Introduction

Pratiquer une discrimination, c’est traiter une personne ou une chose différemment. L’expression n’est pas nécessairement négative: discriminer, cela peut consister à faire preuve de jugement. Néanmoins, le terme de discrimination peut également désigner le comportement de celui qui traite certaines personnes de manière inéquitable en raison de leurs caractéristiques. C’est cette seconde acception qui intéresse le droit des droits de l’homme.

La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît que Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Cet énoncé concis a été repris dans les législations et constitutions nationales, dans des accords régionaux et dans des instruments des Nations Unies. Mais que signi-fie-t-il dans la pratique? La discrimination peut prendre de nombreuses formes: elle peut être très ouverte, inscrite dans la loi ou occulte. Elle est souvent le produit de préjugés, de disparités économiques et sociales, et d’idées préconçues d’ordre culturel ou religieux. Pour combattre la discrimination, il faut combattre ces visions négatives.

La discrimination fondée sur le handicap frappe aujourd’hui une grande partie de la population mondiale. C’est une des principales difficultés rencontrées par les personnes handicapées et par leurs proches. Elle se manifeste sous différentes formes et peut avoir des effets désastreux sur leur existence et, par extension, sur le reste de la société. Dans son observation générale n° 5 (1994), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels indique ce qui suit:

[...] les personnes souffrant d’un handicap font depuis toujours l’objet d’une discrimination qui se manifeste sous diverses formes – qu’il s’agisse des tentatives de discrimination odieuse telles que le déni aux enfants souffrant de handicap de la possibilité de suivre un enseignement, ou des formes plus subtiles de discrimination que constituent la ségrégation et l’isolement imposés matériellement ou socialement. [.] Ce sont aussi bien la négligence, l’ignorance, les préjugés et les idées fausses que l’exclusion, la différenciation ou la ségrégation pures et simples, qui bien souvent empêchent les personnes souffrant d’un handicap de jouir de leurs droits économiques, sociaux ou culturels sur la base de l’égalité avec le reste des êtres humains. C’est dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du logement, des transports, de la vie culturelle et en ce qui concerne l’accessibilité des lieux et services publics que les effets de cette discrimination se font particulièrement sentir. (C’est nous qui soulignons)

Si l’observation générale porte spécifiquement sur les droits économiques, sociaux et culturels, elle pourrait s’appliquer aussi bien aux droits civils et politiques. Nombreux sont par exemple les pays où les personnes handicapées ne sont toujours pas autorisées à voter et n’ont pas la capacité juridique de se marier ou de conclure un contrat d’achat ou de vente d’un bien immobilier.

Il est difficile d’analyser la discrimination sans s’intéresser aussi au concept d’égalité. Dans le droit des droits de l’homme, la non-discrimination et l’égalité sont réellement les deux faces d’une même pièce. En luttant contre la discrimination, nous espérons lutter contre les facteurs qui, dans la société, génèrent l’inégalité. Et en combattant les facteurs qui sont source d’inégalité, nous espérons prévenir la discrimination.

Il peut néanmoins y avoir, dans l’étude des relations entre non-discrimination et égalité, une certaine confusion sur le sens du mot «égalité». Celui-ci est souvent compris comme désignant des réalités qui sont identiques ou équivalentes. Dans le cas des droits de l’homme, il ne signifie aucunement que toutes les personnes sont identiques. Il veut dire qu’elles ont toutes les mêmes droits. Pour que deux personnes aient les mêmes droits, il faut parfois qu’elle soit traitées différemment en raison de leurs différences intrinsèques (par exemple, lorsqu’elles sont de sexes différents, qu’elles n’ont pas le même patrimoine linguistique, qu’elles n’appartiennent pas toutes deux à une minorité ou qu’elles ont des incapacités différentes).

Traiter différemment deux personnes dans de telles conditions peut créer la confusion et susciter des allégations de discrimination. Or il ne s’agit pas de discrimination. Il s’agit de la simple reconnaissance du fait que les personnes sont différentes mais qu’elles ont les mêmes droits; pour faire de l’égalité une réalité, il faut parfois procéder différemment selon les personnes dont il s’agit.