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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Déclaration par la Haut-commissaire adjoint des Nations Unies aux droits de l'homme, Kyung-wha Kang

Haïti / DHC visite

05 Juillet 2011

Port-au-Prince, 5 Juillet 2011

Bonjour. Merci d'assister à cette conférence de presse. Je tiens à remercier les autorités haïtiennes pour leur accueil chaleureux et pour la coopération accordée au cours de ma première visite dans ce pays magnifique et accueillant. Au cours des trois derniers jours, j'ai eu des discussions avec le président Martelly, le président de la Chambre basse et d'autres membres clés du Parlement, la Protectrice du citoyen, les défenseurs des droits de l’homme et les organisations de la société civile. J'ai également tenu des réunions avec le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général, M. Mariano Fernandez, d'autres collègues de l'ONU, et avec le corps diplomatique. Je remercie tous mes interlocuteurs pour leurs opinions franches et pour les discussions ouvertes sur la situation des droits de l’homme en Haïti. J’ai maintenant une bien meilleure image des défis auxquels sont confrontés les Haïtiens dans leur vie quotidienne.

Le Président a récemment pris ses fonctions. J'ai été très encouragée par l'engagement profond du président Martelly à la réalisation des droits fondamentaux du peuple haïtien, y compris les droits économiques et sociaux, tels que le logement, l'éducation et la santé, qu’il m’a transmit au cours de notre réunion très fructueuse. Un leadership fort et soutenu du Président sur les droits de l’homme est essentiel pour traiter les lacunes systémiques de l’état de droit et d’apporter de solides progrès sur le développement économique et les efforts de reconstruction.

Dix-huit mois après le tremblement de terre de janvier 2010, la destruction massive qui a touché Port-au-Prince et d'autres villes en Haïti est encore très visible.

Je félicite les efforts du gouvernement haïtien et de la communauté internationale pour protéger la population durant la crise humanitaire qui a suivi le séisme. Ces interventions ont sauvé de nombreuses vies, notamment parmi les plus vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. Ils ont fourni des abris, de la nourriture, de l'eau et l’assainissement pour les personnes déplacées par la tragédie et qui avaient tout perdu, y compris leurs proches. La crise humanitaire n'est pas complètement terminée. Les gens vivent toujours dans des conditions précaires dans des camps de tentes organisés ou spontanés, et sont très vulnérables aux phénomènes météorologiques violents, en particulier les ouragans. Lorsque j'ai visité le camp de Corail et les installations de Canaan et Jérusalem, j'ai entendu les appels désespérés des habitants pour de l'eau, des emplois et pour un développement économique.

Mais l'aide n'a pas, et ne pouvait pas, combler les déficiences principales de l'accès des Haïtiens à tous leurs droits fondamentaux. Nous ne pouvons attendre que la réponse humanitaire apporte des solutions aux défis complexes des droits de l’homme qui ont prédominé en Haïti pour une période aussi longue. Il ne pouvait pas non plus traiter les questions relatives à l'accès à la justice et la protection contre la violence. Ces obstacles précédent le tremblement de terre, et existent encore aujourd'hui, avec la destruction de nombreux bâtiments de l'Etat, et le décès de tellement d’agents de l’Etat, handicapant d’autant plus la capacité de l'État de s'acquitter de sa responsabilité de protéger les droits de l’homme.

La réalisation des droits économiques et sociaux est essentielle à la stabilité à long terme en Haïti.

Je salue les plans des nouvelles autorités à travailler ensemble avec la communauté internationale pour faire permettre le retour durable des habitants de six camps et la reconstruction de leurs maisons, ainsi que la fourniture de services améliorés dans leurs quartiers d'origine. Mais je crois fermement que l'initiative doit faire partie d'un plan plus élargi visant à accroître l'accès à un logement adéquat, dans les camps ainsi que dans les quartiers pauvres. Seul un plan intégral pour le logement, combiné avec une création massive d'emplois, peut briser le cycle de la pauvreté extrême et l'impossibilité de réaliser les droits économiques et sociaux, dans lequel Haïti a été emprisonné pendant tant d'années.

L'accent devrait être mis sur les droits de l'homme dans le contexte du développement et dans le processus de reconstruction. Cela signifie utiliser les normes des droits de l’homme pour évaluer les plans de reconstruction et de veiller à la non-discrimination, la transparence et la participation des bénéficiaires lors de la prise de décisions concernant la reconstruction. Et cela signifie aborder les droits de tous les Haïtiens, particulièrement les plus vulnérables, lors de la conception des projets de reconstruction.

Plusieurs interlocuteurs ont soulevé avec moi, leur inquiétude face à l'épidémie de choléra, y compris leurs préoccupations qu'elle pourrait avoir été introduite par inadvertance en Haïti par le personnel travaillant sous l'ONU. Les voix que j'ai entendues m’indiquent que beaucoup de gens aimeraient plus d'informations sur l'épidémie, ses origines et les efforts de prévention. C'est une grave préoccupation pour moi que je vais transmettre aux autorités compétentes au sein de l'ONU.

Il existe de graves préoccupations quand aux droits civils et politiques.

Le dimanche, j'ai visité la zone frontalière de Ouanaminthe. J'ai entendu des agents de l'État et les partenaires de la société civile décrivant la traite des enfants à travers la frontière avec la République dominicaine, en violation de leurs droits les plus fondamentaux, et dans une totale impunité. Je salue le travail effectué par les autorités nationales et locales, ainsi que les ONGs, pour endiguer le flux de trafic humain. Cependant, il y a un besoin urgent de ressources additionnelles à consacrer aux institutions chargées de la protection des enfants, ainsi que le renforcement du cadre juridique afin que les incidents de traite des êtres humains peuvent être investigués et les trafiquants tenu légalement responsables. J'ai soulevé cette question avec les parlementaires et j'ai été encouragée par leur détermination de mettre cette initiative en haut de l'agenda législatif.

Je suis préoccupée par la situation désastreuse de beaucoup de femmes dans ce pays et en particulier le niveau élevé de violences qu'elles subissent, y compris la violence domestique et le viol. Je me réjouis de l'existence d'un plan d'action national pour combattre la violence domestique, et j'encourage toutes les autorités de l'État à collaborer étroitement et à accroître leurs efforts pour s'attaquer à ces pratiques endémiques et odieuses qui causent tant de souffrances à tant de femmes en Haïti.

La police nationale haïtienne porte une énorme responsabilité dans l'application de la loi. Je salue les efforts visant à renforcer la PNH. Mais je voudrais également attirer l'attention sur le processus de certification qui a commencé en 2007 pour évaluer et certifier les agents de police quand à l'intégrité et le respect des droits de l’homme. À ce jour, aucune décision n'a été prise sur les 3400 dossiers qui ont été présentés à l'Inspection générale. Il est temps d'agir.

Je salue les efforts de la magistrature afin de réduire les niveaux très élevés de la détention préventive prolongée et j’encourage davantage de telles initiatives. Les réformes du système judiciaire qui ont été approuvées il y a quatre ans doivent être mises en œuvre pour que le pouvoir judiciaire puisse obtenir une plus grande capacité et autonomie. Le nouveau président devrait rapidement nommer un président de la Cour de cassation. Il faut investir davantage dans le système judiciaire, et pas seulement dans les bâtiments, mais aussi dans des conditions de travail adéquates pour son personnel. Il est impératif que des procédures transparentes, justes et opportunes soient établies pour la sélection ainsi que pour la révocation des juges.

En Janvier 2010, une semaine après le séisme, plusieurs détenus ont été tués dans la prison des Cayes. Une enquête conjointe a été effectuée, et le rapport qui en résulte a été donné au Premier ministre en Septembre dernier. Un certain nombre de fonctionnaires de la prison et de la police ont été arrêtés à la suite d'une enquête criminelle. Cependant, aucun procès n'a eu lieu, laissant les familles des victimes sans réponse de la justice et les accusés sans un jugement de culpabilité ou d'innocence. Il est grand temps que le procès soit tenu afin que les preuves puissent être examinées et les responsabilités établies.

A Fort Liberté, j'ai visité la prison et des cellules de détention au Commissariat de police, où les détenus vivent dans un espace de seulement 0,6 mètres carrés en moyenne. L’entassement, les conditions dégradantes, les installations sanitaires misérables, une alimentation insuffisante et le manque d'accès aux services médicaux étaient choquants. Que 60% des détenus soit en détention préventive, certains depuis des années, est également une grande préoccupation. Que des mineurs, certains aussi jeunes que 13 ans, soient détenus dans des prisons, en violation des dispositions des lois haïtiennes, est inacceptable. Je me réjouis de l'investissement dans la reconstruction des prisons détruites et la construction de nouvelles installations afin d'accroître la capacité et réduire le surpeuplement, mais il est clair qu'il reste encore beaucoup plus à faire pour remédier à cette violation des droits de l’homme.

L'impunité pour les violations passées demeure une préoccupation majeure. En Janvier de cette année, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay, a rappelé aux autorités haïtiennes leur obligation d'enquêter sur les graves violations des droits de l’homme qui ont eu lieu durant le règne de Jean Claude Duvalier, et pour laquelle aucun délai de prescription n’existe en vertu du droit international. Aujourd'hui, je réitère l’offre de la Haut-Commissaire d’appuyer et de donner une assistance technique aux autorités d’Haïti et je souhaite travailler avec les nouvelles autorités à cet égard. En plus de la procédure judiciaire, j'appuie pleinement l'initiative de créer une Commission pour la vérité. J'espère qu'elle examinera de manière approfondie cette période et d’autres de l'histoire haïtienne, promouvra la mémoire et la réconciliation, et sensibilisera à la nécessité de protéger et promouvoir les droits de l’homme, en particulier chez les jeunes.

L'État haïtien est responsable de respecter, protéger et réaliser les droits de l'homme en Haïti. C'est seulement à travers les institutions nationales que des solutions à ces problèmes peuvent survenir. Un nouveau gouvernement sera bientôt formé. Ensemble avec le Parlement et le pouvoir judiciaire, ils détiennent la clé pour transformer Haïti et pour la réalisation des aspirations de son peuple.

Hier, j'ai rencontré Florence Elie, la tête de l’institution nationale des droits de l’homme en Haïti. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme apporte son soutien à l'Office de la Protection du Citoyen (OPC) dans ses efforts pour devenir pleinement indépendant et efficace dans sa capacité de protéger et promouvoir les droits de l’homme de tous les Haïtiens. J'ai été encouragée par sa détermination dans la lutte contre l'impunité et pour assurer la reddition de compte pour les violations des droits de l’homme, et je demande aux trois branches de l'Etat de lui étendre leur pleine coopération. À cet égard, il est vital qu’une loi cadre soit votée par le parlement, pour assurer que l’OPC respecte pleinement les dispositions des Principes de Paris.

Je voudrais me référer à l'Examen périodique universel (EPU) d'Haïti qui aura lieu le 13 Octobre 2011 dans le Conseil des droits de l’homme à Genève. L'EPU est un mécanisme international qui se concentre sur le soutien des processus nationaux. Hier, le Gouvernement haïtien a présenté son rapport, et nous avons déjà reçu de nombreux rapports de la société civile haïtienne et d'autres intervenants. Les recommandations de l'EPU vont assister Haïti dans la formulation d’un plan d'action national pour les droits de l’homme. La mise en œuvre de ce plan, qui sera entièrement conduit par les Haïtiens, sera la clé pour assurer le succès et la durabilité des efforts de reconstruction et de développement. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, en collaboration avec les nombreux partenaires de l'ONU et internationaux d’Haïti, se tient prêt à soutenir les autorités dans la mise en œuvre de ces recommandations.

En conclusion, je tiens à souligner le courage et la résilience des Haïtiens. Je me rappelle les fleurs et les cultures que j'ai vu pousser dans les petits jardins des personnes vivant dans des camps, la reconstruction, la création de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois. L'effort de reconstruction, et en effet la construction dans de nouveaux lieux où elle n'avait jamais existé auparavant, est un effort haïtien pour répondre aux responsabilités d'Haïti dans ce domaine. Laissez-moi répéter ce que j'ai dit au président Martelly et les nombreux interlocuteurs que j'ai eu le privilège de rencontrer: l'ONU et le Haut-Commissariat sont là pour soutenir le peuple d'Haïti et leur gouvernement et pour plaider pour la réalisation de leurs droits de l’homme.

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