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Déclarations Procédures spéciales

Déclaration à l’issue de la visite officielle en Namibie de Mme Rosa Kornfeld-Matte - première Experte Indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme

13 Mars 2017

UN House, Windhoek, lundi 13 mars 2017

Membres de la presse,
Mesdames et Messieurs,

Je m'adresse à vous aujourd'hui à la fin de ma mission officielle en Namibie, que j'ai entreprise à l'invitation du Gouvernement du 2 au 13 mars 2016.

Permettez-moi tout d'abord de remercier le gouvernement de la Namibie de m'avoir invité et du soutien exceptionnel qui m'a été accordé dans la préparation et la conduite de cette visite. J'apprécie beaucoup l'approche coopérative et franche de tous les acteurs rencontrés pendant mon séjour dans le pays.

Je tiens également à remercier le bureau du Coordonnateur résident des Nations Unies en Namibie pour les efforts considérables pour coordonner cette visite et pour le soutien dont j’ai pu bénéficier afin d’assurer le succès de ma mission.

Au cours de ma visite, j'ai rencontré diverses autorités gouvernementales, organisations non-gouvernementales, des représentants du monde académique et universitaire et j'ai également rencontré l'Ombudsman.

Surtout - j’ai eu l’occasion de rencontrer les personnes âgées elles même et les organisations qui les représentent à Windhoek, Katutura, Okahandja,  ainsi que à Rundu, Silikunga, Zone et Mpungu dans les régions de Kavango. Un énorme privilège et une expérience profondément inspirante, motivante et stimulante.

J'ai aussi visité un certain nombre de maisons de personnes âgées et j'ai rencontré des communautés et des représentants des autorités locales.

J'ai également rencontré des représentants et de diverses organisations de la société civile et je suis impressionné par le dévouement et l’intérêt indéfectible des travailleurs sociaux et volontaires – parmi beaucoup des personnes âgées qui travaille pour la réalisation des droits de l’homme des personnes âgées.

Permettez-moi de transmettre ma profonde gratitude à tous ceux qui ont pris le temps de me rencontrer.

Je suis ici pour vous faire part aujourd'hui de quelques remarques préliminaires et je dois dire quelques remarques provisoires sur certaines des questions qui, comme d'autres, seront examinées plus en détail dans mon rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies que je présenterai en septembre de cette année.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de commencer par féliciter le gouvernement pour sa détermination politique et sa vision sur la façon d'améliorer la vie de tous les Namibiens d'ici 2030 et de protéger leurs droits de l'homme. J'exhorte le gouvernement à tenir ses promesses.

Cet engagement est également démontré par les efforts visant à élaborer une politique nationale globale sur les droits, les soins et la protection des personnes âgées. Une politique dédiée aux personnes âgées est essentielle pour garantir une meilleure protection de leurs droits et je demande au gouvernement de déployer tous les efforts possibles pour finaliser et mettre en œuvre cette politique nationale. Je pense que ma visite et le dialogue avec le gouvernement ont été très opportuns à cet égard, car cela m'a permis de souligner que toute politique concernant les personnes âgées doit adopter une approche fondée sur les droits de l'homme. Une approche fondée sur les droits de l'homme place l'individu et ses droits au centre et est ainsi fondamentale pour assurer que tous les personnes âgées puissent pleinement jouir de leurs droits. Le cadre international existant en matière de droits de l'homme, notamment les principes des Nations Unies relatifs aux personnes âgées, ainsi que les instruments fondamentaux relatifs aux droits de l'homme, devrait guider les efforts du Gouvernement à cet égard.

Je me réjouis de la création du Comité interministériel des droits de l'homme. Il s'agissait là d'une première étape importante pour faire en sorte qu'une approche fondée sur les droits de l'homme soit intégrée dans toutes les activités du Gouvernement. D'après ma propre expérience dans le contexte latino-américain, je sais combien à quel point il est indispensable d'avoir un mécanisme de coordination interministériel indépendant. Ceci pourrait aussi, de manière significative, faciliter la mise en œuvre d'une politique nationale ou d'un plan d'action. En assurant une approche multidisciplinaire aux questions du vieillissement, cela contribuera à améliorer la jouissance de tous les droits de l'homme par les personnes âgées dans le pays.

Une autre condition préalable à une conception efficace de politiques est la disponibilité de données et d'analyses fiables. Le rapport d'étude de base sur les droits de l'homme en Namibie, mené en 2013 par l'Ombudsman, est un excellent point de départ, mais nécessite maintenant un suivi adéquat. Une deuxième étude permettrait de mesurer l'impact des mesures prises. Bien que je constate que les statistiques sont ventilées par âge, j'encourageais à renforcer davantage l'accent mis sur les personnes âgées dans la prochaine étude et à désagréger encore plus les données afin de refléter l'extrême hétérogénéité du groupe d'âge des 60 ans et plus.

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi je considère qu'il est crucial, dans le contexte namibien, d'élaborer une politique globale sur les personnes âgées, d'autant plus qu'on peut soutenir que la proportion de personnes âgées est restée constante aux alentours d'environ 7% depuis l'indépendance. S'il est vrai que le vieillissement en Namibie est un phénomène qui commence seulement à prendre forme, il est important de comprendre que le taux de croissance projeté de la population âgée en Afrique subsaharienne en général devrait être plus rapide que celui connu par n'importe quelle autre région depuis 1950. Cela signifie que les défis associés à une société vieillissante ne sont pas un phénomène éloigné.  Cela entraînera une pression énorme sur le système de soins, étant donné qu’un nombre croissant de personnes âgées vivront avec des maladies chroniques et un handicap.

Avant l'indépendance en 1990, plus de 60% de la population namibienne vivait dans les zones rurales et la plupart des familles pratiquaient des modes de vie traditionnels. L'espérance de vie était faible par rapport à l'actuelle. Grâce à l'amélioration des services et à l'amélioration de l'accès à ceux-ci, un grand nombre de jeunes ont émigré vers les zones urbaines à la recherche de ces services et de possibilités d'emploi.

Les niveaux accélérés d'urbanisation, conjugués à la faible densité de population de la Namibie, risquent d'éroder le système traditionnel de protection de la famille. Il faudra, par conséquent, investir davantage dans les infrastructures de santé et de soins pour fournir des solutions adéquates aux personnes âgées dans les zones rurales.

Je note que la loi n. 81 de 1967 sur les personnes âgées prévoit la protection et le bien-être de certaines personnes âgées et vulnérables. Je constate également que les soins ne peuvent plus être considérés comme une affaire de famille. Je demande donc au gouvernement de redoubler ses efforts pour réviser la loi sur les personnes âgées afin de garantir pleinement les droits, la protection, les soins et le bien-être des personnes âgées. J'ai été heureux d'apprendre qu'une approche consultative a été adoptée et que le projet de loi a en fait été examiné lors d'une conférence consultative nationale pour les personnes âgées organisée par la Direction des services de développement social du ministère de la Santé et des Services sociaux en collaboration avec le Conseil national des personnes âgées, où les personnes âgées elles-mêmes ont été entendues.

La Namibie a parcouru un long chemin depuis son l'indépendance il y a seulement 27 ans. Depuis, elle jouit d'une stabilité politique et d'une croissance économique stable, et elle est classée parmi les pays à revenu intermédiaire supérieur. Nous devons reconnaître les réalisations de la Namibie.

Malgré tous ces efforts, la Namibie reste un pays parmi le plus inégalitaire au monde. Bien que je reconnaisse que les niveaux de pauvreté ont été considérablement réduits depuis l'indépendance, ils restent élevés pour certaines parties de la population et certaines régions du pays. Je suis également pleinement conscient que certaines des inégalités qui persistent sont l'héritage de la domination coloniale et que les attitudes ne changent pas du jour au lendemain. Cela ne signifie pas cependant que les disparités existantes en matière de revenus et de répartition des terres sont acceptables, et je dois insister sur le fait que davantage peut et doit être fait pour lutter contre la pauvreté des personnes âgées.

Le lancement du Plan d'action pour la prospérité pour tous, dit Plan de prospérité Harambee 2016/17 - 2019/20, offre un grand potentiel pour assurer que les personnes âgées puissent jouir de leurs droits, car il se réfère spécifiquement à la protection sociale des personnes âgées et traite de domaines clés tels que la faim, la pauvreté et le logement.

La Namibie dispose d'un système de protection sociale complet qui joue un rôle essentiel dans son économie et sa société.  Je reconnais également qu'il existe un cadre juridique important et un éventail d'institutions, des ministères du secteur public aux organismes publics et aux entreprises du secteur privé. Je note également qu'il existe de vastes partenariats public-privé (y compris des agents de paiement, des banques et NamPost) pour fournir des services.

Alors que l'établissement et l'expansion d'un vaste système de subventions sociales est une réalisation importante et un exemple à suivre, la subvention universelle non contributive de vieillesse dans de nombreux ménages constitue le seul revenu en raison de l'épidémie de VIH/sida. Je reconnais l'énorme impact positif de la subvention pour la vieillesse à la réduction des niveaux de pauvreté, alors qu'il est important de veiller à ce que l'aide affectée parvienne aux bénéficiaires visés.

J'ai été surpris d'apprendre que le gouvernement n'a pas poursuivi ses plans en ce qui concerne la subvention de base, bien que le projet pilote dans l'habitat informel d'Otjivero ait eu un impact positif sur la réduction de la pauvreté et l'amélioration de l'accès à la santé et à l'éducation, la diminution de la criminalité et l'accroissement de la cohésion sociale.  J'espère que le gouvernement continuera d'étudier la viabilité de l'octroi d'une subvention de revenu de base dans l'ensemble du pays.

La violence et les mauvais traitements infligés aux personnes âgées, et en particulier aux femmes âgées, en Namibie sont très préoccupants. Le gouvernement de la Namibie reconnaît que la violence contre les femmes est une grave préoccupation et a lancé une campagne nationale de médias sur la tolérance zéro pour la violence basée sur le genre afin de sensibiliser et ainsi de promouvoir la prévention, la détection et la notification de tels cas.

Il y a toutefois trop peu de discussions sur l'incidence de la violence et des mauvais traitements envers les personnes âgées en Namibie, étant donné qu'on estime qu'environ 4 à 6% des personnes âgées ont été victimes de mauvais traitements à domicile. Une personne sur dix qui demandent une ordonnance de protection a plus de cinquante ans. La pauvreté, les inégalités, la toxicomanie sont des facteurs qui contribuent, mais aussi des attitudes profondément enracinées, notamment en ce qui concerne les châtiments corporels. Le gouvernement a l'obligation de s'attaquer à cette question en priorité.

Une autre préoccupation semble être que les aides sociales accordées aux personnes âgées sont souvent utilisées pour répondre aux besoins des jeunes, tandis que les retraités sont laissés à l'isolement social et à la privation économique. Il est nécessaire de prendre des mesures urgentes à cet égard pour protéger les personnes âgées des abus financiers.

Environ 74% des ménages namibiens ne peuvent pas se permettre un logement conventionnel et seulement 57% des ménages urbains ont accès à des installations sanitaires. Le programme actuel de logement social devra être complété par de meilleurs programmes de développement des infrastructures urbaines. En outre, et bien que le gouvernement reconnaisse les difficultés actuelles en matière d'accès à la terre, la réforme ne semble pas avoir été efficace.

Avant de conclure, je voudrais vous assurer que j'ai entendu les appels à la coopération technique et au renforcement des capacités. La communauté internationale a en effet un rôle important à jouer en complétant et en appuyant les efforts du Gouvernement pour relever les défis du vieillissement de la société et en particulier dans la lutte contre la pauvreté des personnes âgées. Je ferai tout mon possible pour encourager la communauté internationale à poursuivre sa coopération avec la Namibie, y compris par le biais d'un appui financier et technique.

Comme je l'ai observé au début, mes observations sont d'ordre préliminaire et ne couvrent pas toutes les questions d'une manière globale. Je continuerai à analyser les informations reçues dans le cadre de ma visite et j'expliquerai mes conclusions dans mon rapport au Conseil des droits de l'homme. Je voudrais réaffirmer mon engagement à poursuivre le dialogue avec le gouvernement de la Namibie et je suis impatient de travailler avec le gouvernement dans un esprit de coopération dans la mise en œuvre de mes recommandations.

FIN

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