Pour combattre la discrimination, il ne suffit pas de l’interdire. Il faut aussi remonter jusqu’à la source de la discrimination indirecte – faire disparaître les partis pris qui sont à l’origine même de la discrimination – en favorisant l’égalité. Aussi des mesures spécifiques sont-elles souvent nécessaires pour contribuer à instaurer l’égalité au bénéfice des personnes confrontées à la discrimination, dont les personnes handicapées. Ces mesures particulières en faveur d’une personne handicapée ne sont pas considérées comme discriminatoires: elles constituent un traitement différencié justifié. C’est ce que reconnaît la Convention, dont l’article 5, paragraphe 4, se lit ainsi:
Les mesures spécifiques qui sont nécessaires pour accélérer ou assurer l’égalité de facto des personnes handicapées ne constituent pas une discrimination au sens de la présente Convention.
La Convention reconnaît donc que, pour assurer l’égalité effective avec les autres personnes, il peut parfois être nécessaire d’adopter des mesures spécifiques aux personnes handicapées.
Ces mesures peuvent être pérennes – construction en milieu urbain de garages accessibles aux véhicules transportant des personnes handicapées, par exemple – ou temporaires – quotas d’emploi de travailleurs handicapés, par exemple. Ces deux types de mesures sont autorisés par la Convention et ne constituent pas une discrimination au sens de son article 2.
Des mesures spécifiques en faveur d’une personne ou d’un groupe peuvent parfois provoquer le ressentiment d’autres personnes, qui les jugent injustes, voire discriminatoires. Elles ne sont cependant légitimes que dans la mesure où elles remédient au déséquilibre entre les personnes handicapées et les autres dans la jouissance des droits de l’homme. Une fois l’égalité réalisée, elles ne sont plus nécessaires.
La disposition précitée de l’article 5 doit être lue en parallèle avec les dispositions spécifiques de la Convention qui visent à prévenir la discrimination et à promouvoir l’égalité dans la jouissance d’un large éventail de droits – par exemple en matière de mariage, de famille, de fonction parentale et de relations personnelles (art. 23), d’éducation (art. 24), de santé (art. 25), d’emploi (art. 27), de niveau de vie et de protection sociale (art. 28), et de participation à la vie publique et à la vie politique (art. 29).
Prenons par exemple le droit au travail, reconnu à l’article 27. La Convention impose aux États parties d’employer des personnes handicapées dans le secteur public et d’en favoriser l’emploi dans le secteur privé, y compris par des programmes d’action positive. Il s’agit là de mesures spécifiques qui visent à remédier au sous-emploi des personnes handicapées dans un domaine où l’État a une influence directe par sa politique de l’emploi. En cherchant activement à engager des personnes handicapées, l’État peut promouvoir l’égalité dans la jouissance du droit au travail. En prescrivant au secteur privé de mettre en place des programmes d’action positive ou en l’y encourageant, l’État peut exercer indirectement une influence sur l’emploi.
Parmi les programmes d’action positive figure notamment l’instauration de quotas, qui consiste à imposer aux entreprises, sous peine d’amende, de compter cinq pour cent par exemple de personnes handicapées parmi leur personnel. La Convention n’exige pas l’application de quotas. Celle-ci a des avantages et des inconvénients. Elle peut conduire à l’adoption de mesures purement symboliques, les employeurs recrutant n’importe quelle personne handicapée à n’importe quel niveau dans le seul but d’atteindre le quota prescrit, ou payant l’amende pour se soustraire à cette obligation. Mais les quotas peuvent aussi procurer des débouchés aux personnes handicapées, assurant leur autonomie économique et ouvrant la voie à la jouissance d’autres droits. Comme la Convention mentionne les programmes d’action positive sans en préciser la nature, mieux vaut essayer de choisir ceux qui ont le plus de chances d’améliorer durablement la situation des personnes handicapées et l’exercice de leur droit au travail. Dans certains cas, le système des quotas pourra donner de bons résultats, et dans d’autres non.
Dans sa recommandation générale n° 25 (2004), relative aux mesures temporaires spéciales (art. 4.1), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes cite un certain nombre de mesures spécifiques en faveur des personnes handicapées dont il est possible de s’inspirer. Ce sont: