A. Les rapports des États

1. Le Comité des droits des personnes handicapées

Avant de s’intéresser aux rapports, il importe de bien comprendre la nature et le rôle du Comité des droits des personnes handicapées, lequel reçoit et examine les rapports des États et des autres parties prenantes. Il est institué par l’article 34. Il s’agit d’un organe conventionnel formé de 18 experts indépendants siégeant à titre personnel. Ce sont des personnalités élues par les États parties à la Convention lors des réunions de la Conférence des États parties, qui possèdent notamment:

Lors de l’élection de ces experts, les États parties devraient tenir compte d’une série de principes énoncés à l’article 34, à savoir:

Le dernier critère – celui de la participation d’experts handicapés – est une innovation de la Convention attestant que les personnes handicapées sont fréquemment exclues la prise des décisions qui les concernent. Dans le même esprit, les États parties sont invités à tenir dûment compte, lorsqu’ils désignent leurs candidats, de la disposition énoncée au paragraphe 3 de l’article 4. Celle-ci prescrit aux États parties de consulter étroitement et de faire activement participer les personnes handicapées – enfants compris – et les organisations qui les représentent à l’adoption des décisions qui les concernent (et en particulier à celles qui ont trait aux lois et aux politiques). Si la disposition à ce sujet est formulée dans des termes relativement peu contraignants – puisque les États sont seulement invités à tenir compte du paragraphe 3 de l’article 4 lors de la désignation de leurs candidats – elle n’en indique pas moins que la désignation des candidats ne devrait pas être laissée à la seule appréciation des gouvernements, et que d’autres sphères de la société ont un rôle à jouer dans la composition du Comité et des raisons de s’y intéresser.

Les experts du Comité sont élus pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois.

La principale mission du Comité est de recevoir des rapports détaillés de chaque État partie à la Convention (voir plus loin).

De plus, en vertu du Protocole facultatif, le Comité a compétence pour:

Le Comité mène aussi des travaux thématiques. Il:

Enfin, le Comité a des pouvoirs concernant sa propre administration. Ainsi:

2. L’obligation des États de présenter des rapports

Aux termes du paragraphe 1 de l’article 35, «Chaque État Partie présente au Comité, par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, un rapport détaillé sur les mesures qu’il a prises pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la présente Convention et sur les progrès accomplis à cet égard, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente Convention pour l’État Partie intéressé.».

Après le rapport initial, l’État partie doit présenter un rapport tous les quatre ans au moins, et chaque fois que le Comité en fait la demande. Les rapports qui suivent le rapport initial sont souvent dits périodiques. La disposition selon laquelle le Comité peut demander des rapports à tout moment a été ajoutée pour permettre à celui-ci de réagir à des situations particulières qui requièrent son attention en-dehors du cycle quadriennal.

3. Le cycle d’établissement des rapports

Le cycle d’établissement des rapports est celui que prévoient tous les instruments des droits de l’homme. L’important est de se souvenir qu’il s’agit d’un cycle. L’établissement du rapport n’est pas, ou en tout cas ne devrait pas être, un événement ponctuel mais un processus en plusieurs étapes, consistant à:

Le fait que les États parties sont invités à établir leurs rapports selon une procédure ouverte et transparente, en tenant compte des dispositions du paragraphe 3 de l’article 4, peut constituer une importante différence par rapport aux normes des autres instruments. Comme nous l’avons déjà indiqué, cet article prescrit aux États parties de consulter étroitement et de faire activement participer les personnes handicapées – y compris les enfants – et les organisations qui les représentent à l’adoption des décisions qui les concernent (et en particulier à celles qui ont trait aux lois et aux politiques). S’agissant de l’élaboration du rapport, les États – nous l’avons déjà dit – sont seulement invités à tenir dûment compte de cette prescription. Mais cela indique une fois encore que ce processus d’élaboration (et à vrai dire toute l’activité du cycle d’établissement des rapports) ne devrait pas être uniquement l’affaire des pouvoirs publics; il est légitime que d’autres sphères de la société s’y intéressent.

4. Les documents à établir

L’État doit établir principalement deux documents:

5. La méthodologie

Il n’y a pas à strictement parler de méthode particulière que les États devraient adopter pour l’établissement de leurs rapports. Il pourrait cependant leur être utile de procéder comme suit:

6. Contenu: les directives relatives à l’établissement des rapports 14

Pour conseiller les États parties sur la forme et le contenu à donner à leurs rapports, le Comité a émis des directives destinées à en faciliter l’élaboration, à en assurer l’ex-haustivité et à permettre une présentation uniforme. Si les directives sont respectées, il sera d’autant moins nécessaire au Comité de demander des renseignements complémentaires en vertu de l’article 36 de la Convention ou du paragraphe 3 de l’article 36 de son Règlement intérieur.

Pour ce qui est des droits énoncés dans la Convention, le document spécifique à l’instrument devrait indiquer:

Le document spécifique à l’instrument devrait être remis sur support électronique accessible et sur papier.

Le rapport devrait s’inspirer des paragraphes 24 à 26 et 29 des directives harmonisées.

Le format de ce document spécifique à l’instrument devrait être en conformité avec les paragraphes 19 à 23 des directives harmonisées. Le rapport initial ne devrait pas dépasser 60 pages et les documents ultérieurs spécifiques à l’instrument devraient se limiter à 40 pages. Les paragraphes devraient être numérotés en continu.

Il ressort des directives qu’il serait souhaitable de donner au rapport la structure générale suivante:

Les directives du Comité énoncent les éléments que les États parties devraient fournir à propos de chaque disposition.

Le rapport initial du Pérou (CRPD/C/ PER/1), dont un extrait est reproduit ci-dessous, constitue un bon exemple, car l’État partie a traité chacun des points énoncés dans les directives du Comité. S’agis-sant de l’article 29, par exemple, le tableau ci-après indique, dans la colonne de gauche, les directives, et dans celle de droite, les mesures prises. L’exemple est intéressant à deux titres au moins:

23. Article 29: Participation à la vie politique et à la vie publique

81. Cet article garantit la jouissance des droits politiques aux personnes handicapées.

Indications à donner Progrès réalisés
La législation et les mesures tendant à garantir aux personnes handicapées, en particulier à celles présentant une déficience mentale ou intellectuelle, les droits politiques, en signalant, le cas échéant, les limitations existantes et les mesures prises pour y remédier Depuis décembre 2009, date de l’adoption par le Congrès de la République de la loi n° 29478, le Bureau électoral national dispose du cadre juridique nécessaire pour accorder aux personnes handicapées des facilités afin qu’elles puissent voter.
Les mesures prises pour permettre à toutes les personnes handicapées d’exercer leur droit de vote, seules ou en se faisant aider par une personne de leur choix La carte nationale d’identité est l’unique titre exigé pour voter. Son utilisation est obligatoire pour tous les citoyens et le Registre national de l’état civil a adopté un décret en vertu duquel la carte nationale d’identité est délivrée gracieusement aux personnes handicapées, après accréditation.
Les mesures prises pour assurer la pleine accessibilité des procédures, locaux et matériels électoraux En vertu de la loi n° 29478, le Bureau électoral national tient un registre des personnes handicapées, qui peut être consulté sur la page web de cette institution, en vue de faciliter l’accès au vote, notamment de la manière suivante: a) élaboration de cartes d’électeur en braille pour les aveugles; b) installation de tables de vote au rez-de-chaussée des bureaux de vote; c) transfert temporaire des tables de vote situées aux étages supérieurs afin d’éviter aux personnes handicapées d’avoir à monter des escaliers; d) signalisation des bureaux de vote pour orienter les personnes handicapées et diffusion des mesures adoptées pour faciliter l’accès aux bureaux de vote.
Les indicateurs mis en place pour déterminer si les personnes handicapées exercent pleinement leur droit de participer à la vie politique et à la vie publique

Entre 2004 et 2007, 10 758 personnes handicapées ont exercé leur droit de vote.

  • Au total, entre 2003 et le 5 mars 2010, 67 729 cartes nationales d’identité ont été gratuitement délivrées à des personnes handicapées, dont 38 805 à des adultes et 28 924 à des mineurs.
Le soutien apporté, le cas échéant, aux personnes handicapées pour la création et la gestion d’organisations de défense de leurs droits et intérêts aux niveaux local, régional et national Depuis 2001, le Conseil national pour l’intégration des personnes handicapées (CONADIS) tient un registre d’associations, d’ONG et de syndicats qui œuvrent en faveur des personnes handicapées et s’occupent de leurs problèmes; dans plusieurs de ces organisations, ce sont des parents ou des membres de la famille qui siègent au conseil d’administration. À ce jour, 310 institutions sont inscrites au Registre national, ce qui leur permet de conclure des accords, de bénéficier de la coopération internationale et de favoriser l’insertion sociale de leurs membres.

7. La liste des points à traiter

Une fois que le Comité a reçu le rapport de l’État partie, celui de ses membres qui est rapporteur pour ce pays l’étudie, et le Comité décide, avec le concours du rapporteur, s’il y manque des informations. Le Comité adresse ensuite à l’État partie une liste des points à traiter afin qu’il complète les renseignements contenus dans le rapport. En règle générale, les États parties répondent à cette liste par écrit, avant le dialogue constructif avec le Comité.

La liste des points à traiter est normalement arrêtée par le Comité à la session qui précède le dialogue constructif avec l’État partie. Cela laisse à ce dernier le temps de réagir. Cela laisse également au Comité le temps de réfléchir aux renseignements supplémentaires communiqués par le pays et de décider s’il dispose désormais de suffisamment d’informations sur tel ou tel sujet, ou s’il faut reprendre la question au cours du dialogue constructif.

Le rapport de la Tunisie illustre le fonctionnement du système de la liste des points à traiter. Dans son rapport initial, la Tunisie avait donné des renseignements sur les droits des enfants handicapés, mais ils étaient centrés principalement sur la santé et l’éducation. Elle n’avait pas donné d’informations sur la protection des enfants contre la violence et l’exploitation. Le Comité en a donc sollicité. Dans sa réponse (CRPD/C/ TUN/Q/1/Add.1), la Tunisie a indiqué ce qui suit:

Il est intéressant de constater que l’État partie donne des informations sur son dispositif de protection de l’enfance en général, mais peu de renseignements sur la protection des enfants handicapés eux-mêmes. Si ce dispositif doit bien entendu s’appliquer aux enfants handicapés, il existe toute une série de raisons pour lesquelles les lois et les politiques devraient traiter spécifiquement de la protection des enfants handicapés. Pour ne citer qu’un exemple, les adultes peuvent éprouver des difficultés à communiquer avec des enfants qui sont sourds, ce qui peut à son tour exposer plus particulièrement ces enfants à la violence et à la maltraitance parce qu’ils ne sont pas en mesure de chercher à se faire protéger.

Si l’État partie n’a pas pleinement répondu à la question du Comité, il lui a tout de même fait connaître l’existence d’un dispositif de protection de l’enfance, ce qui a permis au Comité de poser des questions plus précises pendant sa session et, ainsi, d’utiliser au mieux le temps limité dont il dispose.

8. La session du Comité

L’État partie se présente ensuite devant le Comité pour nouer avec lui un dialogue constructif, à l’issue duquel le Comité formule des observations finales et des recommandations à l’adresse de l’État partie.

Le Comité tient actuellement deux sessions par an, qui comportent chacune de nombreuses questions à l’ordre du jour. À compter du début de 2014, il y aura au total cinq semaines de séances plénières et deux semaines de réunions de groupes de travail de présession. La première journée s’ouvre ordinairement par des allocutions inaugurales prononcées par le/la président(e) et un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). Viennent ensuite des débats en séance plénière, auxquels participent les représentants d’institutions et d’organismes des Nations Unies tels que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation internationale du Travail (OIT) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ainsi que du HCDH, puis des représentants de la société civile. Le Comité peut également se réunir en séance privée pour préparer le dialogue avec un État partie.

Le Comité s’entretient ensuite avec l’État partie. Le dialogue est divisé en deux séances de trois heures, qui se tiennent deux jours différents. La première étape en est la présentation par l’État partie, suivie d’un exposé liminaire du rapporteur du Comité pour le pays considéré. Après quoi les membres du Comité prennent la parole pour faire part de leurs réflexions au sujet du rapport de l’État partie et poser des questions supplémentaires. Le dialogue se poursuit en trois phases, avec une série de questions posées par les membres du Comité, suivie des réponses de l’État partie. À plusieurs reprises au cours de la journée, les représentants de l’État partie reçoivent le temps de répondre. Ensuite, le Comité se réunit en séance privée pour débattre de ses observations finales et recommandations, ce qui demande également un certain temps.

En plus des dialogues constructifs qu’il a avec les États parties, le Comité étudie les communications qui lui sont présentées au titre du Protocole facultatif, ainsi que des questions qui requièrent son attention, comme son rapport à l’Assemblée générale (selon les sessions), le renforcement des organes conventionnels, ses méthodes de travail, la rédaction d’observations générales ou la préparation des futures journées de débat général.

Les observations finales sont conçues sur le même modèle que celles des autres organes conventionnels. A l’exposé des aspects positifs de la mise en œuvre par l’État partie succède l’énoncé des «facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention» et des «principaux sujets de préoccupation et recommandations». Ces derniers sont exprimés sous la forme d’observations suivies de recommandations et adoptent la même structure que le rapport, à savoir articles 1er à 4, droits spécifiques, et obligations spécifiques.

L’exemple déjà cité de la Tunisie permet de remarquer que les préoccupations du Comité semblaient persister au stade de la liste des points à traiter et que les réponses de l’État partie n’avaient pas suffi à les dissiper. Dans ses observations finales (CRPD/C/ TUN/CO/1), le Comité indiquait ce qui suit:

9. Le suivi

Une fois adoptées, les observations finales sont presque immédiatement placées sur le site web du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) (www.ohchr.org).

Cependant, l’État partie a un rôle clé à jouer dans le suivi. Aux termes du paragraphe 4 de l’article 36 de la Convention:

Les États Parties mettent largement leurs rapports à la disposition du public dans leur propre pays et facilitent l’accès du public aux suggestions et recommandations d’ordre général auxquelles ils ont donné lieu.

Les États devraient donc à tout le moins rendre les observations finales publiques. Ils devraient en outre chercher à donner suite aux recommandations, d’autant qu’ils auront à rendre compte de leur application quatre ans plus tard.

Ayant ces responsabilités à l’esprit, l’État pourrait:

Depuis avril 2012, le Comité a mis au point une procédure de suivi. Il choisit deux ou trois recommandations – celles dont l’application lui paraît être de la plus importante pour améliorer la situation des personnes handicapées dans le pays – et demande à l’État partie de lui faire rapport dans les 12 mois qui suivent sur les mesures prises pour leur donner effet.

10. L’utilité de l’établissement des rapports

Il importe de garder à l’esprit que l’élaboration du rapport n’est pas une activité ponctuelle ni une tâche qui doit être menée à bien uniquement pour remplir une obligation découlant de la Convention. Elle est une pièce maîtresse de toute l’application. Faire rapport au Comité est à la fois une fin en soi et un moyen de renforcer la mise en œuvre. L’établissement du rapport peut notamment servir à: