H. M. c. Suède (communication n° 3/2011)

1. Les faits

L’auteur, que son handicap a fini par contraindre à rester alitée, ne pouvait pas quitter son domicile pour être transportée à l’hôpital ou dans un centre de réadaptation car son handicap la rendait trop vulnérable. Le seul traitement qui pouvait arrêter la progression de la maladie était une hydrothérapie que l’auteur, dans sa situation, ne pouvait suivre que dans une piscine intérieure, à son domicile. L’auteur avait donc demandé un permis pour la construction d’une extension de sa maison sur le terrain qui lui appartenait et dont une partie se trouvait dans une zone inconstructible. Sa demande avait été rejetée à tous les niveaux de la justice administrative du pays au motif qu’elle allait à l’encontre de la réglementation et qu’il n’était pas possible d’autoriser un écart même mineur par rapport au plan détaillé et à la loi de l’État partie sur la planification et la construction.

2. La requête

L’auteur affirmait être victime d’une violation par la Suède de ses droits au titre des articles 1er (objet), 2 (définitions), 3 (principes généraux), 4 (obligations générales), 5 (égalité et non-discrimination), 9 (accessibilité), 10 (droit à la vie), 14 (liberté et sécurité de la personne), 19 (autonomie de vie et inclusion dans la société), 20 (mobilité personnelle), 25 (santé), 26 (adaptation et réadaptation) et 28 (niveau de vie adéquat et protection sociale) de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Elle estimait que les décisions des organes administratifs et des tribunaux de l’État partie étaient discriminatoires, car elles ne tenaient pas compte de ses droits à l’égalité des chances en matière de réadaptation et d’amélioration de son état de santé, la privant ainsi de son droit à une qualité de vie adéquate. Elle demandait donc au Comité de déterminer si ses besoins en matière de réadaptation et de soins liés à son handicap l’emportaient sur l’intérêt public tel qu’il était protégé par le comité local du logement et défini par la loi sur la planification et la construction.

3. Les observations de l’Etat partie sur la recevabilité et sur le fond

Selon l’État partie, la plainte de l’auteur n’était pas étayée par le minimum de preuves requis aux fins de la recevabilité, et devait être déclarée irrecevable conformément à l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif. L’État partie affirmait en outre que l’auteur n’avait fait qu’invoquer un certain nombre d’articles de la Convention sans indiquer en quoi les droits qui en découlaient avaient été violés; par conséquent, l’État partie ne pouvait rien faire de plus qu’expliquer en termes généraux en quoi la législation suédoise répondait aux exigences de ceux de ces articles qui pouvaient être pertinents en l’espèce. L’État partie estimait donc que la communication devait être déclarée irrecevable car dénuée de fondement, les griefs de l’auteur au titre de différents articles de la Convention ne présentant pas le niveau minimum de justification requis.

4. La décision

Le Comité a noté que l’auteur avait invoqué une violation des articles 9, 10, 14 et 20 de la Convention, sans cependant démontrer comment ces dispositions auraient pu être enfreintes. Il a donc considéré que ces griefs n’avaient pas été suffisamment justifiés aux fins de la recevabilité, et qu’ils étaient donc irrecevables en vertu de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif. Il a estimé que les allégations de l’auteur au titre des articles 3, 4, 5, 19, 25, 26 et 28 de la Convention avaient été suffisamment étayées pour être recevables et a entrepris leur examen au fond. Le Comité a relevé que les informations dont il disposait montraient que l’état de santé de l’auteur était critique et qu’une piscine d’hydrothérapie à son domicile était essentielle et constituait un moyen efficace – le seul efficace dans son cas – de répondre à ses besoins en matière de santé. Les modifications et les ajustements nécessaires requéraient donc une dérogation par rapport au plan d’occupation des sols afin d’autoriser la construction d’une piscine d’hydrothérapie. Se référant aux définitions que la Convention donne de la «discrimination fondée sur le handicap» et de l’«aménagement raisonnable», le Comité a constaté que l’État partie n’avait pas indiqué que cette dérogation imposerait une «charge disproportionnée ou indue», ce qui aurait pu rendre la demande d’aménagement déraisonnable. S’agissant des articles 25 (santé) et 26 (adaptation et réadaptation), le Comité a relevé qu’en rejetant la demande de permis de construire de l’auteur, l’État partie n’avait pas pris en compte les circonstances particulières et les besoins spécifiques de l’auteur dus à son handicap. Le Comité était donc d’avis que les décisions rendues par les autorités nationales, qui avaient refusé d’accorder une dérogation au plan d’occupation des sols pour permettre la construction d’une piscine d’hydrothérapie, étaient disproportionnées et avaient eu un effet discriminatoire qui avait nui à l’accès de l’auteur, en tant que personne handicapée, aux soins de santé et à l’aide à la réadaptation que son état de santé exigeait.

5. Les conclusions

Le Comité a estimé que l’État partie ne s’était pas acquitté des obligations qui lui incombaient en vertu des paragraphes 1 et 3 de l’article 5, de l’alinéa b) de l’article 19, et des articles 25 et 26 de la Convention, lus séparément et conjointement avec les alinéas b), d) et e) de l’article 3, et avec l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 4. Étant parvenu à cette conclusion, le Comité n’a pas estimé nécessaire d’examiner les griefs que l’auteur tirait de l’article 28 de la Convention.