Convention relative aux droits des personnes handicapées: Guide de formation

Nations Unies Droits de L’Homme
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NATIONS UNIES DROITS DE L’HOMME

HAUT-COMMISSARIAT

Série sur la formation professionnelle n° 19

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NATIONS UNIES

New York et Genève, 2014

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NOTE

Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

Les cotes des documents de l’Organisation des Nations Unies se composent de lettres majuscules et de chiffres. La simple mention d’une cote dans un texte signifie qu’il s’agit d’un document de l’Organisation.

HR/P/PT/19

PUBLICATION DES NATIONS UNIES

Numéro de vente F.14.XIV.2

ISBN-13: 978-92-1-254179-2

eISBN-13: 978-92-1-056496-0

© 2014 Nations Unies

Tous droits réservés pour tous pays

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AVANT-PROPOS

La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif ont été adoptés le 13 décembre 2006 et sont entrés en vigueur le 3 mai 2008. Leur adoption a été l’aboutissement d’une vigoureuse revendication des personnes handicapées qui, à travers le monde, demandaient que leurs droits de l’homme soient respectés, protégés et mis en œuvre dans des conditions d’égalité avec les autres.

La Convention célèbre la diversité et la dignité humaines. Ce qu’elle affirme essentiellement, dans son préambule comme dans ses différents articles, c’est que les personnes handicapées sont fondées à jouir de la totalité des droits de l’homme et des libertés fondamentales sans discrimination. En interdisant la discrimination fondée sur le handicap et en disposant qu’il doit être procédé à des aménagements raisonnables pour garantir l’égalité avec les autres, la Convention encourage la pleine participation des personnes handicapées dans tous les domaines de la vie. En instaurant l’obligation de promouvoir une perception positive des personnes handicapées et une conscience sociale plus poussée à leur égard, elle remet en cause les habitudes et les comportements fondés sur des idées stéréotypées, des préjugés, des pratiques préjudiciables et la stigmatisation de ces personnes. En mettant en place un mécanisme d’examen des plaintes, le Protocole facultatif accorde aux personnes handicapées un droit égal à réparation pour toute violation des droits consacrés par la Convention.

Il est important de noter que la Convention et son Protocole facultatif remettent en cause la manière dont le handicap était perçu jusque là – c’est-à-dire comme un problème médical, un motif d’apitoiement ou l’objet d’actions caritatives – et instituent une nouvelle approche, fondée sur les droits de l’homme, qui vise à permettre aux sujets de ces droits de décider du cours de leur existence.

À la faveur de ce changement historique de paradigme, la Convention ouvre des perspectives inédites et appelle un renouveau de la réflexion. Sa mise en œuvre exige des solutions novatrices. Si nous voulons prendre un bon départ, il faut que les objectifs, les concepts et les dispositions de la Convention soient bien compris de toutes les parties prenantes – des agents de la fonction publique aux parlementaires et aux juges, des représentants des fonds, programmes et institutions spécialisées du système des Nations Unies aux spécialistes de secteurs tels que l’éducation, la santé et les services d’appui, des organisations de la société civile au personnel des institutions nationales de défense des droits de l’homme, en passant par les employeurs, les représentants des médias, les personnes handicapées elles-mêmes, les organisations qui les représentent et le grand public.

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Si les ratifications de la Convention et de son Protocole facultatif ont progressé rapidement, il n’en va pas de même de notre connaissance des moyens de leur donner effet et d’en surveiller l’application. C’est pour relever ce défi que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a élaboré le présent Guide de formation relatif à la Convention et à son Protocole facultatif. Il s’accompagne de huit modules de formation conçus pour informer et préparer les personnes qui participent à la ratification, à la mise en œuvre et au suivi de l’application des deux instruments. S’il s’adresse principalement aux animateurs des cours de formation consacrés à la Convention et au Protocole facultatif, il part cependant du principe que chacun de nous a un rôle à remplir. Il convient de donner une large diffusion à ce jeu de matériels de formation; il devrait être utilisé par tous ceux qui souhaitent s’associer à cette entreprise essentielle: mieux faire connaître les droits des personnes handicapées, assurer la mise en œuvre effective de ces droits et, en dernière analyse, bâtir une société favorisant l’inclusion de tous.

Navanethem Pillay

Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

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TABLE DES MATIÈRES

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À PROPOS DU GUIDE DE FORMATION

Généralités

L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif en 2006 pour améliorer le respect des droits de ces personnes, qui représentent, d’après les dernières estimations, quelque 15 pour cent de la population mondiale. Depuis 2006, le nombre des ratifications de la Convention et du Protocole facultatif augmente rapidement, sans que la connaissance de la Convention et des moyens de l’appliquer ainsi que d’en surveiller la mise en œuvre progresse nécessairement au même rythme. Il en découle un accroissement de la demande de cours de formation destinés à renforcer les capacités des parties prenantes nationales – représentants des pouvoirs publics, société civile, institutions nationales de défense des droits de l’homme, et autres.

C’est pour répondre à cette demande que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a élaboré le présent Guide de formation. Cet ouvrage a pour objet de présenter les principes d’une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, les aspects fondamentaux de la Convention et de son Protocole facultatif, et les questions et processus liés à la ratification et à la mise en œuvre de ces instruments ainsi qu’au suivi de leur application. Aussi les éléments qu’il contient sont-ils particulièrement adaptés à des cours d’initiation au contenu de la Convention.

Ces éléments ont été élaborés en 2010 et révisés tout au long de 2011. En août 2011, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a organisé un cours de validation auquel ont participé des représentants d’unités de l’ONU spécialisées dans les droits de l’homme, du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, et de l’International Disability Alliance. C’est sur cette base que le Guide a été définitivement mis au point puis publié.

Le Guide de la formation en bref

Comment utiliser le Guide de formation 1

Les cours se fondent sur les méthodes didactiques adoptées par la Section de la méthodologie, de l’éducation et de la formation du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Chaque module comprend trois documents principaux, à savoir:

Les séances commencent généralement par un diaporama, suivi d’une série de questions et réponses, et s’achèvent par une activité collective.

Le Guide de formationfait appel à une méthode interactive qui favorise la participation. Il importe de respecter cette démarche 3 de bout en bout. L’animateur devrait se servir des images qu’il présente pour encourager le débat et l’échange d’informations et de données d’expérience avec les participants et entre eux. Il devrait éviter de faire un exposé de type magistral, c’est-à-dire de monologuer pendant que les participants écoutent et prennent des notes.

Le Guide de formation se propose de combler les lacunes qu’il pourrait y avoir dans les connaissances des animateurs; c’est donc aussi un outil à utiliser avant la séance. Les animateurs devraient cependant veiller à ne pas s’y reporter pendant la séance elle-même, afin d’éviter que la présentation, au lieu d’être un échange avec les participants, devienne une conférence.

Les animateurs devraient adapter les matériels du Guide de formation à chacun de leurs publics. Il n’est pas indispensable que chaque programme de formation comprenne les huit modules, que ces derniers soient présentés dans un ordre préétabli ni que tous les aspects de chaque module soient traités. L’important, c’est que l’animateur propose un programme qui réponde aux besoins des participants.

De même, l’animateur devrait préparer le cours à l’avance, en cherchant des exemples et des documents pertinents pour le pays et la région où ce cours se déroule. Il faut donc qu’il se renseigne sur la région, qu’il fasse le point de l’essentiel des progrès accomplis et des difficultés rencontrées en matière de ratification, d’application et de suivi de la Convention, et qu’il trouve des situations et des cas significatifs à l’échelon local. Il peut parfois être nécessaire de remplacer complètement certains matériels didactiques et certaines activités collectives en fonction du contexte.

Préparer le cours

Évaluer les besoins en matière de formation afin de déterminer ce que le cours doit apporter aux participants 2

L’évaluation des besoins permet à l’animateur de définir les connaissances que les apprenants devraient acquérir et de bien comprendre les conditions dans lesquelles ils travaillent, de manière à pouvoir décider à bon escient de la conception du programme. Cette évaluation l’aidera aussi à optimiser le contenu, les méthodes, les techniques et le calendrier du cours.

Elle devrait permettre à l’animateur de se faire une idée exacte de la situation concernant les droits des personnes handicapées, d’établir le profil des apprenants potentiels, et de cerner les lacunes à combler et les besoins à satisfaire pour faire partager à l’auditoire l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme.

Idéalement, un questionnaire préalable devrait être adressé aux participants un mois avant le début du cours. Les renseignements ainsi recueillis peuvent aider à en concevoir et en adapter précisément le plan ou le programme. Le questionnaire préalable est utile à différents égards. Il:

Le questionnaire préalable devrait comprendre des questions telles que celles-ci:

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MODULE 1 – QU’EST-CE QUE LE HANDICAP?

Introduction

Le module 1 explique la notion de handicap, étape fondamentale pour comprendre pourquoi la Convention relative aux droits des personnes handicapées était nécessaire. Il analyse le point de savoir «comment fonctionne le handicap», approche moderne qu’il replace ensuite dans le contexte historique des autres conceptions du handicap, fondées sur la charité ou sur le diagnostic médical de l’incapacité. Après avoir étudié certaines des conséquences de cette dernière approche, il présente celle qui est fondée sur les droits de l’homme, faisant ainsi la transition avec le module 2. Certaines images figurent à la fois dans les modules 1 et 2, parce qu’il est possible, selon le cours et les caractéristiques des participants, de présenter le module 1 indépendamment du module 2, ou d’exposer des concepts analogues dans le cadre des deux modules afin d’en faciliter l’assimilation. L’animateur peut toujours choisir les images qui correspondent à la présentation.

A. Comment fonctionne le handicap

Le handicap est souvent perçu comme une situation inhérente à la personne – un état de santé qui contraint une personne à être dans un fauteuil roulant ou à prendre des médicaments, par exemple. Or, comme le montre le présent module, le handicap, dans la conception moderne, s’analyse comme la conjonction de l’état d’une personne (le fait d’être dans un fauteuil roulant ou d’être malvoyant, par exemple) et de facteurs environnementaux (des mentalités peu réceptives ou des bâtiments inaccessibles) qui, ensemble, génèrent le handicap et nuisent à la participation d’une personne à la vie de la société. Ainsi:

Les facteurs personnels sont multidimen-sionnels et peuvent être à la fois physiques et socioéconomiques. Citons à titre d’exemple:

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La conjugaison des facteurs personnels peut rendre le handicap plus lourd ou au contraire plus léger. Ainsi, une personne qui a un handicap physique mais qui est fortunée pourra peut-être accéder à l’enseignement supérieur et, par là, trouver un emploi. Cela peut accroître sa participation à la vie de la société et alléger jusqu’à un certain point le poids de son handicap.

Les facteurs environnementaux se répartissent en quatre catégories au moins, à savoir:

Les facteurs environnementaux peuvent eux aussi se conjuguer d’une manière qui alourdit le handicap ou qui l’allège. L’attention grandissante prêtée au handicap se traduit souvent par la coexistence de facteurs environnementaux positifs et négatifs. Ainsi, il pourra arriver qu’une école soit pourvue d’une rampe d’accès, mais que les moyens de transport restent inaccessibles, si bien qu’un enfant ayant un handicap physique ne pourra pas se rendre dans cet établissement alors même que le milieu scolaire est ouvert.

La combinaison de tous ces facteurs détermine la mesure dans laquelle une personne peut participer à la vie de la société et, partant, la mesure dans laquelle le handicap existe.

B. Des différentes approches du handicap

Il existe dans le monde différentes approches du handicap, qui sont diversement prégnantes selon les régions.

L’approche caritative

Selon cette approche, les personnes handicapées sont les bénéficiaires passifs d’actes de bienfaisance ou d’allocations et non des personnes autonomes, fondées à participer à la vie politique et culturelle et à leur propre épanouissement. Ce qui caractérise ce paradigme, c’est que les personnes handicapées sont tenues pour incapables de pourvoir à leurs besoins à cause de leur handicap. C’est donc la société qui s’en charge. Les conditions environnementales ne sont pas prises en compte: le handicap est une affaire personnelle. Les personnes handicapées appellent la pitié et dépendent de la bonne volonté de la société. Elles sont en outre tributaires d’institutions – organismes 9 de bienfaisance, foyers, fondations, églises -auxquelles la société délègue les politiques relatives au handicap et la responsabilité des personnes handicapées. Elles sont marginalisées; elles ne sont pas maîtresses de leur existence, et ne participent pas, ou guère, à la vie collective. Elles sont considérées comme un fardeau pour la société. Comme la charité est affaire de bonne volonté, la qualité de la prise en charge n’est pas nécessairement homogène, ni même forcément élevée.

Au lieu de favoriser l’égalité et l’inclusion, cette approche creuse l’écart entre les personnes handicapées et la société.

L’approche médicale

Cette approche est centrée sur la déficience, qui est analysée comme source d’inégalité. Les besoins et les droits de la personne se résument au traitement médical administré (ou imposé) au patient; ils se confondent avec lui. La médecine ou la réadaptation peuvent «traiter» la personne et la réinsérer dans la société. Dans le cas, surtout, des personnes qui présentent un handicap mental, le traitement médical peut permettre à un «mauvais» patient (les personnes ayant une déficience mentale sont souvent tenues pour dangereuses) de devenir un «bon» patient. Pour être considérées comme capables de subvenir à leurs besoins, les personnes handicapées doivent être «guéries» de leur handicap ou, à tout le moins, celui-ci doit être réduit au strict minimum. Les conditions environnementales ne sont pas prises en considération et le handicap est un problème personnel. Les personnes handicapées sont malades et doivent être traitées pour devenir normales.

Si le handicap est perçu comme étant essentiellement une question médicale, des spécialistes tels que médecins, psychiatres et infirmiers ont un pouvoir considérable sur les personnes handicapées; le personnel de l’institution prend des décisions à la place des patients, et la satisfaction de leurs aspirations est envisagée dans un cadre médical. Si une réadaptation totale n’est pas possible, la personne handicapée ne peut pas réintégrer la société et reste dans une institution. Les résultats obtenus et les échecs enregistrés dans ses murs seront interprétés comme étant liés au handicap, et justifiés en conséquence. Dans le pire des cas, cette approche peut légitimer l’exploitation, la violence et la maltraitance.

Cette approche est souvent combinée à la précédente. On aura alors des associations caritatives qui collectent des fonds et qui gèrent des institutions de réadaptation. En vertu de l’approche médicale, les responsables sont le secteur de la santé et l’État. Lorsqu’elle est associée à l’approche caritative, les maisons de bienfaisance, les foyers, les fondations et les institutions religieuses jouent également un rôle important. 10 Les personnes handicapées sont déresponsabilisées; elles ne peuvent pas gérer leur existence et ne participent pas, ou guère, à la vie de la société. Ce sont généralement le secteur et les professionnels de la santé et les associations caritatives qui représentent leurs intérêts, car ils sont réputés savoir ce qui est conforme à l’intérêt supérieur des patients.

L’approche sociale

Dans cette approche, le raisonnement est très différent: le handicap est compris comme la conséquence de l’interaction entre l’individu et un environnement qui ne s’adapte pas aux différences de la personne et qui, de ce fait, entrave la participation de celle-ci à la vie de la société. L’inégalité est due non pas au handicap mais à l’incapacité de la société d’éliminer les barrières que rencontrent les personnes handicapées. Ce paradigme confère la place centrale à la personne et non au handicap, et reconnaît les valeurs et les droits des personnes handicapées en tant que membres de la société.

Passer de l’approche médicale à l’approche sociale, ce n’est nullement nier l’importance de la prise en charge, du conseil et de l’assistance fournis, pendant longtemps parfois, par des médecins spécialisés et des institutions médicales. Les personnes handicapées ont bien souvent besoin d’un traitement et de soins médicaux, d’examens, d’un suivi incessant et de médicaments. Dans le cadre de l’approche sociale, elles continuent de se rendre à l’hôpital et, si nécessaire, dans des centres administrant des traitements spécialisés. Ce qui diffère, c’est la manière dont le traitement est conçu: il répond aux attentes du patient, et non à celles de l’institution. L’approche sociale attribue aux infirmiers, aux médecins, aux psychiatres et aux administrateurs des identités et des rôles nouveaux. Leur relation avec la personne handicapée repose sur le dialogue. Le médecin est placé non pas sur un piédestal, mais aux côtés de la personne handicapée. L’égalité commence à l’hôpital, et non à l’extérieur de ses murs. La liberté, la dignité, la confiance, l’évaluation et l’auto-évaluation sont autant de caractéristiques de l’approche sociale.

Dans ce paradigme, le handicap est non pas une «erreur» de la société mais un élément de sa diversité. Il est une construction sociale – le résultat de l’interaction, au sein de la société, de facteurs personnels et de facteurs environnementaux. Il n’est pas un problème individuel mais le résultat d’une mauvaise organisation de la société. C’est pourquoi celle-ci devrait restructurer les politiques, les pratiques, les mentalités, l’accessibilité environnementale, les dispositions légales et les organisations politiques de manière à lever les obstacles économiques et sociaux à la pleine participation des personnes handicapées. À la différence des approches caritative et médicale, cette approche pose le principe que toutes les politiques et toutes les lois doivent être élaborées avec la participation des personnes handicapées. Les responsabilités incombent à l’État – c’est-à-dire à tous les ministères et à toutes les administrations – et à la société. Les personnes handicapées peuvent avoir prise sur leur existence, se déterminer elles-mêmes et participer pleinement aux décisions, à égalité avec autrui. Ce ne sont pas elles qui supportent le fardeau du handicap, mais la société.

L’approche fondée sur les droits de l’homme

L’approche fondée sur les droits de l’homme développe plus avant l’approche sociale en reconnaissant que les personnes handicapées sont les sujets de droits, et que l’État et les autres personnes ont le devoir de 11 les respecter. Elle tient les obstacles sociétaux pour discriminatoires et offre aux personnes handicapées des possibilités de se plaindre lorsqu’elles s’y heurtent. Prenons par exemple le droit de vote. Une personne aveugle a le droit de voter, comme n’importe lequel de ses concitoyens. Mais s’il n’y a pas de documents présentés sous une forme accessible (en braille par exemple) et si elle ne peut pas se faire accompagner dans l’isoloir par une personne de confiance qui l’aide à indiquer le candidat ou la candidate de son choix, elle ne peut pas voter. L’approche fondée sur les droits de l’homme reconnaît le caractère discriminatoire du manque de documents adéquats et de l’impossibilité d’obtenir de l’aide au moment du vote, et exige de l’État qu’il élimine ces obstacles discriminatoires. S’il ne le fait pas, la personne devrait être en mesure de porter plainte.

Cette approche n’a pas pour moteur la compassion, mais la dignité et la liberté. Elle explore les moyens de respecter la diversité humaine, de la soutenir et de la célébrer en instaurant les conditions nécessaires à une authentique participation d’un large éventail de personnes, y compris les personnes handicapées. Au lieu de représenter ces dernières comme les objets passifs d’actes de charité, elle se propose de les aider à s’aider elles-mêmes de manière à pouvoir participer au fonctionnement de la société, à l’éducation, à la vie professionnelle, culturelle et politique, et défendre leurs droits en ayant recours à la justice.

L’approche fondée sur les droits de l’homme est un accord en vertu duquel les personnes handicapées, les États et le système international des droits de l’homme s’engagent à mettre en pratique certains aspects essentiels de l’approche sociale. Elle s’impose à tous les États qui ont ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et qui doivent éliminer et prévenir les actes discriminatoires. Elle établit que toutes les politiques et toutes les lois devraient être conçues avec la participation des personnes handicapées, le handicap étant systématiquement pris en compte dans tous les aspects de l’action politique. Elle n’appelle pas la conception de politiques «spéciales» en faveur des personnes handicapées, quelles que soient les adaptations nécessaires pour respecter le principe de la pleine participation.

En vertu de cette approche, dans laquelle la société délègue les politiques relatives au handicap, le principal responsable est l’État – toutes administrations et tous ministères confondus. Certaines dispositions concernent le secteur privé, et un rôle spécifique est dévolu à la société civile, en particulier aux personnes handicapées et aux organisations qui les représentent. Les personnes handicapées ont des droits et disposent d’instruments qui leur permettent d’en réclamer le respect. Elles ont les outils nécessaires pour prendre leur destin en mains et participer pleinement, dans des conditions d’égalité avec autrui. La loi impose de les associer étroitement à l’élaboration des politiques.

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C. Les conséquences des approches caritative et médicale

Voir dans les personnes handicapées des «objets de pitié» ou des «problèmes à traiter», c’est faire retomber le poids du handicap sur l’individu, ce qui rend la transformation socié-tale pour ainsi dire impossible. Pareille conception peut donner naissance à des normes sociales qui rendent encore plus difficiles la participation des personnes handicapées à la vie de la société et l’exercice de leurs droits.

L’idée que les personnes handicapées sont «spéciales»

Alors qu’à l’approche médicale et/ou caritative correspond l’idée que les personnes handicapées appellent un traitement «spécial», l’approche sociale et/ou l’approche fondée sur les droits de l’homme tendent vers l’«inclusion»; cette différence de vocabulaire est significative de l’écart qui sépare ces deux types d’approche. Le terme «spécial» est fréquemment employé à propos des personnes handicapées: enfants aux besoins spéciaux, écoles spéciales, services spéciaux, établissements spéciaux. C’est précisément avec ce concept que la Convention prend ses distances. Lorsqu’il s’agit de handicap, être «spécial» n’est pas nécessairement gratifiant – et peut déboucher sur la marginalisation.

Prenons l’exemple des établissements scolaires: les écoles spéciales permettent aux personnes handicapées de fréquenter uniquement d’autres personnes handicapées ou certains «spécialistes». Cela les contraint à vivre dans des conditions qui ne sont pas conformes à la réalité, puisqu’elles ne reflètent pas la diversité de la société. À qui donc cette démarche profite-t-elle? Aux personnes handicapées? Aux personnes qui ne le sont pas? On voit mal quels sont les avantages d’actions et de décisions qui tendent à maintenir des séparations entre les êtres humains. Ces derniers sont des êtres sociaux, et les enfants ont le droit d’étudier et de jouer ensemble. La diversité et l’inclusion doivent être la norme.

Un système scolaire où règne la ségrégation n’est pas à l’image de la société. La diversité y est très limitée. Les questions débattues entre les élèves «spéciaux» et les enseignants «spécialisés» sont influencées par la prédominance du handicap dans le milieu ambiant. La confrontation des idées et des opinions a besoin d’un public plus varié, comprenant des personnes qui ne sont pas handicapées et qui ne sont pas aux prises avec des difficultés physiques ou des perceptions dévalorisantes.

Le droit à l’éducation est un droit important, étroitement lié aux autres droits de l’homme. À l’école, les personnes handicapées et les autres découvrent ce que la société attend d’elles et les possibilités qu’elle leur offre. Elles apprennent des théories, acquièrent des compétences et le sens de la discipline; elles s’imprègnent des valeurs qui leur ont été inculquées par leur famille et le cercle de leurs amis, et en acquièrent d’autres. L’école elle-même est une collectivité où les enfants partagent les mêmes horaires, les mêmes espaces et les mêmes obligations. Par les échanges avec leurs maîtres et leurs camarades, ils apprennent à vivre en société de manière indépendante mais constamment en rapport les uns avec les autres. L’école offre l’occasion de mener, de façon embryonnaire, une existence indépendante qui, plus tard, comprendra la vie professionnelle, la participation à la vie politique et publique, la fondation d’un foyer et d’une famille, l’accès à la justice, et des possibilités d’activités économiques. La 13 diversité de la classe offre une occasion inégalée de débattre des droits de l’homme et des opinions des uns et des autres.

Le placement en institution illustre lui aussi la manière dont les personnes handicapées ont pu être perçues comme «spéciales» en vertu de l’approche médicale et/ou de l’approche caritative. Les personnes handicapées – et en particulier celles ayant un handicap psychosocial ou intellectuel – ont souvent été placées de force dans des établissements psychiatriques, à l’écart de la collectivité et sans pouvoir choisir leur traitement médical.

En vertu de l’approche fondée sur les droits de l’homme, les personnes handicapées ont droit à la liberté au même titre que n’importe qui, et le handicap ne peut justifier la privation de liberté. Le placement ou l’hospitalisation forcés en raison du handicap sont interdits. Nul ne doit être placé dans une institution contre son gré – sauf si les mêmes motifs entraîneraient le placement des membres de la collectivité qui ne sont pas handicapés (cas, par exemple, de la personne emprisonnée parce que condamnée par un juge à la suite d’une infraction).

Les personnes handicapées ont le même droit que les autres de vivre au sein de la collectivité et de choisir leur domicile ainsi que la ou les personnes avec qui elles vivent. Être autonome ne signifie pas nécessairement vivre seul. Quantité de personnes vivent constamment au contact les unes des autres, voire sous le même toit. Les nombreuses personnes qui cohabitent avec des membres de leur famille, des amis ou des collègues sont habituellement considérées comme autonomes.

Lorsqu’une personne peut prendre elle-même ses décisions – y compris quant au lieu de son domicile et à la ou aux personnes avec qui elle veut vivre – et les faire respecter, elle est autonome. Il en va de même des personnes handicapées. L’autonomie n’exclut pas l’accompagnement. Les personnes handicapées ont le droit de recevoir un soutien si elles le sollicitent. L’autonomie sert de cadre à la jouissance de plusieurs droits de l’homme: le droit à un logement convenable, le droit de participer à la gestion des affaires publiques et politiques, le droit au respect de la vie privée, le droit de circuler librement, le droit de vote, etc.

L’idée que les personnes handicapées sont dangereuses

Dans la plupart des sociétés, les personnes ayant un handicap mental ou intellectuel ont été, au fil des siècles, maltraitées et privées de soins. Elles ont dû subir des atrocités telles que l’expérimentation patronnée par les pouvoirs publics de substances hallucinogènes administrées à leur insu, des traitements par la contrainte, des électrochocs et des chocs insuliniques; elles ont même été la cible d’une tentative de génocide pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les mythes et la stigmatisation associés aux maladies mentales perdurent encore, entraînant souvent la discrimination et l’exclusion. Les stéréotypes qui ont cours au sujet de personnes ayant un handicap mental ou intellectuel les dépeignent comme dénuées d’intelligence, «bizarres», incapables de travailler, incurables, imprévisibles et dangereuses.

La présentation faite par la presse des violences commises par des «délinquants malades mentaux» impressionne en général fortement les lecteurs; elle les conforte dans la conviction que les personnes ayant un handicap psychologique sont dangereuses.

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Outre qu’elles entretiennent le sentiment d’un danger et d’un manque de sécurité ainsi qu’un vague malaise dans la société ou la collectivité, ces généralisations influent sur l’image que les personnes présentant d’un handicap mental ou intellectuel ont d’elles mêmes. La mésestime de soi exacerbe la stigmatisation et les mythes. D’après des organisations telles que le World Network of Users and Survivors of Psychiatry,«une des pertes les plus importantes que nous puissions éprouver est celle du sentiment que nous avons de notre identité au sein de la collectivité. Un traitement imposé crée une coupure dans notre existence, et nous revenons ensuite dans un milieu qui nous perçoit comme dangereux, vulnérables, instables et "malades".» 4 .

Sous l’effet de la discrimination, les personnes ayant un handicap mental ou intellectuel ont été systématiquement déresponsabilisées et appauvries. Du fait de la stigmatisation dont la maladie mentale est l’objet, nombre de personnes handicapées sont sans abri et au chômage, manquent d’instruction et sont socialement isolées, mal soignées, ou enfermées et fortement droguées.

La plupart des personnes présentant un handicap mental ou intellectuel ne sont pas violentes; elles n’ont pas plus de propension que les autres à commettre des violences ou des délits. Les personnes qui ont un handicap psychologique sont aussi intelligentes que les autres, et capables, comme tout un chacun, de fonctionner dans un large spectre de milieux ambiants.

Dire que les personnes atteintes d’un handicap mental ne sont pas plus violentes que celles qui en sont indemnes, c’est reconnaître que la violence est un phénomène social et non un problème mental ou psychologique. C’est également admettre que la maladie mentale est provoquée par des facteurs environnementaux et sociaux, et non pas simplement génétiques et/ou organiques.

L’idée que les personnes handicapées ont des qualités hors normes

Les médias dépeignent souvent les personnes handicapées comme ayant à certains égards des qualités hors normes. Tout en essayant ostensiblement de donner d’elles une image positive (ce dont on ne peut que se féliciter), ils risquent – à l’instar de ce qui a pu se passer avec d’autres mythes – d’en faire des personnages unidi-mensionnels. Ainsi, ces personnes sont courageuses, volontaires, capables de parvenir à surmonter une grande difficulté – leur handicap. Analysée de plus près, cette image potentiellement positive signifie aussi que les personnes handicapées mènent dans leur majorité une vie difficile et misérable (la plupart d’entre elles devant compter sur la bienfaisance). Le handicap devient une difficulté (presque) insurmontable. Le héros est dépeint comme étant la personne qui a réussi à surmonter le triste sort du plus grand nombre.

Ce dont il faut se souvenir, c’est que la personne handicapée est, comme n’importe qui d’autre, un être humain avec ses forces et ses faiblesses. Il importe que les personnes handicapées soient montrées sous un jour favorable, en particulier par les médias, et la Convention est explicite à ce sujet (art. 8, sensibilisation). Cela suppose de mettre en relief la vie de personnes handicapées qui se sont distinguées dans la politique, le sport, la littérature ou quelque autre domaine. Il n’est cependant pas indispensable que le seul titre de gloire 15 de la personne considérée ait été de surmonter son handicap. Mieux vaut qu’elle ait réussi à franchir toute la série d’obstacles que doit surmonter quiconque veut réussir – à atteindre un excellent niveau d’études, à se distinguer par rapport à ses collègues, à répondre aux attentes de la collectivité ou de la famille, etc.

L’idée que les personnes handicapées sont un fardeau

Autre mythe, diamétralement opposé à celui de l’héroïsme: celui qui voudrait que les personnes handicapées soient un fardeau – pour la société, leur famille, leurs amis. C’est l’envers du mythe de la personne hors norme; il est intrinsèquement lié, une fois de plus, à l’approche caritative du handicap. Cette image est encore véhiculée notamment pas les médias. Combien de fois avons-nous vu un documentaire télévisé apparemment bien intentionné nous montrer la vie des parents d’un enfant handicapé, les combats qu’ils mènent, les difficultés auxquelles ils sont confrontés en raison du comportement de leur enfant, la manière dont leur vie a changé, et ainsi de suite. L’insistance sur la lutte des parents ne vise généralement pas à diffuser une image négative des personnes handicapées, mais l’effet immédiat est triple. Tout d’abord, l’enfant handicapé, ses préoccupations, ses combats, ses centres d’intérêt et ses rêves ont tendance à passer à l’arrière-plan et à devenir secondaires. Ensuite, cet enfant paraît unidimensionnel et semble être la cause du désarroi de ses parents. Enfin, il ne semble guère avoir de perspectives d’avenir. D’où l’émergence de stéréotypes et de mythes négatifs.

Cela peut avoir des effets défavorables sur les personnes handicapées; ainsi:

Ce sont là autant d’éléments qui, pris ensemble, peuvent empêcher le changement social.

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Les principes fondamentaux de l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme (Principes généraux de l’article 3 de la Convention)

PRINCIPE ANALYSE
Respect de la dignité intrinsèque et de l’autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix, et de l’indépendance des personnes

La dignité intrinsèque s’entend de la dignité de chaque personne. Lorsque la dignité des personnes handicapées est respectée, on attache de la valeur à leur expérience et à leurs opinions, que ces personnes peuvent formuler sans craindre qu’on leur fasse du tort physiquement, psychologiquement ou affectivement.

Jouir de l’autonomie individuelle, c’est être responsable de sa vie et avoir la liberté de faire ses propres choix. Le respect de l’autonomie individuelle signifie que les personnes handicapées ont, dans des conditions d’égalité avec les autres, des possibilités raisonnables de choisir leur propre voie, qu’elles sont le moins possible exposées à l’ingérence dans leur vie privée et qu’elles peuvent prendre leurs propres décisions, avec le soutien nécessaire le cas échéant.

Non-discrimination La non-discrimination est un principe fondamental de tous les instruments des droits de l’homme et de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il s’agit essentiellement de l’interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap, étant donné que la discrimination empêche une personne de jouir de ses droits dans des conditions d’égalité avec les autres. Aujourd’hui cependant, la non-discrimination est interprétée dans un sens beaucoup plus large comme comprenant non seulement l’interdiction des actes discriminatoires mais aussi l’adoption de mesures de protection contre toute discrimination future et toute discrimination cachée, et la promotion de l’égalité.
Participation et intégration pleines et effectives à la société Les notions de participation et d’intégration pleines et effectives signifient que la société, dans les sphères publiques mais aussi privées, est organisée de manière que chacun puisse participer pleinement. En d’autres termes, la société et les acteurs importants apprécient les personnes handicapées à leur juste valeur et assurent leur participation sur la base de l’égalité avec les autres – aux décisions qui influent sur leur existence ou aux élections, par exemple. La participation n’est pas une simple consultation; elle suppose que les personnes prennent véritablement part aux activités et aux processus de décision, qu’elles puissent exprimer leur avis, exercer une influence et contester tout refus de les laisser participer. L’intégration exige un environnement physique et social accessible et sans barrières. Il s’agit là d’un processus bidirectionnel qui favorise l’acceptation des personnes handicapées et leur participation, et qui encourage la société à s’ouvrir et se rendre accessible à elles.
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Respect de la différence et acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l’humanité Le respect de la différence, c’est l’acceptation d’autrui dans un esprit de compréhension mutuelle. Malgré quelques différences visibles et apparentes, les êtres humains ont tous les mêmes droits et la même dignité. Dans le cas du handicap, le respect de la différence conduit à accepter les personnes handicapées pour ce qu’elles sont, au lieu d’avoir pitié d’elles ou de voir en elles un problème à résoudre.
Égalité des chances L’égalité des chances est étroitement liée à la non-discrimination. Elle est réalisée lorsque la société et l’environnement sont ouverts à tous, y compris les personnes handicapées. Elle ne signifie pas toujours que des chances absolument identiques sont offertes à tous, car traiter tout le monde de la même manière pourrait créer des inégalités. Elle tient donc compte des différences entre les personnes et consiste à faire en sorte que, malgré ces différences, chacun ait les mêmes chances de jouir de ses droits.
Accessibilité Pour faire de l’accessibilité (et de l’égalité) une réalité, il faut lever les obstacles qui s’opposent à la jouissance effective, par les personnes handicapées, de leurs droits de l’homme. L’accessibilité permet aux personnes handicapées d’être autonomes et de participer pleinement à tous les aspects de l’existence. Elle est importante dans tous les domaines, mais plus particulièrement en ce qui concerne l’environnement physique – bâtiments, voirie, logement, transports, information et communications, et autres équipements et services ouverts ou fournis au public.
Égalité entre les hommes et les femmes Le principe de l’égalité entre hommes et femmes signifie que les mêmes droits devraient être expressément reconnus aux femmes et aux hommes sur la base de l’égalité, et que des mesures adéquates devraient être prises pour garantir aux femmes la possibilité d’exercer leurs droits. Même si ce principe recoupe celui de la non-discrimination, l’égalité des hommes et des femmes est expressément réaffirmée dans les instruments conventionnels parce qu’il subsiste encore nombre de préjugés qui en empêchent la pleine réalisation.
Respect du développement des capacités de l’enfant handicapé et respect du droit des enfants handicapés à préserver leur identité Le respect du développement des capacités de l’enfant est un principe énoncé dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Il doit être compris comme un processus positif et stimulant, qui favorise la maturation et l’autonomie de l’enfant, et son aptitude à s’exprimer. À la faveur de ce processus, l’enfant acquiert progressivement des connaissances, des compétences et une appréciation, notamment de ses droits. La participation des enfants aux décisions qui les concernent et leur droit de préserver leur identité devraient s’élargir au fil du temps, parallèlement à cette évolution.
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D. La notion de handicap dans la Convention

Le préambule de la Convention affirme que le handicap est une notion qui évolue. Le texte adopte pourtant une approche sociale du handicap, puisqu’il précise que ce dernier résulte de l’interaction entre les personnes présentant des handicaps et les barrières extérieures qui font obstacle à leur pleine participation à la société (alinéa e) du préambule).

Dans cet esprit, la Convention dans son ensemble repose sur l’idée que l’environnement extérieur et les attitudes que sa construction révèle jouent un rôle central dans la création de cette situation qu’il est convenu d’appeler «le handicap». Nous sommes loin de l’approche médicale, qui se fonde au contraire sur l’idée d’un «corps brisé», le handicap étant le résultat manifeste d’une déficience physique, mentale ou sensorielle de la personne.

Dès lors, la notion de handicap ne peut pas être rigide; elle dépend au contraire du milieu ambiant et varie d’une société à l’autre. Si la Convention reconnaît que cette notion évolue, elle souscrit à l’évidence à l’idée qu’il s’agit d’une construction sociale, puisqu’ elle affirme que «le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres».

Conformément à ce principe, la Convention ne propose pas une définition figée des personnes handicapées, se contentant d’indiquer qu’il s’agit «des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres» (article premier, objet).

Voici quelques éléments importants à prendre en considération 5 :

La mention expresse des barrières extérieures au sujet en tant que facteurs constitutifs du handicap marque un important progrès par rapport aux conceptions qui assimilent le handicap à des limitations fonctionnelles.

E. Quelques observations au sujet de la terminologie

Les contacts avec les personnes handicapées exigent-ils des compétences particulières?

Communiquer avec des personnes handicapées est affaire de personnes et non de handicaps. Lorsque la communication s’opère dans des conditions d’égalité, aucune compétence particulière n’est requise. Les personnes handicapées ne sont pas des personnes «spéciales»; elles se perçoivent peut-être comme telles (ou, plus vraisemblablement, comme les victimes d’une discrimination) lorsqu’il n’y a aucun aménagement pour faciliter leurs échanges avec autrui. Mais si l’environnement a été convenablement adapté (accessoires fonctionnels, interprètes de la langue des signes, accompagnateurs) et que les comportements sont conformes à l’approche sociale et/ou à l’approche fondée sur les droits de l’homme, la communication peut être facile. Les aménagements devraient être considérés non pas comme spéciaux mais comme normaux ou, pour reprendre un terme de la Convention, comme universels.

Dans la rue, les rapports avec les personnes handicapées exigent du bon sens et du respect; dans un milieu professionnel, ils demandent du professionnalisme. Ni plus ni moins que ce qu’attendent de nous nos connaissances ou nos clients non handicapés. Lorsque les règles sont les mêmes pour tout le monde et que chacun est le bienvenu, les rapports s’en trouvent facilités.

Selon la personne que nous devons rencontrer, quelques dispositions et une certaine préparation peuvent se révéler nécessaires. Cela est vrai de toutes sortes d’entretiens et de réunions, et fait partie de notre activité professionnelle quotidienne. Tous les obstacles physiques et linguistiques ont-ils été éliminés? Et les barrières psychologiques?

Dans notre comportement et notre manière d’agir, ne partons pas du principe que les personnes handicapées sont héroïques ou courageuses simplement parce 20 qu’elles ont un handicap. Cela ne fait que souligner la différence. Les personnes handicapées ont leurs forces et leurs faiblesses, exactement comme toutes les autres.

Terminologie

La terminologie employée pour parler des personnes handicapées ou pour communiquer avec elles n’est pas moins importante. Certains mots, certaines expressions peuvent être blessants, déstabilisants et/ou superficiels. Les personnes ne se définissent pas en fonction de leur handicap. Une terminologie adéquate favorise le respect et traduit une meilleure appréciation du handicap. Communiquer convenablement avec toutes les catégories d’interlocuteurs est important. Savoir le faire est essentiel pour les participants qui sont quotidiennement au contact de personnes handicapées, interviennent auprès des autorités pour défendre et réaffirmer leurs droits, conduisent des entretiens ou rédigent des rapports.

Les personnes handicapées et les organisations qui les représentent ont choisi certains termes, telle l’expression «personnes handicapées»; il est alors important de respecter leur choix. Mais la définition d’une terminologie acceptable comporte toujours le risque d’une dérive vers le «politiquement correct», qui peut nuire à la liberté et à la fluidité des propos. Il ne faut cependant jamais oublier que certains termes peuvent renforcer les stéréotypes et offenser les personnes handicapées. Si nous n’employons pas les mots qui conviennent, comment pouvons-nous espérer faire évoluer les mentalités?

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MODULE 2 – PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA CONVENTION

Historique

L’Assemblé générale des Nations Unies a adopté la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif le 13 décembre 2006. Le 30 mars 2007, les deux instruments ont été ouverts à la signature des États au Siège de l’Organisation des Nations Unies, à New York. Fait sans précédent, la Convention a été signée par 81 pays le jour de l’ouverture. Comment ce résultat spectaculaire a-t-il pu être obtenu?

Avant l’adoption de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, d’autres instruments concernant les droits de l’homme avaient déjà abordé la question du handicap, en des termes généraux ou de manière plus explicite. Certains d’entre eux, tels la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques – qui forment à eux trois la Charte internationale des droits de l’homme - promeuvent et protègent les droits de tous les êtres humains, y compris les personnes handicapées, du fait qu’ils contiennent des dispositions interdisant la discrimination. Dans les trois instruments, l’article 2 impose aux États de garantir les droits de l’homme sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Cette dernière expression englobe le handicap et protège donc contre toute discrimination qui y serait liée.

Les instruments spécialisés des droits de l’homme, comme la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, et d’autres encore, comprennent des dispositions qui protègent contre la discrimination. La Convention relative aux droits de l’enfant reconnaît expressément la nécessité de protéger contre la discrimination fondée sur le handicap. Elle consacre spécifiquement aussi le droit de l’enfant handicapé de mener une vie pleine et décente.

Les déclarations faisant autoritédes comités de surveillance de l’application des instruments de droits de l’homme (les organes conventionnels des Nations Unies) jouent elles aussi un grand rôle. Les plus importantes pour les personnes handicapées sont l’observation générale n° 20 (2009) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui affirme que le handicap fait partie des motifs de discrimination interdits par l’expression «autre situation», et l’observation n° 5 (1994) du même Comité, qui définit les facteurs constitutifs de la discrimination à l’égard des personnes handicapées; 22 la recommandation générale n° 18 (1991) du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui traite de la double discrimination dont sont victimes les femmes handicapées (en tant que femmes et en tant que personnes handicapées); enfin, l’observation générale n° 9 (2006) du Comité des droits de l’enfant, qui porte sur les droits des enfants handicapés.

Des instruments régionaux ont également été adoptés en Afrique, dans les Amériques et en Europe; citons à titre d’exemple la Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées (1999).

Parmi les autres instruments des droits de l’homme pertinents figurent la Déclaration des droits des personnes handicapées (1975), le Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées (1982) et les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (1993). Sans être contraignants, ces instruments adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies symbolisent néanmoins l’engagement moral et politique pris par les États d’adopter des mesures pour protéger les personnes handicapées, notamment par des lois et des politiques nationales.

Mais puisqu’un cadre juridique international existait déjà, pourquoi fallait-il une convention?

Il y avait à cela plusieurs raisons:

A. Qu’est-ce que la Convention?

La Convention relative aux droits des personnes handicapées est un instrument des droits de l’homme, c’est-à-dire un accord international conclu par des États qui consacre des droits de l’homme et les obligations correspondantes des États.

B. Quel est l’objet de la Convention?

L’objet de la Convention est énoncé à l’article premier: il est de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

Plusieurs aspects méritent d’être analysés plus avant:

L’article premier explique aussi ce qu’il faut entendre par «personnes handicapées», question qui sera abordée plus loin.

C. Pourquoi la Convention est-elle importante?

La Convention:

D. «Handicap» et «personnes handicapées»

La Convention ne donne pas une définition immuable du handicap. Son préambule affirme que le handicap est une notion qui évolue. Le texte adopte pourtant une approche sociale du handicap, puisqu’il précise que ce dernier résulte de l’interaction entre les personnes présentant des handicaps et les barrières extérieures qui font obstacle à leur pleine participation à la société.

Dans cet esprit, la Convention dans son ensemble repose sur l’idée que l’environnement extérieur et les perceptions que sa construction révèle jouent un rôle central dans la création de cette situation qu’il est convenu d’appeler «le handicap». Nous sommes loin de l’approche médicale, qui se fonde au contraire sur l’idée d’un «corps brisé», le handicap étant le résultat manifeste d’une déficience physique, mentale ou sensorielle de la personne.

Dès lors, la notion de handicap ne peut pas être rigide;elle dépend au contraire du milieu ambiant et varie d’une société à l’autre. Si la Convention reconnaît que cette 26 notion évolue, elle souscrit à l’évidence à l’idée qu’il s’agit d’une construction sociale, puisqu’ elle affirme que «le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des handicaps et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres».

Conformément à ce principe, la Convention ne donne pas une définition figée des personnes handicapées, se contentant d’indiquer qu’il s’agit «des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres» (article premier, objet).

Voici quelques éléments importants à prendre en considération 6 :

La mention expresse des barrières extérieures au sujet en tant que facteurs constitutifs du handicap marque un important progrès par rapport aux conceptions qui assimilent le handicap à des limitations fonctionnelles.

Ainsi, les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies indiquent que le terme de handicap recouvre «nombre de limitations fonctionnelles différentes qui peuvent frapper chacun des habitants du globe. L’incapacité peut être d’ordre physique, intellectuel ou sensoriel, ou tenir à un état pathologique ou à une maladie mentale». La Convention améliore cette optique.

La Convention ne nie pas l’existence d’incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles (art. premier); ce qu’elle rejette, c’est une vision qui prive en tout ou en partie les personnes handicapées de la possibilité de participer pleinement à la société à cause de ces incapacités.

Il faut au contraire chercher la source de l’incapacité (limitation ou restriction) dans différentes barrières, parmi lesquelles figurent les obstacles matériels mais aussi les mentalités qui conduisent à l’adoption de lois et de politiques discriminatoires. La méconnaissance du handicap peut être délétère, et c’est là une des raisons pour lesquelles une large sensibilisation est un des principaux objectifs de la Convention.

La Convention consacre des dispositions particulières à deux catégories de personnes handicapées particulièrement vulnérables à la discrimination et à la violation de leurs droits: les femmes et les enfants handicapés (art. 6 et 7).

E. Une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme

Ce qui caractérise la Convention, c’est l’abandon d’une vision du handicap centrée sur la bienfaisance ou sur la médecine au bénéfice d’une approche sociale privilégiant les droits de l’homme. Qui a compris cela est en mesure de comprendre toute la Convention et son propos. Pour une explication détaillée de l’approche caritative, de l’approche médicale, de l’approche sociale et de l’approche fondées sur les droits de l’homme, voir le module 1.

F. La structure et le contenu de la Convention

La Convention contient 50 articles, qui peuvent se classer somme suit 8 :

Préambule Établit le cadre général et traite d’importantes questions d’ensemble, comme la relation entre handicap et développement.
Article premier Objet

Énonce le propos de la Convention, qui est de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par toutes les personnes handicapées, et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

L’article premier explique aussi ce qu’il faut entendre par «personnes handicapées».

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Art. 2 Définitions

Définit les principaux termes employés dans la Convention, à savoir communication, langue, discrimination fondée sur le handicap, aménagement raisonnable et conception universelle. Au moindre doute, il est utile de se reporter à ces définitions.

Les termes «personnes handicapées» et «handicap» ne figurent pas eux-mêmes dans les définitions, car il a été délibérément décidé de les considérer comme recouvrant des notions qui évoluent.

Art. 3 Principes généraux Ces principes sont très importants pour l’interprétation et la mise en œuvre des droits ainsi que des autres dispositions de la Convention. En cas de doute quant à la signification d’un article, il est bon de se reporter aux principes et de s’en inspirer; ainsi, lors de la mise en place de services d’aide à la décision, les responsables devraient avoir à l’esprit le respect de l’autonomie de la personne, et faire en sorte que chacun puisse décider de la manière la plus autonome possible.
Art. 4 Obligations générales

Outre qu’elle reconnaît les droits des personnes handicapées, la Convention assigne les responsabilités, et indique ce que les responsables doivent faire, et quand (immédiatement ou progressivement, par exemple).

Toutes les obligations sont importantes. Elles sont analysées en plus grand détail plus loin. Voici deux exemples:

Les États parties doivent prendre progressivement des mesures pour assurer le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans toute la mesure des ressources dont ils disposent. Cette disposition équivaut à admettre que le niveau de développement d’un pays peut influer sur le rythme auquel il met en œuvre certains articles de la Convention. Elle est une manifestation de réalisme. À noter que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention a prévu un recours contre le non-respect des droits économiques, sociaux et culturels avant même l’adoption, le 10 décembre 2008, du Protocole facultatif se rapportant au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Il existe également une obligation de consulter étroitement les personnes handicapées et de les faire activement participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ainsi qu’aux autres décisions qui les concernent. Cette disposition concrétise le principe général de participation et d’intégration énoncé à l’article 3, et le renforce en imposant à l’État de le respecter. Questions à débattre: Comment le respect de cette obligation peut-il être mesuré? Quand y a-t-il eu une consultation effective?

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Art. 5-30 Questions transversales

La Convention établit un socle solide de non-discrimination et d’égalité qui vaut pour tous les droits – civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. L’article 5 exige des États parties qu’ils assurent l’égalité des personnes handicapées avec les autres et qu’ils prohibent toute discrimination liée au handicap. Cette interdiction générale est détaillée plus avant à propos des différents droits, dans des articles qui exposent à la fois ce qu’il faut entendre par discrimination fondée sur le handicap dans le cas du droit considéré, et les dispositions, y compris les mesures positives, à prendre pour assurer une égalité effective. La Convention précise en outre que ces mesures ne constituent pas une discrimination.

L’article 5 est suivi d’articles thématiques d’application générale, dont les prescriptions sont à prendre en compte dans l’application de l’ensemble des dispositions de la Convention. En font partie notamment l’article 6 relatif aux femmes handicapées, et l’article 7 concernant les enfants handicapés. Cela soulève les questions suivantes: Pourquoi les femmes et les enfants font-ils l’objet de dispositions expresses? Y a-t-il d’autres questions transversales qui pourraient être pertinentes? Y a-t-il d’autres personnes ou groupes de personnes qui mériteraient d’être mentionnés – personnes âgées, peuples autochtones, par exemple?

Droits spécifiques

La Convention traite de tout l’éventail des droits de l’homme. Affirmant clairement l’interdépendance et l’égale importance de tous les droits de l’homme, elle allie les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Les articles de fond clarifient le contenu et la portée, dans le cas des personnes handicapées, des droits de l’homme dont le respect est dû à chaque être humain.

La Convention innove en ce qu’elle énonce une série de domaines dans lesquels les États doivent prendre des mesures pour garantir l’exercice des droits; toutefois, ces mesures ne sont pas directement liées à tel ou tel droit en particulier. Ce sont notamment:

La sensibilisation

L’accessibilité

Les situations de risque et les crises humanitaires

L’accès à la justice

La mobilité personnelle

L’adaptation et la réadaptation

Les statistiques et la collecte de données

La coopération internationale

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Art. 32 Coopération internationale

Soulignant l’importance de la coopération internationale, y compris en vue du développement, pour la réalisation des droits qu’elle proclame, la Convention consacre tout un article à la question. Elle va ainsi au-delà de ce qui se faisait jusque là dans les instruments des droits de l’homme, où la coopération internationale était ordinairement évoquée dans les articles relatifs à la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels. De plus, l’article 32 détaille davantage les sortes d’initiatives par lesquelles la coopération internationale peut contribuer à promouvoir la Convention (coopération aux fins de la recherche, coopération en vue du développement qui prenne en compte les personnes handicapées et leur soit accessible, par exemple).

Il est à noter que l’article relatif à la coopération internationale est lié aux autres articles et qu’il y a entre eux une relation d’interdépendance. En d’autres termes, la coopération, y compris la coopération au service du développement, est une manière de donner effet aux droits et d’améliorer la mise en œuvre de la Convention; le développement et les droits de l’homme ne sont pas des sections séparées de la Convention: ils sont liés entre eux.

Art. 31 et 33 Mesures de mise en œuvre et de suivi Ces articles énoncent des mesures d’application et de suivi. L’article 31 impose aux États parties de recueillir des informations appropriées, y compris des données statistiques et des résultats de la recherche, qui leur permettent de formuler et d’appliquer des politiques visant à donner effet à la Convention. L’article 33 énumère les différentes initiatives que les États parties doivent prendre pour mettre en place un dispositif national d’application et de suivi.
Art. 34-39 Comité À partir de l’article 34, la Convention détaille sa structure institutionnelle. Elle crée le Comité des droits des personnes handicapées, qu’elle habilite à recevoir et examiner les rapports périodiques des États parties.
Art. 40 Conférence des États Parties La Convention institue la Conférence des États parties, qui se réunit régulièrement pour examiner toute question concernant l’application de la Convention.
Art. 41 et suivants Dispositions finales Les articles 41 et suivants fixent notamment les modalités de la signature, de la ratification et de l’entrée en vigueur de la Convention.
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En vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, des particuliers et des groupes de particuliers qui s’estiment victimes d’une violation d’une disposition de la Convention peuvent présenter des communications au Comité. Le Protocole facultatif autorise aussi le Comité, s’il est informé par des renseignements crédibles d’atteintes graves ou systématiques aux droits des personnes handicapées dans un pays, à entreprendre une enquête dans ce pays, avec le consentement de ce dernier.

G. Principes

La Convention énonce à l’article 3 un ensemble de principes généraux destinés à aider les États à comprendre et à appliquer efficacement ses dispositions. Pour plus de précisions, voir le tableau du module 1.

H. Les droits de l’homme dans la Convention

Si la Convention n’instaure pas de droits nouveaux, elle définit plus clairement l’application des droits existants à la situation particulière des personnes handicapées.

Ainsi, certaines des mesures de nature à assurer la liberté d’expression et d’opinion ainsi que l’accès à l’information consistent à:

Un niveau de vie adéquat et la protection sociale exigent notamment:

La Convention impose aussi aux États des obligations en vue de la réalisation d’une série de conditions qui sont indispensables à la pleine jouissance des droits de l’homme et qui sont les suivantes:

MESURE EXPLICATION
Sensibilisation (art. 8) La sensibilisation suppose à la fois de faire mieux connaître les droits des personnes handicapées et de combattre les stéréotypes par des campagnes, par l’éducation et la formation, et en encourageant les médias à adopter un comportement responsable.
Accessibilité (art. 9) L’accessibilité de l’environnement physique, des transports, de l’information et des communications, et des autres équipements et services ouverts ou fournis au public est une condition importante de l’autonomie.
Situations de risque et crises humanitaires (art. 11) Reconnaissant les vulnérabilités particulières des personnes handicapées dans les situations de risque et les crises humanitaires, les États s’engagent à assurer leur protection et leur sûreté.
Accès à la justice (art. 13) Une dimension fondamentale de la jouissance des droits est l’accès à la justice et, par conséquent, à des voies de recours. Cela suppose que des aménagements soient apportés au système judiciaire et qu’une formation soit dispensée aux personnels concourant à l’administration de la justice.
Mobilité personnelle (art. 20) La mobilité personnelle favorise l’autonomie et les États peuvent y contribuer, notamment, en facilitant l’accès à des aides à la mobilité et à des technologies d’assistance, en formant des personnels spécialisés, et en encourageant les producteurs d’aides à la mobilité à prendre en compte les besoins des personnes handicapées.
Adaptation et réadaptation (art. 26) Afin permettre aux personnes handicapées d’atteindre le maximum d’autonomie, les États s’engagent à renforcer et à développer des services d’adaptation et de réadaptation diversifiés, qui ne se limitent pas au secteur de la santé et qui s’étendent à l’emploi, à l’éducation et aux services sociaux.
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Statistiques et collecte de données (art. 31) Pour contribuer à formuler et appliquer des politiques visant à donner effet à la Convention, les États devraient recueillir des informations désagrégées selon des méthodes qui respectent les droits de l’homme et les normes éthiques de la collecte et de l’analyse des données.
Coopération internationale (art. 32) La Convention reconnaît l’importance de la coopération internationale pour aider les États à tenir leurs engagements. Il s’agira par exemple de veiller à ce que la coopération pour le développement prenne en compte les personnes handicapées et leur soit accessible, de procéder à des échanges d’information et de programmes de formation, de mener des travaux de recherche, d’opérer des transferts de technologie et d’apporter une assistance technique et économique.

Ces mesures sont centrées sur les initiatives que les États doivent prendre pour créer un environnement favorable à l’exercice de droits spécifiques des personnes handicapées.

I. Obligations

Les obligations se situent à deux niveaux: l’article 4 consacre des obligations générales et chacun des articles qui suivent énonce des obligations liées à des droits particuliers.

La première question qui se pose est celle de savoir qui doit tenir les engagements pris. Comme tous les autres instruments des droits de l’homme, la Convention impose ses obligations aux États. Toutefois, plusieurs articles font également ressortir le rôle des entreprises privées dans la réalisation des droits des personnes handicapées. S’il appartient aux États de veiller à ce que les entreprises privées respectent la Convention (autrement dit, si les obligations ne pèsent pas directement sur celles-ci), il importe de reconnaître le rôle du secteur privé et de souligner la nécessité de l’associer par des partenariats à la promotion des droits des personnes handicapées. D’autres instruments des droits de l’homme mentionnent également le secteur privé, et l’on s’intéresse grandement, depuis quelques années, à la question de la responsabilité des entreprises au regard de ces droits. Cependant, la Convention va certainement plus loin que les autres instruments dans l’énumération de domaines précis qui se prêtent aux interventions du secteur privé. Ce secteur ou les entreprises ou organismes privés sont mentionnés dans les articles relatifs: aux obligations générales (art. 4.1 e)), à l’accessibilité (art. 9.2 b)), à la mobilité personnelle (art. 20 d)), à la liberté d’expression (art. 21 c)), à la santé (art. 25 d)), et au travail (art. 27.1 h)).

Outre les entreprises, d’autres acteurs non étatiques ont l’obligation de respecter les droits des personnes handicapées. L’article 25, par exemple, cite les professionnels de la santé. Plusieurs articles évoquent les services d’accompagnement et les services sociaux (l’article 12 à propos du soutien nécessaire à l’exercice de la capacité juridique et l’article 19 au sujet de l’autonomie de vie, par exemple). L’article 24 mentionne notamment l’emploi d’enseignants qualifiés afin de promouvoir l’insertion scolaire. Donc, même si la responsabilité juridique du respect de la Convention appartient à l’État, nombre d’autres acteurs ont un rôle à jouer.

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Quelles sont, dans ces conditions, les obligations des États? Elles sont récapitulées ci-dessous, et analysées plus en détail dans les modules qui suivent:

Il y a différentes manières de présenter les obligations des États qui découlent des instruments des droits de l’homme. Le système international repose sur deux grandes catégories d’obligations, dites négatives et positives:

L’habitude s’est prise de désigner les obligations des États par la formule «respecter, protéger et donner effet». C’est la formulation que nous proposons ici:

Chacune des obligations générales dont il a déjà été question peut se classer dans une de ces trois catégories. Par exemple:

J. Mécanismes nationaux et internationaux de suivi

La Convention prévoit expressément la mise en place de mécanismes nationaux et internationaux de suivi.

À l’échelon national, la Convention propose trois mécanismes:

Du point de vue de la promotion de la Convention, les points de contact et les mécanismes de coordination peuvent grandement contribuer à changer la donne. Les questions relatives au handicap relèvent traditionnellement d’un ministère qui est souvent celui de la santé ou celui des affaires sociales. Par voie de conséquence, certaines questions échappent parfois à la sphère d’influence du ministère dont elles relèvent pour l’essentiel, ce qui crée des cloisonnements et des divisions. Si, par exemple, l’éducation des enfants handicapés est du ressort du ministère des affaires sociales et non du ministère de l’éducation, ces enfants sont en-dehors du système général d’enseignement. Parce qu’ils sont de nature transversale, les droits des personnes handicapées touchent à de nombreux domaines différents, et notamment à la justice, à l’éducation, au travail, aux affaires extérieures, au logement, aux finances, au sport et à la culture. Les points de contact et les mécanismes de coordination permettent de faire en sorte:

La Convention laisse une assez grande latitude quant à la forme de ces mécanismes, et les États peuvent les adapter en fonction de la situation qui règne dans le pays. Le mécanisme de coordination peut, par exemple, compter des représentants de la société civile: c’est déjà le cas de bon nombre de conseils nationaux du handicap.

Il est très important que le dispositif national de mise en œuvre et de suivi de l’application de la Convention soit conforme aux Principes de Paris, car il constitue alors un instrument indépendant de soutien et de vérification de l’application. Nombreuses sont les fonctions que peuvent exercer les institutions de défense des droits de l’homme indépendantes; elles peuvent:

Il existe encore d’autres moyens d’application et de suivi de la Convention que ceux qu’elle mentionne; on peut citer à titre d’exemple les tribunaux et les organes de défense des consommateurs. Les tribunaux assurent la protection judiciaire des droits des personnes handicapées, leur permettant d’obtenir des décisions exécutoires lorsqu’une violation est avérée. Cela peut être particulièrement utile lorsqu’un particulier, un groupe ou une organisation de la société civile décident d’engager une action pour qu’elle fasse jurisprudence. La décision judiciaire peut alors avoir des répercussions considérables, et entraîner une modification de la législation ou un changement des mentalités. Néanmoins, la justice peut être lente et les recours coûteux, de sorte que les personnes tentées de s’engager dans un procès doivent déterminer si l’affaire mérite l’investissement en temps et en argent qu’elle nécessite.

Au niveau international, la Convention institue deux mécanismes:

Ces mécanismes seront analysés plus avant dans d’autres modules de formation. Il pourrait cependant être utile d’étudier le processus d’établissement des rapports et de voir comment ce processus ainsi que l’examen des rapports par le Comité peuvent contribuer à la mise en œuvre. Il faudra peut-être adapter le débat en fonction des caractéristiques des participants: si, par exemple, ce sont principalement des représentants de l’administration, l’échange de vues pourrait être centré sur la manière dont l’établissement du rapport peut les aider à faire respecter la Convention. L’élaboration du rapport peut être l’occasion pour les représentants de l’État de:

Si les participants appartiennent principalement à la société civile, ils pourraient débattre de la manière dont celle-ci peut: i) influer sur le rapport de l’État; ii) rédiger à l’intention du Comité un rapport parallèle qui offre un panorama plus ample de la situation des personnes handicapées et de la jouissance de leurs droits que le tableau brossé dans le rapport national.

Si les participants appartiennent au système des Nations Unies, ils pourraient se demander comment les équipes de pays des Nations Unies peuvent informer le Comité. Ils ne savent peut-être pas que des renseignements peuvent être communiqués confidentiellement au Comité. Le débat pourrait porter principalement sur le point de savoir comment les recommandations du Comité peuvent renforcer la programmation des Nations Unies et nourrir la programmation future, y compris les analyses et les programmes de pays.

K. Participation et intégration des personnes handicapées et des organisations représentatives

La participation et l’intégration effectives des personnes handicapées n’est qu’un des principes généraux de la Convention. Il est cependant particulièrement important compte tenu de l’invisibilité traditionnelle de bon nombre de personnes handicapées dans la prise des décisions qui les concernent. Il peut donc être utile de développer ce principe si le temps disponible le permet.

Les notions de participation et d’intégration entières et effectives supposent que chacun puisse prendre pleinement part aux sphères publique et privée de la vie de la société et aux décisions qui influent sur son existence.

Participation. Pour être effective, la participation doit aller au-delà de la simple consultation préalable à un choix ou une décision déjà arrêtés. La participation effective doit être aussi active que possible, de manière que les personnes handicapées soient associées au processus de décision et aux initiatives correspondantes. Elle comporte également un élément de reddition des comptes. Les responsables devraient prendre en considération les propositions et les idées émises par les personnes handicapées, soit en modifiant leur action, leur initiative ou leur décision, soit, si ce n’est pas possible, en expliquant pourquoi ils ne peuvent pas le faire.

Intégration. Il ne s’agit pas simplement de placer physiquement les personnes handicapées avec les autres, dans les mêmes espaces (les classes, par exemple). Ce qu’il faut, c’est que la société dans son ensemble évolue et s’adapte de sorte que ces personnes puissent participer dans des conditions d’égalité avec les autres. Dans la classe, par exemple, il faudra peut-être modifier le plan des cours pour l’adapter aux besoins des élèves qui sont sourds, ou changer des activités de manière qu’elles développent les aptitudes de chaque élève, handicapé ou non.

Grâce à la participation et à l’intégration:

La participation et l’intégration ne sont pas des événements ponctuels; ce sont des processus qui durent tout au long de la vie.

De plus, les personnes handicapées devraient avoir l’occasion de prendre des décisions qui ne sont pas nécessairement liées au handicap ni à leur propre situation. L’accessibilité est parfois réalisée à l’occasion d’activités qui concernent spécifiquement les personnes handicapées (une réunion sur leurs droits, par exemple). Ces personnes ont cependant, comme toutes les autres, de nombreux centres d’intérêt. Ainsi, une personne handicapée souhaitera peut-être participer à des réunions qui n’ont aucun rapport avec le handicap, et l’accessibilité devrait donc s’étendre à ces activités-là aussi. Le principe de participation et d’intégration doit donc être entendu dans un sens très large.

Une société civile très motivée, formée de personnes handicapées et de représentants de leurs organisations, d’organisations non gouvernementales généralistes et d’institutions nationales de défense des droits de l’homme, a joué d’emblée un rôle moteur dans la rédaction de la Convention.

Conformément à la pratique des débats relatifs aux droits de l’homme, des organisations non gouvernementales, dont des organisations représentatives des personnes handicapées, ont été accréditées auprès du Comité spécial chargé de rédiger la Convention et ont participé à ses réunions. L’Assemblée générale s’est toujours montrée favorable à une participation active des organisations de personnes handicapées aux travaux du Comité spécial.

Une large coalition d’organisations de personnes handicapées et d’organisations non gouvernementales a constitué l’International Disability Caucus (IDC), porte-parole des organisations de personnes handicapées de toutes les régions du monde. Un de ses membres a affirmé que son propos était d’«ouvrir la voie à des changements qui mettront fin aux discriminations et assureront l’exercice de nos libertés et de nos droits».

La participation des organisations de personnes handicapées et d’autres organisations non gouvernementales à la rédaction du texte de la Convention a atteint un niveau probablement sans précédent dans les négociations relatives aux instruments des droits de l’homme des Nations Unies. À la dernière session du Comité spécial, quelque 800 membres d’organisations de personnes handicapées étaient inscrits. Au-delà des négociations, ces organisations ont été activement associées à la «vie» de la Convention – de la cérémonie de signature, tenue le 30 mars 2007, aux débats annuels du Conseil des droits de l’homme sur la Convention, en passant par les travaux du Comité des droits des personnes handicapées et de la Conférence des États parties.

Quel a donc été le rôle des organisations de personnes handicapées? L’International Disability Caucus (IDC) a été constamment un acteur majeur et a exprimé à la table des négociations les préoccupations des organisations nationales, régionales et internationales de la société civile. Les organisations de personnes handicapées ont pris une part essentielle à la rédaction du 41 projet du groupe de travail qui a servi de base au texte final, fruit de la collaboration de 27 gouvernements, de 12 organisations non gouvernementales et organisations de personnes handicapées, et d’une institution nationale de défense des droits de l’homme.

Le texte final de la Convention a été l’aboutissement de négociations véritablement inclusives. Nombre des vues exprimées et des suggestions faites par la société civile, notamment par les organisations de personnes handicapées et surtout par l’intermédiaire de l’IDC, ont été incorporées au texte. Des propositions de fond formulées par l’IDC, concernant par exemple la nécessité de veiller à consulter les personnes handicapées lors de l’élaboration des politiques et de la prise des décisions, font partie intégrante de la Convention.

C’est principalement aussi à l’IDC et aux institutions nationales de défense des droits de l’homme qu’est due la présence de la disposition relative à l’application et au suivi au niveau national qui exige des États parties la création d’un mécanisme national indépendant de promotion, de protection et de suivi de l’application de la Convention.

Rien pour nous sans nous!

Le mot d’ordre «Rien pour nous sans nous» se fonde sur le principe de la participation et s’inscrit dans l’action menée par les organisations de personnes handicapées à travers le monde pour obtenir la pleine participation et l’égalisation des chances pour, par et avec les personnes handicapées. L’idée fondamentale est que celles-ci doivent toujours être directement associées à la planification des stratégies et des politiques qui auront des répercussions directes sur leur existence.

Pour reprendre les mots prononcés par le représentant d’une institution nationale de défense des droits de l’homme avant l’adoption de la Convention: «La participation active de la société civile a tout particulièrement contribué à donner à la Convention une orientation claire et une grande pertinence; elle a également permis d’en mener rapidement la rédaction à bon terme (.) C’est à cette ouverture et à ce souci d’inclusion que le texte de la Convention, malgré sa relative longueur, doit son puissant magnétisme.».

Le rôle clé de la société civile n’a pas pris fin avec l’adoption de la Convention; il se poursuit à travers sa mise en œuvre. Les personnes handicapées prennent une part déterminante à sa promotion et aux activités d’information qui s’y rapportent. Le nouveau paradigme sur lequel elle se fonde s’inspire du souci de comprendre et de partager les points de vue des personnes handicapées. Celles-ci contribuent aussi de manière décisive à l’examen et à la proposition de mesures nationales.

L. Que peuvent faire les différents acteurs pour promouvoir la Convention?

Les organisations de personnes handicapées

Les personnes handicapées et les organisations qui les représentent peuvent promouvoir la Convention de nombreuses manières; elles peuvent par exemple:

Les équipes de pays des Nations Unies

Les équipes de pays des Nations Unies peuvent elles aussi contribuer à la promotion de la Convention; dans cette perspective, elles peuvent:

Le Partenariat des Nations Unies pour la promotion des droits des personnes handicapées et son Fonds d’affectation spéciale ont été mis en place en 2011 pour soutenir les programmes pilotés par les Nations Unies, principalement à l’échelon national mais aussi au niveau régional et mondial, en vue de la ratification et de l’application de la Convention. Les organismes fondateurs sont l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Département des affaires économiques et sociales (DAES) de l’ONU, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) 9 .

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MODULE 3 – LA RATIFICATION

Introduction

La Convention a été ratifiée par un grand nombre d’États en quelques années seulement. Le 1er octobre 2013, elle comptait 137 parties contractantes, et le Protocole facultatif, 78. En d’autres termes, plus de la moitié des États de la planète avaient consenti à être liés par la Convention. Il reste encore, cependant, à obtenir l’adhésion de la totalité des pays. Le module 3 présente les principaux concepts et les grandes étapes du processus de ratification, afin d’aider à former et à motiver les représentants des pouvoirs publics, de la société civile et des institutions nationales de défense des droits de l’homme des pays qui n’ont pas encore ratifié la Convention.

Dans un cours de formation sur ce sujet, il importe de faire comprendre que la ratification d’un instrument international est un processus complexe qui varie d’un pays à l’autre. Tout d’abord, des acceptions différentes sont données au terme lui-même, ce qui peut être source de confusion. Ainsi, le mot peut désigner l’adoption de l’instrument à l’échelon national (par le parlement, par exemple) mais aussi l’acte international d’adhésion à l’instrument. De plus, certains pays adhèrent à une convention plus qu’ils ne la ratifient, et le terme de ratification pourrait être moins adapté que celui d’adhésion. En même temps, l’instrument est sujet à confirmation officielle par des organisations d’intégration régionale telles que l’Union européenne. Le mot de ratification a tendance à servir de fourre-tout; entendu au sens strict, il est peut-être plus pertinent dans certains régimes politiques que dans d’autres.

Ensuite, les conditions indispensables à la ratification varient d’un pays à l’autre. Certains États font précéder la ratification de débats nationaux approfondis tandis que d’autres ratifient le texte d’abord et organisent ces débats ensuite. D’autres encore ratifient un instrument international sans autre formalité à l’échelle nationale.

L’animateur qui présente le module 3 doit donc connaître le régime en vigueur dans le pays et adapter le module en conséquence.

A. Le processus national de ratification

La loi et la pratique constitutionnelles régissent les divers aspects du processus de ratification qui se déroule généralement (mais pas toujours) à l’échelon national avant la ratification ou l’adhésion au niveau international. À noter que la Convention ne prescrit aux États aucun processus national spécifique de ratification.

Dans l’ensemble, il existe deux modalités de ratification nationale, qui sont fonction du rôle joué par le pouvoir législatif. Dans les pays de droit civil, la ratification prend la forme d’une approbation de l’instrument par le législateur. Après le vote, la loi portant ratification est transmise au pouvoir exécutif en vue de sa promulgation, de sa publication 46 et de son dépôt auprès du dépositaire de l’instrument. Ainsi, l’Argentine, le Chili, la Croatie, l’Équateur, l’Espagne, la Hongrie, le Mali, le Niger et le Panama ont ratifié la Convention au moyen d’une loi adoptée par le parlement. Le Mexique l’a ratifiée par l’approbation d’une des chambres du parlement.

Dans la plupart des pays qui ont une tradition de common law, ainsi que dans d’autres régimes, la ratification d’un instrument peut se faire par une décision du pouvoir exécutif. Si le parlement intervient, c’est à titre consultatif, ce qui signifie qu’un vote n’est pas nécessaire. C’est ainsi que le Bangladesh, la Nouvelle-Zélande et la Thaïlande ont ratifié la Convention par décision du pouvoir exécutif.

Quelles que soient les différences entre ces deux modalités et les spécificités des régimes nationaux, ces processus internes offrent d’importantes occasions de sensibiliser l’opinion et de faire mieux comprendre l’instrument à l’étude. De fait, les étapes qui précèdent et qui suivent la ratification influent sur la phase suivante – celle de l’application – par exemple en permettant de détecter les vides juridiques et autres et de mobiliser un soutien.

Certains États font faire une analyse nationale des avantages et des défis liés à la ratification. En pareil cas, ses auteurs évaluent les convergences entre la législation et les politiques nationales, d’une part, et la convention, d’autre part; ils mettent en évidence, notamment, les raisons qui militent en faveur de la ratification et de l’application, et les obligations et les dépenses qui en découleraient. Au cours de la phase préparatoire interne, l’analyse nationale accompagne la proposition de ratification. Tout examen préalable à la ratification devrait faire partie d’un processus d’étude des lois existantes et de la législation envisagée, appelé à se poursuivre pendant l’application. Idéalement, les résultats de l’analyse commanditée par les autorités, et conçue sous l’angle de l’intérêt national, devraient à terme être rendus publics.

De même, les États devraient faire précéder la ratification de consultations d’une ampleur suffisante. C’est au demeurant ce que prescrit la Convention elle-même, dont le paragraphe 3 de l’article 4 se lit comme suit:

Dans l’élaboration et la mise en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application de la présente Convention, ainsi que dans l’adoption de toute décision sur des questions relatives aux personnes handicapées, les États Parties consultent étroitement et font activement participer ces personnes, y compris les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent.

Même si l’État n’est pas lié par cette disposition parce qu’il n’est pas encore devenu partie à la Convention, l’organisation de consultations publiques sur la ratification est une bonne pratique qui peut influer sur l’application ultérieure de l’instrument. La consultation peut faire de la ratification davantage qu’un geste politique en direction de la communauté internationale et améliorer réellement la situation sur le terrain.

Si des consultations ont lieu, elles devraient tenir compte de tout l’éventail des parties prenantes à la ratification. Les représentants de l’administration devraient être consultés. Cependant, nombre de services administratifs ont un rôle à jouer dans la réalisation des droits des personnes handicapées, et les consultations peuvent se dérouler à différents niveaux – administrations centrales, provinciales et municipales, par exemple. De même, les consultations peuvent cibler non seulement les ministères 47 des affaires sociales et de la santé, dont relèvent généralement les questions liées au handicap, mais aussi des ministères tels que ceux de l’éducation, de la justice, de l’intérieur ou des finances, qui auront à participer à la mise en œuvre de la Convention.

Dans le débat relatif à la ratification, les personnes handicapées devraient avoir voix au chapitre à la fois directement et par l’intermédiaire de leurs organisations. Les consultations devraient prendre en considération la diversité des handicaps. Les personnes handicapées ne forment pas un groupe monolithique: leurs handicaps sont variés (psychosociaux, intellectuels, physiques, sensoriels) et elles sont elles-mêmes diverses (hommes, femmes, enfants, personnes autochtones, personnes âgées, etc.). Les consultations devraient tenir compte de cette variété dans toute la mesure du possible.

L’opportunité de soutenir, y compris financièrement, la participation des organisations de personnes handicapées aux consultations devrait être mûrement pesée. Parmi les États qui s’engagent dans le processus de ratification, certains – pays en développement ou pays qui traversent une crise, par exemple – peuvent avoir du mal à élargir les consultations faute de moyens financiers suffisants. Force est alors de tirer le meilleur parti possible de ressources limitées. Mais la consultation doit avoir lieu, non seulement pour assurer la participation et l’intégration des personnes handicapées, mais aussi parce que celles-ci peuvent avoir des propositions à faire quant à l’utilisation la plus efficace de ressources modiques en vue de l’application progressive de la Convention.

D’autres acteurs de la société civile, comme les organisations non gouvernementales qui se préoccupent des droits de l’homme ou du développement, devraient également être consultés. S’il existe une institution nationale de défense des droits de l’homme, elle devrait pouvoir s’exprimer; elle peut également contribuer aux travaux de recherche sur les droits des personnes handicapées et à l’analyse des lois et politiques.

Le processus de ratification devrait être inclusif et représentatif de la société dans son ensemble, groupes minoritaires et opposition politique compris; il ne devrait pas porter la marque d’un programme politique. Cela tient notamment à ce principe du droit international qui veut que les autorités successives d’un pays soient également liées par tout instrument international déjà ratifié. Le danger est que le pouvoir en place soit tenté d’exclure certains acteurs, comme l’opposition politique, pour pouvoir prendre ses décisions plus librement. À terme, cependant, cela pourrait nuire à l’application de la Convention, qui ne se poursuivrait pas en cas de changement de gouvernement.

Le processus de ratification de l’Australie offre un bon exemple des différentes étapes à parcourir. L’Australie a signé la Convention en mars 2007 et l’a ratifiée en juillet 2008. L’exercice national a comporté un examen approfondi de toute la législation du Commonwealth, des États et des Territoires destiné à déterminer si le pays pouvait se conformer à tous les articles de la Convention. Le Ministère de la famille, du logement, des services de proximité et des affaires autochtones et le Ministère de la justice, en consultation avec les organisations nationales de personnes handicapées ainsi qu’avec les conseils consultatifs et les services juridiques spécialisés dans le domaine du handicap, ont présenté au Gouvernement un rapport sur l’impact de la ratification. Les auteurs du rapport y ont dressé la liste des avantages et des inconvénients de la ratification de la Convention et de son Protocole facultatif, analysé la compatibilité des lois 48 australiennes avec les obligations découlant de la Convention, décrit l’impact économique, environnemental, social et culturel de la ratification, défini un moyen adéquat de transcrire directement la Convention dans le droit national et procédé à un examen comptable des lois, politiques et programmes.

La préparation de la ratification n’est pas seulement un processus conduit par les autorités nationales. La société civile peut également plaider en faveur de la ratification. À vrai dire, son intervention peut être un déclencheur particulièrement efficace de l’action gouvernementale. À cette fin, la société civile et d’autres acteurs peuvent:

Le Service de la lutte antimines des Nations Unies et le Haut-Commisariat aux droits de l’homme (HCDH) ont élaboré un dossier de sensibilisation pour aider les centres de lutte antimines à plaider en faveur de la ratification de la Convention. Dans l’encadré ci-dessous figure le modèle d’une lettre qui peut être envoyée à des parties prenantes pour promouvoir la ratification.

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B. Le processus international de ratification

Au niveau international, les États ou les organisations d’intégration régionale (comme l’Union européenne) qui se proposent de devenir parties à la Convention doivent exprimer leur consentement à être liés par ses dispositions. L’article 43 prévoit que ce consentement peut être exprimé par la ratification, l’adhésion ou la confirmation formelle. L’«organisation d’intégration régionale» s’entend de toute organisation constituée par des États souverains d’une région donnée, à laquelle ses États membres ont transféré des compétences dans les domaines régis par la Convention (art. 44).

Il est important à ce stade de définir certains termes. Pour nombre d’États, l’expression du consentement comprend la signature et la ratification:

Par le dépôt de son acte de ratification, l’État fait connaître au niveau international son consentement à être lié par un instrument. Comme les autres actes de consentement, la ratification rend les normes internationales des droits de l’homme consacrées par cet instrument juridiquement contraignantes vis-à-vis de l’État considéré, et lui impose de rendre compte à la communauté internationale des mesures prises pour harmoniser sa législation, ses politiques et ses pratiques avec ces normes internationales. Comme on le verra, la portée de cette formalité diffère d’un pays à l’autre.

Pour certains États, le consentement s’exprime en une seule étape: c’est l’adhésion. Celle-ci consiste dans le dépôt d’un instrument d’adhésion auprès du dépositaire et a les mêmes effets juridiques que la ratification; à la différence de celle-ci, cependant, elle n’est pas précédée de la signature.

En ce qui concerne les organisations d’intégration régionale, le processus comprend lui aussi deux étapes comparables à celles exposées ci-dessus, la signature par l’organisation étant suivie d’une confirmation formelle.

Les États et les organisations d’intégration régionale peuvent décider de ratifier ou d’adhérer à la fois à la Convention et à son Protocole facultatif, ou à la Convention seulement. Leur intention à cet égard doit être signifiée dans l’instrument établi et déposé. Pour pouvoir signer et ratifier le Protocole, il faut avoir signé et ratifié la Convention, mais les deux formalités peuvent être accomplies au cours de la même cérémonie de signature.

C. Réserves, interprétations et déclarations

Au moment de la signature, de la ratification ou de l’adhésion, les États et les organisations d’intégration régionale souhaitent parfois adapter l’application de l’instrument en émettant une réserve. La Convention de Vienne sur le droit des traités définit la réserve comme suit (art. 2, par. 1.d)):

L’expression «réserve» s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État.

Les États peuvent aussi faire des déclarations au moment de la signature, de la ratification ou de l’adhésion. Par une déclaration, un État fait connaître son interprétation d’une question contenue dans la Convention ou d’une disposition de celle-ci.

Les réserves et déclarations peuvent parfois indiquer qu’un État n’est pas résolu à donner pleinement effet à la Convention: il peut par exemple invoquer une divergence de principes culturels pour dissimuler son manque de volonté politique. Dans d’autres cas, elles peuvent traduire sa crainte légitime et sérieuse que les ressources nationales ne lui permettent pas de répondre aux obligations découlant de la Convention. Les États peuvent être tentés de formuler des réserves pour gagner du temps. Ils peuvent décider de modifier certaines des dispositions les plus rigoureuses ou d’en limiter la portée 51 afin d’éviter d’être blâmés par la communauté internationale pour ne pas appliquer la Convention convenablement. Si les réserves sont inévitables, il importe de tout faire pour que leurs incidences soient aussi réduites que possible. Vagues ou précises, elles méritent une attention particulière lors du suivi de l’application d’un instrument. Ainsi par exemple, le Comité des droits des personnes handicapées peut, par ses interprétations qui font autorité, circonscrire la portée apparemment générale et indéterminée de certaines réserves.

En tout état de cause, les réserves ne doivent jamais être encouragées, et l’animateur devrait trouver le moyen, eu égard à la composition de son auditoire, de le faire clairement comprendre lors de la présentation du module 3.

L’article 46 de la Convention autorise les parties à formuler des réserves à condition qu’elles ne soient pas incompatibles avec l’objet et le but de l’instrument. Si un État a des objections, il les notifie au Secrétaire général des Nations Unies, qui en distribue le texte. Les objections à une déclaration portent généralement sur le point de savoir si celle-ci est purement interprétative ou si elle est en réalité une réserve qui modifierait les effets juridiques de l’instrument. L’État qui élève une objection demande parfois que l’État auteur de la déclaration précise ses intentions. Si ce dernier convient qu’il a formulé une réserve et non une déclaration, il peut éventuellement retirer sa réserve; dans le cas contraire, il confirme qu’il ne s’agit que d’une déclaration.

Une fois que le texte d’une réserve leur a été communiqué, les États parties disposent de 12 mois pour faire connaître leurs objections, ce délai commençant à courir à la date du dépôt de la notification de la réserve ou à la date à laquelle l’État ou l’organisation d’intégration régionale a exprimé son consentement à être lié par le traité, si cette deuxième date est ultérieure. Lorsqu’un État formule une objection à une réserve et la communique au Secrétaire général après l’expiration du délai de 12 mois, le Secrétaire général en distribue le texte comme étant une «communication». La formulation d’une objection ne contraint pas un État à retirer sa réserve. Elle exerce cependant une certaine pression politique sur lui et peut le conduire à la retirer de son plein gré, immédiatement ou après un certain temps. De plus, l’objection à une réserve pourrait conduire un État à considérer que l’instrument est sans effet entre lui-même et l’État auteur de la réserve – du moins en ce qui concerne la disposition qui fait l’objet de la réserve.

Les organes conventionnels cherchent systématiquement à réduire la portée des réserves et à en encourager le retrait. C’est ainsi que le Comité des droits de l’homme a exposé sa position dans son observation générale n° 24 (1994) sur les questions touchant les réserves formulées au moment de la ratification du Pacte ou des Protocoles facultatifs y relatifs ou de l’adhésion à ces instruments, ou en rapport avec des déclarations formulées au titre de l’article 41 du Pacte. Se fondant sur le fait que les réserves incompatibles avec l’objet et le but de l’instrument ne sont pas autorisées, le Comité indique les domaines dans lesquels les réserves lui paraissent inadmissibles. En font partie les articles considérés comme définissant des normes impératives. Le Comité se demande si les réserves à des droits non susceptibles de dérogation sont autorisées. De même, il juge irrecevables les réserves aux dispositions qui créent les mécanismes d’appui à la jouissance des droits, comme 52 le droit à des voies de recours. C’est à lui, estime-t-il, qu’il appartient de déterminer si une réserve est compatible avec l’objet et le but de l’instrument, en partie parce que cette décision n’est pas du ressort des États parties s’agissant d’instruments relatifs aux droits de l’homme, et en partie parce que le Comité ne peut manquer de faire cette évaluation dans l’exercice de ses fonctions.

Les parties prenantes qui cherchent à soutenir les organes conventionnels, à enrichir l’examen périodique universel et/ou à coopérer avec les autorités nationales qui engagent ou terminent la procédure de ratification devraient plaider en faveur d’une ratification sans réserve.

Point important, les réserves existantes peuvent être modifiées. Le changement peut consister en un retrait partiel, en la création de nouvelles exclusions ou en la modification des effets juridiques de certaines dispositions (ce qui équivaut à la formulation d’une nouvelle réserve). Un État ou une organisation d’intégration régionale peuvent à tout moment retirer une réserve qu’ils ont formulée à la Convention ou au Protocole facultatif. Le retrait doit être fait par écrit et être signé par le chef de l’État, le chef du gouvernement ou le ministre des affaires étrangères, ou par une personne pleinement habilitée à cet effet par l’une de ces autorités. Comme les réserves, les déclarations peuvent être modifiées ou retirées.

Des États parties ont formulé un certain nombre de réserves et de déclarations dont quelques-unes ont suscité des objections d’autres États parties.

D. La transcription de la Convention dans le droit de l’État qui la ratifie

En procédant à la ratification, l’État consent à être lié par la Convention, qui entre en vigueur pour lui. Pour autant, elle ne vient pas automatiquement à faire partie de sa législation.

Il existe essentiellement deux grands modes de transposition des conventions dans le droit national; ils répondent généralement à des traditions juridiques différentes, et le système applicable est souvent inscrit dans la constitution nationale.

Les pays monistes partent du principe que le droit national et le droit international forment un seul ordre juridique. Le droit international n’a pas besoin d’être transcrit dans le droit national: la ratification incorpore immédiatement un instrument international au système national. Ses dispositions peuvent être directement appliquées par les juges et invoquées par les ressortissants du pays, au même titre que la législation nationale. Un juge peut frapper de nullité une norme nationale si elle est en contradiction avec les règles internationales. Dans certains États, le droit international prime toujours, tandis que d’autres appliquent le principe lex posterior derogat legi priori. Dans certains États parties à la Convention, comme l’Argentine, le Chili, le Costa Rica, la Croatie, l’Espagne, la Hongrie, le Mali, le Niger, le Qatar et la Slovénie, les dispositions de la Convention acquièrent directement force juridique et sont en principe immédiatement applicables, y compris par les juridictions de l’ordre judiciaire. Des particuliers qui ont invoqué devant les tribunaux la violation de droits sanctionnés par d’autres instruments, comme le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, ont obtenu des dédommagements ou une réparation.

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Dans les pays dualistes, les ordres juridiques international et national sont considérés comme distincts. Les instruments internationaux des droits de l’homme auxquels ces États sont parties ne sont pas applicables en tant que tels dans l’ordre national, et des textes doivent être adoptés pour transcrire l’instrument dans le droit national. Si certains États parties ont apporté des modifications à la législation existante pour se mettre en conformité avec la Convention, il semble que les mesures prises jusqu’à présent ne permettent pas de donner directement effet à la Convention dans le système juridique interne.

Si un pays dualiste ne transpose pas un instrument international dans le droit national, par exemple par négligence ou parce que la ratification ou l’adhésion obéissent à des motivations purement politiques, l’application de cet instrument est incertaine. Si l’État ne transcrit pas la Convention dans son ordre juridique après l’avoir ratifiée, les personnes qui ont le plus besoin de la protection qu’elle apporte n’en bénéficieront pas nécessairement. Parmi les pays dualistes figurent l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, l’Inde, le Kenya, le Malawi, le Royaume-Uni et la Zambie.

Les organes conventionnels ont souvent recommandé que les États transcrivent les instruments des droits de l’homme dans le droit national pour qu’ils produisent tous leurs effets. C’est ainsi que, dans son observation générale n° 31 (2004) relative à la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, le Comité des droits de l’homme, tout en relevant que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne faisait pas expressément obligation aux États parties d’incorporer ses dispositions, a cependant exprimé l’avis «que les droits garantis par le Pacte sont susceptibles d’être mieux protégés dans les États où le Pacte fait partie de l’ordre juridique interne automatiquement ou par voie d’incorporation expresse», et a invité les États parties à agir en conséquence.

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a exprimé des vues analogues dans son observation générale n° 9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national: «les normes internationales contraignantes relatives aux droits de l’homme devraient s’appliquer directement et immédiatement dans le cadre du système juridique interne» et «même si le Pacte n’oblige pas formellement les États à incorporer ses dispositions dans la législation interne, une telle démarche est souhaitable».

Dans les pays où il faut que la loi renvoie aux dispositions d’un instrument ou les reproduise, les magistrats ont parfois trouvé des moyens ingénieux d’exploiter les normes internationales. On peut citer le cas de l’Afrique du Sud, qui n’est pas partie au Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, mais dont la Cour constitutionnelle s’est appuyée sur les observations générales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour interpréter la portée de ces droits au regard de la Constitution sud-africaine.

E. La place de la Convention dans le système juridique des États

Dans les États où la Convention est directement applicable, il lui a été assigné différents niveaux dans la hiérarchie des lois. Le Costa Rica, par exemple, place les conventions au même niveau que la Constitution. En Argentine, le parlement a été saisi d’un projet de loi tendant à situer la Convention au niveau de la Constitution, à l’instar des autres instruments des droits de l’homme. Dans plusieurs pays, comme la Croatie, le Mali, le Mexique 55 et le Niger, les instruments internationaux des droits de l’homme auxquels l’État est partie sont au-dessus des lois nationales.

Les organes conventionnels ont souvent demandé que la place des instruments internationaux des droits de l’homme dans la hiérarchie des lois internes soit clarifiée. Ils ont systématiquement exprimé leur satisfaction aux États qui leur ont attribué le même niveau qu’à leur constitution, ce qui n’est pas toujours le cas.

Dans son observation générale n° 31 (2004), le Comité des droits de l’homme a expressément souligné la force des instruments des droits de l’homme, qui «découle directement du principe énoncé à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, aux termes duquel un État partie "ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité"». Et c’est, a ajouté le Comité, «le même principe qui joue afin d’empêcher que les États parties invoquent les dispositions de leur droit constitutionnel ou d’autres aspects de leur droit interne pour justifier le fait qu’ils n’ont pas exécuté les obligations découlant du Pacte ou qu’ils ne leur ont pas donné effet».

Les réserves formulées par les États qui ne reconnaissent pas la prééminence de la Convention relative aux droits des personnes handicapées en cas de conflit entre ses dispositions et celles de leur constitution pourraient être source de difficultés au regard de l’article 27 de la Convention de Vienne. C’est pourquoi même les États dotés d’un système dualiste devraient à tout le moins s’abstenir d’invoquer la législation nationale pour ne pas respecter la Convention, même si leurs ressortissants ne peuvent se prévaloir des dispositions de celle-ci devant les juridictions nationales sans une intervention supplémentaire du parlement.

F. Promouvoir la ratification: les rôles des différents acteurs

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MODULE 4 – LES MESURES D’APPLICATION

Introduction

Quelles sont les mesures d’application requises par la Convention?

L’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention indique en termes généraux les mesures à prendre pour la pleine réalisation des droits des personnes handicapées sans discrimination. Il impose aux États d’adopter:

Toutes mesures appropriées d’ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention.

Trois aspects au moins de cet alinéa méritent d’être soulignés. Tout d’abord, il s’agit d’adopter «toutes» les mesures appropriées. L’application devrait donc être intégrale, en ce qu’elle devrait comprendre toutes les mesures possibles ayant trait à la Convention. L’article 4 énonce certaines d’entre elles, qui seront analysées en plus grand détail par la suite. De plus, bon nombre d’articles de la Convention définissent des mesures d’application spécifiques concernant des droits particuliers. Il n’est pas inutile d’examiner l’un des articles afin de comprendre les types de mesures nécessaires pour mettre la Convention en pratique. L’expression «"toutes" mesures appropriées» peut aussi être comprise comme conférant une certaine marge de manœuvre: aucune possibilité n’est exclue, et les États peuvent choisir des modes d’application de la Convention qui varient en fonction de leur système juridique et de leurs caractéristiques culturelles.

Ensuite, l’article exige l’adoption de toutes les mesures «appropriées». En d’autres termes, les mesures doivent satisfaire aux principes et obligations consacrés par la Convention. Elles doivent respecter la Convention et en promouvoir les principes. Elles doivent y être conformes. Enfin, l’article fait expressément mention non seulement des mesures législatives et administratives, mais aussi de mesures d’un «autre» ordre. Il suit ainsi la pratique adoptée dans les autres instruments des droits de l’homme. Si les mesures juridiques et administratives sont importantes pour donner effet à une convention internationale, les dispositions nécessaires à la mise en œuvre d’un instrument des droits de l’homme sont bien plus vastes: elles touchent à l’éducation, au financement, au développement, aux programmes sociaux, à la mise en place de structures administratives et au système judiciaire, pour ne citer que quelques exemples. Les mesures adoptées doivent donc être larges pour que l’application de la Convention soit effective. Imaginer que la Convention requiert uniquement des dispositions juridiques (sans mesures financières), c’est s’exposer à adopter de bonnes lois qui resteront lettre morte.

Les mesures d’application pertinentes sont nombreuses; il est possible par exemple de:

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Le présent module étudie une série de mesures d’application, telles qu’une réforme de la législation conçue de manière que les textes et les politiques respectent entièrement la Convention, y compris par la prestation de services adéquats et la mise en place de structures administratives.

Nombre des mesures d’application examinées dans le présent module demandent du temps et des moyens financiers. Les participants voudront sans doute savoir quelles mesures pratiques ils pourraient prendre immédiatement après la ratification ou même à l’issue de leur formation. Il est donc utile, avant d’étudier chaque mesure d’application de façon plus approfondie, d’envisager quelques initiatives susceptibles d’être prises sans délai afin d’engager le processus de mise en œuvre. Elles pourront consister par exemple à:

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A. Mise en place de structures administratives en vue de l’application de la Convention

Les structures requises par la Convention (art. 33)

Avant d’examiner de plus près différentes mesures d’application, il est bon de se reporter brièvement à l’article 33, qui en prescrit trois particulièrement adaptés (voir également le module 6), consistant en la mise en place de points de contact, de dispositifs de coordination et de mécanismes indépendants de suivi de l’application.

Points de contact: L’article 33 requiert, au paragraphe 1, la désignation, au sein de l’administration, d’un ou de plusieurs points de contact chargés des questions relatives à la mise en œuvre de la Convention. Le texte ne précise pas la nature des points de contact (ministère, service ministériel, personne ou autre).

Dispositif de coordination: Le même paragraphe exige des États parties qu’ils envisagent dûment de créer ou désigner, au sein de leur administration, un dispositif de coordination chargé de faciliter les actions liées à l’application de la Convention. Bien que sa création soit facultative, un tel dispositif peut être utile, en obtenant que tous les ministères et les administrations de tous les niveaux (central, provincial et local) travaillent ensemble à l’application de la Convention, et que les questions relatives au handicap ne restent pas cantonnées au sein d’un seul et même ministère (comme celui de la santé ou des affaires sociales).

Les points de contact et le dispositif de coordination assurent l’existence dans le pays d’une autorité constamment responsable de l’application. Cela ne suffit pas en soi à garantir l’efficacité de cette application: encore faut-il que le point de contact ou le mécanisme de coordination disposent des moyens financiers et des connaissances spécialisées nécessaires. Une participation effective des personnes handicapées et des organisations qui les représentent devrait également contribuer à l’efficacité des points de contact et du dispositif de coordination – sans laquelle il est à craindre que personne ne porte la responsabilité d’inscrire les normes internationales de la Convention dans la réalité nationale et de leur donner véritablement un sens.

Voici quelques éléments qu’il convient d’avoir à l’esprit:

Le point de contact aura sans doute notamment pour fonctions initiales:

Dispositif indépendant de suivi: Le paragraphe 2 de l’article 33 porte principalement, quant à lui, sur la création d’une structure indépendante chargée de superviser l’application de la Convention. Il prescrit aux États de maintenir, renforcer, désigner ou créer un ou plusieurs mécanismes indépendants de promotion, de protection et de suivi de l’application de la Convention. En créant un tel mécanisme, les États doivent tenir compte des «Principes applicables au statut et au fonctionnement des institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme», connus sous le nom de Principes de Paris. En d’autres termes, les mécanismes doivent répondre aux normes internationalement convenues d’indépendance, de pluralité et de fonctionnement.

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Autres institutions participant à l’application de la Convention

Les tribunaux: Les États parties sont également tenus de promouvoir une connaissance adéquate de la Convention parmi le personnel qui contribue au fonctionnement de la justice, conformément à l’article 13. Celui-ci se lit ainsi: «Afin d’aider à assurer l’accès effectif des personnes handicapées à la justice, les États Parties favorisent une formation appropriée des personnels concourant à l’administration de la justice, y compris les personnels de police et les personnels pénitentiaires.». Il s’agit notamment de former les juges et les avocats aux droits des personnes handicapées et aux obligations internationales contractées par les États parties à la Convention, afin que les litiges soient traités conformément au droit international. De plus, les tribunaux devraient être physiquement accessibles aux personnes handicapées; il en va de même de l’information relative à la procédure (documents en braille, sites web accessibles avec un lecteur d’écran, interprétation dans la langue des signes au tribunal, etc.).

Les parlements: Les parlements ont un rôle déterminant à jouer dans l’application de la Convention, en adoptant des lois mais aussi en demandant au pouvoir exécutif de rendre des comptes sur les politiques et les stratégies adoptées ainsi que sur les services fournis. Les parlements prennent également une part importante au processus budgétaire. Si la Convention ne les cite pas, les renforcer en assurant leur accessibilité et en sensibilisant les parlementaires aux droits des personnes handicapées et à l’importance de celles-ci en tant qu’électeurs peut influer grandement sur la mise en œuvre de la Convention.

B. Lois, politiques et budgets

La réforme législative

Quelques moyens d’assurer la conformité à la Convention

L’article 4 et d’autres dispositions de la Convention citent quelques-uns des éléments à avoir à l’esprit lors de l’examen et de la réforme des lois; il convient:

À noter que ce sont les normes les plus élevées de protection qui doivent primer: si les dispositions de la Convention sont moins rigoureuses sur tels ou tels points que la législation en vigueur, c’est bien entendu celle-ci qui doit s’appliquer. Au cours des consultations avec les organisations de personnes handicapées qui ont eu lieu en Australie, il a été signalé que la Convention pourrait être interprétée comme exigeant des acteurs non étatiques un respect moins strict que celui auquel sont astreints les acteurs publics. Compte tenu du très grand rôle que le secteur privé joue en Australie dans la fourniture de biens et de services publics – en assurant, par exemple, la mise au point et l’offre de services, d’aides et d’appareils spécifiques à chaque type de handicap -et dans la formation des attitudes sociales, les organisations de personnes handicapées ont demandé au Gouvernement de déclarer que l’Australie ne se bornerait pas à «promouvoir» «favoriser» ou «encourager» les acteurs non étatiques à respecter les droits énoncés dans la Convention, et qu’elle pourrait dans certaines situations exiger que le secteur privé assume des responsabilités sur les mêmes bases que les acteurs publics.

Garantir des recours utiles

Pour que les droits aient un sens, il faut qu’il existe des recours utiles en cas de violation, et les lois doivent habiliter les juridictions à recevoir des plaintes pour atteintes aux droits. Cette prescription est implicite dans la Convention et figure systématiquement dans les autres grands instruments des droits de l’homme. Il importe que les personnes handicapées victimes d’une discrimination dans quelque domaine que ce soit puissent saisir la justice. Par voie de conséquence, des recours devraient exister pour tous les droits de l’homme – civils et politiques aussi bien qu’économiques, sociaux et culturels. La possibilité de recours en cas de violation devrait être sanctionnée par la loi, et la législation devrait définir les voies de ces recours.

Qui dit recours pense généralement en premier lieu aux recours judiciaires. De ce point de vue, le monisme présente peut-être des avantages. L’État moniste qui ratifie la Convention est automatiquement lié par ses principes et ses objectifs. Les ressortissants de cet État, y compris les personnes handicapées, à qui tels ou tels droits sont déniés, par exemple parce que la législation nationale est faible sur ce point, peuvent invoquer la Convention devant toute juridiction nationale, et demander au magistrat d’appliquer cet instrument et de frapper la loi nationale de nullité. Le juge n’a pas à attendre que la Convention soit transcrite dans le droit national: puisqu’elle a été ratifiée, ses dispositions sont, en principe, directement applicables. À l’évidence, le monisme n’a d’avantages que dans la mesure où les magistrats sont compétents et familiarisés avec les normes internationales et les droits de l’homme.

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Même dans les États où la Convention n’est pas directement applicable, la ratification ou l’adhésion encouragent la magistrature à interpréter la législation nationale conformément à ses dispositions. En la transposant dans le droit national, les États dualistes permettent à leurs tribunaux de l’appliquer dans les décisions qu’ils rendent.

Mais d’autres voies de recours doivent aussi être envisagées. Tout d’abord, elles peuvent parfois être mieux adaptées. Ainsi, il vaudra peut-être mieux faire traiter les difficultés liées à la prestation de services par des tribunaux spécialisés dans le droit de la consommation ou par des organes de recours administratifs – commissions nationales des droits de l’homme, médiateurs, commissions de l’égalité, commissaires aux droits des personnes handicapées, etc. Ce sont des instances moins intimidantes, auxquelles il est parfois beaucoup plus facile d’accéder, y compris sans avocat, et dont les interventions peuvent se révéler moins coûteuses. De même, la médiation et l’arbitrage peuvent être préférables dans certains cas, car ils sont moins conflictuels et proposent des solutions (réparations) acceptables pour toutes les parties. L’inspection du travail et l’inspection scolaire peuvent être des moyens d’engager la responsabilité des employeurs et des personnels de l’éducation, et d’offrir ainsi des solutions (réparations) plus rapides, moins coûteuses et, en définitive, plus efficaces que les recours judiciaires.

Ensuite, d’autres recours pourraient être plus rapides et plus sûrs. Dans certains pays, l’appareil judiciaire fonctionne mal ou ne dispose pas de ressources suffisantes pour offrir véritablement des recours utiles. En pareil cas, les citoyens peuvent n’avoir guère confiance dans les tribunaux et renoncer à porter plainte pour atteinte à leurs droits. Des recours plus accessibles pourraient venir remplacer des procédures à l’issue incertaine.

Enfin, des formes traditionnelles de justice pourraient être préférables, en particulier dans des régions rurales défavorisées. Nombreux sont les pays où les tribunaux sont rares en dehors de la capitale et des principaux centres urbains. La situation est alors particulièrement critique pour les personnes handicapées qui vivent dans des régions reculées. Si la pauvreté ou l’extrême pauvreté y règnent, il peut devenir impossible de se déplacer librement et de se rendre dans une zone urbaine pour obtenir les services d’un conseil ou une autre forme d’aide. Néanmoins, les systèmes traditionnels ne sont pas toujours la panacée pour les personnes handicapées en raison des préjugés et de la stigmatisation dont elles sont l’objet. Les décisions risquent alors de répondre à des conceptions traditionnelles qui isolent les personnes handicapées ou qui leur accordent un traitement inégal. Aussi faudrait-il associer les autorités traditionnelles, y compris les anciens et les membres influents de la collectivité, aux programmes de sensibilisation et y inclure des éléments relatifs à la non-discrimination et à la participation aux recours locaux.

La méthode

Chaque État aura sa propre méthode de réforme des lois et des politiques. Il y a cependant certains principes à respecter pour que les personnes handicapées et les autres acteurs concernés soient associés au processus et pour que celui-ci soit efficace.

Point important, l’article 4, paragraphe 3, souligne que les États devraient consulter et faire activement participer les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à l’élaboration des lois et des politiques d’application de la Convention et aux autres décisions qui les concernent. Leur participation doit donc sous-tendre toute la réforme des lois et des politiques.

Les étapes de l’examen et de la réforme des lois sont notamment les suivantes:

Les politiques

Les lois transposent les engagements internationaux dans le droit national et entraînent souvent de véritables améliorations de la situation des droits de l’homme sur le terrain.

Souvent, cependant, les politiques permettent d’accélérer la mise en œuvre. Si les lois énoncent des droits et des obligations, les politiques peuvent fixer les étapes à franchir pour atteindre les objectifs aux échéances prévues et respecter ainsi les engagements pris. Les politiques sont particulièrement utiles pour la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels. Mais elles le sont aussi pour l’exercice des droits civils et politiques (l’amélioration de l’administration de la justice, par exemple). Parmi les nombreuses politiques en rapport avec l’application de la Convention, on peut citer:

Les politiques ne sont pas des interventions ponctuelles; elles comportent plusieurs phases, à savoir:

Ce qui précède correspond à bien des égards à ce qu’il est convenu d’appeler l’approche fondée sur les droits de l’homme. Cette approche comporte trois dimensions majeures:

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Les mesures budgétaires considérées dans la perspective de la réforme de la législation et des politiques

Les mesures budgétaires sont des aspects essentiels de la plupart des lois et politiques. Si certaines de celles-ci – comme celles qui prohibent des comportements tels que la discrimination ou la torture – n’ont pas besoin d’être financées, la plupart de celles qui ont trait aux droits de l’homme exigent des fonds; cela est particulièrement vrai de celles qui se rapportent aux droits économiques, sociaux et culturels. Il importe surtout d’avoir à l’esprit que certaines dispositions:

L’obligation de l’État de fournir des budgets

Les décideurs doivent se demander si les lois et les politiques ont des incidences financières et, dans l’affirmative, prévoir des budgets suffisants. Comme cela a été indiqué plus haut, le parlement et le pouvoir exécutif devraient, avant d’adopter des lois et des politiques, indiquer explicitement le montant des ressources qui seront consacrées à leur application. Certaines mesures ont beaucoup plus de chances de réussir lorsqu’elles sont assorties de ressources financières (et humaines).

La disposition clé de la Convention concernant le financement est contenue au paragraphe 2 de l’article 4 (obligations générales): Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, chaque État Partie s’engage à agir, au maximum des ressources dont il dispose et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale, en vue d’assurer progressivement le plein exercice de ces droits, sans préjudice des obligations énoncées dans la présente Convention qui sont d’application immédiate en vertu du droit international.

Cette obligation est souvent mal comprise. Elle ne signifie pas que la réalisation des aspects des droits économiques, sociaux et culturels qui nécessitent des ressources ou un financement peut être indéfiniment différée. Au demeurant, la Comité des droits économiques, sociaux et culturels a affirmé que ces droits font naître des obligations fondamentales dont il faut s’acquitter immédiatement quel qu’en soit le coût. C’est le cas, par exemple, de l’obligation de fournir des médicaments essentiels abordables au titre du droit à la santé.

Toutefois, lorsque des ressources sont nécessaires et qu’une réalisation progressive se justifie:

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Compte tenu des difficultés que les États les plus pauvres éprouvent à appliquer la Convention (en raison des ressources nécessaires), le paragraphe 2 de l’article 4 et l’article 32 soulignent l’aide que peut apporter la coopération internationale. L’alinéa d) de l’article 32.1 prescrit aux États de prendre des mesures appropriées et efficaces de coopération internationale, et notamment d’apporter, s’il y a lieu, une assistance technique et une aide économique.

La budgétisation des droits des personnes handicapées

La «budgétisation des droits de l’homme» et de préoccupations connexes, comme celle de l’égalité des sexes, retiennent de plus en plus l’attention. L’expérience acquise dans ces domaines fournira d’utiles indications pour la budgétisation de la Convention. Voici quelques questions à se poser pour mesurer la cohérence entre les budgets et les lois et politiques à appliquer:

Une des difficultés qu’il yaà faire concorder la budgétisation avec les processus législatif et politique tient à l’asymétrie des parties prenantes. Ainsi, l’asymétrie entre le ministère des finances, le ministère de la planification, les ministères sectoriels, le parlement et la société civile peut influer sur l’adéquation des budgets aux politiques et sur la prise en considération des principes des droits de l’homme dans l’élaboration des uns et des autres (par exemple, sur le degré de participation de la société civile).

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C. Des services accessibles à tous

La mise en place de services favorisant l’inclusion

Qu’il faille mettre en place des services non discriminatoires et favorisant l’inclusion des personnes handicapées ne signifie pas que les mêmes services soient nécessaires à tout le monde tout le temps. Comme d’autres aspects de la Convention, la question de la prestation des services requiert une double démarche: d’un côté, la Convention exige 74 que les personnes handicapées puissent accéder aux services ordinaires dans des conditions d’égalité avec les autres; d’un autre côté, un accompagnement spécifique est parfois nécessaire pour qu’elles puissent jouir des mêmes droits que les autres.

Trois sortes de services sont nécessaires à la mise en œuvre de la Convention:

Le rôle de l’État

S’agissant de la réforme de la législation et des politiques, l’État est à l’évidence l’acteur principal, mais en ce qui concerne la prestation de services, le secteur privé et la société civile nationale et internationale sont également parties prenantes. Pour ce qui est de l’État, les autorités centrales ont un rôle de régulation et de prestation de services, mais d’autres administrations, municipales et locales notamment, doivent également intervenir.

Quel est donc le rôle de l’État?

La responsabilité de l’État est primordiale: Les instruments des droits de l’homme font de l’État le principal responsable de la promotion, la protection et l’application de la Convention.

L’État doit:

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D. Sensibilisation et formation

Autre mesure d’application importante: la sensibilisation, notamment par la formation. Le handicap étant le produit de l’interaction entre une incapacité et un environnement inhospitalier – cet environnement étant compris comme englobant non seulement le milieu physique mais aussi les préjugés et les informations négatives ou inaccessibles – la sensibilisation et la formation sont des moyens essentiels de modifier cet environnement.

Sensibilisation

L’article 8 est entièrement consacré à la sensibilisation; il énonce toute une série de mesures que les États devraient prendre, notamment pour:

Pour y parvenir, les États peuvent recourir à des campagnes d’information de l’opinion, au système éducatif, aux médias et à des programmes de sensibilisation.

D’autres articles enjoignent aux États de donner des informations aux personnes handicapées, ce qui est aussi une forme de sensibilisation. Ainsi, les États s’engagent à:

Formation

L’article 4 souligne l’importance de la formation. L’État est tenu de promouvoir la formation des professionnels et personnels qui travaillent auprès des personnes handicapées aux droits reconnus dans la Convention, de façon à améliorer la prestation des aides et des services.

La Convention encourage la formation au sein de la collectivité tout entière, et notamment celle de différents personnels ainsi que des personnes handicapées. S’agissant des premiers, elle favorise:

Pour ce qui est de la formation des personnes handicapées – et sans compter le droit à l’éducation lui-même – la Convention contient des dispositions concernant:

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E. Recherche et développement

La recherche a eu d’importantes incidences sur la vie des personnes handicapées. Les innovations technologiques fondées sur le principe de la conception universelle les aident à mener une vie autonome au sein de la collectivité. Les statistiques et le rassemblement de données aident l’État et les autres acteurs à comprendre les obstacles auxquels elles sont confrontées et, par là, à mieux cibler les mesures d’application.

La Convention mentionne les travaux de recherche dans plusieurs domaines:

Enfin, à l’échelle internationale, les États parties ont l’obligation collective de faciliter la coopération dans le domaine de la recherche et l’accès aux connaissances scientifiques et techniques (art. 32).

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F. Suivi de l’application

Bien qu’il ne soit pas toujours assimilé à une mesure d’application, le suivi joue également un rôle clé. Il permet de connaître les mesures d’application qui ont donné de bons résultats et celles qui n’ont pas abouti. Il aide à affiner les lois, politiques et autres mesures d’application, et à utiliser au mieux les budgets disponibles. Il contribue aussi à dévoiler les atteintes aux droits de l’homme, de manière à permettre l’indemnisation des victimes et, en principe, à éviter la répétition de ces manquements.

Les rapports des États parties au Comité des droits des personnes handicapées occupent une place essentielle dans ce processus. La société civile et les institutions de défense des droits de l’homme peuvent elles aussi informer le Comité, au moyen de ce qu’il est convenu d’appeler des rapports alternatifs. Les rapports des États et les rapports alternatifs sont analysés en détail dans le module 7.

En plus du suivi international, il peut y avoir un suivi national. Il ressort du Manuel de formation sur le monitoring des droits de l’homme 11 du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme que le suivi des droits de l’homme est une expression de sens large, comprenant la collecte active, la vérification, l’analyse et l’usage d’informations afin d’évaluer et de traiter des questions relatives aux droits de l’homme. Ce suivi s’exerce dans la durée. L’expression englobe aussi la collecte, la vérification et l’usage d’informations pour résoudre les problèmes des droits de l’homme qui se posent à propos des lois, politiques, programmes et budgets ainsi que d’autres interventions.

Plusieurs aspects de cette définition méritent d’être soulignés:

Le suivi porte principalement sur:

N’importe quel acteur peut suivre la situation des droits des personnes handicapées. Toutefois, certains d’entre eux ont des responsabilités particulières:

Comme l’indique l’article 31 relatif aux statistiques et à la collecte de données, les États, en recueillant des informations adéquates, des données chiffrées et des résultats de la recherche, peuvent formuler et appliquer des politiques qui donnent effet à la Convention. La mise en œuvre de cette dernière peut être accélérée par des politiques fondées sur des données factuelles, sur les résultats du suivi et sur les faits signalés à l’échelon national, ainsi que sur les rapports présentés au Comité des droits des personnes handicapées et sur les observations finales de celui-ci.

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MODULE 5 – LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE HANDICAP

Introduction

Pratiquer une discrimination, c’est traiter une personne ou une chose différemment. L’expression n’est pas nécessairement négative: discriminer, cela peut consister à faire preuve de jugement. Néanmoins, le terme de discrimination peut également désigner le comportement de celui qui traite certaines personnes de manière inéquitable en raison de leurs caractéristiques. C’est cette seconde acception qui intéresse le droit des droits de l’homme.

La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît que Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Cet énoncé concis a été repris dans les législations et constitutions nationales, dans des accords régionaux et dans des instruments des Nations Unies. Mais que signi-fie-t-il dans la pratique? La discrimination peut prendre de nombreuses formes: elle peut être très ouverte, inscrite dans la loi ou occulte. Elle est souvent le produit de préjugés, de disparités économiques et sociales, et d’idées préconçues d’ordre culturel ou religieux. Pour combattre la discrimination, il faut combattre ces visions négatives.

La discrimination fondée sur le handicap frappe aujourd’hui une grande partie de la population mondiale. C’est une des principales difficultés rencontrées par les personnes handicapées et par leurs proches. Elle se manifeste sous différentes formes et peut avoir des effets désastreux sur leur existence et, par extension, sur le reste de la société. Dans son observation générale n° 5 (1994), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels indique ce qui suit:

[...] les personnes souffrant d’un handicapfont depuis toujours l’objet d’une discrimination qui se manifeste sous diverses formes – qu’il s’agisse des tentatives de discrimination odieuse telles que le déni aux enfants souffrant de handicap de la possibilité de suivre un enseignement, ou des formes plus subtiles de discrimination que constituent la ségrégation et l’isolement imposés matériellement ou socialement. [.] Ce sont aussi bien la négligence, l’ignorance, les préjugés et les idées fausses que l’exclusion, la différenciation ou la ségrégation pures et simples, qui bien souvent empêchent les personnes souffrant d’un handicap de jouir de leurs droits économiques, sociaux ou culturels sur la base de l’égalité avec le reste des êtres humains. C’est dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du logement, des transports, de la vie culturelle et en ce qui concerne l’accessibilité des lieux 88 et services publics que les effets de cette discrimination se font particulièrement sentir. (C’est nous qui soulignons)

Si l’observation générale porte spécifiquement sur les droits économiques, sociaux et culturels, elle pourrait s’appliquer aussi bien aux droits civils et politiques. Nombreux sont par exemple les pays où les personnes handicapées ne sont toujours pas autorisées à voter et n’ont pas la capacité juridique de se marier ou de conclure un contrat d’achat ou de vente d’un bien immobilier.

Il est difficile d’analyser la discrimination sans s’intéresser aussi au concept d’égalité. Dans le droit des droits de l’homme, la non-discrimination et l’égalité sont réellement les deux faces d’une même pièce. En luttant contre la discrimination, nous espérons lutter contre les facteurs qui, dans la société, génèrent l’inégalité. Et en combattant les facteurs qui sont source d’inégalité, nous espérons prévenir la discrimination.

Il peut néanmoins y avoir, dans l’étude des relations entre non-discrimination et égalité, une certaine confusion sur le sens du mot «égalité». Celui-ci est souvent compris comme désignant des réalités qui sont identiques ou équivalentes. Dans le cas des droits de l’homme, il ne signifie aucunement que toutes les personnes sont identiques. Il veut dire qu’elles ont toutes les mêmes droits. Pour que deux personnes aient les mêmes droits, il faut parfois qu’elle soit traitées différemment en raison de leurs différences intrinsèques (par exemple, lorsqu’elles sont de sexes différents, qu’elles n’ont pas le même patrimoine linguistique, qu’elles n’appartiennent pas toutes deux à une minorité ou qu’elles ont des incapacités différentes).

Traiter différemment deux personnes dans de telles conditions peut créer la confusion et susciter des allégations de discrimination. Or il ne s’agit pas de discrimination. Il s’agit de la simple reconnaissance du fait que les personnes sont différentes mais qu’elles ont les mêmes droits; pour faire de l’égalité une réalité, il faut parfois procéder différemment selon les personnes dont il s’agit.

A. Les formes de discrimination prohibées

Le droit relatif à la non-discrimination fait intervenir un certain nombre de concepts qu’il importe de comprendre.

Les discriminations directe et indirecte

La discrimination directe

Il y a discrimination directe lorsqu’une personne est traitée moins favorablement qu’une autre, qui se trouve dans la même situation, pour un motif lié au handicap. Ainsi, le refus d’admettre un élève handicapé dans le système général d’enseignement équivaut à une discrimination directe. Imaginons un instant qu’une entreprise ait pour principe de n’embaucher aucune personne ayant un dos fragile, quelles que soient les fonctions du poste à pourvoir. Cette règle fait subir une discrimination illégitime aux personnes handicapées qui sont en mesure de s’acquitter de ces fonctions: elles sont traitées de manière inéquitable par rapport à d’autres candidats au poste en raison de leur handicap.

La discrimination indirecte

La discrimination est dite indirecte dans le cas des lois, politiques ou pratiques qui paraissent neutres mais qui ne tiennent pas compte de la situation particulière des personnes handicapées – et qui, de ce fait, leur font du tort directement ou ont un impact disproportionné sur l’exercice de leurs droits. Ainsi, l’imposition par un employeur à tous ses salariés d’une seule et même heure de déjeuner pourrait constituer une discrimination envers une personne handicapée tenue de prendre un médicament à heure fixe ou de se reposer périodiquement pendant la journée. Alors que cette obligation s’applique apparemment à tout le personnel et ne vise pas les personnes handicapées, elle a un effet discriminatoire. Combattre la discrimination indirecte aide à remonter jusqu’aux partis pris qui sont à la racine de la discrimination et de l’exclusion. À noter que la discrimination indirecte est parfois difficile à prouver.

Des formes multiples de discrimination

La Convention rappelle dans son préambule «les difficultés que rencontrent les personnes handicapées, qui sont exposées à des formes multiples ou aggravées de discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale, ethnique, autochtone ou sociale, la fortune, la naissance, l’âge ou toute autre situation». Une femme handicapée, par exemple, peut être victime d’une discrimination fondée non seulement sur le handicap mais aussi sur le sexe.

Prenons le cas d’une femme déplacée dans son propre pays qui fuit une guerre. Elle est très pauvre, appartient à une minorité ethnique et souffre d’un handicap physique. C’est là un scénario courant dans bon nombre de pays en proie à des conflits et des crises humanitaires. Cette femme pourrait être victime de discriminations multiples en raison de son sexe, sa condition sociale et son handicap. Les femmes sont souvent 90 exposées aux violences sexuelles lors des conflits. Les personnes handicapées sont elles aussi fréquemment victimes de violences sexuelles parce qu’elles sont cachées, qu’on ne s’occupe pas d’elles ou qu’elles ont parfois davantage de mal à communiquer. Il s’ensuit que les femmes handicapées courent des risques multiples de violences sexuelles en cas de conflit, en particulier lorsque les stratégies de préparation ne tiennent pas compte d’elles.

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B. La définition de la discrimination dans la Convention

La Convention définit à l’article 2 la discrimination dans les termes suivants:

On entend par «discrimination fondée sur le handicap» toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable.

Pour mieux comprendre cette définition, il est bon d’en reprendre les différents éléments un à un.

Fondée sur le handicap

La Convention emploie l’expression «discrimination fondée sur le handicap». Cette formule va plus loin que celle de «discrimination à l’égard des personnes handicapées», car elle met l’accent non seulement sur la protection de ces personnes, mais aussi sur la nécessité de combattre (et, en définitive, d’éliminer) la discrimination elle-même, qu’elle vise les personnes handicapées ou n’importe qui d’autre. Par conséquent, la discrimination fondée sur le handicap cible non seulement les personnes handicapées mais aussi les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, sont associées aux personnes handicapées (discrimination par association).

Cela est conforme à l’approche sociale/ fondée sur les droits de l’homme du handicap adoptée par la Convention. Au lieu de chercher à «protéger les personnes handicapées», ce qui pourrait dans certaines situations répondre à une approche cari-tative, la Convention vise à combattre la 92 discrimination, c’est-à-dire les attitudes et l’environnement défavorables qui rendent les personnes handicapées vulnérables ou qui les marginalisent. Le but est d’aller jusqu’au cœur du problème. Si une personne subit une discrimination en raison de ce qui est perçu comme une déficience, c’est le signe que des préjugés existent, et le droit des droits de l’homme cherche à s’attaquer à ces idées préconçues. Ce faisant, il nous donne à imaginer un monde sans discrimination.

Objet ou effet

L’article 2 précise que ces distinctions, exclusions ou restrictions sont des violations si elles ont:

de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice de tous les droits des personnes handicapées.

L’intention n’est pas une condition indispensable à l’existence d’une discrimination. Ce qui compte, c’est ce que vit la personne victime de celle-ci. L’irréflexion et la négligence peuvent avoir un effet tout aussi discriminatoire, voire davantage, qu’une discrimination délibérée.

La mention de l’objet et de l’effet souligne que la Convention interdit la discrimination tant directe qu’indirecte. Si certains actes – des restrictions apportées au droit de vote des personnes ayant des incapacités intellectuelles, par exemple – instaurent directement une discrimination, celle-ci tient souvent au fait que deux personnes placées dans des situations différentes sont traitées de la même manière. Construire un escalier à l’entrée d’un hôpital, c’est traiter de la même façon les personnes handicapées et les autres, mais le résultat est discriminatoire puisque, contrairement à celles qui peuvent marcher, les personnes qui se déplacent dans un fauteuil roulant ne peuvent pas pénétrer dans l’hôpital. Il n’y a apparemment aucune discrimination (l’hôpital est ouvert à tous), mais l’effet est discriminatoire. La Convention s’oppose aussi à la discrimination indirecte.

Le refus d’aménagement raisonnable

La définition assimile le refus d’aménagement raisonnable à une forme de discrimination. Afin de promouvoir l’égalité et d’éliminer la discrimination, les États parties doivent tout faire pour que l’aménagement raisonnable soit assuré.

L’«aménagement raisonnable», ce sont, par exemple, les adaptations apportées au lieu de travail, à un établissement d’enseignement, à un centre de soins ou à un service de transports pour lever les obstacles qui empêchent une personne handicapée de participer à une activité ou de bénéficier de services sur la base de l’égalité avec les autres. Dans le milieu professionnel, cela peut exiger de modifier les locaux, d’acquérir ou de modifier du matériel, de fournir les services d’un lecteur ou d’un interprète, d’assurer une formation ou une supervision adéquates, d’adapter les méthodes d’essai ou de supervision, d’aménager les horaires ou de confier à une autre personne une partie des fonctions attachées à un poste.

Si la Convention prescrit que des aménagements soient apportés en fonction des besoins particuliers d’une personne handicapée, elle qualifie ces aménagements de raisonnables. Si l’aménagement fait supporter une charge disproportionnée ou indue à la personne ou à l’organisme qui est supposé le réaliser, le renoncement ne constitue pas une discrimination.

Dans un certain nombre de pays, la loi énonce les éléments à prendre en compte pour déterminer si l’aménagement sollicité constitue un fardeau disproportionné. Ce sont notamment:

L’aménagement raisonnable est une modification apportée au bénéfice et à la demande d’une personne.Ainsi, le salarié 94 qui a été victime d’un accident de la circulation et qui a besoin de certaines modifications pour pouvoir continuer à travailler peut demander un aménagement raisonnable à son employeur. L’aménagement raisonnable est différent de l’accessibilité générale de l’article 9,dont les dispositions s’adressent, non pas nécessairement à des personnes (même si, à l’évidence, c’est à des personnes qu’elles bénéficient) mais à la collectivité dans son ensemble. Si les États doivent généraliser l’accessibilité progressivement, une personne peut demander un aménagement raisonnable immédiatement et porter plainte s’il n’est pas réalisé.

C’est aux États que la Convention impose la charge d’assurer l’aménagement raisonnable. Comme, cependant, c’est bien souvent dans le secteur privé que celui-ci s’impose, les États devraient contraindre ce secteur par la loi à procéder à des aménagements raisonnables.

C. Manifestations de la discrimination

Il est à espérer que l’adoption de la Convention fera régresser partout dans le monde les différentes formes de discrimination auxquelles les personnes handicapées se heurtent depuis longtemps.

Les personnes handicapées ont été considérées comme des êtres anormaux, des émanations du mal ou des curiosités de la nature. Elles ont été exécutées, isolées du reste de la population ou contraintes de subir des expérimentations médicales. Elles ont été ridiculisées, raillées, accusées de porter malheur. Elles ont souvent été tenues pour des êtres inférieurs que seul Dieu pouvait considérer comme égaux à leurs congénères et qui, à ce titre, méritaient la sympathie et la pitié.

La discrimination évolue, mais ne recule pas nécessairement. En 2006, lors de l’adoption de la Convention, Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, déclarait ce qui suit:

«Trop souvent, ceux qui vivent avec un handicap ont été considérés comme des sujets de gêne et, au mieux, de condescendance et de charité ... Même s’ils jouissent des mêmes droits que d’autres sur le papier, en réalité, ils ont souvent été marginalisés et se sont vu refuser les chances que d’autres tiennent pour acquises.».

Voici quelques exemples:

D. Lier la non-discrimination et l’égalité: mesures spécifiques

Pour combattre la discrimination, il ne suffit pas de l’interdire. Il faut aussi remonter jusqu’à la source de la discrimination indirecte – faire disparaître les partis pris qui sont à l’origine même de la discrimination – en favorisant l’égalité. Aussi des mesures spécifiques sont-elles souvent nécessaires pour contribuer à instaurer l’égalité au bénéfice des personnes confrontées à la discrimination, dont les personnes handicapées. Ces mesures particulières en faveur d’une personne handicapée ne sont pas considérées comme discriminatoires: elles constituent un traitement différencié justifié. C’est ce que reconnaît la Convention, dont l’article 5, paragraphe 4, se lit ainsi:

Les mesures spécifiques qui sont nécessaires pour accélérer ou assurer l’égalité de facto des personnes handicapées ne constituent pas une discrimination au sens de la présente Convention.

La Convention reconnaît donc que, pour assurer l’égalité effective avec les autres personnes, il peut parfois être nécessaire d’adopter des mesures spécifiques aux personnes handicapées.

Ces mesures peuvent être pérennes – construction en milieu urbain de garages accessibles aux véhicules transportant des personnes handicapées, par exemple – ou temporaires – quotas d’emploi de travailleurs handicapés, par exemple. Ces deux types de mesures sont autorisés par la Convention et ne constituent pas une discrimination au sens de son article 2.

Des mesures spécifiques en faveur d’une personne ou d’un groupe peuvent parfois provoquer le ressentiment d’autres personnes, qui les jugent injustes, voire discriminatoires. Elles ne sont cependant légitimes que dans la mesure où elles remédient au déséquilibre entre les personnes handicapées et les autres dans la jouissance des droits de l’homme. Une fois l’égalité réalisée, elles ne sont plus nécessaires.

La disposition précitée de l’article 5 doit être lue en parallèle avec les dispositions spécifiques de la Convention qui visent à prévenir la discrimination et à promouvoir l’égalité dans la jouissance d’un large éventail de droits – par exemple en matière de mariage, de famille, de fonction parentale et de relations personnelles (art. 23), d’éducation (art. 24), de santé (art. 25), d’emploi (art. 27), de niveau de vie et de protection sociale (art. 28), et de participation à la vie publique et à la vie politique (art. 29).

Prenons par exemple le droit au travail, reconnu à l’article 27. La Convention impose aux États parties d’employer des personnes handicapées dans le secteur public et d’en favoriser l’emploi dans le secteur privé, y compris par des programmes d’action positive. Il s’agit là de mesures spécifiques qui visent à remédier au sous-emploi des 98 personnes handicapées dans un domaine où l’État a une influence directe par sa politique de l’emploi. En cherchant activement à engager des personnes handicapées, l’État peut promouvoir l’égalité dans la jouissance du droit au travail. En prescrivant au secteur privé de mettre en place des programmes d’action positive ou en l’y encourageant, l’État peut exercer indirectement une influence sur l’emploi.

Parmi les programmes d’action positive figure notamment l’instauration de quotas, qui consiste à imposer aux entreprises, sous peine d’amende, de compter cinq pour cent par exemple de personnes handicapées parmi leur personnel. La Convention n’exige pas l’application de quotas. Celle-ci a des avantages et des inconvénients. Elle peut conduire à l’adoption de mesures purement symboliques, les employeurs recrutant n’importe quelle personne handicapée à n’importe quel niveau dans le seul but d’atteindre le quota prescrit, ou payant l’amende pour se soustraire à cette obligation. Mais les quotas peuvent aussi procurer des débouchés aux personnes handicapées, assurant leur autonomie économique et ouvrant la voie à la jouissance d’autres droits. Comme la Convention mentionne les programmes d’action positive sans en préciser la nature, mieux vaut essayer de choisir ceux qui ont le plus de chances d’améliorer durablement la situation des personnes handicapées et l’exercice de leur droit au travail. Dans certains cas, le système des quotas pourra donner de bons résultats, et dans d’autres non.

Dans sa recommandation générale n° 25 (2004), relative aux mesures temporaires spéciales (art. 4.1), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes cite un certain nombre de mesures spécifiques en faveur des personnes handicapées dont il est possible de s’inspirer. Ce sont:

E. Qui est responsable?

Si une personne handicapée est victime d’une discrimination, qui en est l’auteur? Et qui est responsable?

Voici quelques exemples:

Dans ces exemples, y a-t-il un responsable, et qui est-ce? La passagère, la famille la banque, la direction de l’entreprise, la direction des ressources humaines? S’agis-sant de discrimination, différents niveaux de responsabilité peuvent être discernés, mais c’est avant tout à l’État que les obligations incombent.

F. Que peuvent faire ces acteurs pour combattre la discrimination?

Le module 4 expose l’éventail des mesures qui contribuent à l’application de la Convention, à savoir: l’élaboration de lois et de politiques, l’affectation de ressources suffisantes, l’offre de services inclusifs, la sensibilisation et la formation de spécialistes et d’autres personnels, la recherche et le développement, l’instauration de voies de recours, et la mise en place de structures administratives. Les divers exemples esquissés dans la section précédente permettent de discerner certaines des initiatives que ces acteurs peuvent prendre pour combattre la discrimination.

Dans toutes ces situations, il importe de se demander ce que devraient faire non seulement l’Etat mais aussi la personne concernée. Celle-ci pourrait par exemple saisir la justice ou se tourner vers les institutions nationales de défense des droits de l’homme ou les dispositifs informels de résolution des conflits; elle pourrait aussi se faire aider par une organisation non gouvernementale ou tenter de persuader des personnalités politiques ou autres d’intervenir (par exemple en écrivant aux parlementaires locaux).

G. Le handicap, motif de discrimination prohibé dans les autres instruments des droits de l’homme

La Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques sont autant d’instruments qui protègent les personnes contre la discrimination. Celle-ci est visée à l’article 2 de ces instruments («toute autre situation»):

Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation (Déclaration universelle).

Les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille énoncent également l’obligation des États de combattre et d’éliminer la discrimination. Parmi ces instruments, seule la Convention relative aux droits de l’enfant cite le handicap au nombre des motifs prohibés de discrimination, et cela dans les termes suivants:

Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation(art. 2).

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Dans son observation générale n° 20 (2009), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels explique que la catégorie «toute autre situation» comprend notamment:

Dans son observation générale n° 5 (1994), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels donne une définition de la discrimination à l’égard des personnes handicapées. Le Comité contre la torture, dans son observation générale n° 2 (2007), fait figurer le «handicap physique ou mental» au nombre des motifs de discrimination, et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes signale dans sa recommandation générale n° 18 (1991) que les femmes handicapées souffrent d’une «double discrimination». Dans le préambule de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les États parties reconnaissent que «les enfants handicapés doivent jouir pleinement de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants» et rappellent «les obligations qu’ont contractées à cette fin les États Parties à la Convention relative aux droits de l’enfant».

La Convention n° 159 (1983) de l’Organisation internationale du Travail, qui porte sur la réadaptation professionnelle et l’emploi des personnes handicapées, traite de l’égalité des chances, de l’égalité de traitement et de la non-discrimination. La Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, mérite également l’attention, surtout si on la lit conjointement avec les principes de l’éducation inclusive adoptés à la Conférence mondiale sur les besoins éducatifs spéciaux: accès et qualité (1994).

Parmi les instruments régionaux pertinents, citons la Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées, de l’Organisation des États américains, et, en ce qui concerne le Conseil de l’Europe, la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne, et le «Plan d’action pour la promotion des droits et de la pleine participation des personnes handicapées à la société: améliorer la qualité de vie des personnes handicapées en Europe (2006-2015)».

La Convention relative aux droits des personnes handicapées est un nouvel instrument qui vise à éclairer et à affermir la lutte contre la discrimination liée au handicap. Même si un État ne l’a pas encore ratifiée, il n’en est pas moins tenu de prohiber cette forme de discrimination en application des autres instruments des droits de l’homme auxquels il a adhéré.

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MODULE 6 – LES DISPOSITIFS NATIONAUX D’APPLICATION ET DE SUIVI

Introduction

La Convention relative aux droits des personnes handicapées prévoit la mise en place d’institutions et de mécanismes nationaux pour l’application et le suivi de la Convention à l’échelon national.

Les mécanismes nationaux d’application et de suivi, auxquels le présent module est consacré, sont exposés à l’article 33 de la Convention. Ce sont:

Les points de contact: L’article 33, paragraphe 1, aborde la question de l’application à l’échelon national en prescrivant la désignation d’un ou de plusieurs points de contact au sein de l’administration. La Convention ne précise pas la nature du point de contact (ministère, service ministériel, fonctionnaire, ou autre). Mais cette disposition signifie à tout le moins que les questions afférentes à la Convention ne devraient pas être rattachées uniquement aux relations internationales et, à ce titre, relever du seul ministère des affaires étrangères; il devrait y avoir une entité spécialisée qui se consacre entièrement à la mise en œuvre de l’instrument au niveau national.

Le dispositif de coordination: Dans ce même paragraphe, la Convention enjoint aux États d’envisager de créer ou de désigner, au sein de l’administration, un dispositif de coordination qui facilite les actions liées à l’application de cet instrument. Même si elle est facultative, la mise en place de ce dispositif peut se révéler utile. Les questions relatives au handicap relèvent habituellement d’un seul ministère, celui de la santé ou celui des affaires sociales. Dès lors, il arrive que l’éducation des enfants handicapés soit du ressort du ministère des affaires sociales et non de celui de l’éducation, ce qui a tendance à exacerber l’exclusion et à favoriser la ségrégation. Comme la Convention traite de tous les droits, son application devrait incomber à toute une série de ministères – ceux de l’intérieur, de la justice, de l’éducation, du travail, etc. Un dispositif de coordination peut contribuer à éviter que la mise en œuvre de la Convention soit l’affaire exclusive d’un seul ministère et favoriser le partage des responsabilités.

Mécanisme indépendant de mise en œuvre et de suivi de l’application:Le paragraphe 2 de l’article 33 est consacré, quant à lui, à la mise en place d’une structure chargé de superviser l’application de la Convention. Il prescrit aux États de maintenir, renforcer, désigner ou créer un ou plusieurs mécanismes indépendants de promotion, de protection et de suivi de l’application de la Convention. Point important, les États doivent, ce faisant, tenir compte «des principes applicables au statut et au fonctionnement des institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme», appelés Principes de Paris. Ces principes sont analysés plus loin de manière plus approfondie, mais il importe 106 de relever à ce stade tout l’intérêt qu’ils présentent pour le bon fonctionnement d’un mécanisme national de suivi véritablement indépendant, comme l’exige la Convention.

La Convention dispose aussi que la société civile, en particulier les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, devrait participer pleinement à tous les aspects de cette fonction de suivi – de même qu’à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, des programmes et des lois destinés à donner effet à la Convention (art. 4).

La mention de la société civile soulève au moins deux questions:

Outre le dispositif spécifique de promotion, de protection et de suivi de l’application établi en vertu de la Convention, les parlements ainsi que les juridictions nationales peuvent jouer un rôle clé dans la promotion et la protection des droits consacrés par la Convention. Mais d’autres mécanismes encore, et notamment les inspections du travail et les inspections de l’enseignement devraient y contribuer, prenant en compte les droits des personnes handicapées dans leurs fonctions générales de surveillance.

La présence dans la Convention d’un article détaillant la structure et les fonctions du dispositif national d’application et de suivi illustre la tendance des instruments des droits de l’homme à renforcer le suivi national du respect de ces droits. Avant la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prescrivait lui aussi aux États parties de mettre en place des mécanismes nationaux de prévention.

A. Points de contact et dispositif de coordination au sein de l’administration

Les États parties à la Convention ayant des systèmes administratifs et des modes d’organisation différents, l’article relatif aux points de contact et aux mécanismes de coordination est souple, et donc adaptable.

Mais comme d’autres instruments internationaux – le Programme d’action mondial pour les personnes handicapées et les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés, par exemple – exigent eux aussi la mise en place d’institutions semblables, il est utile d’examiner les enseignements qui peuvent en être tirés pour l’application de l’article 33.

Le(s) point(s) de contact

Le Guide à l’usage des parlementaires sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif 12 propose d’attribuer au(x) point(s) de contact les fonctions suivantes:

B. Mécanismes nationaux indépendants d’application et de suivi

La Convention enjoint aux États non seulement de mettre en place les institutions susmentionnées, mais aussi de maintenir, renforcer, désigner ou créer un dispositif «de promotion, de protection et de suivi de l’application» de la Convention.

Les États parties peuvent choisir d’instituer des mécanismes spécifiques ou d’assigner la fonction de suivi à des services existants. De plus, l’article 33 ne prescrit aucun mode d’organisation particulier, et les États parties sont libres de donner au dispositif national de suivi la structure la mieux adaptée à leur système politique et à leur organisation.

Quelle que soit la structure adoptée, l’article 33 prévoit que le dispositif de suivi de l’application doit remplir trois grandes conditions:

C. La structure du dispositif de suivi: possibilités et préférences – un ou plusieurs mécanismes

Un État partie devrait tout d’abord se demander s’il est préférable de désigner (et maintenir, voire renforcer) un mécanisme 110 existant, ou de créer un dispositif entièrement nouveau. Voici quelques éléments qui devraient retenir tout particulièrement son attention:

De plus, l’État doit se demander si son dispositif national comprendra un ou plusieurs mécanismes. Il est possible d’attribuer la fonction de suivi:

D. Les Principes de Paris et la Convention

Un atelier international d’institutions de défense des droits de l’homme organisé à Paris en 1991 a élaboré des recommandations qui sont devenues par la suite les Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme, connus aujourd’hui sous le nom de Principes de Paris.

La Convention, au paragraphe 2 de l’article 33, exige que les États parties tiennent compte de ces principes lors de la désignation ou de la création des mécanismes de promotion, de protection et de suivi de l’application de ses dispositions. Au regard de la Convention, les Principes de Paris soulèvent les questions suivantes.

Principes additionnels concernant le statut de commissions ayant une compétence quasi juridictionnelle

Il est possible d’autoriser un mécanisme à examiner les plaintes et les requêtes individuelles dont les auteurs invoquent, par exemple, une violation des droits d’une personne handicapée. En pareil cas, la compétence de ce mécanisme devrait reposer sur quatre principes, c’est-à-dire qu’il devrait:

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Pour que les Principes de Paris s’appliquent pleinement au dispositif national de l’article 33, il faut que l’accès à la justice soit assuré. À cet égard, l’article 13 exige que les États parties:

En ce qui concerne l’accessibilité et l’aménagement, il s’agira par exemple:

E. Fonctions du dispositif national de suivi

Le dispositif indépendant est supposé promouvoir, protéger et suivre l’application de la Convention. L’image 10 du diaporama informatisé donne quelques exemples de fonctions visant à promouvoir et protéger les droits des personnes handicapées et à en surveiller le respect.

F. Participation et association de la société civile et des personnes handicapées

Par le paragraphe 3 de l’article 4, les États parties s’engagent à consulter étroitement les personnes handicapées et les organisations qui les représentent et à les faire activement participer à l’élaboration et la mise en œuvre des lois et politiques adoptées aux fins de l’application de la Convention et à toutes décisions relatives aux droits de ces personnes.

Le paragraphe 3 de l’article 33 exige que la société civile – en particulier les personnes handicapées et les organisations qui les représentent – soit associée et participe pleinement à la fonction de suivi.

Cela signifie à tout le moins que les structures nationales créées en vertu de l’article 33 devraient s’employer à associer et à faire participer à leur activité les personnes 114 handicapées et les organisations qui les représentent. Aucune indication n’est donnée quant aux modalités possibles ou souhaitables de cette participation. Le formateur pourrait inviter les participants à débattre de ces modalités, dont voici quelques exemples:

Bien d’autres domaines se prêtent à la consultation des personnes handicapées et de leurs organisations et à leur participation active à l’application et au suivi de la Convention. L’activité collective permettra sans doute d’en mettre en évidence.

G. Parlements

En plus des instruments spécifiques de suivi instaurés par la Convention, le parlement, par son rôle de supervision, contribue grandement à garantir le respect des droits de l’homme des personnes handicapées. Voici quelques-uns des principaux mécanismes parlementaires dont il est possible de tirer parti.

H. Juridictions nationales

Les tribunaux nationaux peuvent eux aussi jouer un grand rôle dans l’application et le suivi de la Convention.

La jurisprudence nationale:

Le formateur peut envisager de rechercher dans la jurisprudence les décisions rendues dans des affaires concernant les personnes handicapées. Il peut exposer brièvement l’affaire puis encourager les participants à débattre des différentes manières dont le pouvoir judiciaire a pu affermir et protéger les droits des personnes handicapées.

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MODULE 7 – L’ÉTABLISSEMENT DES RAPPORTS AU COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES: LE RAPPORT DE L’ÉTAT ET LES RAPPORTS ALTERNATIFS

Introduction

L’objet du présent module est de donner aux États, à la société civile et aux institutions nationales de défense des droits de l’homme des précisions sur l’établissement des rapports au Comité des droits des personnes handicapées. Conformément à l’article 35 de la Convention, chaque État partie doit présenter un rapport initial dans les deux années qui suivent l’entrée en vigueur de la Convention pour lui, puis des rapports complémentaires au moins tous les quatre ans, et tous autres rapports demandés par le Comité. La société civile et l’institution nationale de défense des droits de l’homme ont un rôle décisif à jouer dans ce processus en fournissant des informations qui complètent celles communiquées par l’État partie. Le présent module traite du contenu du rapport de l’État et des rapports alternatifs, de l’élaboration des rapports, de leur présentation au Comité, et des suites à apporter aux observations finales et aux recommandations du Comité.

A. Les rapports des États

1. Le Comité des droits des personnes handicapées

Avant de s’intéresser aux rapports, il importe de bien comprendre la nature et le rôle du Comité des droits des personnes handicapées, lequel reçoit et examine les rapports des États et des autres parties prenantes. Il est institué par l’article 34. Il s’agit d’un organe conventionnel formé de 18 experts indépendants siégeant à titre personnel. Ce sont des personnalités élues par les États parties à la Convention lors des réunions de la Conférence des États parties, qui possèdent notamment:

Lors de l’élection de ces experts, les États parties devraient tenir compte d’une série de principes énoncés à l’article 34, à savoir:

Le dernier critère – celui de la participation d’experts handicapés – est une innovation de la Convention attestant que les personnes handicapées sont fréquemment exclues la prise des décisions qui les 118 concernent. Dans le même esprit, les États parties sont invités à tenir dûment compte, lorsqu’ils désignent leurs candidats, de la disposition énoncée au paragraphe 3 de l’article 4. Celle-ci prescrit aux États parties de consulter étroitement et de faire activement participer les personnes handicapées – enfants compris – et les organisations qui les représentent à l’adoption des décisions qui les concernent (et en particulier à celles qui ont trait aux lois et aux politiques). Si la disposition à ce sujet est formulée dans des termes relativement peu contraignants – puisque les États sont seulement invitésà tenir compte du paragraphe 3 de l’article 4 lors de la désignation de leurs candidats – elle n’en indique pas moins que la désignation des candidats ne devrait pas être laissée à la seule appréciation des gouvernements, et que d’autres sphères de la société ont un rôle à jouer dans la composition du Comité et des raisons de s’y intéresser.

Les experts du Comité sont élus pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois.

La principale mission du Comité est de recevoir des rapports détaillés de chaque État partie à la Convention (voir plus loin).

De plus, en vertu du Protocole facultatif, le Comité a compétence pour:

Le Comité mène aussi des travaux thématiques. Il:

Enfin, le Comité a des pouvoirs concernant sa propre administration. Ainsi:

3. Le cycle d’établissement des rapports

Le cycle d’établissement des rapports est celui que prévoient tous les instruments des droits de l’homme. L’important est de se souvenir qu’il s’agit d’un cycle. L’établissement du rapport n’est pas, ou en tout cas ne devrait pas être, un événement ponctuel mais un processus en plusieurs étapes, consistant à:

Le fait que les États parties sont invités à établir leurs rapports selon une procédure ouverte et transparente, en tenant compte des dispositions du paragraphe 3 de l’article 4, peut constituer une importante différence par rapport aux normes des autres instruments. Comme nous l’avons déjà indiqué, cet article prescrit aux États parties de consulter étroitement et de faire activement participer les personnes handicapées – y compris les enfants – et les organisations qui les représentent à l’adoption des décisions qui les concernent (et en particulier à celles qui ont trait aux lois et aux politiques). S’agissant de l’élaboration du rapport, les États – nous l’avons déjà dit – sont seulement invités à tenir dûment compte de cette prescription. Mais cela indique une fois encore que ce processus d’élaboration (et à vrai dire toute l’activité du cycle d’établissement des rapports) ne devrait pas être uniquement l’affaire des pouvoirs publics; il est légitime que d’autres sphères de la société s’y intéressent.

4. Les documents à établir

L’État doit établir principalement deux documents:

5. La méthodologie

Il n’y a pas à strictement parler de méthode particulière que les États devraient adopter pour l’établissement de leurs rapports. Il pourrait cependant leur être utile de procéder comme suit:

6. Contenu: les directives relatives à l’établissement des rapports 14

Pour conseiller les États parties sur la forme et le contenu à donner à leurs rapports, le Comité a émis des directives destinées à en faciliter l’élaboration, à en assurer l’ex-haustivité et à permettre une présentation uniforme. Si les directives sont respectées, il sera d’autant moins nécessaire au Comité de demander des renseignements complémentaires en vertu de l’article 36 de la Convention ou du paragraphe 3 de l’article 36 de son Règlement intérieur.

Pour ce qui est des droits énoncés dans la Convention, le document spécifique à l’instrument devrait indiquer:

Le document spécifique à l’instrument devrait être remis sur support électronique accessible et sur papier.

Le rapport devrait s’inspirer des paragraphes 24 à 26 et 29 des directives harmonisées.

Le format de ce document spécifique à l’instrument devrait être en conformité avec les paragraphes 19 à 23 des directives harmonisées. Le rapport initial ne devrait pas dépasser 60 pages et les documents ultérieurs spécifiques à l’instrument devraient se limiter à 40 pages. Les paragraphes devraient être numérotés en continu.

Il ressort des directives qu’il serait souhaitable de donner au rapport la structure générale suivante:

Les directives du Comité énoncent les éléments que les États parties devraient fournir à propos de chaque disposition.

Le rapport initial du Pérou (CRPD/C/ PER/1), dont un extrait est reproduit ci-dessous, constitue un bon exemple, car l’État partie a traité chacun des points énoncés dans les directives du Comité. S’agis-sant de l’article 29, par exemple, le tableau ci-après indique, dans la colonne de gauche, les directives, et dans celle de droite, les mesures prises. L’exemple est intéressant à deux titres au moins:

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23. Article 29: Participation à la vie politique et à la vie publique

81. Cet article garantit la jouissance des droits politiques aux personnes handicapées.

Indications à donner Progrès réalisés
La législation et les mesures tendant à garantir aux personnes handicapées, en particulier à celles présentant une déficience mentale ou intellectuelle, les droits politiques, en signalant, le cas échéant, les limitations existantes et les mesures prises pour y remédier Depuis décembre 2009, date de l’adoption par le Congrès de la République de la loi n° 29478, le Bureau électoral national dispose du cadre juridique nécessaire pour accorder aux personnes handicapées des facilités afin qu’elles puissent voter.
Les mesures prises pour permettre à toutes les personnes handicapées d’exercer leur droit de vote, seules ou en se faisant aider par une personne de leur choix La carte nationale d’identité est l’unique titre exigé pour voter. Son utilisation est obligatoire pour tous les citoyens et le Registre national de l’état civil a adopté un décret en vertu duquel la carte nationale d’identité est délivrée gracieusement aux personnes handicapées, après accréditation.
Les mesures prises pour assurer la pleine accessibilité des procédures, locaux et matériels électoraux En vertu de la loi n° 29478, le Bureau électoral national tient un registre des personnes handicapées, qui peut être consulté sur la page web de cette institution, en vue de faciliter l’accès au vote, notamment de la manière suivante: a) élaboration de cartes d’électeur en braille pour les aveugles; b) installation de tables de vote au rez-de-chaussée des bureaux de vote; c) transfert temporaire des tables de vote situées aux étages supérieurs afin d’éviter aux personnes handicapées d’avoir à monter des escaliers; d) signalisation des bureaux de vote pour orienter les personnes handicapées et diffusion des mesures adoptées pour faciliter l’accès aux bureaux de vote.
Les indicateurs mis en place pour déterminer si les personnes handicapées exercent pleinement leur droit de participer à la vie politique et à la vie publique

Entre 2004 et 2007, 10 758 personnes handicapées ont exercé leur droit de vote.

125
Le soutien apporté, le cas échéant, aux personnes handicapées pour la création et la gestion d’organisations de défense de leurs droits et intérêts aux niveaux local, régional et national Depuis 2001, le Conseil national pour l’intégration des personnes handicapées (CONADIS) tient un registre d’associations, d’ONG et de syndicats qui œuvrent en faveur des personnes handicapées et s’occupent de leurs problèmes; dans plusieurs de ces organisations, ce sont des parents ou des membres de la famille qui siègent au conseil d’administration. À ce jour, 310 institutions sont inscrites au Registre national, ce qui leur permet de conclure des accords, de bénéficier de la coopération internationale et de favoriser l’insertion sociale de leurs membres.

7. La liste des points à traiter

Une fois que le Comité a reçu le rapport de l’État partie, celui de ses membres qui est rapporteur pour ce pays l’étudie, et le Comité décide, avec le concours du rapporteur, s’il y manque des informations. Le Comité adresse ensuite à l’État partie une liste des points à traiter afin qu’il complète les renseignements contenus dans le rapport. En règle générale, les États parties répondent à cette liste par écrit, avant le dialogue constructif avec le Comité.

La liste des points à traiter est normalement arrêtée par le Comité à la session qui précède le dialogue constructif avec l’État partie. Cela laisse à ce dernier le temps de réagir. Cela laisse également au Comité le temps de réfléchir aux renseignements supplémentaires communiqués par le pays et de décider s’il dispose désormais de suffisamment d’informations sur tel ou tel sujet, ou s’il faut reprendre la question au cours du dialogue constructif.

Le rapport de la Tunisie illustre le fonctionnement du système de la liste des points à traiter. Dans son rapport initial, la Tunisie avait donné des renseignements sur les droits des enfants handicapés, mais ils étaient centrés principalement sur la santé et l’éducation. Elle n’avait pas donné d’informations sur la protection des enfants contre la violence et l’exploitation. Le Comité en a donc sollicité. Dans sa réponse (CRPD/C/ TUN/Q/1/Add.1), la Tunisie a indiqué ce qui suit:

Il est intéressant de constater que l’État partie donne des informations sur son dispositif de protection de l’enfance en général, mais peu de renseignements sur la protection des enfants handicapés eux-mêmes. Si ce dispositif doit bien entendu s’appliquer aux enfants handicapés, il existe toute une série de raisons pour lesquelles les lois et les politiques devraient traiter spécifiquement de la protection des enfants handicapés. Pour ne citer qu’un exemple, les adultes peuvent éprouver des difficultés à communiquer avec des enfants qui sont sourds, ce qui peut à son tour exposer plus particulièrement ces enfants à la violence et à la maltraitance parce qu’ils ne sont pas en mesure de chercher à se faire protéger.

Si l’État partie n’a pas pleinement répondu à la question du Comité, il lui a tout de même fait connaître l’existence d’un dispositif de protection de l’enfance, ce qui a permis au Comité de poser des questions plus précises pendant sa session et, ainsi, d’utiliser au mieux le temps limité dont il dispose.

8. La session du Comité

L’État partie se présente ensuite devant le Comité pour nouer avec lui un dialogue constructif, à l’issue duquel le Comité formule des observations finales et des recommandations à l’adresse de l’État partie.

Le Comité tient actuellement deux sessions par an, qui comportent chacune de nombreuses questions à l’ordre du jour. À compter du début de 2014, il y aura au total cinq semaines de séances plénières et deux semaines de réunions de groupes de travail de présession. La première journée s’ouvre ordinairement par des allocutions inaugurales prononcées par le/la président(e) et un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). Viennent ensuite des débats en séance plénière, auxquels participent les représentants d’institutions et d’organismes des Nations Unies tels que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation internationale du Travail (OIT) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ainsi que du HCDH, puis des représentants de la société civile. Le Comité peut également se réunir en séance privée pour préparer le dialogue avec un État partie.

Le Comité s’entretient ensuite avec l’État partie. Le dialogue est divisé en deux séances de trois heures, qui se tiennent deux jours différents. La première étape en est la présentation par l’État partie, suivie d’un exposé liminaire du rapporteur du Comité pour le pays considéré. Après quoi les membres du Comité prennent la parole pour faire part de leurs réflexions au sujet du rapport de l’État partie et poser des questions supplémentaires. Le dialogue se poursuit en trois phases, avec une série de questions posées par les membres du Comité, suivie des réponses de l’État partie. À plusieurs reprises au cours de la journée, les représentants de l’État partie reçoivent le temps de répondre. Ensuite, le Comité se réunit en séance privée pour débattre de ses observations finales et recommandations, ce qui demande également un certain temps.

128

En plus des dialogues constructifs qu’il a avec les États parties, le Comité étudie les communications qui lui sont présentées au titre du Protocole facultatif, ainsi que des questions qui requièrent son attention, comme son rapport à l’Assemblée générale (selon les sessions), le renforcement des organes conventionnels, ses méthodes de travail, la rédaction d’observations générales ou la préparation des futures journées de débat général.

Les observations finales sont conçues sur le même modèle que celles des autres organes conventionnels. A l’exposé des aspects positifs de la mise en œuvre par l’État partie succède l’énoncé des «facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention» et des «principaux sujets de préoccupation et recommandations». Ces derniers sont exprimés sous la forme d’observations suivies de recommandations et adoptent la même structure que le rapport, à savoir articles 1er à 4, droits spécifiques, et obligations spécifiques.

L’exemple déjà cité de la Tunisie permet de remarquer que les préoccupations du Comité semblaient persister au stade de la liste des points à traiter et que les réponses de l’État partie n’avaient pas suffi à les dissiper. Dans ses observations finales (CRPD/C/ TUN/CO/1), le Comité indiquait ce qui suit:

9. Le suivi

Une fois adoptées, les observations finales sont presque immédiatement placées sur le site web du Haut-Commissariat des 129 Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) (www.ohchr.org).

Cependant, l’État partie a un rôle clé à jouer dans le suivi. Aux termes du paragraphe 4 de l’article 36 de la Convention:

Les États Parties mettent largement leurs rapports à la disposition du public dans leur propre pays et facilitent l’accès du public aux suggestions et recommandations d’ordre général auxquelles ils ont donné lieu.

Les États devraient donc à tout le moins rendre les observations finales publiques. Ils devraient en outre chercher à donner suite aux recommandations, d’autant qu’ils auront à rendre compte de leur application quatre ans plus tard.

Ayant ces responsabilités à l’esprit, l’État pourrait:

Depuis avril 2012, le Comité a mis au point une procédure de suivi. Il choisit deux ou trois recommandations – celles dont l’application lui paraît être de la plus importante pour améliorer la situation des personnes handicapées dans le pays – et demande à l’État partie de lui faire rapport dans les 12 mois qui suivent sur les mesures prises pour leur donner effet.

B. Les rapports alternatifs

1. La contribution de la société civile/de l’institution nationale de défense des droits de l’homme au cycle d’établissement des rapports

L’établissement du rapport au Comité n’est pas une activité ponctuelle ou sans lendemain. C’est un processus, aux différents stades duquel les organisations de la société civile et les institutions nationales de défense des droits de l’homme peuvent apporter leur contribution. La participation des organisations représentatives des personnes handicapées mérite une attention toute particulière, compte tenu des dispositions des articles 35.4 et 4.3 de la Convention. Les différentes étapes où les organisations de la société civile et les institutions nationales de défense des droits de l’homme peuvent exercer une influence sont les suivantes:

3. La structure du rapport

Rien n’oblige à donner au rapport alternatif une structure plutôt qu’une autre; ses rédacteurs devraient cependant chercher à adopter une méthode qui aide le Comité à comprendre comment le rapport a été établi et qui fasse ressortir aussi clairement que possible les questions que la société civile et les institutions de défense des droits de l’homme veulent porter à l’attention du Comité, ainsi que les solutions envisageables.

Voici une structure possible, qui s’inspire en grande partie des directives du Comité pour l’établissement des rapports:

4. La méthodologie: former une coalition en vue de l’établissement d’un rapport alternatif

Même si ce n’est pas une obligation, il peut être utile de former une coalition de parties prenantes nationales pour l’élaboration du rapport alternatif. Cela facilite la tâche du Comité en lui offrant, dans un seul document, une vue d’ensemble des différentes préoccupations de la société civile à travers tout le pays. De plus, former une coalition pour la rédaction du rapport:

Voici quelques exemples de questions à se poser lors de la formation d’une coalition:

5. Le contenu: les droits spécifiques

Il est souhaitable que le rapport alternatif suive les directives du Comité pour l’établissement des rapports. Si tel est le cas, il est conforme à la pratique du Comité – et harmonisé avec le rapport de l’État partie dès lors que celui-ci a respecté les directives pour la rédaction de son rapport. Ainsi que cela a déjà été signalé, le Comité a groupé comme suit les droits et obligations découlant de la Convention:

Les directives pour l’établissement des rapports contiennent également une liste des questions à traiter à propos des diverses dispositions regroupées sous ces rubriques.

Ainsi, les directives relatives à l’article 5, égalité et non-discrimination, se lisent comme suit:

Cet article reconnaît que toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à l’égale protection et à l’égal bénéfice de la loi.

Dans leur rapport les États parties devraient indiquer:

En réponse à ces questions, l’Espagne a fourni les renseignements suivants dans son rapport initial (CRPD/C/ESP/1, par. 15 et 16, c’est nous qui soulignons):

En résumé:

Le rapport alternatif offre au Comité une réponse plus développée à ses questions, ainsi que des informations complémentaires. Il signale que:

6. Les recommandations

Il est important que les rapports alternatifs proposent au Comité des initiatives à prendre – des questions qu’il pourrait poser aux représentants de l’État partie, par exemple. Ils peuvent également proposer des recommandations à faire figurer dans les observations finales. L’important est de ne pas perdre de vue que les recommandations devraient être aussi claires et ciblées que possible, de manière que l’État partie puisse les appliquer et rendre compte de leur mise en œuvre dans le rapport périodique 135 suivant. Des recommandations vagues ou générales peuvent être déroutantes et rester lettre morte ou recevoir une application purement formelle.

Les recommandations devraient notamment:

Toujours à propos de l’article 5, le rapport alternatif espagnol formule deux séries de recommandations.

Ayant affirmé que certaines personnes handicapées sont exclues de la protection contre la discrimination, il propose que l’attention se porte non pas sur les taux d’incapacité mais sur la vulnérabilité:

Au sujet de l’affirmation que les mécanismes de supervision et de sanction ne sont pas complètement efficaces, le rapport alternatif recommande:

Ces recommandations sont utiles, mais elles ne remplissent pas toutes les critères suggérés plus haut. Prenons par exemple celle qui préconise

De faire figurer des indicateurs de l’effii-cacité des systèmes de protection telle qu’elle ressort des suites disciplinaires et judiciaires apportées aux cas de violation.

D’une manière générale, cette recommandation est utile:

Elle se trouverait améliorée:

7. Collecte et analyse des données

Plusieurs sources de données peuvent être utiles pour l’élaboration du rapport alternatif:

8. Présentation du rapport au Comité

Les auteurs devraient présenter leur rapport alternatif au Comité à temps pour que celui-ci puisse l’examiner dans son intégralité. Ils peuvent le faire:

Le rapport doit être envoyé au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, secrétariat du Comité des droits des personnes handicapées, à l’adresse électronique suivante: crpd@ohchr.org.

Les organisations de la société civile peuvent aussi envisager d’assister:

9. Suivi de la session du Comité

Isolément ou en partenariat avec les autorités, les organisations de la société civile peuvent donner suite aux observations finales et aux recommandations du Comité de nombreuses manières. Elles peuvent, par exemple:

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MODULE 8 – LE PROTOCOLE FACULTATIF

Introduction

Le présent module expose les aspects fondamentaux des deux procédures instituées par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à savoir les communications et les enquêtes. Il détaille les étapes de chacune de ces procédures et analyse certains des avantages du Protocole facultatif pour le renforcement des droits des personnes handicapées.

A. Le Comité des droits des personnes handicapées

La Convention crée, à l’article 34, le Comité des droits des personnes handicapées. C’est un organe international formé d’experts indépendants et investi de plusieurs fonctions, dont les membres sont élus au cours des réunions de la Conférence des États parties, lesquelles se tiennent à New York. À la différence des conférences des États parties à d’autres instruments des droits de l’homme, celle des États parties à la Convention débat aussi de questions de fond relatives à la mise en œuvre de la Convention.

Les États parties élisent les experts au scrutin secret parmi les candidats présentés par eux. Ils tiennent compte, lors de l’élection, des compétences et de l’expérience des experts dans le domaine des droits de l’homme et du handicap, ainsi que des principes d’une répartition géographique équitable, de la représentation des différentes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques, de la représentation équilibrée des sexes et de la participation d’experts handicapés. Chaque expert siège à titre personnel: il ne représente ni l’État qui a soumis sa candidature ni ceux qui l’ont élu. Il est indépendant 16 . Pour que son indépendance soit assurée, il ne participe ni à l’examen des rapports de son pays ni au dialogue constructif avec lui.

B. Les responsabilités du Comité qui découlent de la Convention

Lorsqu’ils deviennent parties à la Convention, les États s’engagent à présenter au Comité des rapports périodiques sur les mesures qu’ils ont prises pour lui donner effet (art. 35). Ils présentent leur rapport initial dans les deux années qui suivent l’entrée en vigueur de la Convention pour eux. Les rapports ultérieurs sont présentés une fois tous les quatre ans au moins et chaque fois que le Comité en fait la demande.

Le Comité engage un dialogue constructifavec les États parties et émet des observations finales et des recommandations destinées à 140 améliorer et à renforcer la mise en œuvre de la Convention. D’autres parties prenantes, comme les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les organisations de la société civile, peuvent également prendre part à ce dialogue. C’est ainsi que les organisations de personnes handicapées peuvent présenter au Comité des rapports alternatifs. Ces rapports peuvent être extrêmement utiles car ils expriment les vues de la société civile sur la mise en œuvre, offrant ainsi au Comité un tableau plus complet de la situation concernant l’application de la Convention.

Le Comité peut aussi tenir des journées de débat général, ouvertes au public, au cours desquelles il échange des vues sur des questions d’ensemble liées à la Convention. Il a déjà consacré des journées de débat général à la capacité juridique et à l’accessibilité, et une demi-journée aux femmes et aux filles handicapées.

Le Comité diffuse également des observations générales relatives à certaines dispositions de la Convention ou à certaines questions. Ce sont des déclarations faisant autorité, qui clarifient des questions soulevées par l’application de la Convention. Les observations d’autres organes conventionnels se sont révélées particulièrement importantes, offrant des orientations succinctes pour la mise en œuvre de dispositions spécifiques de l’instrument considéré. Ainsi, les observations générales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels ont exercé une importante influence à l’échelon national, précisant les dispositions du Pacte, qui sont très générales. Les tribunaux de plusieurs pays de différents continents se sont reportés à ces observations générales pour appliquer le Pacte à des cas individuels.

C. Les responsabilités du Comité qui découlent du Protocole facultatif

Le Protocole facultatif est un instrument juridique international distinct, rattaché à la Convention des droits des personnes handicapées. Il a été adopté en même temps qu’elle, le 13 décembre 2006. Il fait l’objet d’une ratification ou d’une adhésion séparées. Pour devenir partie au Protocole facultatif, un État doit déjà être partie à la Convention. Il est permis de formuler des réserves au Protocole facultatif du moment qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’objet et le but de la Convention et du Protocole.

Le Protocole est facultatif en ce que les États ne sont pas tenus de le ratifier lorsqu’ils ratifient la Convention. Toutefois, le droit à un recours ou à une réparation est fondamental pour la pleine jouissance de tous les droits, comme le reconnaissent, par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Cela vaut pour les personnes handicapées comme pour toutes les autres. Les organes conventionnels recommandent toujours la ratification des protocoles facultatifs afin d’assurer la pleine protection des droits.

En devenant parties au Protocole facultatif, les États reconnaissent que le Comité a compétence pour recevoir les plaintes de particuliers (appelées communications) qui invoquent une violation de l’une quelconque des dispositions de la Convention. Le Protocole facultatif (art. 6) offre également au Comité la possibilité de faire une enquête s’il reçoit des renseignements crédibles indiquant des violations graves ou systématiques de la Convention sur le territoire d’un État partie. Les États peuvent, au moment où ils signent ou 141 ratifient le Protocole facultatif, déclarer qu’ils ne reconnaissent pas au Comité compétence pour mener des enquêtes (art. 8).

D. Informations fondamentales sur la procédure des communications

La procédure énoncée dans le Protocole facultatif à propos des communications individuelles est semblable à celle qu’instituent les autres instruments des droits de l’homme. Elle permet à des particuliers et à des groupes de particuliers qui s’estiment victimes d’une violation de l’une quelconque des dispositions de la Convention de porter leurs griefs à l’attention du Comité. Afin d’éviter les malentendus, il n’est pas inutile de donner d’emblée quelques informations fondamentales sur ce qu’est le Protocole et sur ce qu’il n’est pas.

L’examen des communications est ce qu’il est convenu d’appeler une procédure quasi judiciaire. Il ressemble à bien des égards à l’examen judiciaire des plaintes, mais présente aussi d’importantes différences avec lui:

Fait intéressant, le Comité reçoit de nombreuses communications. La plupart d’entre elles, cependant, ne peuvent être enregistrées, car elles ne remplissent pas les conditions fondamentales de recevabilité (nombre de communications, par exemple, mettent en cause les États-Unis, qui ne sont partie ni à la Convention ni à son Protocole facultatif).

E. La procédure des communications: de la plainte à la résolution

La procédure est la suivante:

Le Comité a adopté à ce jour des constatations sur trois communications: H. M. c. Suède (communication n° 3/2011), Szilvia Nyusti et Péter Takâcs c. Hongrie (communication n° 1/2010) et Zsolt Bujdosô et cinq autres ressortissant hongrois c. Hongrie(communication n° 4/2011) 17 .

H. M. c. Suède (communication n° 3/2011)

4. La décision

Le Comité a noté que l’auteur avait invoqué une violation des articles 9, 10, 14 et 20 de la Convention, sans cependant démontrer comment ces dispositions auraient pu être enfreintes. Il a donc considéré que ces griefs n’avaient pas été suffisamment justifiés aux fins de la recevabilité, et qu’ils étaient donc irrecevables en vertu de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif. Il a estimé que les allégations de l’auteur au titre des articles 3, 4, 5, 19, 25, 26 et 28 de la Convention avaient été suffisamment étayées pour être recevables et a entrepris leur examen au fond. Le Comité a relevé que les informations dont il disposait montraient que l’état de santé de l’auteur était critique et qu’une piscine d’hydrothérapie à son domicile était essentielle et constituait un moyen efficace – le seul efficace dans son cas – de répondre à ses besoins en matière de santé. Les modifications et les ajustements nécessaires requéraient donc une dérogation par rapport au plan d’occupation des sols afin d’autoriser la construction d’une piscine d’hydrothérapie. Se référant aux définitions que la Convention donne de la «discrimination fondée sur le handicap» et de l’«aménagement raisonnable», le Comité a constaté que l’État partie n’avait pas indiqué que cette dérogation imposerait une «charge disproportionnée ou indue», ce qui aurait pu rendre la demande d’aménagement déraisonnable. S’agissant des articles 25 (santé) 144 et 26 (adaptation et réadaptation), le Comité a relevé qu’en rejetant la demande de permis de construire de l’auteur, l’État partie n’avait pas pris en compte les circonstances particulières et les besoins spécifiques de l’auteur dus à son handicap. Le Comité était donc d’avis que les décisions rendues par les autorités nationales, qui avaient refusé d’accorder une dérogation au plan d’occupation des sols pour permettre la construction d’une piscine d’hydrothérapie, étaient disproportionnées et avaient eu un effet discriminatoire qui avait nui à l’accès de l’auteur, en tant que personne handicapée, aux soins de santé et à l’aide à la réadaptation que son état de santé exigeait.

Szilvia Nyusti et Péter Takâcs c. Hongrie (communication n° 1/2010)

1. Les faits

Les auteurs étaient des personnes malvoyantes qui avaient conclu, auprès de l’établissement de crédit OTP Bank Zrt. (OTP), des conventions de compte courant privé les autorisant à utiliser des cartes bancaires. Toutefois, les auteurs ne pouvaient pas utiliser les distributeurs automatiques de billets d’OTP en toute autonomie, car ces automates ne portaient pas d’inscriptions en braille, ne donnaient pas d’instructions audio et n’offraient aucune assistance vocale pour la réalisation d’opérations par carte bancaire. Des frais annuels liés aux services et aux transactions par carte bancaire leur étaient facturés comme aux autres clients. Or, à la différence des clients voyants, ils étaient dans l’incapacité d’utiliser les services des distributeurs et bénéficiaient donc de services moindres pour des frais identiques. Les auteurs avaient saisi le tribunal de première instance, qui avait jugé que la conduite de la banque avait entraîné une discrimination directe et que, ce faisant, OTP avait porté atteinte au droit des auteurs à la dignité de leur personne et à l’égalité de traitement. Le tribunal avait précisé deux éléments qui étaient controversés. D’une part, il avait considéré que, lorsque les services étaient fournis à un grand nombre de clients, la loi sur l’égalité de traitement s’appliquait à toutes les relations civiles, que les parties à ces relations soient des opérateurs du secteur public ou du secteur privé. D’autre part, il avait jugé que les propositions de contrat faites avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’égalité de traitement étaient elles aussi régies par les dispositions de la loi, puisque le but de celle-ci était de rendre le principe de non-discrimination applicable à toute relation à laquelle un grand nombre de clients pourraient être parties prenantes. Il avait ordonné d’aménager certains distributeurs. Il avait en outre accordé aux auteurs une réparation financière du préjudice, eu égard au fait qu’OTP avait récemment acheté de nouveaux distributeurs qui n’étaient pas susceptibles d’aménagements et n’avait pris aucune mesure pour faciliter l’accès des auteurs aux services offerts par les distributeurs, même après l’entrée en vigueur de la loi sur l’égalité de traitement.

145

Les auteurs avaient fait appel du jugement de première instance, réclamant que tous les distributeurs automatiques de billets soient rendus accessibles. Ils soutenaient que leurs activités ne sauraient être limitées aux seules villes dans lesquelles, en application de la décision du tribunal de première instance, des distributeurs devaient devenir accessibles. Ils avaient également demandé une indemnisation plus importante. La cour d’appel avait rejeté leur recours, confirmant les conclusions du tribunal de première instance. Les auteurs avaient donc saisi la Cour suprême d’un recours en révision de la décision de la cour d’appel municipale. La Cour suprême les avait déboutés.

3. Les observations de l’Etat partie sur la recevabilité et sur le fond

L’État partie a informé le Comité qu’il ne contesterait pas la recevabilité de la communication. Sur le fond, il déclarait que le jugement rendu par la Cour suprême, qui se fondait sur les réglementations hongroises en vigueur, était juste. Il ajoutait cependant que le problème soulevé dans la communication était réel et méritait d’être réglé équitable-ment, faisant trois suggestions qui devaient permettre de trouver une solution acceptable pour toutes les parties. Premièrement, des mesures devaient être prises afin de modifier l’accessibilité des distributeurs et autres services bancaires, non seulement pour les aveugles mais aussi pour les personnes souffrant d’autres handicaps. Deuxièmement, étant donné son coût et sa faisabilité technique, cet objectif ne pouvait être atteint que progressivement, en mettant à disposition et en installant de nouveaux distributeurs qui faciliteraient avant tout l’accessibilité physique et l’accessibilité en matière d’information et de communication. Troisièmement, bien que la communication eût trait aux services d’une banque particulière, les obligations susmentionnées devraient être respectées par toutes les institutions financières hongroises. Compte tenu de ces considérations, le Secrétaire d’État aux affaires sociales et familiales et à la jeunesse auprès du Ministère des ressources nationales avait adressé à OTP une lettre priant la banque de l’informer de ses projets et engagements concernant ses distributeurs automatiques. Le Secrétaire d’État avait suggéré à OTP de veiller en priorité à l’avenir, dans le cadre de sa politique d’achats, à l’accessibilité des nouveaux distributeurs. L’obligation d’assurer l’accessibilité ne devant pas s’imposer à une seule banque, le Secrétaire d’État avait également pris contact avec le Président de l’Autorité hongroise de surveillance financière en lui demandant de voir quels outils de réglementation et quelles incitations pourraient être adoptés pour l’ensemble des institutions financières.

146

4. La décision

Le Comité a noté que les auteurs invoquaient une violation des dispositions du paragraphe 5 de l’article 12 de la Convention sans toutefois donner d’arguments quant à la manière dont ces dispositions avaient pu être enfreintes, étant donné que, d’après les informations dont il était saisi, leur capacité juridique à contrôler leurs finances n’avait pas été limitée. Le Comité a donc considéré que cette partie de la communication était insuffisamment étayée aux fins de la recevabilité, et l’a déclarée irrecevable en vertu de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif. Il a estimé que les griefs tirés de l’article 5 (par. 2 et 3) et de l’article 9 de la Convention avaient été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. En l’absence d’autres obstacles à la recevabilité, le Comité a déclaré ces griefs recevables et est passé à l’examen de la communication au fond.

Sur le fond, le Comité a relevé que la plainte initiale des auteurs contre OTP portait principalement sur l’absence d’aménagement raisonnable, c’est-à-dire sur le fait qu’OTP ne prévoyait pas de mesures particulières pour aménager certains de ses distributeurs situés à proximité du domicile des auteurs eu égard à leurs déficiences visuelles. Le Comité a noté en outre que les recours des auteurs devant la cour d’appel municipale et la Cour suprême, ainsi que la communication dont ils avaient saisi le Comité, allaient plus loin et mettaient en avant une réclamation plus large, à savoir le problème de l’inaccessibilité pour les personnes atteintes de déficiences visuelles de l’ensemble du réseau des distributeurs exploités par OTP. Les auteurs ayant choisi d’inscrire la communication qu’ils avaient soumise au Comité dans le cadre de cette réclamation plus large, le Comité a considéré que la totalité des griefs des auteurs devaient être examinés au titre de l’article 9 de la Convention et qu’il n’était donc pas nécessaire d’évaluer séparément si les obligations de l’État partie découlant des paragraphes 2 et 3 de l’article 5 de la Convention avaient été remplies.

À cet égard, le Comité a rappelé qu’aux termes de l’alinéa e) du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, les États parties s’engagent à «prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination fondée sur le handicap pratiquée par toute personne, organisation ou entreprise privée». À cette fin, les États parties sont tenus, conformément à l’article 9 de la Convention, de prendre les mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès notamment aux services d’information, de communication et autres services, y compris les services électroniques, en identifiant et en éliminant les obstacles et barrières à l’accessibilité. Les États parties doivent en particulier prendre les mesures adéquates pour élaborer et promulguer des normes nationales minimales et des directives relatives à l’accessibilité des installations et services ouverts ou fournis au public et contrôler l’application de ces normes et directives (art. 9, par. 2 a), de la Convention), et faire en sorte que les organismes privés qui offrent des installations ou services ouverts ou fournis au public prennent en compte tous les aspects de l’accessibilité aux personnes handicapées (art. 9, par. 2 b)).

Zsolt Bujdosô et cinq ressortissants hongrois c. Hongrie (communication n° 4/2011)

5. La décision

Le Comité a considéré la communication comme recevable étant donné que l’État partie n’élevait aucune objection liée à l’épuisement des recours internes, qu’il n’avait mis en évidence aucune voie de recours particulière qui aurait été ouverte aux auteurs, et que ceux-ci avaient suffisamment étayé les griefs tirés des articles 29 et 12 de la Convention.

Le Comité a constaté que l’État partie s’était contenté de décrire la nouvelle législation sans montrer comment ce régime affectait les auteurs en particulier, ni dans quelle mesure il respectait les droits qu’ils tenaient de l’article 29 de la Convention. Il a constaté également que l’État partie n’avait pas apporté de réponse au grief des auteurs selon lequel ils n’avaient pas pu voter et étaient toujours privés du droit de vote malgré les modifications législatives adoptées. Le Comité a également précisé que l’article 29 ne prévoyait aucune restriction raisonnable et n’autorisait d’exception pour aucune catégorie de personnes handicapées, et qu’en conséquence, même une restriction fondée sur une évaluation individualisée constituait une discrimination fondée sur le handicap. Il a conclu que l’évaluation de l’aptitude des individus était discriminatoire par nature (puisqu’elle ciblait uniquement les personnes handicapées), et considéré qu’une telle mesure n’était ni légitime ni proportionnée. Il a rappelé à cet égard que, conformément à l’article 29 de la Convention, l’État partie était tenu d’adapter ses procédures électorales en faisant en sorte que les personnes présentant un handicap intellectuel soient aptes à voter, sur la base de l’égalité avec les autres. Enfin, le Comité a rappelé qu’en vertu de l’article 12, les États parties avaient une obligation positive de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux personnes handicapées d’exercer dans les faits leur capacité juridique.

Comité européen des droits sociaux Autisme Europe c. France, réclamation n° 13/2002

3. La décision

Le Comité a rappelé que, pour mettre en œuvre la Charte, les États parties étaient tenus de prendre non seulement des mesures juridiques, mais aussi des mesures pratiques afin de donner pleinement effet aux droits qui y étaient reconnus. Lorsque la réalisation de l’un de ces droits était exceptionnellement complexe et particulièrement coûteuse, un État partie se devait de prendre des mesures pour que les objectifs énoncés dans la Charte soient atteints dans un délai raisonnable, avec des progrès mesurables, et dans toute la mesure compatible avec l’utilisation maximale des ressources disponibles. En agissant ainsi, les États devraient tenir compte des incidences que les mesures choisies pouvaient avoir sur des groupes particulièrement vulnérables, ainsi que sur les autres personnes qu’elles touchaient, en particulier les familles des personnes vulnérables. À la lumière des faits de l’espèce, le Comité a observé que le Gouvernement avait continué à utiliser une définition de l’autisme plus restrictive que celle adoptée par l’Organisation 150 mondiale de la Santé, et que les statistiques officielles permettant de mesurer de manière rationnelle les progrès accomplis au fil du temps demeuraient insuffisantes. En outre, la proportion d’enfants autistes scolarisés dans les établissements d’enseignement général ou spécialisé était nettement inférieure à celle des autres enfants – handicapés ou non -, et il existait une insuffisance chronique en matière de soins et d’appui aux adultes autistes. Pour ces raisons, le Gouvernement n’avait pas réalisé de progrès suffisants pour développer la scolarisation des personnes autistes. Le Comité a également observé que les établissements spécialisés dans l’éducation et les soins aux enfants handicapés – en particulier les enfants autistes – n’étaient généralement pas financés par le même budget que les écoles ordinaires. Toutefois, cette situation ne pouvait être assimilée à une discrimination dans la mesure où c’était aux États eux-mêmes qu’il appartenait de décider des modalités de financement.

Comité des droits de l’homme M. G. c. Allemagne, communication n° 1482/2006

5. Les conclusions

Le Comité a noté que le fait de soumettre une personne à une injonction de subir un examen ou un traitement médical sans son consentement ou contre sa volonté était une immixtion dans sa vie privée, qui pouvait constituer une atteinte illégale à son honneur et à sa réputation. Pour qu’une immixtion soit justifiée, il fallait qu’elle satisfasse à plusieurs conditions, à savoir être prévue par la loi, être conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte, et être raisonnable eu égard aux circonstances de l’espèce. Le Comité a constaté que l’injonction du tribunal n’était pas raisonnable, car elle exigeait, soit que l’auteur subisse l’examen médical prescrit, soit que le spécialiste donne son avis d’expert en se fondant uniquement sur le dossier existant, sans que l’auteur eût été entendu. Il a conclu que les droits garantis par l’article 17, lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 14, avaient été violés. Il a constaté que l’État était tenu d’assurer à l’auteur un recours utile et de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. Il a demandé à recevoir de l’État, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. Il a également invité l’État à rendre publiques ces constatations.

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Il est intéressant d’étudier ces deux affaires, qui précèdent l’adoption de la Convention, à la lumière des principes et des normes de celle-ci. La seconde soulève des questions particulièrement complexes. Fait important, la manière de procéder du tribunal, qui met en doute la capacité juridique de l’auteur, serait sujette à caution en vertu de la Convention car elle ne respecte pas la capacité juridique dans des conditions d’égalité avec les autres personnes (le handicap mental servant peut-être de base à un déni de la capacité juridique de l’auteur concernant l’affaire). Comment cette affaire aurait-elle été tranchée par le Comité des droits des personnes handicapées en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention?

F. Liste des points à vérifier lors de la présentation d’une communication

Le Comité a fourni (CRPD/C/5/3/Rev.1) d’utiles indications sur les renseignements à faire figurer dans une communication pour qu’elle puisse être enregistrée. La liste en est reproduite dans l’encadré ci-après:

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Les dix points de cet encadré sont importants. Il convient cependant d’appeler l’attention sur quelques questions particulières.

G. Recevabilité

Le Protocole facultatif fixe des conditions rigoureuses de recevabilité (art.1er et 2) qui doivent être remplies avant que le Comité puisse se prononcer sur le fond. L’article 1er énonce les critères fondamentaux auxquels une communication doit satisfaire pour que le Comité l’accepte et l’examine. Si elle n’y répond pas, le secrétariat du Comité ne peut pas l’enregistrer, et elle n’atteint même pas le stade de l’examen de la recevabilité. En cas de doute au moment de l’enregistrement, le Comité pourrait avoir à étudier lui-même la conformité de la communication à certains de ces critères au stade de l’examen de la recevabilité. Exprimés sous forme interrogative, ces critères sont les suivants:

L’article 2 énonce les conditions de recevabilité. Elles s’appliquent aux communications qui sont enregistrées et que le Comité prend en considération. Comme cela a été indiqué plus haut, le Comité pourrait décider que la communication ne remplit finalement pas les conditions de recevabilité et qu’il n’y a donc pas lieu de l’examiner au fond.

H. Mesures conservatoires

En cas d’urgence, le Comité peut, après avoir reçu une communication et avant d’adopter ses constatations, prier un État partie de prendre certaines mesures conservatoires afin d’éviter que la victime de la violation présumée ne subisse un préjudice irréparable. Les mesures conservatoires visent à répondre à des situations exceptionnelles ou qui mettent en danger la vie de quelqu’un. Par exemple, dans la grande majorité des affaires examinées par le Comité des droits de l’homme, des mesures conservatoires ont été appliquées dans les cas de condamnation à mort ou d’expulsion qui risquaient d’entraîner une violation des dispositions relatives au droit à la vie et au droit de ne pas être soumis à la torture. Lorsque le Comité accorde des mesures conservatoires, il peut les confirmer ou les annuler dans sa décision finale.

I. Examen au fond et communication des constatations et des recommandations du Comité

Le Comité examine le fond d’une communication soit après avoir étudié sa recevabilité soit en même temps. Certains organes conventionnels étudient le fond et la recevabilité simultanément, et d’autres successivement. L’avantage d’un examen simultané est qu’il permet de gagner du temps. Le processus d’ensemble est le suivant.

L’étape suivante est celle de l’adoption par le Comité de sa décision ou de ses constatations relatives à une communication. Le Comité se fonde alors sur les renseignements écrits qui lui ont été communiqués par les deux parties et sur l’application de la Convention aux faits tels qu’il les a établis. Il transmet ensuite ses constatations et ses recommandations éventuelles à l’État partie intéressé et à l’auteur. S’il y a eu violation, il prie ordinairement l’État partie de prendre les mesures voulues pour y remédier. Bien entendu, la pratique du Comité à cet égard 159 n’est pas encore fermement établie. À en juger par celle des autres organes conventionnels, il pourrait ou bien se contenter de recommander à l’État partie d’offrir une «réparation appropriée», ou bien être plus précis et lui recommander par exemple de revoir certaines politiques, d’abroger une loi, de verser une indemnisation ou de prévenir d’autres violations.

L’article 75 du règlement intérieur du Comité dispose notamment que, dans les six mois suivant la date à laquelle les constatations concernant une communication lui ont été transmises, l’État partie intéressé fait parvenir au Comité une réponse écrite donnant des renseignements sur toutes les suites qui leur ont été apportées. Le Comité peut alors demander un complément d’information; il peut également inviter l’État partie à faire figurer des renseignements dans son rapport périodique au Comité.

Il convient de souligner qu’il existe un point de contact chargé de suivre la mise en œuvre des constatations du Comité. L’article 75 dispose aussi que le Comité peut désigner un rapporteur spécial ou un groupe de travail chargé de vérifier les mesures prises par les États parties pour donner effet à ses constatations et recommandations. Le rapporteur spécial ou le groupe de travail peuvent établir des contacts et prendre les mesures adéquates pour donner suite aux constatations; ils peuvent également recommander au Comité des initiatives à prendre. Ils peuvent, avec l’accord du Comité et de l’État partie, se rendre dans le pays et faire rapport au Comité.

J. L’enquête

La seconde procédure instaurée par le Protocole facultatif est celle de l’enquête. Elle permet au Comité d’étudier les renseignements crédibles indiquant qu’un État partie porte gravement ou systématiquement atteinte aux dispositions de la Convention. Les États parties peuvent, tout en ratifiant le Protocole facultatif, faire savoir par une déclaration et une réserve qu’ils n’acceptent pas cette procédure (art. 8). Ils peuvent lever leurs réserves ultérieurement.

Par rapport au système des communications, celui des enquêtes présente principalement les caractéristiques suivantes:

Une violation est dite grave lorsqu’elle enfreint de manière critique une ou plusieurs dispositions de la Convention: ce pourra être par exemple une discrimination qui menace la vie, l’intégrité ou la sécurité d’une personne. Elle est systématique en cas d’atteintes répétées d’une ampleur et d’une fréquence importantes, sans considération de l’intention. La violation peut résulter de lois, de politiques ou de pratiques. Des violations pourraient être «systématiques» sans être qualifiées de «graves».

La procédure est la suivante:

Comme dans le cas des communications, il pourrait être utile aux participants de prendre connaissance d’une enquête. Malheureusement, les rapports d’enquête publics sont relativement peu nombreux, en raison du caractère confidentiel de la procédure. Les animateurs souhaiteront peut-être analyser l’enquête menée par le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes à propos de l’enlèvement, du viol et du meurtre de femmes à Ciudad Juârez (Mexique) (CEDAW/C/2005/OP.8/ MEXICO).

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K. Les avantages du Protocole facultatif

Aux plans tant de la procédure que du fond, le Protocole facultatif peut être un important moyen de protection des personnes handicapées et de renforcement des capacités nationales. Il présente des avantages non seulement pour les victimes de violations des droits de l’homme mais aussi pour les États. Il est vrai que ces derniers pourraient, à première vue, éprouver peu d’enthousiasme à l’égard de ce dispositif de réclamations et d’enquêtes. Pourtant, plus de la moitié des États qui ont ratifié la Convention ont également ratifié son Protocole facultatif, parce que celui-ci peut aussi leur être utile.

L. Le rôle des États, de la société civile et des équipes de pays des Nations Unies

Les États, la société civile et les équipes de pays des Nations Unies peuvent tous contribuer à promouvoir le Protocole facultatif et tirer parti de son application. En particulier, les États peuvent:

La société civile et les organisations de personnes handicapées ont une part décisive à prendre au renforcement de l’application nationale de la Convention en encourageant les États à ratifier le Protocole facultatif et en plaidant en faveur de la mise en œuvre des recommandations du Comité. En particulier, la société civile peut:

Les équipes de pays de Nations Unies peuvent soutenir la ratification du Protocole facultatif et aussi la mise en œuvre des suggestions et recommandations du Comité liées aux communications individuelles et aux enquêtes. Elles peuvent en particulier:

Notes

1 Les notes à l’usage de l’animateur, les diaporamas et les notes relatives à l’activité collective peuvent être obtenues à l’adresse suivante: www.ohchr.org.

2 Pour en savoir davantage sur l’évaluation des besoins en matière de formation voir Equitas – Centre international d’éducation aux droits humains et HCDH, Évaluer les activités de formation aux droits de l’homme: Manuel destine aux éducateurs dans le domaine des droits de l’homme, Série sur la formation professionnelle n° 18 (HR/P/PT/18).

3 Pour des renseignements pratiques détaillés concernant l’évaluation des activités de formation aux droits de l’homme, voir Évaluer les activités de formation aux droits de l’homme: Manuel destiné aux éducateurs dans le domaine des droits de l’homme .

4 Implementation Manual for the United Nations Convention on the Rights of Persons with Disabilities(Février 2008), p. 32.

5 Voir également plus loin, le module 2.

6 Voir également plus haut, le module 1.

7 Pour plus de précisions, voir Département des affaires économiques et sociales, FNUAP et Wellesley Centers for Women, Disability Rights, Gender and Development: A Resource Tool for Action, disponible à l’adresse suivante: www.un.org/disabilities/documents/Publication/UNWCW%20MANUAL.pdf (site consulté le 8 octobre 2012).

8 Veillez à ce que les participants à la formation aient le texte de la Convention sous les yeux et à ce qu’ils le parcourent tandis que vous commentez cette image.

9 Pour de plus amples renseignements, voir http://mdtf.undp.org/factsheet/fund/RPD00 (site consulté le 8 octobre 2012).

10 Organisation mondiale de la Santé et Banque mondiale, Rapport mondiale sur le handicap(Genève, 2012).

11 Série sur la formation professionnelle n° 7/Rev.1 (Publication des Nations Unies, à paraître).

12 De l’exclusion à l’égalité: Réalisation des droits des personnes handicapées(2007).

13 Pour de plus amples renseignements, voir le document HRI/GEN/2/Rev.5, chap. I.

14 CRPD/C/2/3.

15 Pour de plus amples renseignements, voir le document HRI/MC/2008/3 et Indicateurs des droits de l’homme: Guide pour mesurer et mettre en oeuvre(Publication des Nations Unies, n° de vente 13.XIV.2).

16 Pour de plus amples renseignements sur le Comité et sur les fonctions qui lui sont dévolues par la Convention, voir le module 7.

17 En ce qui concerne la jurisprudence du Comité, voir www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRPD/Pages/Jurisprudence.aspx (site consulté le 24 septembre 2013).

Printed at United Nations, Geneva

1357256 (F) – August 2014 – 1,131

HR/P/PT/19

United Nations publication

Sales No. F.14.XIV.2

ISSN 1020-4636

USD 25

ISBN 978-92-1-254179-2