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Communiqués de presse

L’ELARGISSEMENT DES MARCHES PAR LA COOPERATION REGIONALE, PRINCIPAL MOYEN POUR LES PMA DE FINANCER ET DE RENTABILISER LEURS INFRASTRUCTURES, OUTILS DE DEVELOPPEMENT

21 Mai 2001



Troisième Conférence des Nations Unies
sur les pays les moins avancés
21 mai 2001





Bruxelles, 19 mai 2001 -- Selon une étude de la Banque mondiale, il existe un lien de causalité entre l’infrastructure et la croissance économique. Ainsi, une augmentation de 1% de l’infrastructure entraîne une augmentation identique du Produit intérieur brut (PIB). Conformément à ce constat, le rôle crucial des infrastructures dans la création de ressources aux fins de la lutte contre la pauvreté et du développement durable a été souligné, ce matin, au cours d’une table ronde sur « le développement des infrastructures » organisée dans le cadre de la Troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés - PMA III -. Coprésidé par l’Assistant spécial du Ministre japonais des affaires étrangères, M. Kimio Fujita, et par le Secrétaire permanent du Ministère des finances du Bangladesh, M. Masihur Rahman, le débat a d’abord permis aux participants de relever les insuffisances en matière d’infrastructure dans les 49 PMA. Ainsi, il a été rappelé qu’à ce jour, deux milliards de personnes, dont la quasi-totalité des habitants des PMA, n’ont accès ni à l’eau potable ni à l’électricité et que dans le domaine des transports, l’Afrique subsaharienne, qui abrite 34 PMA, compte seulement 5 kilomètres de route par kilomètre carré contre 20 en Asie et sensiblement la même chose en Amérique latine.

Cette situation est apparue d’autant plus préoccupante que le manque d’infrastructure constitue un handicap lourd pour des économies fondées sur l’agriculture, comme c’est le cas pour la majeure partie des PMA. Un exemple a été donné selon lequel l’Afrique perd en moyenne 30% de production du fait de l’absence de moyen de conservation et d’entreposage des produits périssables. L’incapacité de réaliser les économies d’échelle nécessaires au développement de l’infrastructure reconnue, les participants au débat ont souligné le rôle de l’Aide publique au développement (APD) et de l’investissement direct étranger qui, comme il a été admis, est devenue la principale source de financement en la matière. Or, non seulement l’IED ne se répartit équitablement parmi les pays en développement mais il se dirige, de préférence, vers les secteurs les plus porteurs comme les télécommunications et l’énergie. De plus, comme il a été expliqué, les investisseurs privés exigent des garanties et des approvisionnements à long terme en intrants; contraignant les gouvernements à assumer tous les risques financiers.

Compte tenu de ce qui précède, les participants au débat se sont penchés sur les moyens d’impliquer davantage les capitaux privés dans le développement des infrastructures tout en diminuant les risques financiers que cela suppose. Le renforcement de la coopération régionale a été parmi les réponses proposées compte tenu de l’attrait qu’ont pour les investisseurs les marchés élargis. Du point de vue du gouvernement hôte, les avantages sont bien réels puisque, par la baisse des coûts des transactions ou la circulation des biens et des personnes qu’elle entraîne, cette forme de coopération entraîne une croissance économique qui permet de faire face aux risques. A cet égard, comme l’ont souligné certains intervenants, le potentiel risque peut être diminué par le choix de projets d’infrastructure « sains et raisonnable », à savoir conforme aux besoins réels des pays. En la matière, une approche fondée sur la demande a été recommandée. C’est dans ce contexte qu’a été mentionné le plan d’autoroutes transafricaines mis au point par la Banque africaine de développement (BAD).

Ont participé à la table ronde, Mme Nemat Shafik, Vice-Présidente du développement de l’infrastructure et du secteur privé à la Banque mondiale et MM. Jean-Pierre Verbiest, Directeur de la Division de la planification stratégique et de la coordination des politiques de la Banque asiatique de développement, Samuel Nnama, Directeur de la Division de l’appui aux opérations de la Banque africaine de développement (BAD) et Hamadou Touré, Directeur du Bureau de développement des télécommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT).

Une table ronde sur le transport et le développement sera organisée cet après-midi à 15 heures.

Développement des infrastructures

Déclarations liminaires

M. MASIHUR RAHMAN, Secrétaire permanent du Ministère des finances du Bangladesh, a déclaré que la résolution des questions liées aux infrastructures est cruciale pour le développement des PMA. Les structures d’approvisionnement en eau, en gaz ou en électricité doivent être considérées comme des infrastructures essentielles à l’activité économique. La Banque asiatique de développement a fait des études sur les besoins des pays de sa région sur cette question. Il s’avère que les investissements dont ont besoin la plupart de ces pays pour s’équiper sont nettement au-dessus de leurs moyens. Routes, eau potable et téléphone sont des domaines dans lesquels on aurait pu voir plus d’implication du secteur privé. Mais celui-ci ne s’intéresse en ce moment qu’au téléphone, qui est un secteur rapidement rentable. Cela est anormal. L’eau et les routes, et l’électricité, qui sont des biens sociaux, sont négligés. Est-ce parce que ces secteurs nécessitent des investissements plus lourds et un engagement à long terme ? Ou est-ce parce que le recouvrement de leur coût ne peut se faire qu’en monnaie locale ? Il faudrait trouver des réponses à ces questions. L’agriculture est le secteur qui bénéficie le plus des routes et de l’intégration des marchés. Etant essentiellement construites pour désenclaver les régions rurales, les routes sont importantes pour sortir les populations de ces zones de la pauvreté, et elles devraient devenir prioritaires. L’aide au développement des infrastructures a tari depuis un certain nombre d’années.

Concernant l’investissement étranger direct (IED) dans le domaine des infrastructures, la plupart des investisseurs privés demandent des garanties aux gouvernements et exigent des approvisionnements à long terme en intrants. Ils exigent que ce soient les gouvernements qui assument tous les risques financiers liés à l’infusion de capitaux frais dans l’économie du pays concerné. Cette attitude va à l’encontre de la notion de prise de risque attachée à toute décision d’affaires et d’investissement. La conséquence de ces conditionnalités est un endettement des gouvernements quand les projets concernés ne sont pas rentables ou le sont moins que prévu.

Concernant les conditionnalités liées aux réformes structurelles touchant les infrastructures au Bangladesh, la société nationale de chemin de fer a décidé de confier certaines des activités liées à sa mission à des sous-traitants extérieurs. Les responsables ont loué au secteur privé certains tronçons de voies ferrées et ont fermé certaines dessertes. La fermeture des voies était d’abord le résultat d’une mesure fiscale imposée, mais les donateurs ont ignoré les besoins des populations et le bien public. Une fois privatisées, ces voies sont ensuite devenues rentables à cause de l’augmentation normale du trafic. Malgré les réformes menées par le Bangladesh, le manque de ressources et d’appui international empêche notre pays de s’équiper en infrastructures dont il a pourtant besoin.

M. KIMIO FUJITA, Assistant spécial du Ministre japonais des affaires étrangères, a souligné que rares sont ceux qui se souviennent qu’après la deuxième guerre mondiale, le Japon était devenu l’un des pays les plus pauvres au monde. Ce n’est que par l’aide humanitaire des Etats-Unis, des institutions des Nations Unies, et de certaines ONG que le Japon s’en est sorti. De 1946 à 1951, a dit le représentant, le Japon et l’Allemagne ont été les grands destinataires de l’aide humanitaire. En 1952, avec son entrée à la Banque mondiale, le Japon a pu commencer la reconstruction de son infrastructure.

Partant, la stratégie fondamentale du Japon en tant que donateur se fonde sur son expérience de pays bénéficiaire. Ainsi, a expliqué le représentant, aux pays d’Asie de l’Est, le Japon a fourni de l’assistance publique directe pour le transfert de technologies fondamentales. L’investissement privé a suivi ensuite pour construire les capacités industrielles. La philosophie sous-jacente de cette coopération est que l’infrastructure est le fondement même de la croissance économique, instrument de la lutte contre la pauvreté. En effet, l’étude de la Banque mondiale montre qu’1% d’augmentation dans l’infrastructure correspond à 1% d’augmentation du PIB. Ce lien vaut pour tous les secteurs d’infrastructure, surtout pour le secteur des transports.

Le secteur des transports joue, en effet, a expliqué le représentant, un rôle essentiel dans l’accélération des échanges commerciaux et par conséquent, de la croissance économique. Les flux de capitaux privés vers ce secteur ont augmenté plus de 8 fois, atteignant 120 milliards de dollars en 1997. Après la crise financière de 1997, ces flux ont diminué de moitié de 1997 à 1999. Si pendant une décennie, les investissements privés aux infrastructures se sont situés aux environs de 500 milliards de dollars, force est de constater qu’ils se sont concentrés dans des pays à revenu intermédiaire et dans deux grands secteurs, ceux des télécommunications et de l’énergie.

Mais, il ne faut pas nier pour autant que l’investissement étranger direct représente aujourd’hui une source importante de financement des infrastructures pour les PMA. Pour les attirer, ces PMA doivent modifier leur marché et faciliter la participation du secteur privé. Tentant d’illustrer le rôle des infrastructures dans la poursuite de politiques de développement plus vaste, l’orateur a évoqué un projet sous-régional en Indonésie qui a permis le développement des ressources humaines. Pour lui, il est essentiel, pour assurer leur succès, que les projets de développement industriel correspondent aux besoins réels des populations locales et que celles-ci soient associées aux différents stades de développement.

Les projets doivent être sains et leur taille raisonnable. Il s’agit d’un secteur où il est essentiel de respecter les besoins des bénéficiaires et en l’occurrence, l’approche de la demande est la seule valable, a conclu le représentant en soulignant aussi l’importance de la coopération régionale pour la réduction des coûts.

Mme NEMAT SHAFIK, Vice-Présidente du développement de l’infrastructure et du secteur privé à la Banque mondiale, a fait remarquer qu’en arabe le mot « infrastructure » contient la notion de « fondement ». Les infrastructures sont la base de la lutte contre la pauvreté, a estimé Mme Shafik. Que ce soit les routes ou le téléphone, on a observé ces dernières années que les pauvres de certains pays se servaient de plus en plus efficacement des moyens mis à leur disposition. Malheureusement l’eau et l’électricité, outils essentiels de développement, sont encore des denrées rares et inaccessibles aux habitants des zones rurales. Les plus grands progrès de mise en place d’infrastructures sont observés dans les secteurs énergétiques et des télécommunications, qui sont rentables sur des délais plus courts. En 1997, les montants des flux d’IED étaient plus importants que ceux des flux d’APD, mais se dirigeaient essentiellement vers une petite poignée de pays émergents, les PMA n’en recevant qu’une portion congrue. Il y a donc un problème aigu de financements. La Banque mondiale consacre un tiers de ses montants et activités de prêts aux pays en développement aux pays les moins avancés et ces sommes, bien qu’en hausse, restent nettement insuffisantes par rapport aux besoins de ces pays et notamment des PMA. Le nouveau paradigme de développement qui a dominé les années 90, et qui s’appuyait essentiellement sur une exploitation de l’explosion technologique qui a permis la naissance de l’industrie des technologies de l’information et de la communication (TIC), a permis des investissements dans les télécommunications d’un certain nombre de pays en développement, qui ont ainsi pu attirer l’IED. Mais dans leur majorité, les PMA ont été exclus de ces opportunités.

Deux milliards de personnes continuent de n’avoir aucun accès à l’eau potable et à l’électricité, et presque la totalité des habitants des PMA sont dans cette situation. La question de l’entretien des investissements se pose cruellement dans les pays d’Afrique, où les routes construites il y a 10 ou 20 ans sont aujourd’hui dans un état déplorable. Il faudrait trouver les moyens d’accroître les flux financiers destinés aux infrastructures en direction des PMA. Les entreprises locales doivent participer aux projets d’infrastructure. Des mécanismes innovateurs doivent être étudiés pour attirer les flux financiers extérieurs. Aujourd’hui par exemple, tous les projets de la Banque mondiale dans le domaine de l’eau en Afrique mettent à participation le secteur privé. Nous avons montré qu’il est donc possible d’intéresser les investisseurs et entrepreneurs privés par des mesures d’incitation et de participation. Les ménages les plus pauvres des PMA ont besoin de recevoir des subventions ou d’autres mesures préférentielles pour recevoir l’eau et l’électricité. Au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, les sociétés nationales d’eau et d’électricité accordent ainsi une subvention aux habitants des zones défavorisées sous forme de raccordement gratuit de leurs foyers.

La construction de réseaux de distribution régionaux et sous-régionaux permettrait de réduire les coûts et d’élargir les marchés et donc d’amortir plus rapidement les investissements lourds requis. Beaucoup de maladies sont dues à des facteurs liés à l’environnement. La construction d’infrastructures permettrait de réduire la fréquence de certaines maladies et grandes endémies. La Banque mondiale travaille sur ces questions avec les pays où elle intervient dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.

M. JEAN-PIERRE VERBIEST, Directeur de la Division de la planification stratégique et de la coordination des politiques de la Banque asiatique de développement, a souhaité expliquer le rôle de la coopération régionale dans le développement de l’infrastructure dans les PMA. En Asie, a-t-il dit, de nombreux pays sont dans l’incapacité de réaliser les économies d’échelle nécessaires à leur développement. Partant, la nécessité de travailler dans un cadre plus large de coopération régionale s’est imposée à eux. Les avantages de cette coopération sont qu’elle contribue à la relance la croissance par l’élargissement des marchés, la baisse des coûts des transactions, la circulation des biens et des personnes, l’augmentation des investissements, un accès élargi des communautés rurales aux centres de croissance.

M. Verbiest a illustré ces propos en invoquant le projet du bassin du Mekong que la Banque asiatique a développé contribuant au processus de transition d’une économie de subsistance à une économie plus diversifiée, au passage d’une économie dirigée à une économie plus ouverte, à la consolidation des conditions de paix et de stabilité, ainsi qu’à attirer des investisseurs. Le projet, a-t-il dit, a permis des progrès considérables dans les domaines du transport et de l’énergie grâce notamment à la construction de réseaux routiers intégrés et d’une centrale hydroélectrique au Lao. Ce dernier projet a été le fruit d’un cofinancement de plusieurs pays de la région. Ayant coûté 240 millions de dollars, le projet rapporte, au Lao, deux ans après avoir été terminé, un bénéficie net de 18 millions de dollars. Ce projet n’aurait pas été possible sans la coopération régionale, a insisté le représentant de la Banque asiatique.

Il a poursuivi en indiquant qu’aujourd’hui, la Banque travaille dans le domaine de l’énergie pour relier les réseaux entre les pays ainsi que dans le secteur des télécommunications. Avant de conclure, il a invité les PMA à envisager la question de l’infrastructure sous l’angle de la coopération régionale qui offre une variété de modalités de financement.

M. SAMUEL NNAMA, Directeur de la Division de l’appui aux opérations de la Banque africaine de développement (BAD), a déclaré qu’un secrétariat conjoint créé par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et la BAD, s’occupe de la conception de la stratégie de transport de la future communauté économique africaine. La majorité de la population africaine dépend de l’agriculture, et la plus grande partie des investissements devrait se faire au profit cette activité en vue de la soutenir et favoriser son développement. L’Afrique subsaharienne compte seulement 5 kilomètres de route par kilomètre carré de territoire, contre 20 en Asie et sensiblement la même chose en Amérique latine. Le continent est donc sous-équipé. C’est pourquoi la BAD a mis à l’étude un plan d’autoroutes transafricaines, qui pourraient relier l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique du Nord, et l’Afrique centrale à celle de l’Est et au sou-continent austral. Les pays africains producteurs de denrées agricoles sont lourdement handicapés par le manque de voies et de moyens de communication. Les agriculteurs africains tireraient bénéfice d’un réseau d’autoroutes qui contribuerait à la création de larges marchés régionaux évoluant vers un marché continental et leur permettraient de commercialiser leurs produits. En ce moment en Afrique, les agriculteurs perdent en moyenne 30% de leur production du fait de l’absence de moyen de conservation et d’entreposage des produits périssables. Le financement des routes transafricaines a d’abord été assuré par les budgets des pays africains eux-mêmes, mais il s’est rapidement avéré que ces pays et notamment les PMA ne pouvaient plus à la fois assurer le service de leur dette extérieure et assurer ces investissements. Les projets de routes transafricaines ont donc été gelés au cours de la décennie 1990, et les chaînons manquants de ces projets ne pourront être complétés qu’avec la participation des donateurs et des partenaires de développement.

M. RUBENS RICUPERO, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et Secrétaire général de PMA III, a souligné l’importance de la concurrence en matière d’infrastructure, ajoutant que la privatisation n’entraîne pas automatiquement la concurrence. Au Brésil par exemple, les ports sont privatisés mais les diverses activités sont restées aux mains de cartels. Ainsi à Sao Paolo, port comparable au port d’Anvers, le déplacement d’une même quantité de marchandises coûtent 25 dollars au lieu de 20 à Anvers. Lorsque l’on envisage la privatisation, il faut garder à l’esprit la nécessité de renforcer les agences réglementaires pour assurer la concurrence. Sans un environnement concurrentiel propre, les choses peuvent empirer, a insisté M. Ricupero.

La mondialisation et la révolution technologique, a-t-il poursuivi, sont souvent présentées comme un processus qui a entraîné la réduction du temps et l’espace. Mais les distances physiques demeurent et le secteur des transports aériens et maritimes n’a pas vraiment été libéralisé. Même aujourd’hui, aucun espoir n’existe au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’inclure le transport maritime dans les négociations sur les services. Ce n’est le fait des pays en développement mais des pays développés qui s’opposent même à l’évocation du concept « libéralisation du transport maritime », a conclu M. Ricupero.

Pour sa part, M. HAMADOUN TOURE, Directeur du Bureau du développement des télécommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT), a indiqué que la dernière Conférence de l’UIT a établi une carte d’objectifs, intitulé « Programme d’action de la Valette » qui contient un programme à l’intention des PMA. Ce dernier prévoit une aide plus concentrée dans la réforme du secteur des télécommunications; dans l’introduction de nouvelles technologies de l’information et des communications; le développement des télécommunications en milieu rural; la recherche et le développement humain ; et enfin, dans le financement, le tarif et le partenariat avec le secteur privé. L’organe suprême de l’UIT, la Conférence plénipotentiaire, a reconnu les différences entre les PMA. Partant, des programmes spéciaux ont été conçus pour des pays marqués par des besoins particuliers comme le Rwanda ou la Bosnie.

Revenant au « Programme de la Valette », M. Touré a affirmé qu’il a permis à 10 PMA de réaliser une meilleure télédensité que certains pays non PMA. Toutefois, a-t-il convenu, cette croissance ne doit pas cacher les besoins croissants de ces pays en développement. Il a donc insisté pour dire qu’en ce qui concerne le milieu rural, la technologie existe à des prix abordables. L’UIT, a-t-il déclaré, est disposée à apporter son aide pour faire des télécommunications un instrument de lutte contre la pauvreté. A cet égard, il a souligné le rôle de la coopération internationale tout en affirmant que la solution ne viendra pas exclusivement de dons mais surtout d’un partenariat fiable et durable. Par-là, il a dit entendre un partenariat choisi librement par le jeu de la concurrence. Dans les PMA, a-t-il insisté, le problème n’est plus la corruption mais le manque de concurrence.

Débat interactif

Prenant la parole après la série de déclarations et d’exposés liminaires, le représentant de l’Allemagne a dit que son pays avait récemment organisé à Bonn, avec le concours de la CNUCED, un dialogue de haut niveau sur les questions de développement, les infrastructures et les financements. Cette rencontre avait pour but d’encourager la participation du secteur privé au développement des PMA et de faire le point sur le rôle que ce secteur peut jouer dans le développement en général. Il faut éviter que les monopoles qui autrefois étaient aux mains des secteurs publics ne deviennent des monopoles privés après les opérations de privatisation. Les autorités publiques devraient essentiellement s’assurer que des conditions sont réunies pour assurer un taux de rendement aux IED. Des marchés de capitaux locaux devraient être développés pour appuyer les projets d’infrastructures, et les pays ne devraient pas dans ce domaine faire de fixation sur l’IED.

Le représentant d’Haïti a dit que son pays avait prévu d’investir 8,4 milliards de dollars dans la construction d’infrastructures au cours de la prochaine décennie sur des prévisions d’investissements totaux de 14 milliards de dollars. Haïti est d’accord que les infrastructures sont indispensables au développement et à la lutte contre la pauvreté. Il est d’autre part anormal que les riches continuent de payer l’eau potable moins cher que les pauvres. L’épargne nationale est cependant si faible qu’Haïti n’aura jamais les moyens de financer elle-même ses infrastructures. Toutes les mesures qui ont été aujourd’hui préconisées en matière de libéralisation ne suffiront pas à susciter l’arrivée de flux d’IED en Haïti et dans les pays politiquement instables, a estimé l’orateur qui a constaté que même les télécommunications n’ont pas attiré l’IED en Haïti. Haïti a de plus été mise sous embargo par la communauté internationale à la suite des résultats contestés d’un scrutin électoral, et à ce jour l’aide étrangère ne lui parvient toujours pas du fait de la situation politique. Pour un PMA dépourvu d’infrastructures, il est difficile d’accepter les thèses économiques actuelles, et Haïti aimerait recevoir des conseils réalistes sur le financement des infrastructures indispensables à son développement. Le représentant de la Mauritanie a dit que le secteur des télécommunications avait fait l’objet de mesures spéciales du gouvernement de son pays. La mutation technologique est cependant si rapide que les réformes menées dans ce secteur dans les PMA ont du mal à la suivre ou la rattraper. Le Gouvernement mauritanien s’est quand même efforcé de créer un cadre réglementaire transparent favorable au développement de ce secteur, dont l’effet positif sur les activités commerciales est indéniable.

Poursuivant le débat, le représentant de l’Ethiopie, évoquant le faible niveau des infrastructures qui caractérise son pays, a souligné qu’en 1990, les investissements en particulier dans les zones rurales, en la matière ont représenté 0,7% à 2% du PIB, en particulier dans les zones rurales. Il a attiré l’attention sur le manque d’appui financier qui a empêché son Gouvernement de concrétiser les projets relatifs aux bassins hydrographiques. L’IED ne viendra dans les PMA que si ces derniers diminuent les risques dans les échanges commerciaux, prennent en charge des coûts et promeuvent l’élargissement des marchés, a estimé, pour sa part, le représentant du Rwanda. Vu la difficulté en la matière, il a souligné l’avantage comparatif de la Banque mondiale, de la BAD ou de l’Union européenne. Ces institutions doivent mettre davantage l’accent sur les infrastructures.

Pour le représentant du Forum des ONG, le développement des infrastructures va bien au-delà de grands travaux car il s’agit de mettre en place des services sociaux de base dont l’accès participe des droits de l’homme. Il a, en conséquence, dénoncé « l’approche coloniale » en matière de développement des infrastructures qui fait fi des conséquences sociales et écologiques. Jusqu’ici, le développement des infrastructures a été incompatible avec l’évolution démographique. Partant, le représentant a voulu une étude de faisabilité et de durabilité, la création de réseaux régionaux, une collecte de données et un appui international véritable pour la diffusion de propositions.

Il a souhaité que les négociations en cours à l’OMC donnent lieu à la création de mécanismes qui assurent la transparence et la participation « des petits acteurs des PMA ». Avant de céder la parole, le représentant a regretté que le représentant de la BAD n’ait présenté que des « grands de projets réseaux ». Pour parler d’un réseau qui relierait une côte à l’autre, du continent africain alors que dans un même pays les populations rencontrent des difficultés à se déplacer d’une ville à l’autre? s’est-il interrogé en demandant aussi quel est, selon la BAD, l’impact des conflits dans le développement des infrastructures.

Le représentant du Bénin a demandé si la réalisation de projets d’infrastructures et notamment des voies de transport devait absolument être soumise à des critères de taux de rentabilité. Cette exigence a toujours été posée par les institutions financières internationales. La démarche inverse devrait plutôt être adoptée, a estimé le représentant, car ce sont les routes qui génèrent les activités de développement et non le contraire. Le représentant de l’Arabie saoudite a dit que la Banque mondiale et les autres institutions doivent financer de bons projets. En Afrique, il est essentiel pour les pays enclavés de s’impliquer dans des projets régionaux. Quarante-trois pays en développement ont bénéficié de l’aide saoudienne en matière de transport, d’agriculture, et d’infrastructures sociales.

L’adduction d’eau dans mon pays a bénéficié du soutien de l’UNICEF, ce qui a permis de réduire la mortalité infantile et d’accroître la productivité des travailleurs, a dit le représentant du Bangladesh. Mais depuis quelques années, on a découvert que les techniques employées avaient causé des empoisonnements à l’arsenic. Chaque projet doit comprendre des mesures de suivi au cas où les techniques employées auraient des effets secondaires. Le représentant du Soudan a rappelé que son pays, en matière de télécommunications, était dans la même situation qu’Haïti. Malgré le bon état de son secteur des télécommunications, le Soudan n’a pas réussi à attirer d’investissements et concernant l’eau, le gouvernement continue d’être le seul promoteur des installations nécessaires à la distribution de ce produit vital. Quant à la question de la construction de routes transafricaines, a estimé le représentant, elle se heurte aux multiples conflits qui affectent le continent africain et qui sont souvent le résultat de problèmes hérités de la colonisation.

Intervenant à son tour, le représentant de la Sierra Leone a dit que les infrastructures sont la principale cible des conflits. L’une des premières mesures à prendre dans le cadre des programmes de reconstruction après-conflit, devrait être la réhabilitation des infrastructures, a-t-il estimé. La représentante de l’ONG « Coalition pour le statut des femmes » de Genève a dit que les femmes constituent les deux tiers de la population pauvre. Elles assurent les corvées d’eau, de bois, ou de labour et elles souffrent de maladies dues à ces activités pénibles. Ce n’est pas d’autoroutes ou de grands barrages dont elles ont besoin, mais de microfinancements, a-t-elle dit. Le représentant de l’ONG « Information Transfert and Human Technology » a dit que l’Organisation internationale du Travail (OIT) a un bureau à Nairobi qui pourrait, sous forme de CD-rom, distribuer les informations sur la construction de routes et d’infrastructures dont de nombreux pays ont besoin. Les décideurs politiques et leaders de communautés locales devraient eux-mêmes se former à ces questions. Le représentant du Bangladesh a de nouveau pris la parole pour dire qu’il est évident que le bas niveau des investissements sont une des causes du manque d’infrastructures.

Remarques de clôture

M. RAHMAN a pris la parole pour tirer des conclusions du débat. Problèmes de gouvernance, de financement, de maîtrise des technologies, de conception au niveau régional pour maximiser la rentabilité des infrastructures sont les principaux handicaps des PMA, a-t-il résumé. L’augmentation des ressources d’investissements et l’aide à la construction sont nécessaires. La promotion de petites technologies pourrait permettre de sortir les habitants des régions rurales, et notamment les femmes, de leur isolement. Les zones sortant de conflit ont besoin de programmes de reconstruction ou de réhabilitation des infrastructures. Concernant l’investissement, les PMA ont besoin de plus d’IED, non pas comme substitut à l’APD, mais comme supplément. De plus, l’IED doit aussi être mieux répartie entre les PMA.

Prenant la parole après lui, M. FUJITA a dit que la table ronde avait permis de faire le tour de toutes les questions qui se posent à la promotion des infrastructures. L’une des principales conclusions a trait aux problèmes de financement. Si les télécommunications attirent facilement l’IED, l’épargne nationale doit être mieux mobilisée en faveur des autres secteurs, les investissements étrangers ne devant pas être considérés comme la première ressource d’investissement dans la promotion de l’approvisionnement en eau ou en électricité.




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