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Communiqués de presse Multiple Mechanisms FR

Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports sur la situation au Burundi et en Haïti

16 Juin 2011

Le Conseil des droits de l'homme a entamé ce matin l'examen des questions relatives à l'assistance technique et au renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme en tenant un débat interactif avec les experts indépendants chargés, respectivement, de la situation des droits de l'homme au Burundi et de la situation des droits de l'homme en Haïti.

M. Fatsah Ouguergouz, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Burundi, a salué comme un «développement majeur» l'élection par l'Assemblée nationale des membres de la Commission nationale indépendante des droits de l'homme qui dispose de très larges prérogatives et de pouvoirs d'investigation étendus. L'expert indépendant s'est également félicité de la mise en place d'un ombudsman, personne engagée, ouverte et déterminée à utiliser ses prérogatives importantes. Toutefois, il a noté qu'aucun progrès significatif n'avait été enregistré concernant les cas de torture qui se seraient produits l'an dernier dans les locaux du Service national de renseignement. D'autre part, l'expert indépendant a exprimé aux autorités ses vives préoccupations quant à la recrudescence des cas d'exécutions extrajudiciaires depuis le début de 2011, exécutions qui seraient le fait des forces de sécurité contre des membres de l'opposition. En conclusion, l'expert indépendant a relevé les nombreux progrès enregistrés, en souhaitant toutefois que le Gouvernement poursuive et intensifie ses efforts dans le domaine de la lutte contre l'impunité.

La Ministre des droits de l'homme du Burundi est ensuite intervenue à titre de partie concernée, précisant que le Gouvernement venait de créer une commission chargée d'enquêter sur tous les manquements et violations observés durant la période deux mois avant et deux mois après le scrutin. En ce qui concerne les exécutions extrajudiciaires mentionnées par l'expert indépendant et imputées aux forces de défense et de sécurité, la Ministre a estimé que cette interprétation était «tout à fait prématurée».

Dans le cadre du débat interactif sur le Burundi, les délégations ont exprimé des divergences quant à l'utilité de renouveler le mandat de l'expert indépendant, de créer un nouveau mécanisme qui lui succéderait ou d'y mettre fin. Plusieurs délégations ont en effet souligné l'importance des progrès accomplis par le Burundi, ce qui ne justifie plus le maintien du mandat de l'expert. Inversement, un certain nombre d'États et d'organisations non gouvernementales jugent que ces progrès sont trop fragiles - ils constatent même des reculs préoccupants - pour que l'on mette fin au mandat manière prématurée.

Les délégations suivantes ont participé au débat interactif avec l'expert indépendant: Union européenne, Suisse, Cuba, Chine, Algérie, Nigéria (au nom du Groupe africain), Canada, Angola, États-Unis, Belgique, Organisation internationale de la Francophonie, Norvège, Rwanda, Ouganda, Tchad, Soudan, Congo et Maroc. Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Organisation mondiale contre la torture - OMCT (au nom également de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH), Human Rights Watch, Amnesty International et Cairo Institute for Human Rights Studies.

En ce qui concerne la situation en Haïti, M. Marc Forst a averti que la crise humanitaire n'était pas terminée, beaucoup d'Haïtiens continuant de vivre une situation guère différente de ce qu'elle était en janvier 2010. Il a en particulier fait part au Conseil de son inquiétude face à certaines atteintes aux droits de l'homme que la crise humanitaire a amplifiées. Il a mentionné la situation particulière des groupes vulnérables que sont les personnes handicapées - dont le nombre a du fait du séisme-, les femmes et jeunes filles victimes de la violence, ainsi que des allégations de trafic d'enfants et le problème des restaveks, ces enfants qui subissent une forme d'esclavage.

La délégation haïtienne a admis que les autorités restaient préoccupées par de nombreuses violations persistantes, assurant que le Gouvernement n'épargnait aucun effort pour y apporter des réponses adéquates. Dans le domaine de la justice, le représentant a rappelé que le dossier de l'ex-président Jean-Claude Duvalier était à l'instruction. Il a appelé les institutions internationales et les bailleurs de fonds à apporter leurs compétences et ressources en faveur de son pays. Il a enfin souligné les avancées en matière de droits politiques et de démocratie, rappelant que l'alternance politique était à présent une réalité et que les libertés d'opinion, de réunion et d'expression étaient respectées.

Tout en réaffirmant la nécessité de la poursuite de l'assistance à Haïti, plusieurs délégations ont souligné la nécessité d'une meilleure coordination des efforts, en impliquant aussi plus et mieux les autorités locales et la société haïtienne. Quelques délégations ont insisté sur l'exigence d'une amélioration importante des droits de l'homme, la situation à cet égard demeurant particulièrement médiocre en Haïti.

Les délégations suivantes ont fait des déclarations dans le cadre du débat interactif sur Haïti: États-Unis, Brésil, Colombie, Union européenne, Espagne, France, Honduras, Algérie, Allemagne, Chili, Uruguay, Cuba, Canada, Mexique, Norvège, Équateur et l'Organisation internationale de la Francophonie. Sont aussi intervenus les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), American Civil Liberties Union et Vision Mondiale International.

Le Conseil a par ailleurs entendu, en début de séance, dix-sept organisations non gouvernementales*, qui étaient les derniers orateurs dans le cadre de l'examen, entamé hier, de situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l'attention du Conseil. L'Ouzbékistan a pour sa part exercé le droit de réponse suite à l'intervention d'une ONG.

Lors d'une brève séance de la mi-journée, le Conseil tiendra son débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités. Il sera saisi dans ce cadre d'un rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur une assistance technique apportée au Kirghizistan par l'intermédiaire du bureau du Haut-Commissariat à Bichkek. Dans l'après-midi, le Conseil doit se prononcer sur des projets de résolution qui lui sont soumis dans le cadre de la présente session.

Situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l'attention du Conseil

Fin du débat général

MME LAILA MATAR (Cairo Institute for Human Rights Studies) a rappelé que, depuis quatre mois, les organisations non gouvernementales du monde entier avaient vainement appelé le Conseil des droits de l'homme à se saisir de la situation à Bahreïn. Malgré ces appels réitérés, les États membres préfèrent fermer les yeux face aux violations commises dans ce pays, a-t-elle déploré. La représentante a estimé que le Conseil commettait ainsi la même erreur que face à la Libye par le passé.

M. ALIOUNE TINE (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme - RADDHO) s'est interrogé sur la portée politique concrète des sessions extraordinaires du Conseil, s'agissant en particulier de la Syrie. Le représentant s'est dit solidaire des familles de victimes de la répression sanglante menée par les forces de l'ordre syriennes et a déclaré soutenir, à ce titre, la poursuite du mandat de la commission d'enquête internationale. Sur la Côte d'Ivoire, la RADDHO rappelle qu'elle avait été la première à donner l'alerte après la mort du président Houphouët-Boigny, qui a engendré la crise actuelle. Le représentant a cité les difficultés auxquelles la Côte d'Ivoire est aujourd'hui confrontée: reconstruction de l'État et des institutions, paix, justice cohésion nationale et pardon. Le plus grand défi reste la crise humanitaire, que les autorités n'arrivent pas à résoudre. C'est pourquoi, la RADDHO demande une aide humanitaire d'urgence et la tenue d'une conférence internationale pour fournir un appui à la Commission «dialogue, vérité et réconciliation».

M. DIPMONI GAYAN (Libération) a déclaré qu'alors que les populations du Nord-est de l'Inde vivaient dans la paix et l'harmonie depuis les temps anciens, le Gouvernement indien s'efforce de les séparer en petits groupes en fonction de la caste et de l'origine ethnique. Cela n'a pas manqué de susciter des conflits motivés par des problèmes politiques. Assam, l'un des sept États concernés, est riche de ressources naturelles comme l'eau, le pétrole, le thé et le charbon. En dépit de cet énorme potentiel naturel, les politiques inappropriées mises en place par le Gouvernement indien ont négligé ces régions, amputées de leurs richesses au profit des géants industriels et d'un pouvoir politique corrompu, a dénoncé le représentant de Liberation.

M. ELIAS KHOURI (Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud) a dénoncé la présence de groupes armés infiltrés parmi les manifestants en Syrie, qui a provoqué une réaction violente de la part des forces de l'ordre, causant des victimes des deux côtés. Ces éléments armés sont «liés à des officines d'intrigues implantées dans certaines villes occidentales». Le représentant a attiré l'attention du Conseil sur le fait que la déstabilisation de la Syrie pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur l'ensemble de la région, et notamment sur la paix et le développement régional.

MME ANNINA MIRJAM HIRZEL (France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand) a dénoncé les arrestations arbitraires et les tortures dont ont été victimes des manifestants pacifiques au Sahara occidental. Elle a rappelé qu'en novembre dernier, des manifestations pacifiques ont été réprimées par la force par les autorités marocaines. Des personnes ne faisant que réclamer leurs droits économiques, sociaux et culturels ont ainsi été traduites devant des tribunaux militaires et maltraitées pendant leur détention. Vingt défenseurs des droits de l'homme sont toujours détenus. La représentante a souligné que toutes les manifestations pacifiques sont toujours réprimées par le Maroc. Le Conseil doit donc se pencher sur la situation et le Maroc doit s'ouvrir aux procédures spéciales relatives aux détentions arbitraires, à la situation des défenseurs des droits de l'homme et à la torture, a demandé la représentante.

M. ELBACHIR ED-DAHY (Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale - Ocaproce International) a attiré l'attention du Conseil sur la persistance des restrictions aux droits à la liberté d'expression et d'assemblée dans les camps du Polisario à Tindouf, en Algérie. Récemment, de jeunes Sahraouis qui projetaient de manifester pour réclamer de meilleures conditions de vie et le droit de choisir librement leur lieu de résidence ont été brutalement dispersés par les milices du Polisario. Pourtant, ces jeunes ne voulaient que faire entendre leur voix et exprimer leur frustration face aux arrestations arbitraires, à la détention, à la torture et à d'autres atteintes aux droits de l'homme, notamment celui d'être sous le contrôle des milices paramilitaires armées par l'Algérie. Une telle situation demeure un motif de profonde préoccupation pour l'OCAPROCE, a conclu le délégué.

M. RONALD BARNES (Conseil indien d'Amérique du Sud) a dénoncé le sort réservé aux autochtones d'Amérique du Sud, notamment en Bolivie, au Chili, en Argentine et au Brésil, qui luttent pour leur droit à l'autodétermination. Mais ce sont les États-Unis et le Canada qui sont à la tête des pays déniant tout droit à l'autodétermination sur la base de la discrimination raciale. La reconnaissance du droit à l'autodétermination est d'une importance vitale pour la concrétisation du droit à un territoire et à ses ressources afin de parvenir à une reconnaissance réelle de la souveraineté autochtone, a-t-il ajouté.

M. SID AHMED ABDY ACHLEYCHIL (Action internationale pour la paix et le développement dans la région des Grands Lacs - AIPD) a attiré l'attention du Conseil sur la situation des citoyens mauritaniens victimes de tortures, liquidations et disparitions du fait du groupe séparatiste Polisario, soutenu par l'Algérie. Le représentant, lui-même victime de détention et disparition forcées dans le camp de Tindouf, en Algérie, a déploré l'absence de protection internationale et le fait que les victimes voient leurs tortionnaires vivre en toute liberté. Il a souligné la «lourde responsabilité de l'Algérie» dans ce «dossier macabre», les atrocités se déroulant sur son territoire et avec la complicité des autorités militaires algériennes. Le représentant a appelé les autorités algériennes à élucider le sort des centaines de Mauritaniens disparus sur son territoire.

M. ALTAF HUSSAIN WANI (Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants) a déclaré que les lois relatives à la sécurité publique appliquées au Jammu-Cachemire sont illicites et méritent de retenir l'attention du Conseil. L'organisation Human Rights Watch, dans une lettre récente adressée au Premier ministre indien, a demandé la suppression de cette loi; Wikileaks a rendu publiques des informations sur les tortures, exécutions sommaires et d'autres abus flagrants des droits de l'homme commis au Jammu-et-Cachemire, a indiqué le représentant. Le Gouvernement indien a fait la sourde oreille à toutes ces requêtes, a-t-il noté, affirmant que tous les États doivent respecter les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme.

M. FAISAL REHMAN (Congrès du monde islamique) a salué le combat du peuple du Jammu-et-Cachemire pour son droit à l'autodétermination. Il a dénoncé les exactions commises par les forces indiennes dans cette région, notamment des actes de torture. Plus d'un million de soldats indiens sont déployés au Jammu-et-Cachemire: les souffrances du peuple sont une tache sur la conscience du monde, a déclaré que le représentant, appelant le Conseil à se saisir du problème.

MME NIMALKA FERNANDO (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a demandé la création d'un mécanisme approprié pour donner effet aux recommandations du Panel d'experts désignés par le Secrétaire général au sujet de Sri Lanka. La représentante a recommandé au Gouvernement de ce pays de créer des mécanismes nationaux transparents et représentatifs. Les rapports des commissions passées doivent être publiés pour informer la population sri-lankaise. Des enquêtes doivent être menées au sujet des crimes de guerre, dont les victimes doivent être indemnisées, a demandé la représentante. Celle-ci a déploré les restrictions imposées par le Gouvernement de Sri Lanka à l'action des organisations non gouvernementales et communautaires. Elle s'est également alarmée de la «ceylanisation» du Nord du pays et de la propagation d'une «culture de race supérieure». Elle a rappelé que la semaine dernière, un manifestant avait été tué par balles. Enfin, la représentante a recommandé à Sri Lanka d'accueillir les membres du groupe de travail sur les disparitions forcées et l'expert indépendant sur les droits des minorités.

M. MAIMOUNA ESSAYED (Union de l'action féminine) a dénoncé l'enfermement de milliers de femmes et de jeunes filles dans les camps du Polisario, à Tindouf, en Algérie. Ces femmes sont à la merci des dirigeants de cette milice séparatiste soutenue par la sécurité militaire algérienne, s'est inquiétée le représentant. Certaines d'entre elles auraient souhaité aujourd'hui témoigner devant le Conseil, «mais ce privilège, elles ne l'auront jamais», a déploré l'orateur, qui a précisé des milliers de familles confinés dans ces camps sont privées de leurs droits les plus élémentaires. Le représentant a déploré en outre que les camps de Tindouf soient complètement interdits d'accès aux organisations non gouvernementales et aux mécanismes onusiens des droits de l'homme. Il a sollicité le soutien du Conseil et de la communauté internationale pour la libération des familles qui demeurent en captivité et pour leur permettre de rejoindre les leurs dans le Sahara marocain. Il a aussi demandé l'intervention du Conseil pour l'ouverture des camps aux organisations internationales aux fins d'enquêter et de rendre justice aux victimes.

M. STEFANO MANNACIO (Cobase - Associazione Tecnico Scientifica Di Base, au nom également de Gherush92 - Committee for Human Rights) a appelé le Conseil à se saisir du problème de l'interdiction de l'abattage rituel juif et musulman, en tant qu'atteinte aux droits de l'homme. Il s'agit de règles juridiques, et non pas religieuses au sens strict, que juifs et musulmans se doivent absolument de respecter. Les fidèles de ces deux religions sont horrifiés à l'idée de tuer un animal par le gaz ou l'électricité, de même qu'ils sont horrifiés à la perspective de consommer du sang. La COBASE exprime sa solidarité avec les juifs et les musulmans qui ont manifesté ensemble à Amsterdam pour protester contre l'interdiction de l'abattage rituel.

M. HILLEL NEUER (United Nations Watch) a dénoncé ce qu'il a qualifié d'«hypocrisie» du Conseil. L'an passé, les États arabes n'avaient pas hésité à interrompre une session ordinaire du Conseil pour convoquer une session extraordinaire, consacrée à la mort de neuf personnes lors de l'incident de la «flottille» – des victimes qui étaient, en réalité, des djihadistes. Israël avait alors été unanimement condamné. Or, un an plus tard, toujours pendant une session ordinaire du Conseil, un débat se tient sur les droits de l'homme alors même que le Gouvernement syrien massacre ses citoyens. Aucun débat urgent n'a été convoqué pour ces 1300 citoyens pacifiques assassinés, parmi lesquels on compte des enfants, a dénoncé le représentant.

M. PETER SPLINTER (Amnesty International) a déclaré que plus de 1400 personnes sont mortes en mer en fuyant l'Afrique du Nord et le Moyen Orient. L'Égypte et la Tunisie ont accueilli des centaines de milliers de réfugiés de Jamahiriya arabe libyenne. L'Union européenne, elle, n'a pris aucune mesure crédible pour éviter la mort en mer de personnes fuyant leur pays. Les États Membres de l'Union européenne devraient secourir les navires en danger et accueillir les réfugiés vulnérables en provenance de Tunisie et d'Égypte. Le représentant a souligné que les migrants ne cherchent pas à venir en Europe par convoitise: ils laissent derrière eux pauvreté et désespoir économique pour partir en quête d'une vie meilleure pour eux et leurs familles.

M. GIANFRANCO FATTORINI (Presse Embleme Campagne) a déclaré que le refus de l'accès aux médias en Syrie, ainsi que les restrictions auxquelles les journalistes syriens eux-mêmes sont soumis, constituait une violation de l'article 19 du Pacte international sur les droits civils et politiques. Son organisation appelle le Conseil à adopter une recommandation ouvrant la voie à une étude sur ces violations commises contre des journalistes, y compris la droit à la vie, pour la période 2010-2011, étude qui serait présentée à cette assemblée en mars prochain.

MME RENATE BLOEM (CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens) a déploré la détérioration de la situation des droits de l'homme au Bélarus et demandé au Conseil d'adopter une résolution appelant le Gouvernement de ce pays à mettre fin à la répression et à se réformer, notamment en levant les restrictions à la liberté de réunion. La représentante a aussi regretté le «silence assourdissant» du Conseil sur la situation au Yémen et à Bahreïn, où les manifestations pacifiques sont réprimées dans la plus grande violence. Par exemple, le 18 mars dernier, 52 personnes ont été tuées au Yémen par des tireurs embusqués, alors même que Conseil était en session. Le conflit au Bahreïn risque quant à lui de devenir sectaire et de se répandre à la région entière. Le Conseil devrait aussi ouvrir les yeux sur l'Ouzbékistan et le Turkménistan, dont les autorités sont responsables d'actes de tortures. CIVICUS invite le Conseil à réviser sa politique sur l'Asie centrale, et les deux pays précités à permettre des visites des rapporteurs spéciaux.

Droit de réponse

M. BADRIDDIN OBIDO (Ouzbékistan) a fait part de son étonnement après la déclaration de CIVICUS qui, pour la deuxième fois, cette année, s'exprime sur les droits de l'homme en Ouzbékistan sans étayer ses affirmations sur la torture. L'an dernier, l'Ouzbékistan a fourni des informations au Conseil, ainsi qu'aux organes de traité, sur les actions menées à ce titre. Il s'agit d'une nouvelle manifestation des critères à géométrie variable de certaines organisations comme CIVICUS, qui portent atteinte au sérieux des travaux du Conseil.

Situation des droits de l'homme au Burundi

Présentation du rapport

M. FATSAH OUGUERGOUZ, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Burundi, présenté son rapport faisant suite de sa première visite dans ce pays du 8 au 17 novembre 2010. Le rapport couvre ses activités jusqu'au 15 février 2011. Il a aussi présenté oralement l'évolution de la situation dans le pays depuis cette date et fait des conclusions et recommandations à l'issue de sa récente visite au Burundi du 16 au 20 mai dernier. M. Ouguerguouz, dont c'est la première intervention devant le Conseil depuis sa nomination, a remercié le Gouvernement burundais de l'avoir invité à entreprendre cette deuxième visite sur le terrain aux fins de se rendre compte des évolutions intervenues dans le pays depuis sa visite initiale, notamment en matière institutionnelle. Il a salué conne un «développement majeur» l'élection par l'Assemblée nationale des membres de la Commission nationale indépendante des droits de l'homme. Les sept commissaires ont été élus lors d'une session extraordinaire de l'Assemblée nationale en mai, à l'issue de l'adoption par le parlement de la loi portant création de cette commission et promulguée le 5 janvier 2011 par le Chef de l'État. Aux termes de cette loi, la Commission dispose de très larges prérogatives et de pouvoirs d'investigation étendus. Elle peut aussi recevoir et examiner des plaintes des victimes de violations des droits de l'homme, de leurs ayant-droits ou d'organisations non gouvernementales. Il a déclaré placer personnellement beaucoup d'espoir dans cette commission dont il a pu rencontrer six des sept membres au lendemain de leur élection.

L'expert indépendant a également mentionné la mise en place d'un ombudsman en vertu de la loi du 25 janvier 2010, dont le poste a été pourvu en novembre dernier. À l'issue de cette nomination, des doutes avaient été émis par des acteurs de la société civile quant à son indépendance du fait de ses liens avec le parti CNDD-FDD, actuellement au pouvoir. Après avoir rencontré l'Ombudsman en personne, M. Ouguergouz a affirmé que cette personne se révèle engagée, très ouverte et déterminée à utiliser les importants pouvoirs qui sont les siens pour le règlement des questions portées à sa connaissance. Il a été saisi d'une dizaine de dossiers difficiles liés notamment à des questions de corruption et de trafic d'influence. L'Ombudsman a par ailleurs utilisé sa médiation pour l'amélioration des conditions carcérales et l'accélération des procédures judiciaires. Abordant la question de l'impunité, l'expert a rappelé que le rapport des consultations nationales sur l'établissement des mécanismes de justice transitionnelle a été publié en décembre 2010 et qu'il recommande la mise en place d'une Commission Vérité et Réconciliation et d'un Tribunal Spécial. Il a informé le Conseil de la volonté du Gouvernement Burundais de procéder, le plus rapidement possible, à la mise sur pied de ces institutions avec le concours des Nations Unies. Toutefois, il a noté qu'aucun progrès significatif n'a été enregistré concernant les 12 cas de torture qui se seraient produits entre le 23 juin et le 5 juillet 2010 dans les locaux du Service national de renseignement. Il a rappelé qu'il avait remis aux autorités burundaises des informations sur ces graves violations alléguées et avait demandé que leurs auteurs soient identifiés, poursuivis et jugés. Lors de sa deuxième visite, il s'est inquiété de ce qu'aucune enquête n'ait été ouverte et a appelé les autorités à agir.

D'autre part, l'expert indépendant a exprimé aux autorités ses vives préoccupations quant à la recrudescence des cas d'exécutions judiciaires depuis le début de l'année 2011. Ces exécutions, qui seraient le fait des forces de sécurité, viseraient des membres du l'opposition du parti du Front de libération nationale (FNL), ancien mouvement rebelle? Neuf cas d'exécutions avaient déjà été recensés par le Bureau intégré des Nations Unies aux Burundi (BINUB) entre août et octobre 2010 et une Commission chargée d'enquêter sur ces violations avait été mise en place le 26 octobre 2010 par le Procureur général de la République. Le 25 avril dernier, après 6 mois de paralysie, a déclaré l'expert, cette commission a finalement commencé ses investigations et, à l'heure actuelle, elle devrait avoir remis ses conclusions au Procureur général. M. Ouguergouz a également appris que le 19 mai, le Procureur en mairie de Bujumbura avait créé une commission chargée d'enquêter sur les tueries qui ont eu lieu récemment dans sa province, au rang desquelles figurent trois cas d'exécutions extrajudiciaires récemment rapportés. Une autre commission ad hoc a également été établie le 19 mai pour enquêter sur tous les manquements et violations observés durant la période pré-électorale (deux mois avant), électorale et postélectorale (deux mois après). Il a salué cette importante initiative du Chef de l'État visant à identifier les auteurs de ces actes de violence et à les traduire en justice. L'expert a espéré que les 12 cas de torture feront l'objet d'investigation de la part de cette commission et que les conclusions seront rendues publiques. Aux fins de rétablir la confiance de la société civile, il a formé l'espoir que toutes ces commissions soient dotées des moyens nécessaires à l'identification des auteurs présumés. Il a pris note, par ailleurs, d'un développement important concernant l'assassinat, en avril 2009, du Vice-Président de l'Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), suite au retour récent au Burundi et à l'incarcération du principal suspect dans cette affaire. Il a déploré cependant les nombreuses restrictions aux libertés d'expression, d'association et de réunion mais a salué la libération, le 16 mai dernier, du journaliste et défenseur des droits de l'homme Jean-Claude Kavumbagu, détenu durant 10 mois. L'expert a en outre demandé que le Gouvernement burundais dépénalise les délits de presse.

En conclusion, l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Burundi a relevé les nombreux progrès enregistrés dans le pays au niveau institutionnel, qu'il a qualifiés d'évolutions positives. Il a toutefois souhaité que le Gouvernement poursuive et intensifie ses efforts dans le domaine de la lutte contre l'impunité et, à cet égard, il a mis l'accent sur les suites données aux conclusions des commissions d'enquête existantes, qui auront certainement valeur de test. Il a également indiqué que le Gouvernement doit renforcer le système judiciaire et faire preuve d'un plus grand respect des libertés d'expression et de réunion. Il a admis que la construction d'un État de droit est une œuvre de longue haleine qui va de pair avec la pleine réalisation de tous les droits de l'homme, qu'ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels. Cette pleine réalisation des droits de l'homme est à son tour tributaire de l'amélioration du climat politique et économique du pays, a conclu M. Ouguergouz.

Le rapport sur la situation des droits de l'homme au Burundi (A/HRC/17/50) analyse le contexte politique et sécuritaire du pays durant la période des élections communales, présidentielles, législatives, sénatoriales et collinaires. De manière générale, les élections se sont déroulées en conformité avec les «standards internationaux» et les irrégularités observées n'étaient pas de nature à remettre en cause leur validité. L'expert indépendant relève toutefois qu'un certain nombre d'actes de violence ont été commis avant et après la campagne électorale et que plusieurs réunions de partis de l'opposition ont été interdites. Il rapporte de nombreuses allégations d'arrestation et de détention de membres des partis politiques de l'opposition. L'expert indépendant adresse une série de recommandations au Gouvernement burundais et à la communauté internationale, exhortant en particulier le Gouvernement à engager un dialogue constructif avec tous les partis de l'opposition; à diligenter des enquêtes sur les allégations de violation des droits de l'homme et faire en sorte que les auteurs de ces agissements soient traduits en justice dans les meilleurs délais.

Pays concerné

MME IMMACULÉE NAHAYO, Ministre des droits de l'homme du Burundi, a indiqué que les élections ayant eu lieu en 2010 s'étaient bien déroulées, en conformité avec les «standards internationaux». «Les irrégularités dont parle l'expert dans son rapport n'ont été approuvées ni par la Commission électorale indépendante, ni par les observateurs nationaux et internationaux, ni par la presse», a-t-elle ajouté, les fraudes et irrégularités dénoncées par certains partis d'opposition n'étant que des «affirmations gratuites». S'agissant de la mise en place de la justice transitionnelle, des avancées significatives ont été enregistrées, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme s'étant engagé à fournir l'expertise et le financement nécessaires à la mise en place des mécanismes prévus. Un comité technique vient d'être chargé de la préparation des instances de justice de transition, à savoir la commission vérité et réconciliation ainsi que le Tribunal spécial. Les premiers experts des Nations Unies sont attendus à Bujumbura le 27 juin prochain, le démarrage effectif de ces mécanismes étant attendu pour janvier 2012. Par ailleurs, a été mise en place l'Institution de l'ombudsman et la Commission nationale indépendante des droits de l'homme.

Suite aux principales allégations de violations des droits de l'homme, le Gouvernement vient de mettre sur pied par décret une commission chargée d'enquêter sur tous les manquements et violations observés durant la période de quatre mois ayant précédé et suivi le scrutin. Elle doit déposer son rapport final dans trois mois. En ce qui concerne les exécutions extrajudiciaires mentionnées par l'expert indépendant et imputées aux forces de défense et de sécurité, la Ministre a estimé que cette interprétation était «tout à fait prématurée». En ce qui concerne l'assassinat du Vice-Président de l'Observatoire de la lutte contre la corruption et les malversations économiques, la justice vient d'enregistrer une «avancée procédurale considérable» grâce au Gouvernement canadien qui vient d'extrader le prévenu principal. La Ministre a par ailleurs fait valoir que le nouveau code pénal érige la torture en infraction. Il convient de noter que les cas de torture ont pratiquement disparu, selon la Ministre. Elle a affirmé par ailleurs que certaines personnes poursuivies pour des délits et crimes se réfugiaient derrière leur appartenance politique afin de tenter d'échapper à la justice.

La Ministre burundaise a souligné que la liberté d'expression est respectée, comme en témoigne le nombre de radios, de médias et d'associations de la société civile, le chef de l'État en faisant une priorité. Il en va de même pour les partis politiques. Elle a aussi rappelé que le Gouvernement s'était engagé dès 2005 à réformer la justice en profondeur et que le processus de répression des crimes et délits connaissait une accélération. Des efforts sont accomplis pour réduire la population carcérale.

En conclusion, Mme Nahayo a souligné que son pays était fortement engagé dans le respect des droits de l'homme. En témoigne sa participation effective dans le maintien de la paix et de la sécurité en Somalie, au Darfour, au Tchad, en Côte d'Ivoire et en Haïti. Cela «ne se concevrait pas si réellement les droits de l'homme étaient aussi bafoués comme le prétend le rapport écrit et la déclaration orale de l'expert indépendant», a-t-elle relevé.

Débat interactif

MME NICOLE RECKINGER (Union européenne) a salué l'engagement du Burundi d'assurer la protection des droits de l'homme et la tenue des élections de fin 2010. Elle l'a également félicité pour l'établissement d'une commission d'enquête sur les exécutions extrajudiciaires et «l'approche volontariste dans le dossier de la justice transitionnelle». Cependant, la situation des droits de l'homme reste préoccupante à ses yeux, des cas d'arrestations arbitraires et d'exécutions étant toujours rapportés ainsi que des cas de torture. L'Union européenne s'est engagée à aider les autorités burundaises à assurer la promotion et la protection des droits de l'homme. Elle a évoqué la composition «équilibrée» de la commission nationale indépendante des droits de l'homme, et déclaré attendre qu'elle y implique la société burundaise. La représentante de l'Union européenne a demandé à l'expert indépendant comment il évaluait la création et le fonctionnement de cette commission et comment achever le mandat de l'expert. Elle a aussi voulu savoir comment il envisageait l'élargissement du mandat de la commission d'enquête sur les disparitions et exécutions extrajudiciaires?

M. MICHAEL MEIER (Suisse) s'est félicité de l'adoption de la loi sur la création d'une Commission indépendante des droits de l'homme et de la sélection de ses membres qui ont récemment prêté serment. Il a également salué la publication, en décembre dernier, du rapport des consultations nationales sur la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi, ainsi que la récente décision du Gouvernement de nommer prochainement un comité technique chargé de préparer la mise en place de tels mécanismes. Le délégué suisse a soutenu la recommandation de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Burundi invitant le Gouvernement à prendre en considération les propositions présentées par la société civiles dans la mise sur pied des mécanismes de justice de transition. Le représentant s'est enquis de la hausse des cas d'atteinte aux droits de l'homme, au droit à la vie et au droit à l'intégrité physique, ainsi que de l'impunité dont jouiraient leurs auteurs. Il a demandé à l'expert si celui-ci avait pu échanger avec les autorités concernant les cas de torture en particulier. Le délégué s'est ensuite inquiété du manque d'indépendance de la magistrature qui constitue une des principales faiblesses du système judiciaire et du manque de personnel qualifié, avant d'encourager le Burundi à poursuivre et à intensifier ses efforts de réforme du système judiciaire. Enfin il a voulu savoir comment la communauté internationale pourrait contribuer et soutenir au dialogue politique dans ce pays.

M. JUAN ANTONIO QUINTANILLA (Cuba) a souligné l'importance des progrès accomplis par le Burundi, estimant qu'il n'y avait aucune raison par conséquent de proroger le mandat de l'expert indépendant ou de créer un nouveau mécanisme. Cuba appuie la position du Groupe africain en faveur du classement du cas du Burundi en mettant un terme à tout traitement spécial de ce pays.

M. YANG CHUANHUI (Chine) a salué la bonne coopération entre le Gouvernement burundais, les instances internationales et l'expert indépendant. Il a relevé le bon déroulement des élections, la création de la commission nationale des droits de l'homme, entre autres évolutions positives. Le Burundi, a déclaré le représentant chinois, a avancé de manière considérable pour la consolidation de la paix et la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. Or, le pays est encore limité en cela au niveau financier, technologique et des ressources humaines. La Chine espère que la communauté internationale apportera une aide constructive au Gouvernement et à la population du Burundi. Elle estime que l'expert a achevé sa mission et que son mandat ne doit pas être prorogé.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a estimé que, grâce à leur clairvoyance, les autorités burundaises ont réussi en un temps très court à remettre le pays sur le chemin de la stabilité et du développement économique et social. La mise en place d'une Commission nationale indépendante des droits de l'homme était une demande du Conseil dans le cadre du mandat de l'expert indépendant, a-t-il rappelé, soulignant que cette institution est aujourd'hui une réalité. Il a relevé que le Gouvernement du Burundi fait de son mieux, selon les moyens dont il dispose, pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Les progrès sont tangibles, notamment en matière d'éducation universelle. Il a encouragé le pays à redoubler d'efforts pour atteindre les objectifs relatifs à l'élimination de l'extrême pauvreté et de la faim. Il a appelé à une assistance accrue à ce pays enclavé.

M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria au nom du Groupe africain) a constaté que le Burundi avait tenu des élections libres et régulières et pratiquement satisfait à toutes les exigences en matière de transition démocratique. Il a créé un cadre institutionnel en matière de droits de l'homme. Ce pays a besoin à présent d'une assistance internationale. Le travail de l'expert indépendant a été bel et bien effectué et la prorogation de son mandant n'est pas nécessaire. Certains ont des vues différentes, a-t-il constaté, mais il a souligné qu'une fois le cadre institutionnel créé, le mandat de l'expert arrive à son terme.

M. JEFFREY HEATON (Canada) a remercié le Burundi pour les réponses apportées dans le dialogue interactif, et les efforts pour réduire les tensions ethniques. Il a salué l'adoption de la loi créant la Commission nationale des droits de l'homme ainsi que la désignation de ses sept membres. Il attend maintenant que le Gouvernement concrétise le fonctionnement et le financement de la commission. Le Canada reste préoccupé par les violations des droits de l'homme, pendant et après les élections. Celles-ci portaient notamment sur la répression des opposants politiques et les atteintes à la liberté d'expression, les tortures, et les détentions dans de mauvaises conditions. Il a aussi évoqué les actes criminels perpétrés par des groupes opérant depuis l'Est de la République démocratique du Congo, notamment les viols, et appelé à traduire les responsables en justice. Le représentant canadien a souligné la faiblesse du système judiciaire et l'absence de transition face aux crimes commis pendant la guerre. Enfin, il a déclaré que le retour forcé des réfugiés dans leur foyer était une source de conflit majeur, et s'est demandé comment le pays allait aborder la situation.

M. JOSÉ MARIA CAPON DUARTE E SILVA (Angola) a salué les évolutions positives et les avancées dans le processus d'établissement des mécanismes de justice transitionnelle par les autorités burundaises et pour le lancement effectif des enquêtes par la Commission nationale indépendante des droits de l'homme dont les membres ont été élus par le parlement, conformément aux Principes de Paris prévus par la résolution 9/10 du Conseil des droits de l'homme. Il a encouragé les autorités à tenir des consultations avec toutes les parties prenantes en vue de la création et de la mise en œuvre d'une commission Vérité et Réconciliation et d'un éventuel tribunal spécial, dans le respect des normes internationales. Il a aussi salué l'importante initiative prise par le Procureur général visant à mettre un terme aux détentions préventives et aux détentions injustifiées. Il a encouragé toutes les parties à rétablir et à renforcer le dialogue politique et appelé la communauté internationale à continuer à soutenir les efforts de consolidation de la paix entreprises par les autorités de Bujumbura.

M. OSMAN TAT (États-Unis) a indiqué que sa délégation appelait les membres du Conseil à soutenir le projet de résolution priant le Haut-Commissariat à présenter un rapport l'an prochain sur la situation des droits de l'homme au Burundi, en mettant en particulier l'accent sur les progrès accomplis par la Commission nationale des droits de l'homme. Si le Burundi a accompli des progrès significatifs depuis l'accord de cessez-le-feu de 2006, les États-Unis sont préoccupés par les informations faisant état d'arrestations, d'intimidations et de restrictions à la liberté d'association visant des membres de l'opposition au cours de la période électorale. Ils sont aussi préoccupés par la résurgence de cas de torture. Le représentant américain a demandé à l'expert indépendant quelles initiatives concrètes il recommandait à la communauté internationale pour soutenir le développement d'une justice indépendante.

M. HUGO BRAUWERS (Belgique) a salué l'accueil réservé par le Burundi à l'expert indépendant et la présence de la Ministre devant le Conseil. Cependant, malgré le bon déroulement des élections de 2010, les violations des droits de l'homme persistent, notamment des arrestations et exécutions arbitraires. Il a appelé à la création d'une commission d'enquête sur les tortures et regretté que l'organe sur les exécutions extrajudiciaires ne puisse se pencher sur les cas les plus récents. La Belgique est particulièrement préoccupée par la situation à Bujumbura Rural où les disparitions et exécutions continuent, et devraient faire l'objet d'enquêtes sérieuses. À ce titre, M. Steven Vanackere, Ministre belge des affaires étrangères, vient d'effectuer une visite dans le pays et y a salué l'engagement du Gouvernement burundais dans le processus de justice transitionnelle. Il s'est aussi réjoui de la création de la commission nationale indépendante sur les droits de l'homme, composée de manière équilibrée et transparente. La Belgique a déclaré attendre que cette commission implique davantage la société civile dans ses travaux. Parce que la situation des droits de l'homme reste «précaire» au Burundi, la Belgique souhaiterait que le mandat de l'expert indépendant soit prolongé jusqu'au premier rapport de ladite commission, conformément au Statut de Paris, et s'engage à soutenir le pays dans ses efforts.

M. RIDHA BOUABID (Organisation internationale de la Francophonie) a marqué toute son appréciation pour les efforts menés par les autorités burundaises dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de l'Examen périodique universel, en particulier la création d'une institution nationale des droits de l'homme. Il a informé que la Francophonie travaillait actuellement à la réalisation de trois projets en collaboration avec les autorités de ce pays. Par ailleurs les contacts pris avec l'Ombudsman du Burundi ont permis de soutenir des actions d'accompagnement de cette institution nouvellement créée, en particulier dans le domaine de la formation. Il a aussi rappelé la coopération entre son organisation et le Ministère de l'éducation de base et secondaire, de l'enseignement des métiers, de la formation professionnelle et de l'alphabétisation.

M. GEIR SJØBERG (Norvège) a fait part de la préoccupation de sa délégation face aux allégations de torture et d'exécutions extrajudiciaires de membres de l'opposition et de défenseurs des droits de l'homme au Burundi. Il a appelé les autorités à enquêter sur ces faits et à traduire les responsables en justice. Il est essentiel, pour consolider la paix, de renforcer l'état de droit, comme l'a affirmé le Président Nkurunziza lors de son discours d'investiture. La Norvège lui demande de faire le maximum pour que ses paroles soient traduites en actes.

M. ALPHONSE KAYITAYIRE (Rwanda) a félicité le Gouvernement et le peuple frère du Burundi pour ses efforts en faveur des droits de l'homme, en dépit des difficultés. Il a évoqué l'adoption des lois portant création du bureau de l'Ombudsman et établissant la Commission nationale indépendante des droits de l'Homme. Le Rwanda s'est déclaré disposé à partager son expérience pratique dans ce domaine, soutenir les efforts du pays, et a recommandé que le mandat de l'expert ne soit pas renouvelé.

MME ROSSETTE NYIRINKINDI KATUNGYE (Ouganda) a pris note des efforts du Burundi en dépit des difficultés auxquelles le pays est confronté. Elle a salué la création du Bureau de l'Ombudsman qui, associée à d'autres efforts en cours à différents niveaux, ne rendent plus nécessaire la poursuite du mandat de l'expert indépendant, a-t-elle estimé.

M. AWADA ANGUI (Tchad) a estimé que des avancées significatives avaient été effectuées grâce au travail important de l'expert indépendant. Le Tchad estime qu'il n'est plus nécessaire de mettre en place un autre mécanisme pour le suivi de la situation des droits de l'homme au Burundi. La communauté internationale doit néanmoins continuer de lui apporter son concours.

M. HAMZA AHMED (Soudan) a remercié l'expert pour son rapport sur le Burundi et pour la référence faite aux progrès réalisés par le pays dans le domaine des droits de l'homme. La position du Soudan est claire concernant les pays voisins et les mandats des rapporteurs spéciaux. Ces derniers doivent prendre fin dès lors que l'on observe une amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays concerné. Or, le Burundi a procédé à des avancées significatives en la matière. Dès lors, il n'existe plus aucune justification à la poursuite du mandat. Le Soudan a donc invité le Conseil des droits de l'homme à respecter ses propres résolutions et de ne pas se livrer à une politisation des questions. Il a aussi appelé la communauté internationale à soutenir le Burundi dans ses efforts.

M. LUC-JOSEPH OKIO (Congo) a souligné qu'à la lumière du rapport de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Burundi et de la déclaration de la Ministre burundaise des droits de l'homme ce matin, il est évident qu'il existe une volonté politique qui contribuera au renforcement des institutions nationales. Il a encouragé le Gouvernement à consolider la réforme des services de sécurité et judiciaires, avec l'aide des donateurs et de la communauté internationale. Il a également jugé qu'au vu de ces évolutions positives, le mandat de l'expert indépendant n'est désormais plus nécessaire.

M. OMAR HILALE (Maroc) a rendu un hommage mérité au peuple burundais frère, se félicitant en particulier de la mise en place de la Commission des droits de l'homme et de l'institution de l'Ombudsman. Le Maroc se félicite aussi des mesures prises en faveur de la lutte contre l'impunité et la réforme globale du secteur de la justice. Le Maroc estime que l'on doit tirer des enseignements positifs de ce bilan. La durée du mandat sur le Burundi dépendait de la mise sur pied d'une institution nationale des droits de l'homme. Celui-ci n'a donc pas à être renouvelé.

Organisations non gouvernementales

MME JULIE GROMELLON (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a salué le rapport de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Burundi. Cependant, elle a regretté la rupture du dialogue entre les autorités et les partis de l'opposition dont la plupart des leaders sont entrés dans la clandestinité. Elle s'est inquiétée des arrestations arbitraires de militants, des exécutions extrajudiciaires ayant augmenté depuis mai dernier, ainsi que de la circulation d'armes légères et de petit calibre au sein de la population civile. Cette situation d'insécurité serait liée à l'impunité et à la corruption. Elle a, à ce titre, salué la décision du Gouvernement de lancer une commission d'enquête sur les violences perpétrées avant, pendant et après les élections. Elle a demandé quelles étaient les actions du Gouvernement en termes de mesures disciplinaires à l'encontre des membres des services de renseignement responsables des violations. Elle a aussi invité à n'évaluer l'efficacité de la nouvelle commission des droits de l'homme qu'à l'aune de ses actions concrètes. Pour ce faire, cette dernière doit être dotée de moyens financiers et être libre de toute ingérence. Tant que cela ne sera pas accompli, le maintien de l'expert indépendant devra rester une priorité, a déclaré la FIDH.

MME ZOE SPRIET (Organisation mondiale contre la torture - OMCT, au nom également de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a affirmé que les défenseurs burundais des droits de l'homme font régulièrement l'objet de diverses formes de pressions, telles que des arrestations et des détentions arbitraires, des convocations abusives et répétées auprès des autorités judiciaires et du Ministère de l'intérieur, des atteintes aux libertés d'expression et de réunion pacifique, des campagnes de diffamation dans les médias et des menaces. Elle a demandé à l'expert indépendant s'il pouvait indiquer le suivi effectué par les autorités burundaises des communications que l'expert avait envoyées et des recommandations formulées en faveur de la protection des défenseurs des droits de l'homme. Elle a particulièrement dénoncé l'assassinat, le 9 avril 2009, d'Ernest Manirumva, dont les présumés commanditaires n'ont toujours pas été inculpés par la justice malgré l'existence de témoignages et de preuves imputant leur responsabilité. Les défenseurs des droits de l'homme qui demandent une enquête et un procès juste et équitable dans cette affaire sont constamment menacés, a-t-elle indiqué. Alors que le procès Manirumva a repris hier, comment les autorités burundaises se sont-elles engagées à poursuivre et juger les principaux responsables dans le cadre d'un procès équitable afin que justice soit enfin rendue, a voulu encore savoir la représentante de l'OMCT.

M. PHILIPPE DAM (Human Rights Watch) s'est félicité des évolutions positives intervenues au Burundi ces derniers mois. Toutefois, un certain nombre de faits sont préoccupants en matière de violence politique et de l'absence de poursuites dans des cas de torture. Le Gouvernement doit enquêter sur toutes les allégations à ce sujet, a-t-il dit. Il a souligné que des journalistes avaient été menacés, tout en se félicitant de la libération de Jean-Claude Kavumbagu. Il s'est toutefois inquiété du manque de progrès dans l'enquête sur l'assassinat d'Ernest Manirumva. Le mandat de l'expert indépendant est essentiel, estime Human Rights Watch, alors que la mission de l'ONU au Burundi a vu ses moyens sévèrement limités, ce qui affecte la capacité de la communauté internationale de surveiller la situation des droits de l'homme dans ce pays.

MME PATRIZIA SCANELLA (Amnesty International) a évoqué les limites imposées à la liberté d'expression et de réunion, et le harcèlement dont sont victimes les militants des droits de l'homme. Elle a souligné, comme auparavant des experts des Nations Unies, le rôle des forces de sécurité dans les violations des droits de l'homme, et a salué les recommandations du rapport de l'expert. Ce dernier demande en effet qu'une enquête soit ouverte et que les responsables soient poursuivis. Il faut que justice soit rendue pour les crimes passés afin que cessent les violations. Amnesty International soutient la création d'un mécanisme de justice de transition par le Président. Cependant, l'organisation est inquiète des récentes déclarations du Président burundais concernant la Commission Vérité et Réconciliation, étant donné qu'il n'a fait aucune référence à la date de lancement des travaux du tribunal spécial. Amnesty International demande donc à l'expert de donner plus de détails sur les mesures qu'il compte entreprendre pour encourager le Gouvernement à s'engager à rendre justice concernant les crimes passés relevant du droit international.

M. EDOUARD BIHA (Cairo Institute for Human Rights Studies) a noté avec satisfaction que le Gouvernement burundais vient de faire un pas en avant en mettant en place la Commission nationale des droits de l'homme mais a dit attendre des mesures plus concrètes notamment la dotation d'un budget adéquat, le respect de l'immunité des membres de la Commission et l'indépendance de cette commission, en évitant des chevauchements dans son fonctionnement. Il a noté d'autres avancées comme l'adoption du code pénal mais a déploré les pratiques anachroniques comme la résurgence de la torture, d'exécutions extrajudiciaires, du déni de justice par le refus d'enquêter et des enquêtes qui n'aboutissent pas. Il s'est inquiété des menaces à l'égard des défenseurs des droits de l'homme, y compris des journalistes et a rappelé que les organisations non gouvernementales tant nationales qu'internationales réclament plus d'engagement de la justice dans la recherche des responsables de l'assassinat d'Ernest Manirumva.

Conclusion

M. OUGUERGOUZ a rappelé qu'une commission d'enquête avait été créée en octobre dernier afin d'enquêter sur les exécutions extrajudiciaires sous l'autorité du Procureur général de la République. Lors de son dernier séjour dans le pays, l'expert indépendant a demandé au président de la Commission s'il avait enquêté sur les cas survenus depuis la création de la Commission. Celui-ci lui a répondu que ce n'était pas de son ressort. Deux autres commissions ont été créées, mandatées par le procureur de la République pour enquêter sur des cas de tueries survenus récemment, dont trois cas d'exécutions extrajudiciaires. Par ailleurs, une commission créée par le chef de l'État doit faire la lumière sur les violences électorales. L'expert indépendant a exprimé l'espoir que ces instances pourraient enquêter sur ces violations. S'agissant des cas de torture, il a indiqué s'être inquiété de l'absence d'enquêtes, ce à quoi on lui a répondu qu'aucune plainte n'avait été déposée. L'expert indépendant a alors fait valoir que les autorités judiciaires devaient se saisir elles-mêmes de ces cas. Il a estimé par ailleurs que la communauté diplomatique devrait inciter l'opposition à occuper tous les espaces légaux auxquels elle avait droit.

M. Ouguergouz a souligné, s'agissant de la Commission nationale des droits de l'homme, que ses membres doivent pouvoir bénéficier d'un statut, condition de leur indépendance, ce qui implique une assistance financière afin que la Commission ait les mêmes ressources financières que l'Ombudsman. Elle est théoriquement dotée de moyens très importants.

Le Gouvernement burundais doit faire des efforts financiers afin de professionnaliser les magistrats, estime par ailleurs M. Ouguergouz. Il doit par ailleurs être assisté dans ses efforts de reconstruction du système judiciaire, les magistrats disposant de moyens matériels extrêmement limités. S'agissant enfin de la prolongation de son mandat, il s'est refusé à répondre de cette question soulevée par l'Union européenne, rappelant que cela relevait uniquement des prérogatives du Conseil.

Situation des droits de l'homme en Haïti

Présentation du rapport de l'expert indépendant

M. MICHEL FORST, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a d'emblée regretté que le rapport ait été mis en ligne sur le site Internet du Haut-Commissariat au début du mois d'avril avant de permettre au Gouvernement haïtien de réagir et d'apporter des éléments d'informations complémentaires. Le rapport a donc été retiré à la demande des autorités haïtiennes.

L'expert indépendant a ensuite informé le Conseil que depuis la rédaction de son rapport, des élections se sont tenues dans le pays permettant d'élire un nouveau Président de la République, M. Michel Martelly. Il a souligné que c'est la première fois dans l'histoire du pays qu'un président démocratiquement élu a passé le pouvoir à un autre président, également démocratiquement élu. M. Forst a estimé qu'il s'agissait d'un signe positif, signe d'un profond changement en Haïti après des décennies d'instabilité qui se sont accompagnées d'atteintes aux droits de l'homme souvent dénoncées par les organisations des droits de l'homme internationales et haïtiennes. Il a informé qu'au moment du renouvellement de son mandat, il a centré ses activités autour de quelques priorités: renforcer la place des droits dans la crise humanitaire; veiller à la place des droits dans la reconstruction, en particulier les droits économiques et sociaux; conseiller sur la mise en œuvre des réformes dans le domaine de l'état de droit afin de permettre la pleine réalisation des droits économiques et sociaux. Il a indiqué que les conclusions et recommandations s'articulent également autour de ces quatre domaines, certaines figuraient d'ores et déjà dans les rapports de ses prédécesseurs. M. Forst a souligné que si ces recommandations reviennent dans son rapport, c'est qu'elles n'ont malheureusement pas été mises en œuvre par les différents acteurs responsables. Il reste néanmoins optimiste pour certaines d'entre elles et travaille dans cette optique avec les autorités à chacune de ses visites.

L'expert indépendant a souligné que la crise humanitaire n'est pas terminée et que beaucoup de femmes, d'hommes et d'enfants continuent à vivre une situation qui ressemble beaucoup à ce qu'ils vivent depuis janvier 2010. Il a en particulier faire part au Conseil de son inquiétude face à certaines atteintes aux droits de l'homme que la crise humanitaire a amplifié. Il pense également à la question des personnes handicapées, aux femmes victimes de la violence et aux allégations de trafic d'enfants dont l'UNICEF se faisant encore récemment l'écho en rappelant que 173 000 enfants restavek sont toujours enfermés dans cette triste situation comparable à l'esclavage moderne, à la situation des enfants de la rue, aux allégations sur la potabilité de l'eau, aux expulsions forcées, aux lynchages ou au retours forcés de candidats à la migration. Il a aussi évoqué la situation dans les camps sur laquelle M. Walter Kaelin, représentant de l'ONU sur les personnes déplacées, avait effectué une mission en octobre dernier, et Mme Raquel Rolnik, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable, qui vient d'effectuer une mission, s'est déjà prononcée. Il a aussi souligné que le choléra a infecté plus de 300 000 personnes et fait près de 5400 morts depuis le début de l'épidémie, alors que le nombre de cas de choléra est en hausse dans certaines régions du pays ayant reçu des pluies abondantes les semaines passées.

M. Forst a souligné qu'il faudra continuer à appuyer les réformes de la justice, du secteur pénitentiaire et de la police. Il a aussi rappelé qu'Haïti est un pays souverain et que par conséquent, la protection devra être à terme complètement transférée aux Haïtiens eux-mêmes, C'est la raison pour laquelle, parmi les priorités du moment, il faut continuer les efforts visant aux renforcements des institutions, notamment l'institution nationale des droits de l'homme incarnée par la Protectrice du citoyen. Il a invité les États Membres à venir rejoindre le groupe de pays et d'institutions internationales qui ont élaboré, avec le Haut Commissariat, le PNUD et l'Organisation internationale de la Francophonie, un ambitieux programme de renforcement et de développement de la Protectrice du citoyen. Il a aussi indiqué qu'il fallait commencer à réfléchir au départ, à terme, de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) après le transfert aux Haïtiens.

L'expert indépendant a redit son inquiétude quant à la reconstruction du pays, pas assez visible alors que ce qu'attendent de la reconstruction les Haïtiens et les Haïtiennes c'est avant tout de passer d'une nécessaire logique transactionnelle d'assistance à une logique encore plus impérative d'accès à leurs droits. Et d'abord à leurs droits sociaux et économiques qui constituent l'essentiel de leurs demandes. Dans ses entretiens avec le Président et avec les nouveaux hauts responsables du pays, il a affirmé qu'il fallait changer le paradigme, changer le message que l'on délivre sur les finalités de la construction. Il s'agit de faire comprendre que la reconstruction des bâtiments, des routes et des ponts n'est pas une fin en soi, mais un moyen de contribuer progressivement à la réalisation des droits, a-t-il insisté. Placer les droits au centre de la reconstruction n'est pas un concept désincarné, a expliqué l'expert en affirmant que bien au contraire, cela veut dire partir des besoins des bénéficiaires et planifier la reconstruction en tenant compte de la nécessité d'assurer à tous les citoyens, sans discrimination aucune, la satisfaction de leurs droits. Cela veut aussi dire que la reconstruction doit être équitable entre différentes régions du pays et faite de manière durable et respectueuse de l'environnement dans lequel vivent les Haïtiens. Elle devra également viser à renforcer le système de protection des droits et des libertés. Il a suggéré dans son rapport que soit utilisé le cadre conceptuel développé par le Représentant spécial pour les entreprises transnationales et les droits de l'homme et que, notamment pour les futurs appels d'offres qui seront lancés, des clauses explicites renvoient à ce cadre conceptuel, notamment pour la sous-traitante, permettant ainsi d'envoyer un signal fort sur la priorité accordée aux droits dans la reconstruction.

M. Forst a conclu en adressant un message exhortant à la lutte contre l'impunité en rappelant qu'il a pu constater que le retour de l'ancien Président Jean-Claude Duvalier avait ravivé des blessures douloureuses chez beaucoup d'Haïtiens, dans le pays comme dans la diaspora. Il a en outre reçu un grand nombre de témoignages et de documents et rencontré, au cours de sa dernière mission, des victimes et des familles de victimes. Plusieurs ont porté plainte contre Duvalier. Par ailleurs, et depuis que son rapport a été déposé, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a adopté une importante déclaration concernant le devoir de l'état haïtien d'enquêter sur les graves violations des droits de l'homme commises sous le régime de Jean-Claude Duvalier. Il a opiné que la tenue d'un procès équitable serait un événement important qui montrerait à la population du pays que la justice fonctionne en Haïti et que dorénavant l'impunité ne sera plus tolérée pour les crimes les plus graves.

Le rapport sur la situation des droits de l'homme en Haïti (A/HRC/17/42) présente un rappel de la situation des droits de l'homme en Haïti et des menaces qui pèsent sur les droits dans le contexte d'une crise humanitaire persistante. Il passe en revue le fonctionnement des institutions judiciaires et de la police. Il décrit l'état du secteur pénitentiaire mais aussi les menaces qui pèsent sur les personnes privées de liberté. Le rapport présente des recommandations regroupées sous trois sections: atteintes aux droits des personnes vulnérables; fonctionnement des institutions de l'État, telles que la justice, la police, le système pénitentiaire et l'Office de la protection du citoyen; la prise en considération des droits dans la reconstruction d'Haïti.

Pays concerné

M. JEAN-CLAUDE PIER (Haïti) a remercié l'expert indépendant pour son rapport sur la situation dans son pays et souligné l'accueil favorable qui lui avait été réservé lors de ses visites en mars 2010 et 2011, ainsi que par la diaspora. Il a évoqué la «crise humanitaire de grande envergure» engendrée par la «tragédie du 12 janvier 2010», et la situation des personnes sans abri et des déplacés. Malgré la présence de patrouilles de la police nationale et de la MINUSTAH, les autorités restent préoccupées par les nombreuses violations qui persistent: violences faites aux femmes dans et autour des camps, kidnappings, trafics d'enfants, violence domestique ou intrafamiliale… le représentant haïtien a déploré l'impunité de fait qui règne pour les auteurs de violences faites aux femmes. Le pays n'épargnera aucun effort pour redresser les torts et apporter des réponses adéquates. Le représentant a également fait référence aux 5000 morts causés par l'épidémie de cholera et aux diverses mesures prises en termes de lutte et de prévention. Concernant le meurtre de détenus ayant eu lieu dans la prison civile des Cayes en janvier dernier, le représentant haïtien a déclaré que les policiers soupçonnés avaient déjà été présentés devant juge en mai. De même, M. Jean-Claude Duvalier, ancien président, est lui aussi actuellement en attente de l'instruction de son dossier.

Haïti se réjouit de l'intérêt de l'expert pour la situation des droits civils et politiques, mais a regretté qu'il n'ait pas mentionné les droits économiques, sociaux et culturels dans son rapport. À ce titre, le représentant a appelé les institutions internationales mais également les bailleurs de fonds à apporter leurs compétences et ressources en soutien à son pays. Il a enfin souligné les avancées en matière de droits politiques et de démocratie, rappelant que l'alternance politique était à présent une réalité et que les libertés d'opinion, de réunion et d'expression étaient respectées. Il a cité à cet effet les récentes élections législatives et présidentielles de 2010 et 2011. Celles-ci ont en effet porté à la tête du pays M. Michel Martelly qui s'est a placé au nombre de ses priorités les thèmes de l'éducation, de la lutte contre la corruption, de l'emploi et de l'état de droit.

Débat interactif

M. JOHN C. MARIZ (États-Unis) a regretté que M. Forst n'ait pu présenter son rapport suffisamment tôt pour permettre aux délégations de l'examiner. Les États-Unis ont longtemps soutenu le peuple haïtien, notamment à la suite du tremblement de terre dévastateur de 2010. Comme l'expert indépendant l'a relevé, les problèmes de longue date tels que l'état du système de justice, la discrimination et autres continuent d'être préoccupants et les États-Unis continueront à apporter sa coopération avec le Gouvernement haïtien dans ces domaines. La corruption et l'impunité restent des problèmes qui font l'objet de programmes d'aide auxquels participent les États-Unis. Les États-Unis estiment qu'Haïti a une occasion unique de mener une reconstruction permettant de mieux intégrer les personnes handicapées. Il a fait part de sa préoccupation face à la pratique du travail des enfants restaveks, forme de servitude domestique, et a souhaité avoir l'avis de M. Forst sur les solutions à apporter.

M. JOÃO ERNESTO CHRISTÓFOLO (Brésil) a d'abord évoqué le cas des déplacés et autres personnes vulnérables comme les restaveks, les femmes, ou encore les personnes handicapées. Elle a placé un accent particulier sur les droits des enfants, évoquant notamment le thème de l'adoption internationale et le travail des enfants. Sur ce dernier thème, il a salué au passage le travail du Fonds des Nations Unies pour l'enfance et du Bureau international du travail. Il a également félicité les patrouilles de la police nationale et de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), pour leur travail relatif à la sécurité des camps formels et informels des déplacés. Le représentant brésilien a déclaré que l'action de la MINUSTAH, à laquelle contribue largement le Brésil, avait contribué à placer les droits de l'homme au cœur de l'action humanitaire. Plaidant pour que les droits de l'homme soient appréhendés dans toute leur dimension, il a déclaré que les droits économiques, sociaux et culturels étaient fondamentaux pour le Brésil. Il a ainsi encouragé l'expert indépendant à poursuivre son travail sur la question. La génération de revenus locaux doit en outre être une priorité, l'assistance ne devant pas se cantonner à la seule prestation de services.

M. ÁLVARO ENRIQUE AYALA MELÉNDEZ (Colombie) a souligné que les résultats précaires obtenus exigeaient une sérieuse réflexion sur la manière dont la communauté internationale menait ses engagements. Il est urgent d'avoir une meilleure coordination des actions entreprises par toutes les organisations présentes en Haïti, a-t-il souligné. L'éducation ne peut demeurer entre les mains d'organisations caritatives, par exemple, souhaitant que l'État et la société haïtienne soient mieux associées aux efforts entrepris. Le représentant colombien a demandé à l'expert indépendant comment cette coordination pourrait être améliorée en mettant l'accent sur l'amélioration de la situation des plus vulnérables.

MME MARIANGELA ZAPPIA (Union européenne) a apprécié que le rapport de l'expert indépendant souligne les divers défis qui se présentent encore au Gouvernement haïtien, malgré les avancées notables en matière de protection des droits. Elle a attiré l'attention du Conseil sur la situation de populations particulièrement vulnérables comme les déplacés, les enfants, les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées. Elle a interprété l'arrivée d'un nouveau chef d'État comme une nouvelle opportunité de placer les droits de l'homme au cœur de la reconstruction et des réformes du pays. L'Union européenne a ensuite demandé à l'expert indépendant quelles étaient les réformes prioritaires pour faciliter l'accès de l'ensemble de la population à la justice de manière à mieux lutter contre l'impunité et renforcer le système judiciaire. Elle s'est aussi interrogée sur les moyens de renforcer efficacement les relations entre la société civile et la section «droits de l'homme» de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti et autres acteurs pertinents comme le milieu humanitaire. L'Union européenne a réitéré son soutien au mandat de l'expert et appelé à son renouvellement en septembre prochain.

M. MANUEL ALHANA (Espagne) a estimé que M. Forst présentait une vision très complète des droits de l'homme en Haïti et de la situation de dévastation que traverse le pays, en rappelant néanmoins que bien avant le tremblement de terre de janvier 2010, la situation des droits de l'homme était déjà bien préoccupante et qu'avec la catastrophe naturelle, le pays est passé à un scénario d'urgence humanitaire jamais connue auparavant. Il a estimé que la MINUSTAH devrait continuer à coiffer les différentes composantes du système des Nations Unies sur place, d'abord et avant tout en matière de sécurité car aucune institution du pays ne pourrait garantir le climat nécessaire à la paix dont l'équipe chargée des droits de l'homme a besoin pour mener ses tâches à bien. Il a ensuite mentionné le processus de «vetting» évoqué par l'expert indépendant dans son rapport pour confirmer que le Gouvernement comprenne pleinement qu'il ne peut tergiverser avec la corruption. Le délégué est aussi d'avis que la MINUSTAH se doit d'apporter une réponse aux besoins de coordination tant au sein qu'à l'extérieur du système des Nations Unies, car le Gouvernement ne dispose pas d'une telle capacité de contrôle et d'organisation des activités des agences qui contribuent à la reconstruction institutionnelle et des infrastructures du pays.

M. JACQUES PELLET (France), qui a précisé que son pays avait engagé une aide de 365 millions d'euros en 2010-2011 en faveur de la reconstruction d'Haïti. Il a ensuite demandé à l'expert indépendant quelles seraient les voies à emprunter pour renforcer la participation de la société civile haïtienne à la reconstruction du pays. Il a aussi demandé quelles étaient les priorités à mettre en œuvre, dans le contexte de la reconstruction, dans le domaine du renforcement de l'État de droit. Enfin, s'agissant des violences dont sont victimes les femmes et les jeunes filles, le représentant français a demandé à M. Forst s'il entendait développer sa coopération avec le Rapporteur spécial sur la lutte contre ces violences; a-t-il le sentiment que les différents acteurs ont bien pris conscience de l'ampleur du problème?

M. ROBERTO FLORES BERMÚDEZ (Honduras) a mis l'accent sur la situation des groupes vulnérables au cours du processus de reconstruction et a souscrit aux recommandations de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, encourageant à un progrès équilibré dans le pays, en particulier par le truchement de la consolidation des secteurs judiciaire et de la sécurité ainsi que le renforcement et la responsabilisation de la police nationale et du système pénitentiaire. Il a déploré entre autres que l'élément de l'assistance technique et de renforcement des capacités ne soit pas reflété dans le rapport. Il a souhaité savoir si, à court ou moyen terme, il y aura une collaboration accrue entre les institutions internationales, les bailleurs de fonds et la communauté internationale en général pour offrir expérience et ressources aux efforts de reconstruction des autorités haïtiennes.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a déploré les effets négatifs du séisme de janvier 2010 sur les infrastructures vitales du pays et la jouissance de ses droits par la population. Il a appelé à la réintégration des déplacés, au démantèlement des camps informels, à la lutte contre la criminalité et à la protection des femmes, des enfants et des handicapés. Le représentant a évoqué le besoin d'investissements colossaux pour construire des infrastructures conformes aux normes parasismiques. Il a sollicité le soutien des Nations Unies, notamment du Bureau de la coordination des affaires humanitaires et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, ainsi que l'assistance technique de la communauté internationale. Celle-ci doit se concentrer au renforcement des capacités du pays tout en respectant sa souveraineté.

M. MICHAEL KLEPSCH (Allemagne) a exprimé sa profonde sympathie et solidarité avec les souffrances que continue de vivre la population d'Haïti et a appelé à un renouvellement du mandat de l'expert indépendant. Il a aussi souligné l'appui indispensable des amis d'Haïti en faveur de sa reconstruction. L'Allemagne souhaite mettre l'accent sur l'importance de la primauté du droit et de l'appropriation par la population d'Haïti des efforts de reconstruction en cours et a appelé tous les États Membres à tenir compte de cet aspect dans leur soutien à la reconstruction en Haïti.

M. JUAN PEDRO SEPÚLVEDA (Chili) a estimé que l'approche choisie par l'expert indépendant dans la formulation de ses recommandations, les divisant en trois grandes sections, était vital pour mieux comprendre les priorités actuelles dans le pays. Il a appuyé l'approche fondée sur les droits de l'homme dans la reconstruction, de même que la proposition de juger l'ancien président Jean-Claude Duvalier. D'autre part, selon le Chili, il faudrait raffermir la coopération entre les organisations locales haïtiennes et celles des Nations Unies. Il reste cependant que le pays se débat avec de graves problèmes d'ordre socioéconomique et que la corrélation entre la reconstruction et le développement social et économique doit être soulignée sous tous les aspects. Le représentant chilien a prié l'expert indépendant de fournir davantage d'informations sur les perspectives de la coopération, sur le renforcement des capacités et l'assistance technique dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Les bailleurs de fonds devraient prendre en compte les besoins réels de tous les Haïtiens, sans exception aucune, et impliquer davantage la population civile dans les projets de reconstruction, a préconisé le Chili.

M. RICARDO GONZÁLEZ ARENAS (Uruguay) a encouragé l'expert indépendant à privilégier l'intégration d'une perspective des droits de l'homme dans les efforts de reconstruction en Haïti. Il a rappelé que son pays coordonne le Groupe des amis d'Haïti à New York, qui appuie notamment le renouvellement du mandat de la MINUSTAH. Depuis l'investiture de M. Martelly, des mesures ont été prises pour renforcer l'état de droit et permettre un redressement et un développement durable. Le Groupe prévoit de mener une mission technique et une autre, de haut niveau, pour prendre directement connaissance de la situation, compte tenu des aspirations des nouvelles autorités démocratiquement élues dans le pays. Les pays membres du Groupe des amis d'Haïti ont également des projets en matière d'assistance technique.

M. YUSNIER ROMERO PUENTES (Cuba) a déclaré que la situation en Haïti était difficile: en mars 2010, la communauté internationale a pris l'engagement de fournir des ressources financières pour la reconstruction, mais un an plus tard, les sommes promises n'ont pas encore été versées. La délégation cubaine déplore en outre que l'on ne prête guère attention aux priorités du Gouvernement. Cuba considère que la communauté internationale a une dette envers ce pays, le premier pays du continent à se débarrasser du joug du colonialisme. Pour sa part, Cuba a apporté une aide prioritaire à la création d'un système de santé globale pour fournir des services de santé à 75% des plus vulnérables parmi la population. Cuba salue aussi se soutien d'autre pays, notamment le Brésil, dans ce domaine.

M. JEFFREY HEATON (Canada) a félicité l'expert indépendant qui a souligné la fragilité des personnes vulnérables après le tremblement de terre ainsi que l'impact prolongé que cette catastrophe continue d'avoir sur l'ensemble de la population. Parmi les groupes vulnérables, il a particulièrement attiré l'attention sur les personnes handicapées dont le nombre a beaucoup augmenté avec le tremblement de terre et a dénoncé les violences à l'égard des déplacés internes dans les camps ou dans des centres provisoires. Le Canada a appuyé les recommandations de l'expert relatives à la nécessité de poursuivre les réformes du système judiciaire et du secteur de la sécurité publique, ainsi que la nomination d'un président de la cour de cassation et la proposition de faire comparaître l'ex président Jean-Claude Duvalier devant la justice du pays.

MME GISELE FERNÁNDEZ LUDLOW (Mexique) a demandé à l'expert indépendant quelles mesures pourraient être prises pour diversifier à la fois les donateurs et les entités bénéficiaires. Elle a aussi souhaité savoir de quelle manière on pourrait impliquer de manière plus efficace les pays et acteurs pertinents comme l'Organisation des États américains dans le processus de renforcement des capacités.

M. BAARD HJELDE (Norvège) a constaté que le tremblement de terre a été un choc considérable qui a fait reculer les progrès dans tous les secteurs de la vie haïtienne. Il a encouragé la fermeture des camps de réfugiés et la réinsertion de leurs occupants dans de bonnes conditions dans la société haïtienne. Se félicitant des évolutions positives, en particulier avec l'élection d'un nouveau président, le représentant norvégien a souligné la nécessité d'une approche inclusive dans la reconstruction fondée sur le développement et le respect des droits de l'homme de toutes les composantes de la société. Cette tâche, initiée par le Gouvernement sortant, doit être poursuivie et améliorée, avec l'assistance de la communauté internationale, a conclu le délégué de la Norvège.

M. ALFONSO MORALES (Équateur) a renouvelé l'engagement de son pays en faveur d'Haïti. L'Équateur appuie le travail de la MINUSTAH en participant à la reconstruction des infrastructures du pays. Le représentant a aussi salué l'engagement du Gouvernement haïtien. Il a demandé à l'expert indépendant de compiler les bonnes pratiques relevées dans le cas haïtien et appelé la communauté internationale à poursuivre son effort en faveur de la reconstruction du pays. Le respect des droits de l'homme doit être absolument lié au respect des droits économiques, sociaux et culturels.

M. RIDHA BOUABID (Organisation internationale de la Francophonie) a déclaré qu'un an après le séisme, son organisation a pu mener à son terme, le 31 décembre 2010, le programme quadripartite d'appui à la justice, financé par le Canada et l'Union européenne. Les activités de ce programme ont été redimensionnées pour tenir compte de la situation d'urgence qui prévalait après le 12 janvier et qui prévaut encore. D'autre part, l'OIF et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme ont soutenu l'envoi à Port-au-Prince d'une mission d'évaluation des besoins de l'Office de protection du citoyen d'Haïti. La francophonie a également apporté son appui aux médias locaux, en partenariat avec l'UNESCO, qui a permis l'édition et la diffusion de guides pratiques du journaliste en période électorale, et l'équipement en matériel de reportages les professionnels des médias.

Organisations non gouvernementales

MME JULIE GROMELLON (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a constaté que la réforme du système judiciaire entamée en 2007 n'était toujours pas effective. Elle a affirmé que la réforme de la police devrait être une autre priorité, faisant état d'exécutions sommaires. Sur le plan sanitaire, la situation est catastrophique, l'épidémie de choléra s'aggravant. La FIDH encourage le Conseil à soutenir le travail de l'expert indépendant et à renouveler son mandat.

MME BRECHTJE SOEPNEL (American Civil Liberties Union) a condamné la reprise par le Gouvernement américain des déportations vers Haïti en pleine crise humanitaire. Elle a souligné qu'il y a deux jours à peine, 26 personnes ont été déportées et un autre avion de déportés sera dépêché dans un proche avenir. La déléguée a exhorté le Conseil des droits de l'homme a invité instamment les États-Unis et tous les autres pays à suspendre immédiatement les procédures de déportation vers Haïti.

MME CAMILLE GALLIE (Vision Mondiale International) a souligné la nécessité de placer les enfants au centre des efforts de reconstruction. Son organisation œuvrant à la fois en Haïti et à Saint-Domingue, celle-ci a constaté, depuis le séisme, l'aggravation de la vulnérabilité des mineurs à l'exploitation sexuelle et par le travail. Comme disent les Haïtiens, «ti moun se moun», un enfant est une personne, a-t-elle rappelé.

Conclusions de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti

M. FORST a remercié le représentant d'Haïti et les délégués du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes d'avoir mis en relief la composante relative aux droits économiques et sociaux dans le cadre de son mandat. Il a souligné qu'il avait fait appel à d'autres titulaires de mandats pour se rendre avec lui à Haïti et ainsi améliorer l'efficacité des mesures et recommandations sur le terrain. Le tremblement de terre a aussi eu un impact sur le mandat même de l'expert indépendant, raison pour laquelle le rapport est centré sur les entretiens qu'il a eu avec la population, les victimes et leurs propositions. À l'instar du Brésil, il a reconnu que l'évolution de la situation politique constitue un nouvel élan. Son plus grand vœu serait maintenant que les recommandations soient mises en œuvre. À cet égard, il a constaté qu'après son entretien ave le nouveau président, il est convaincu que le pays sera doté des mécanismes nécessaires pour le respect des droits de l'homme. D'autres entretiens avec les conseillers du président Martelly, la nomination du Président de la cour de cassation et d'autres signes sur le terrain sont des pas positifs, a-t-il affirmé, en encourageant à une expertise plus pointue. La question de la reconstruction physique des bâtiments et des structures est une priorité pour montrer à la population qu'il faut traduire dans la réalité les droits sociaux et économiques de tous. Rappelant que beaucoup d'intervenants au débat ont évoqué la place de la société civile, il a signalé que celle-ci était très forte en Haïti et qu'elle gagnerait à être épaulée par les organisations internationales.

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* Organisations non gouvernementales dans le débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l'attention du Conseil: Cairo Institute for Human Rights Studies, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, Libération, Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud, France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale - Ocaproce International, Conseil indien d'Amérique du Sud, Action internationale pour la paix et le développement dans la région des Grands Lacs (AIPD), Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants, Congrès du monde islamique, Mouvement international contre toutes les formes de discrimination, Union de l'action féminine, Cobase - Associazione Tecnico Scientifica Di Base (au nom également de Gherush92 - Committee for Human Rights), United Nations Watch, Amnesty International, Presse Embleme Campagne et CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens.

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