F. Que peuvent faire ces acteurs pour combattre la discrimination?
Le module 4 expose l’éventail des mesures qui contribuent à l’application de la Convention, à savoir: l’élaboration de lois
et de politiques, l’affectation de ressources suffisantes, l’offre de services inclusifs, la sensibilisation et la formation
de spécialistes et d’autres personnels, la recherche et le développement, l’instauration de voies de recours, et la mise en
place de structures administratives. Les divers exemples esquissés dans la section précédente permettent de discerner certaines
des initiatives que ces acteurs peuvent prendre pour combattre la discrimination.
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Une passagère change de compartiment parce qu’être assise à côté d’une personne atteinte de trisomie 21 la met mal à l’aise. Si le comportement négatif de cette femme peut faire obstacle à la participation de la personne trisomique, il ne s’agit
pas à strictement parler de discrimination. Il y a bien eu une distinction fondée sur le handicap, mais elle n’a pas porté
atteinte à la jouissance d’un droit quelconque du passager trisomique. Néanmoins, l’État pourrait envisager de sensibiliser
l’opinion pour promouvoir une société plus inclusive et dissiper la peur de l’autre en tant qu’il est différent;
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Des parents gardent leur jeune enfant autiste à la maison parce que l’école locale n’offre aucune possibilité d’éducation
inclusive. L’absence de toute possibilité d’éducation inclusive réduit à néant le droit de l’enfant à l’éducation. L’État a l’obligation
de faire en sorte que des services d’éducation inclusive soient proposés dans la région considérée, et de sensibiliser l’opinion
à l’inclusion. Il devrait également veiller à ce que les lois et politiques prennent en compte les principes de l’éducation
inclusive. Dans le même temps, le conseil d’établissement scolaire et les enseignants pourraient être chargés de veiller à
ce que des services d’éducation inclusive soient effectivement proposés et à ce que les parents sachent qu’ils existent (si
c’est bien le cas);
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Une banque privée refuse un prêt à une personne ayant un handicap mental. La question de savoir s’il y a eu discrimination est sujette à caution. En réalité, la banque peut ne pas préciser que son
refus est dû au handicap et invoquer un prétexte pour le justifier. Qui plus est, il n’existe pas de droit de l’homme à un
prêt bancaire. L’État est néanmoins tenu de légiférer pour que les banques privées ne pratiquent aucune discrimination liée
au handicap. Il devrait également offrir des services d’accompagnement pour que la personne handicapée puisse exercer sa capacité
juridique. Du reste, l’intervention du prestataire de ces services aurait peut-être suffi à empêcher que cette situation se
crée, car elle aurait fait ressortir l’aptitude de la personne à exercer sa capacité juridique et à rembourser le prêt consenti;
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Dans une grande entreprise, une salariée ayant une paralysie cérébrale demande à changer de poste, et l’employeur refuse sans
donner d’explication. Il peut y avoir eu un déni d’aménagement raisonnable équivalant à une discrimination. L’État a l’obligation de légiférer
pour éviter que le secteur privé refuse un aménagement raisonnable à une personne handicapée. L’employeur doit procéder à
l’aménagement dès lors qu’il n’est pas déraisonnable (c’est-à-dire qu’il ne constitue pas un fardeau indu);
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Une personne ayant un handicap physique est maltraitée chez elle et signale le fait à la police, mais celle-ci refuse d’intervenir. Il y a eu de la part de la police une exclusion liée au handicap qui porte atteinte au droit de ne pas subir de violences
ni de sévices. L’État a l’obligation d’adopter des lois exigeant que la police protège les personnes handicapées contre la
violence et la maltrai-tance ainsi que de sensibiliser et former la police de manière que les personnes handicapées puissent
avoir accès à la justice;
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Dans un pays exposé aux catastrophes naturelles, un programme de préparation aux crises humanitaires établi sous l’égide de
l’ONU omet de mentionner les personnes handicapées. Cette exclusion pourrait nuire à l’exercice de toute une série de droits de l’homme en cas de catastrophe, voire le réduire
à néant, et a déjà porté atteinte au droit de prendre part à la conduite des affaire publiques. Les États devraient, à l’échelle
internationale, s’assurer que la coopération internationale est accessible aux personnes handicapées et qu’elles y sont pleinement
intégrées. Ils devraient notamment s’employer à obtenir de l’ONU qu’elle respecte les droits des personnes handicapées dans
les programmes de coopération internationale;
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Une personne malvoyante ne peut pas poser sa candidature à un poste de spécialiste des droits de l’homme parce que
le permis de conduire fait partie des conditions exigées dans la description de ce poste. Cela pourrait être assimilé à un traitement différencié légitime si la conduite d’un véhicule est un élément clé des fonctions
du poste et que le permis de conduire est donc indispensable. C’est un traitement raisonnable fondé sur des critères objectifs
(les conditions exigées par les fonctions et requises de tous les candidats) qui vise à respecter le droit au travail de tous
les postulants.
Dans toutes ces situations, il importe de se demander ce que devraient faire non seulement l’Etat mais aussi la personne concernée. Celle-ci pourrait par exemple saisir la justice ou se tourner vers les institutions nationales de défense des droits de l’homme
ou les dispositifs informels de résolution des conflits; elle pourrait aussi se faire aider par une organisation non gouvernementale
ou tenter de persuader des personnalités politiques ou autres d’intervenir (par exemple en écrivant aux parlementaires locaux).