A. Les formes de discrimination prohibées

Le droit relatif à la non-discrimination fait intervenir un certain nombre de concepts qu’il importe de comprendre.

Les discriminations de jure et de facto

La discrimination de jure (inscrite dans la loi)

Le droit des droits de l’homme prohibe la discrimination consacrée par la législation. Dans certains pays, la loi électorale interdit aux personnes ayant une incapacité mentale et placées sous tutelle de voter. Dans le droit des droits de l’homme, c’est un exemple de discrimination fondée sur le handicap. Il s’agit d’une distinction faite par la loi en raison du handicap mental qui a pour but et pour effet de réduire à néant, pour certaines personnes handicapées, la reconnaissance du droit de vote.

La discrimination de facto (exercée dans la pratique)

Les personnes sont protégées non seulement contre la discrimination inscrite dans les textes, mais aussi contre celle qui s’exerce dans la pratique. Ainsi, elles sont protégées contre les décisions prises par les employeurs sur la base de stéréotypes ou d’idées préconçues quant aux aptitudes ou à l’efficacité du personnel handicapé. L’employeur qui refuse de promouvoir une personne handicapée parce qu’il a la conviction, sans preuve aucune, que son handicap l’empêchera d’exercer les fonctions de son nouveau poste commet, a priori, une discrimination de facto. C’est là une distinction fondée sur le handicap qui a pour but et pour effet de porter atteinte au droit au travail (y compris au déroulement de la carrière).

Les discriminations directe et indirecte

La discrimination directe

Il y a discrimination directe lorsqu’une personne est traitée moins favorablement qu’une autre, qui se trouve dans la même situation, pour un motif lié au handicap. Ainsi, le refus d’admettre un élève handicapé dans le système général d’enseignement équivaut à une discrimination directe. Imaginons un instant qu’une entreprise ait pour principe de n’embaucher aucune personne ayant un dos fragile, quelles que soient les fonctions du poste à pourvoir. Cette règle fait subir une discrimination illégitime aux personnes handicapées qui sont en mesure de s’acquitter de ces fonctions: elles sont traitées de manière inéquitable par rapport à d’autres candidats au poste en raison de leur handicap.

La discrimination indirecte

La discrimination est dite indirecte dans le cas des lois, politiques ou pratiques qui paraissent neutres mais qui ne tiennent pas compte de la situation particulière des personnes handicapées – et qui, de ce fait, leur font du tort directement ou ont un impact disproportionné sur l’exercice de leurs droits. Ainsi, l’imposition par un employeur à tous ses salariés d’une seule et même heure de déjeuner pourrait constituer une discrimination envers une personne handicapée tenue de prendre un médicament à heure fixe ou de se reposer périodiquement pendant la journée. Alors que cette obligation s’applique apparemment à tout le personnel et ne vise pas les personnes handicapées, elle a un effet discriminatoire. Combattre la discrimination indirecte aide à remonter jusqu’aux partis pris qui sont à la racine de la discrimination et de l’exclusion. À noter que la discrimination indirecte est parfois difficile à prouver.

Des formes multiples de discrimination

La Convention rappelle dans son préambule «les difficultés que rencontrent les personnes handicapées, qui sont exposées à des formes multiples ou aggravées de discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale, ethnique, autochtone ou sociale, la fortune, la naissance, l’âge ou toute autre situation». Une femme handicapée, par exemple, peut être victime d’une discrimination fondée non seulement sur le handicap mais aussi sur le sexe.

Prenons le cas d’une femme déplacée dans son propre pays qui fuit une guerre. Elle est très pauvre, appartient à une minorité ethnique et souffre d’un handicap physique. C’est là un scénario courant dans bon nombre de pays en proie à des conflits et des crises humanitaires. Cette femme pourrait être victime de discriminations multiples en raison de son sexe, sa condition sociale et son handicap. Les femmes sont souvent exposées aux violences sexuelles lors des conflits. Les personnes handicapées sont elles aussi fréquemment victimes de violences sexuelles parce qu’elles sont cachées, qu’on ne s’occupe pas d’elles ou qu’elles ont parfois davantage de mal à communiquer. Il s’ensuit que les femmes handicapées courent des risques multiples de violences sexuelles en cas de conflit, en particulier lorsque les stratégies de préparation ne tiennent pas compte d’elles.

La discrimination systémique

Malheureusement, la discrimination est souvent systémique. L’approche du handicap fondée sur l’approche caritative et sur l’approche médicale est encore profondément ancrée dans toutes les sociétés, à tous les niveaux. Faire évoluer la discrimination systémique est un travail de longue haleine. C’est en partie pour la combattre que l’article 8 de la Convention prescrit aux États de sensibiliser la société à la situation des personnes handicapées et de promouvoir le respect de leurs droits et de leur dignité.

La discrimination par association

Les proches non handicapés d’une personne handicapée peuvent eux aussi être victimes de la discrimination liée au handicap. C’est le cas par exemple d’une femme que son employeur licencie lorsqu’il découvre qu’elle a un fils malentendant, parce qu’il part du principe qu’elle aura besoin de temps pour s’occuper de lui. Elle n’est pas handicapée, mais elle subit une discrimination du fait du handicap de son fils. En d’autres mots, elle est victime d’une discrimination fondée sur le handicap qui réduit à néant son droit de travailler.

Le harcèlement

Il y a harcèlement lorsqu’une personne est ridiculisée ou qu’elle est l’objet d’observations désobligeantes ou d’autres vexations en raison de son handicap. La législation devrait protéger contre le harcèlement. L’article 27, alinéa b), de la Convention mentionne expressément la protection contre le harcèlement dans le travail et dans l’emploi. La pratique du supérieur hiérarchique qui chargerait systématiquement une personne handicapée de tâches subalternes alors que d’autres personnes non handicapées auraient des fonctions plus complexes et plus intéressantes pourrait être qualifiée de harcèlement.

Le traitement différencié justifié

Si toutes les discriminations sont interdites, il est parfois légitime de traiter deux personnes différemment en raison du handicap. Prenons le cas d’un homme souffrant d’un violent mal de dos qui l’empêche de se courber, et qu’une entreprise refuse de recruter comme moquettiste parce qu’il est incapable s’acquitter de la tâche principale – poser de la moquette.

Un traitement différencié n’est pas toujours discriminatoire. Les critères d’appréciation du traitement différencié justifié sont à rechercher dans d’autres domaines du droit des droits de l’homme:

Si une personne ne peut pas effectuer un travail et qu’aucun aménagement raisonnable n’est possible, un traitement différencié est justifiable.