En procédant à la ratification, l’État consent à être lié par la Convention, qui entre en vigueur pour lui. Pour autant, elle ne vient pas automatiquement à faire partie de sa législation.
Il existe essentiellement deux grands modes de transposition des conventions dans le droit national; ils répondent généralement à des traditions juridiques différentes, et le système applicable est souvent inscrit dans la constitution nationale.
Les pays monistes partent du principe que le droit national et le droit international forment un seul ordre juridique. Le droit international n’a pas besoin d’être transcrit dans le droit national: la ratification incorpore immédiatement un instrument international au système national. Ses dispositions peuvent être directement appliquées par les juges et invoquées par les ressortissants du pays, au même titre que la législation nationale. Un juge peut frapper de nullité une norme nationale si elle est en contradiction avec les règles internationales. Dans certains États, le droit international prime toujours, tandis que d’autres appliquent le principe lex posterior derogat legi priori. Dans certains États parties à la Convention, comme l’Argentine, le Chili, le Costa Rica, la Croatie, l’Espagne, la Hongrie, le Mali, le Niger, le Qatar et la Slovénie, les dispositions de la Convention acquièrent directement force juridique et sont en principe immédiatement applicables, y compris par les juridictions de l’ordre judiciaire. Des particuliers qui ont invoqué devant les tribunaux la violation de droits sanctionnés par d’autres instruments, comme le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, ont obtenu des dédommagements ou une réparation.
Dans les pays dualistes, les ordres juridiques international et national sont considérés comme distincts. Les instruments internationaux des droits de l’homme auxquels ces États sont parties ne sont pas applicables en tant que tels dans l’ordre national, et des textes doivent être adoptés pour transcrire l’instrument dans le droit national. Si certains États parties ont apporté des modifications à la législation existante pour se mettre en conformité avec la Convention, il semble que les mesures prises jusqu’à présent ne permettent pas de donner directement effet à la Convention dans le système juridique interne.
Si un pays dualiste ne transpose pas un instrument international dans le droit national, par exemple par négligence ou parce que la ratification ou l’adhésion obéissent à des motivations purement politiques, l’application de cet instrument est incertaine. Si l’État ne transcrit pas la Convention dans son ordre juridique après l’avoir ratifiée, les personnes qui ont le plus besoin de la protection qu’elle apporte n’en bénéficieront pas nécessairement. Parmi les pays dualistes figurent l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, l’Inde, le Kenya, le Malawi, le Royaume-Uni et la Zambie.
Les organes conventionnels ont souvent recommandé que les États transcrivent les instruments des droits de l’homme dans le droit national pour qu’ils produisent tous leurs effets. C’est ainsi que, dans son observation générale n° 31 (2004) relative à la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, le Comité des droits de l’homme, tout en relevant que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne faisait pas expressément obligation aux États parties d’incorporer ses dispositions, a cependant exprimé l’avis «que les droits garantis par le Pacte sont susceptibles d’être mieux protégés dans les États où le Pacte fait partie de l’ordre juridique interne automatiquement ou par voie d’incorporation expresse», et a invité les États parties à agir en conséquence.
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a exprimé des vues analogues dans son observation générale n° 9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national: «les normes internationales contraignantes relatives aux droits de l’homme devraient s’appliquer directement et immédiatement dans le cadre du système juridique interne» et «même si le Pacte n’oblige pas formellement les États à incorporer ses dispositions dans la législation interne, une telle démarche est souhaitable».
Dans les pays où il faut que la loi renvoie aux dispositions d’un instrument ou les reproduise, les magistrats ont parfois trouvé des moyens ingénieux d’exploiter les normes internationales. On peut citer le cas de l’Afrique du Sud, qui n’est pas partie au Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, mais dont la Cour constitutionnelle s’est appuyée sur les observations générales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour interpréter la portée de ces droits au regard de la Constitution sud-africaine.