les conclusions

Le Comité a déclaré que le Gouvernement ne respectait pas la Charte.