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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de l'Irlande

09 Juin 2015

Comité des droits économiques,
  sociaux et culturels

9 juin 2015

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l'Irlande sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport de l'Irlande a été présenté par M. Sean Sherlock, Ministre d'État pour le développement, la promotion commerciale et la coopération Nord-Sud.  Le chef de la délégation a souligné que les droits à la santé, à l'éducation et au travail constituent la pierre angulaire de la prospérité humaine et que son pays s'était engagé à parvenir à une société fondée sur l'égalité et où la diversité en termes de culture, d'appartenance ethnique, de religion, d'identité sexuelle et de genre soit célébrée, chacun étant en mesure d'en jouir en toute sécurité.  M. Sherlock a par ailleurs rappelé que le 22 mai dernier, l'Irlande a choisi, à l'issue d'un vote populaire, de permettre le mariage pour les personnes du même sexe.  Depuis l'examen du précédent rapport du pays, en 2002, l'Irlande a bénéficié d'une période de prospérité économique sans précédent, suivie par une crise financière aiguë ayant entraîné plusieurs années d'ajustement fiscal visant à réduire le déficit du pays.  Le Ministre a fait valoir que le pays est parvenu, au premier semestre de cette année, à maintenir un taux de chômage inférieur à 10%.  Tout en reconnaissant que des sacrifices considérables ont été consentis par le peuple irlandais tout au long de la crise financière, il a assuré que l'ajustement budgétaire opéré par les autorités avait permis de protéger les membres les plus vulnérables de la société dans toute la mesure des ressources disponibles.

La délégation irlandaise était également composée de la Représentante permanente de l'Irlande auprès des Nations Unies à Genève, Mme Patricia O'Brien, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères et du commerce, du Ministère de la protection sociale, du Ministère de l'emploi, des entreprises et de l'innovation, du Ministère de l'éducation, du Ministère de la santé, du Ministère de l'environnement, des communautés et du gouvernement local, du Ministère du budget et de la réforme publique, et du bureau du Procureur général.  La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de l'impact de la crise économique sur les droits économiques, sociaux et culturels de la population; de la lutte contre la pauvreté et le chômage; de la législation sur l'avortement; de la situation des Roms et des Gens du voyage; des soins aux personnes handicapées; des motifs de discrimination retenus dans la législation irlandaise; des femmes victimes des «blanchisseries Madeleine»; des questions de logement; de la privatisation du système scolaire.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Irlande, M. Ariranga Govindasamy Pillay, a déploré que le Gouvernement irlandais n'ait pas procédé à une évaluation de l'impact des mesures d'austérité sur la population, notamment sur les groupes les plus vulnérables.  Les taux de pauvreté tant pour les adultes que pour les enfants se sont aggravés entre 2009 et 2014, a-t-il fait observer.  Il s'est en outre enquis des mesures prises pour veiller à ce que les Gens du voyage et les Roms qui vivent en Irlande ne soient pas victimes de discrimination et jouissent pleinement de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Des observations finales sur le rapport de l'Irlande seront adoptées dans le cadre de séances privées du Comité qui se tiendront avant la fin de la session, le vendredi 19 juin.


Le Comité entamera, cet après-midi à 15 heures, l'examen du rapport du Chili (E/C.12/CHL/4), qui se poursuivra demain matin.

Présentation du rapport

Le Conseil est saisi du rapport périodique de l'Irlande (E/C.12/IRL/3) et de ses réponses (E/C.12/IRL/Q/3/Add.1 ) à une liste de points à traiter (E/C.12/IRL/Q/3).

M. SEAN SHERLOCK, Ministre d'État pour le développement, la promotion commerciale et la coopération Nord-Sud de l'Irlande, a déclaré que les droits économiques, sociaux et culturels étaient vitaux pour assurer à chacun la vie digne à laquelle nous aspirons tous.  Les droits à la santé, à l'éducation et au travail constituent la pierre angulaire de la prospérité humaine et nous sommes engagés à parvenir à une société qui soit fondée sur l'égalité et où la diversité en termes de culture, d'appartenance ethnique, de religion, d'identité sexuelle et de genre est célébrée, chacun étant en mesure d'en jouir en toute sécurité.  Le 22 mai dernier, a fait valoir M. Sherlock, l'Irlande a choisi, à l'issue d'un vote populaire, de permettre le mariage pour les personnes du même sexe.  Par ailleurs, la Loi sur les relations entre les enfants et la famille est entrée en vigueur en avril dernier, a-t-il poursuivi, précisant que cette Loi permet aux partenaires civils ou aux couples qui cohabitent et qui ont vécu ensemble au moins trois ans de déposer conjointement une demande d'adoption d'un enfant – ce qu'ils ne pouvaient auparavant faire qu'à titre individuel.

Depuis l'examen du précédent rapport du pays, en 2002, l'Irlande a bénéficié d'une période de prospérité économique sans précédent, suivie par une crise financière tout aussi aiguë ayant entraîné plusieurs années d'ajustement fiscal visant à réduire le déficit du pays, a poursuivi M. Sherlock.  Au premier trimestre de 2006, l'Irlande n'avait pas tout à fait deux millions de travailleurs et à peine 88 200 chômeurs, soit un taux de chômage d'environ 4,5%, a-t-il précisé; au premier trimestre de 2012, le nombre de chômeurs s'élevait à 309 000, ce qui représentait un taux de chômage de plus de 15%.  Au premier semestre de cette année (2015), le nombre de chômeurs était de 212 800, représentant un taux de chômage inférieur à 10%, a indiqué le Ministre d'État.  Il nous reste encore bien trop de chômeurs, mais nous sommes sur la bonne voie, a-t-il déclaré.  Tout en reconnaissant que des sacrifices considérables ont été consentis par le peuple irlandais tout au long de la crise financière, il a assuré que l'ajustement budgétaire opéré par les autorités avait veillé à réformer les dépenses d'une manière qui permette de continuer à protéger les membres les plus vulnérables de la société dans toute la mesure des ressources disponibles.  M. Sherlock a indiqué qu'un dialogue économique national inclusif de deux jours allait se tenir cet été qui constituerait un élément important du nouveau cadre budgétaire du pays.

Le Département de la protection sociale a dépensé 19,8 milliards de dollars en 2014 pour venir en aide à quelque 1,44 million de bénéficiaires directs (ou presque 2,3 millions de personnes si l'on tient compte des dépendants), a ensuite fait valoir le Ministre d'État.  Selon l'Eurostat, a-t-il insisté, l'Irlande est le pays de l'Union européenne qui a les meilleurs résultats en termes de réduction de la pauvreté par le biais des transferts sociaux.  L'élimination de la pauvreté reste un objectif de ce Gouvernement, a ajouté M. Sherlock.

Une législation visant à améliorer les droits de négociation collective des travailleurs tout en assurant une certaine clarté dans la prévisibilité pour les entreprises doit être adoptée cet été, a poursuivi le Ministre d'État, précisant que le recours à des contrats de «zéro heure» ou autres contrats d'un faible nombre d'heures fait l'objet d'un réexamen dans ce contexte s'agissant de l'impact de ce type de contrats sur les employés.

M. Sherlock a par ailleurs indiqué que l'Irlande allait prochainement rendre publique sa stratégie globale d'emploi pour les personnes handicapées pour les dix années à venir.  S'agissant du droit au logement, il a reconnu que l'Irlande n'était pas parvenue comme elle l'aurait dû à aider les gens à trouver un logement.  Cette situation est en partie due à une insuffisance de logements directement fournis par l'État aux personnes qui ne peuvent pas s'en offrir un par eux-mêmes, a expliqué le Ministre d'État, avant de souligner que le secteur de la construction avait été décimé par l'effondrement économique.  Répondre à la pénurie de logements sera une entreprise de longue haleine, mais nous commençons déjà à entrevoir des signes positifs de reprise dans ce secteur, a toutefois indiqué M. Sherlock.  Le logement social est une priorité pour le Gouvernement, comme en témoignent les 2,2 milliards de dollars supplémentaires annoncés pour le logement social dans le budget de 2015, a-t-il fait valoir.  Si le nombre d'hypothèques sur des logements familiaux achetés à crédit est en baisse, le niveau d'hypothèques sur les prêts à long terme reste préoccupant, a déclaré M. Sherlock.

M. Sherlock a par ailleurs indiqué qu'un projet de loi serait prochainement présenté au Gouvernement afin de mettre un terme à la pratique consistant à administrer des électrochocs (thérapie électro-convulsive) à des patients ayant des problèmes de santé mentale qui refusent de consentir à un tel traitement.

Dans les six années à venir, a poursuivi le Ministre d'État, quelque 50 000 élèves supplémentaires intégreront les établissements scolaires des niveaux primaire et secondaire du pays; aussi, les autorités entendent-elles employer 3500 à 5000 enseignants supplémentaires pour faire face à cette demande, a-t-il précisé.  Suite à un référendum tenu en novembre 2012, un amendement constitutionnel visant à renforcer les droits de l'enfant est entré en vigueur en avril dernier, a-t-il en outre fait valoir.

L'Irlande est engagée à parvenir à l'égalité entre les sexes, a en outre assuré le Ministre, faisant valoir que la Stratégie nationale pour les femmes avait permis d'améliorer le niveau de vie des femmes et leur accès aux soins de santé, tout en permettant d'accroître la participation féminine dans l'éducation.  Nous reconnaissons que la participation des femmes dans la vie politique requiert des efforts additionnels, a-t-il toutefois admis, faisant observer que seuls 16% des postes au Dáil (chambre basse du Parlement) sont occupés par des femmes.  Afin de remédier à ce problème, une législation a été adoptée en 2012 qui lie le financement accordé par l'État aux partis politiques au respect par ces derniers de l'obligation de présenter au moins 30% de femmes parmi leurs candidats, a indiqué M. Sherlock.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Le Président du Comité, M. WALEED SADI, a souhaité savoir dans quelle mesure le Pacte était pris en compte par les décideurs politiques en Irlande.

M. ARIRANGA GOVINDASAMY PILLAY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Irlande, a jugé regrettable que la présentation de ce rapport accuse un retard de cinq années puisqu'il a été soumis en 2012 alors qu'il devait être présenté en 2007.  La plupart des données qui figurent dans ce rapport date de 2010 et ne permettent donc pas d'évaluer les conséquences des mesures d'austérité adoptées en 2008, au moment de la crise financière, qui ont pourtant eu d'importantes répercussions sur la population, a souligné le rapporteur.  Il a déploré que le Gouvernement irlandais n'ait pas procédé à une évaluation de l'impact de ces mesures d'austérité sur la population, notamment pour les groupes les plus vulnérables, tels que les personnes handicapées par exemple.  Les taux de pauvreté tant pour les adultes que pour les enfants se sont aggravés entre 2009 et 2014, a insisté M. Pillay.

M. Pillay s'est inquiété que nombre de recommandations que le Comité avait adressées au pays en 2002 semble être tombées dans l'oreille d'un sourd.  Qu'en est-il de l'éventuelle intention des autorités irlandaises d'intégrer les droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution irlandaise ou, à défaut, dans la législation nationale, a demandé le rapporteur? Qu'en est-il en outre de l'éventuelle intention du Gouvernement de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte? Les autorités ont-elles l'intention de renouveler le plan de lutte contre le racisme, a par ailleurs demandé M. Pillay?

Le rapporteur a ensuite souhaité savoir si les autorités irlandaises veillaient à assurer une progressivité du régime fiscal afin de réduire les inégalités, en veillant à ce que le régime fiscal ne pénalise pas les personnes les plus pauvres.

M. Pillay s'est en outre enquis des mesures prises pour veiller à ce que les gens du voyage et Roms qui vivent en Irlande ne soient pas victimes de discrimination et jouissent de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Parmi les autres membres du Comité un expert a lui aussi relevé que si l'Irlande a signé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, elle ne l'a toujours pas ratifié.  Un autre expert a également relevé que l'Irlande n'a toujours pas intégré les droits économiques, sociaux et culturels dans sa législation interne.

L'Irlande prévoit-elle d'adopter une loi globale et complète d'interdiction de la discrimination, ont demandé plusieurs membres du Comité, l'un d'eux relevant qu'à ce stade, seuls neuf motifs de discrimination sont énoncés dans la loi interne du pays?

Plusieurs experts ont évoqué la question des femmes soumises par le passé au travail forcé dans les «blanchisseries Madeleine».

Abordant la problématique du recueil de données, une experte a notamment souhaité savoir combien de femmes en Irlande étaient chefs de famille.  La représentation des femmes semble être faible dans les activités politiques, a ajouté cette experte.

Les droits de la femme ne sont pas respectés puisqu'il n'y a pas d'égalité complète entre les deux sexes, de grandes différences subsistant en effet entre hommes et femmes, en particulier dans le domaine de l'emploi, a pour sa part fait observer un membre du Comité. 

Un membre du Comité s'est inquiété d'informations laissant apparaître qu'un grand nombre d'écoles en fait parrainées par l'Église exigeraient un certificat de baptême avant d'intégrer en leur sein un élève.

Plusieurs experts ont souhaité obtenir des statistiques concernant la violence domestique en Irlande.

Une experte a soulevé la question de l'avortement, relevant que la Constitution irlandaise accorde quasiment un statut de citoyen au fœtus, avant même que l'enfant ne soit né.  Ainsi, il semble que l'Irlande accorde un traitement préférentiel à l'enfant à naître par rapport à la (future) mère – eu égard au droit à la santé de cette dernière.

Un expert s'est enquis de la manière dont l'Irlande parvenait à concilier droit à la vie et droit à la santé (de la mère) dans le contexte de la politique, particulièrement restrictive, appliquée par le pays en matière d'avortement.  Un autre expert a souhaité savoir pourquoi le Gouvernement irlandais n'envisageait pas de recourir à un référendum sur la question de l'avortement, alors que des milliers de femmes se rendent à l'étranger pour y bénéficier de services adéquats en matière d'interruption volontaire de grossesse. 
 
Un membre du Comité s'est enquis des raisons pour lesquelles l'Irlande n'avait toujours pas ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et des éventuelles difficultés auxquelles le pays est confronté pour procéder à cette ratification.

Des questions ont également été posées s'agissant du chômage des jeunes et de l'emploi des travailleurs migrants et des requérants d'asile.  Qu'en est-il de la protection sociale dans le contexte des contrats dits de «zéro heure», a-t-il été demandé? Un expert s'est enquis des mesures prises par l'Irlande pour remédier aux différences de salaires et d'emplois existantes entre hommes et femmes.

Rappelant que le Pacte prévoit que le salaire minimum doit garantir un niveau de vie décent, un membre du Comité a souhaité connaître le montant du salaire minimum en Irlande et a relevé qu'il ne faisait pas l'objet d'ajustements automatiques.  Cet expert s'est également enquis du nombre de personnes qui touchent le salaire minimum dans le pays.

L'Irlande est-elle en mesure de garantir le caractère temporaire des mesures d'austérité qui ont été prises dans le pays, a demandé un autre membre du Comité?

Comment le caractère religieux de la quasi-totalité des écoles irlandaises (96% sont des écoles religieuses et 91% sont catholiques) est-il compatible avec le droit des parents de choisir l'éducation de leurs enfants, a-t-il en outre été demandé? Qu'en est-il de l'impact de ce parrainage religieux des établissements scolaires du pays en termes d'admission dans ces écoles, de sélection des enseignants et d'élaboration des programmes? La question de l'éducation en Irlande est particulièrement sensible et il semble qu'il existe une discrimination dans le système scolaire à l'égard des enfants migrants, des enfants des minorités et des enfants handicapés, a affirmé un membre du Comité.  Qu'en est-il des résultats de la Stratégie pour l'éducation 2010-2015, a demandé un expert? L'Irlande envisage-t-elle d'accélérer les mesures visant à mettre sur pied des écoles séculières (non religieuses) et de modifier les lois qui empêchent des enfants d'être scolarisés dans certaines écoles au motif de leur religion ou de leur confession?

Le nombre de familles des Gens du voyage (Travellers) a augmenté de près de 80% pour atteindre désormais plus de 8400, a fait observer un membre du Comité, soulignant que cela témoigne de la volonté des Gens du voyage de maintenir leur identité culturelle.  Aussi, cet expert a-t-il souhaité savoir pourquoi les Gens du voyage n'étaient pas reconnus comme une minorité ethnique.  Quel est leur statut juridique et bénéficient-ils du régime de protection associé aux minorités en Irlande? Quelles mesures sont-elles prises pour remédier au fort taux d'abandons scolaires chez les enfants des Gens du voyage et à la discrimination dont font l'objet ces enfants dans les écoles? Un expert a déploré la mauvaise situation sanitaire des Gens du voyage et des Roms dont l'espérance de vie est inférieure de 15 ans à la moyenne nationale et qui sont confrontés à des taux de mortalité infantile particulièrement élevés.

Un autre membre du Comité a insisté pour en savoir davantage quant à la situation des droits des minorités dans le pays.  Existe-t-il en Irlande une politique d'intégration, a-t-il demandé, après avoir fait part de son sentiment selon lequel l'Irlande serait une société uniculturelle plutôt que multiculturelle?

Un autre expert a relevé que les femmes qui travaillent ne sont pas toutes couvertes par le régime de maternité (c'est-à-dire qu'elles n'ont pas toutes droit à des prestations durant un congé maternité).  Par ailleurs, la législation en place est lacunaire pour ce qui est d'assurer protection et assistance aux victimes de violence domestique, a-t-il ajouté.  Rappelant que l'Irlande s'était engagée à présenter un projet de loi sur la violence domestique d'ici la fin de cette année (2015), il a souhaité savoir où en était ce projet et s'est inquiété des importantes coupures budgétaires ayant affecté le financement des centres d'accueil pour victimes (de violence domestique) suite aux mesures d'austérité prises dans le pays.  Évoquant une hausse du nombre de familles sans-abri, cet expert s'est en outre inquiété qu'entre janvier et novembre 2014, 450 nouvelles familles impliquant environ un millier d'enfants soit devenues sans-abri.  Cet expert s'est enquis des mesures prises pour accélérer les programmes de logements sociaux et pour protéger les locataires contre les expulsions.  Qu'en est-il des progrès réalisés en termes d'introduction d'un régime de soins de santé universel?

Réponses de la délégation

L'Irlande a signé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte mais ne l'a pas encore ratifié, ce qui ne pourra être fait qu'après examen approfondi de toutes les questions y afférentes de manière à assurer que cet instrument sera dûment appliqué dès sa ratification, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a rappelé que cet instrument parle de réalisation progressive des droits qui y sont énoncés, les États parties s'engageant à faire de leur mieux en la matière en fonction des ressources dont ils disposent.  Il n'en demeure pas moins que le contenu du Pacte est dans une large mesure intégré dans la législation nationale irlandaise, a assuré la délégation, précisant que ces lois ordinaires (nationales) sont particulièrement justiciables devant les tribunaux irlandais.

La délégation a par ailleurs assuré qu'il n'y avait en Irlande aucune réticence de la part du pouvoir judiciaire de traiter des droits économiques, sociaux et culturels.  La Constitution est la source d'un grand nombre d'éléments de jurisprudence des tribunaux, a-t-elle ajouté.

De manière générale, l'ampleur du problème auquel est confronté le Gouvernement irlandais depuis le début de la crise économique est énorme, a souligné la délégation.  Crise de la dette, récession, dépendance démesurée à l'égard d'un seul secteur économique et chute des recettes fiscales se sont conjuguées et la réponse politique principale des autorités pour faire face à cette crise a consisté à maintenir un socle minimal en-dessous duquel aucun citoyen ne devait tomber, a indiqué la délégation.

Les recettes fiscales ont accusé une chute brutale de 7 milliards de dollars entre 2007 et 2008, a rappelé la délégation; aussi, pour faire face à cette situation, le Gouvernement a-t-il adopté un certain nombre de mesures fiscales durant les deux années 2008 et 2009.  Des mesures ont été prises pour diminuer les dépenses de l'État, lesquelles ont été réduites de 9 milliards pour atteindre 54 milliards en 2014, a indiqué la délégation.  Le nombre de fonctionnaires a été réduit d'environ 10%, à un moment où la demande de services publics augmentait, de sorte qu'il a fallu prendre des mesures pour accroître la productivité dans le secteur public, a-t-elle précisé.  Le salaire des fonctionnaires a chuté de 20% en moyenne durant cette période, représentant environ un tiers des économies réalisées sur le budget de l'État, a expliqué la délégation.  Dans ce contexte, le Gouvernement a cherché avant tout à préserver les services publics indispensables, a-t-elle assuré.  La délégation a fait état d'une petite augmentation du budget global de l'État pour 2015.

En ce qui concerne l'avortement, la délégation a reconnu que la législation relative à l'avortement en Irlande était très restrictive.  Il convient toutefois de souligner que selon les termes exacts de la législation, l'État reconnaît le droit à la vie de l'enfant à naître en tenant compte sur un pied d'égalité du droit à la vie de la mère.  L'avortement est donc interdit en Irlande sauf dans des cas très restreints où la vie de la femme enceinte est en danger et lorsque ce risque ne peut être éliminé qu'en mettant un terme à la grossesse.  L'évaluation de ce risque se fait sur le plan clinique, a précisé la délégation.

Le Gouvernement irlandais lutte avec beaucoup d'attention contre le racisme, a ensuite assuré la délégation.  Diverses dispositions du Plan d'action de lutte contre le racisme de 2008 sont encore en cours d'application en ce moment, a-t-elle ajouté, précisant que le pays avait également souhaité se doter d'une stratégie d'intégration des migrants.

En ce qui concerne les Roms, les gens du voyage et les personnes handicapées, des consultations ont été menées auprès de la société civile afin de mettre en place de nouvelles stratégies en faveur de ces personnes; ces stratégies devraient être appliquées dès la fin de 2016, a indiqué la délégation.  Elle a par la suite indiqué que les gens du voyage avaient accès à tous les services sociaux comme toute autre personne.  Des efforts ont été menés pour aligner la réponse de soins de santé primaires aux besoins des gens du voyage et des Roms.  En ce qui concerne la reconnaissance des gens du voyage comme minorité ethnique, l'Irlande mène des discussions avec des groupes de gens du voyage dans le but de comprendre exactement leurs besoins et leurs demandes.  Ce processus de consultation aboutirait à une déclaration de l'organisation nationale des gens du voyage, qui serait ensuite discutée dans le cadre d'une table ronde.  Les gens du voyage s'auto-identifient comme Irlandais et il est important pour eux que leur culture et le patrimoine soient reconnus, pas nécessairement légalement, mais en termes pratiques.

S'agissant de la lutte contre la discrimination, la délégation a indiqué que la législation en vigueur retient neuf motifs de discrimination et qu'il n'est pas prévu à ce stade d'ajouter de nouveaux motifs en la matière.  En effet, les dispositions actuelles permettent au pays d'assumer les obligations auxquelles il a souscrit en adhérant au Pacte, a assuré la délégation.

Pour ce qui est des «blanchisseries Madeleine», la délégation a rappelé qu'une enquête indépendante avait été engagée afin d'accorder une indemnisation aux survivantes; point n'est besoin de prouver qu'on a été victime d'abus ou de mauvais traitements pour en bénéficier car il suffit aux femmes concernées de prouver qu'elles ont travaillé dans lesdites blanchisseries, a fait valoir la délégation.

Dans le domaine du logement, il est vrai que ces dernières années, le secteur privé a joué un rôle de plus en plus important en Irlande, eu égard à la diminution des dépenses publiques dans ce domaine, a reconnu la délégation.  Mais le Gouvernement a maintenant entrepris d'accorder de nouveau toute l'importance voulue aux logements sociaux, a-t-elle ajouté. 

La délégation a déclaré que la Constitution garantissait l'égalité de traitement et la liberté de conscience à toutes les personnes et toutes les religions, ainsi qu'à ceux qui n'ont pas de religion.

Le Gouvernement procède à une réforme du système de services aux personnes handicapées en vertu de laquelle un nouveau modèle de soutien était disponible pour les personnes handicapées pour passer d'un système de regroupement vers un système davantage basé sur la communauté.  La délégation a précisé que la fermeture des grands centres n'interviendrait que lorsque chaque résident serait prêt à les quitter et qu'il disposera d'un plan de vie personnelle.  Tous les résidents dans les centres bénéficient des meilleures normes de soins et du respect des droits de l'homme.  Les centres font l'objet d'une vérification par l'Autorité chargée de la qualité de l'assurance maladie.  Un plan d'action a été mis en place pour traiter les cas où l'Autorité chargée de la qualité de l'assurance maladie avait exprimé la crainte que les normes et réglementations en matière de soins n'aient pas été respectées.  Un groupe d'experts a été chargé de réviser la loi de 2001 sur la santé mentale afin qu'elle soit fondée sur une approche davantage centrée sur la personne.

Plus de 3% des employés du secteur public sont des personnes handicapées; il n'est pas prévu d'introduire une obligation légale pour l'emploi des personnes handicapées dans le secteur privé, mais plutôt d'encourager et de soutenir les employeurs du secteur privé dans l'emploi des personnes handicapées.  Le véritable obstacle à la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées vient de ce que le système juridique exige que les lois nécessaires soient en place avant la ratification.  La délégation a aussi indiqué que les dispositions imposant une interdiction générale pour les personnes ayant une déficience intellectuelle de fonder une famille étaient en cours de révision.

La mutilation génitale féminine est une question qui exige l'adoption de mesures; une clinique spécialisée à Dublin a été établie pour les besoins des femmes victimes et un dossier d'information a été élaboré pour les médecins généralistes.  Il a été estimé que près de 3800 filles et femmes âgées de 15-44 ans étaient dans cette catégorie. 

La politique de réforme de la santé vise à simplifier l'accès aux traitements dans le cadre d'un nouveau modèle de soins intégrés.  Le Gouvernement s'attache à introduire progressivement l'assurance maladie universelle.  La délégation a précisé qu'au cours de la crise vécue par le pays, les services de santé ont fait la preuve de leur engagement pour répondre aux besoins de ceux qui en ont besoin.

Des données partielles provisoires indiquent que les disparités salariales entre hommes et femmes ont augmenté de 11% en 2001 à 13,6% en 2012.  L'écart de rémunération est resté stable dans le secteur privé; il a diminué dans les services publics, la santé et le secteur social, mais, dans le secteur de l'éducation, il a augmenté de 7,8% en 2011 à 29,9% en 2012 et le gouvernement examine actuellement cette question. 

La violence domestique n'est pas classée comme une infraction pénale distincte dans la loi et cela a une influence sur la collecte de données ventilées.  L'Irlande est déterminée à réformer la législation sur la violence domestique, qui devrait être adoptée d'ici la fin de l'année.  En outre, le pays signera bientôt la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul) et pourra la ratifier dès que la législation nécessaire sera en place.

La crise en Irlande a été celle du chômage et de la baisse des revenus, mais le système de protection sociale a agi comme un stabilisateur automatique dans cette crise qui a pris des dimensions que l'Irlande n'avait jamais connu auparavant.  L'Irlande avait investi massivement dans la protection sociale avant la crise pour assurer niveau de vie suffisant: entre 2000 et 2007, elle avait doublé ses investissements dans le système pour le rendre robuste et efficace.  L'Irlande est le pays le plus performant dans l'Union européenne dans la réduction des taux de pauvreté par le biais des transferts sociaux, et elle est deux fois et demie plus efficace que d'autres pays pour le fonctionnement du système de transferts sociaux.  Ces données soulignent le rôle crucial joué par le système de protection sociale en Irlande.  L'introduction des transferts sociaux et le système fiscal et de protection sociale ont permis de réduire l'inégalité des revenus, passant de la plus importante en Europe à la plus faible: un bon système de protection sociale est crucial en temps de crise et c'est un des enseignements de la crise récente en Irlande.

Des progrès importants ont été accomplis dans la réduction du taux de chômage depuis 2012, qui se maintient maintenant en dessous de 10%, et le pourcentage de chômage de longue durée s'est inversé.  Le Gouvernement a mis au point un programme appelé Pathways to Work pour assurer que les chômeurs reçoivent une aide et sont appuyés pour le retour à l'emploi.

Le taux de pauvreté active se situe à 5%, le taux le plus bas en dix ans, des résultats obtenus grâce notamment à des mesures en matière de salaire minimum, à une vaste gamme de prestations liées à l'emploi pour assurer que une rémunération suffisante, à un meilleur soutien pour les familles à bas salaires, à une subvention aux familles pour venir en aide à ceux qui sont sans emploi sur de longues périodes, et à la fixation d'un seuil très bas pour accéder au système de sécurité sociale. 

Le salaire minimum national est de 8,65€ par heure, ce qui se situe au cinquième rang parmi les 22 États de l'Union européenne ayant le salaire minimum national.  À l'heure actuelle, 4,4% des travailleurs, soit 70 000 personnes, sont payés au salaire minimum. 

Répondant à des questions sur l'éducation, la délégation a souligné l'importance du parrainage dans le financement des écoles privées.  Le Gouvernement a créé le Forum sur le parrainage afin d'examiner comment le système d'éducation pourrait changer pour répondre aux besoins de la société en mutation.

Conclusion

Le Ministre d'État irlandais a remercié les experts du Comité pour l'engagement constructif et le dialogue fructueux qui s'est engagé.  M. Sherlock a affirmé que l'Irlande accorde une grande valeur à l'opinion du Comité et prend le processus très au sérieux.  En dépit des décisions très difficiles qui ont été prises au cours des dernières années, l'Irlande s'est efforcée de s'assurer que les socles de la protection sociale étaient en place pour les citoyens et de relever le niveau de vie de la  population.  L'Irlande avance progressivement vers la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et l'augmentation du niveau de vie de ses citoyens.

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