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Communiqués de presse

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE LA TANZANIE

01 Juin 2001



CRC
27ème session
1er juin 2001
Matin





La ministre chargée de l'enfance mentionne les obstacles rencontrés
tels que le poids de la dette extérieure, la pauvreté et le sida


Le Comité des droits de l'enfant a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la République-unie de Tanzanie sur les mesures prises par ce pays pour s'acquitter de ses obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Mme Asha-Rose Migiro, Ministre du développement communautaire, des questions féminines et de l'enfance de la Tanzanie, a présenté le rapport de son pays, rappelant notamment que son gouvernement a lancé un programme de développement du secteur éducatif qui met notamment l'accent sur l'accès à l'éducation. Le gouvernement a par ailleurs mis en place le programme d'enseignement de base complémentaire pour remédier au problème des abandons scolaires au primaire. La ministre a déclaré qu'en dépit de nombreuses mesures adoptées et de certains progrès, la mise en œuvre de la Convention en Tanzanie s'est heurtée à une série d'obstacles tels que le poids de la dette extérieure, la pauvreté et le VIH/sida.

La délégation tanzanienne est également composée de représentants du Ministère du développement communautaire, des questions féminines et de l'enfance ainsi que de la Mission permanente de la Tanzanie auprès des Nations Unies à Genève. La délégation a fourni aux experts des compléments d'informations en ce qui concerne, notamment, la place de la Convention et du droit coutumier dans le droit interne; la Commission nationale des droits de l'homme; le budget de l'éducation; la définition de l'enfant, notamment du point de vue de l'âge minimum de la responsabilité pénale et de l'âge légal du mariage.

Le Comité achèvera cet après-midi, à partir de 15 heures, le dialogue avec la délégation de la Tanzanie.

Présentation du rapport de la République-unie de Tanzanie

Présentant le rapport de son pays, MME ASHA-ROSE MIGIRO, Ministre du développement communautaire, des questions féminines et de l'enfance de la Tanzanie, a souligné qu'avant même que son pays ne ratifie la Convention en 1991, il existait en Tanzanie une situation propice à la mise en œuvre des dispositions de cet instrument puisque, pour ne parler que du secteur éducatif, le gouvernement avait mis en place dès 1977 un programme d'enseignement primaire universel qui obligeait les enfants âgés de plus de sept ans à suivre l'école primaire. Au début des années 1990, deux ministères ont été créés pour superviser, notamment, toutes les questions intéressant l'enfance. Il s'agit du Ministère du développement communautaire, des questions féminines et de l'enfance, pour la partie continentale de la Tanzanie, et d'un Ministère d'État chargé des mêmes questions pour Zanzibar. Ce dernier est actuellement un organe détaché du cabinet du Président de Zanzibar et traite des questions relatives à l'emploi, à la jeunesse, aux femmes et au développement des enfants. Le retour au pluralisme politique en 1993 a fourni une autre occasion de donner corps à plusieurs principes démocratiques et des droits de l'homme, y compris bien entendu des droits de l'enfant. En 1996, le gouvernement a mis en place la politique de développement de l'enfant qui définit des priorités et oriente l'action dans ce domaine.

Depuis qu'elle a ratifié la Convention, la Tanzanie a pris un certain nombre de mesures pour s'acquitter de ses obligations, a déclaré Mme Migiro. Ainsi, dans le domaine de l'éducation, le gouvernement a lancé un programme de développement du secteur éducatif dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de formation et d'éducation de 1995 qui met notamment l'accent sur l'accès à l'éducation et l'équité en la matière. Le gouvernement a par ailleurs mis en place le programme d'enseignement de base complémentaire afin de remédier au problème des abandons scolaires au primaire, qui concerne surtout les fillettes. Afin de promouvoir encore davantage l'accès à l'éducation, le gouvernement envisage actuellement la possibilité d'abolir les frais d'inscription scolaire et autres types de frais au niveau de l'enseignement primaire.

Dans le secteur de la santé, a poursuivi la ministre, des réformes majeures sont en voie de réalisation afin, notamment, d'habiliter les communautés à élaborer des plans de santé au niveau des districts afin de répondre aux besoins de santé de chaque communauté.

Dans le domaine juridique, le Gouvernement tanzanien a pris un certain nombre de mesures afin d'amender progressivement la législation du pays de façon à ce qu'elle soit conforme aux dispositions de la Convention lorsque tel n'était pas encore le cas. Ainsi, l'adoption en 1998 de la Loi sur les délits sexuels (dispositions spéciales) a permis d'amender plusieurs lois ayant trait aux droits, à la dignité et à l'intégrité des femmes et des enfants. Parmi les principaux changements introduits, la ministre a mentionné une définition plus claire du viol; l'interdiction des mutilations génitales féminines; et la définition d'un plus grand nombre d'actes et omissions constitutifs d'abus (sexuels ou autres) à l'encontre d'un enfant. Par ailleurs, le gouvernement est en train de travailler sur le rapport de la Commission de réforme de la loi nationale qui traite notamment de la nécessité d'harmoniser la définition de l'enfant dans les différents textes de lois puisque selon le texte législatif que l'on considère, l'enfant est défini comme une personne ayant tantôt moins de 12 ans, tantôt moins de 18 ans.

Le Gouvernement tanzanien a mis en place une Commission des droits de l'homme et de la bonne gouvernance, a rappelé Mme Migiro. Elle a souligné que, soucieux d'améliorer le niveau de vie de sa population, le gouvernement a adopté une «Vision pour le développement économique et social du pays à l'horizon 2025». Le gouvernement a également adopté un programme stratégique de réduction de la pauvreté, a précisé la ministre. En dépit de ces mesures et progrès divers, la mise en œuvre de la Convention en Tanzanie s'est heurtée à une série d'obstacles tels que le poids de la dette extérieure, la pauvreté et le VIH/sida - pour n'en citer que quelques-uns. Le gouvernement n'en est pas moins persuadé que grâce aux réformes en cours et à la volonté politique qui l'anime ainsi que grâce au soutien des ONG, des partenaires du développement et de la communauté internationale, la Convention pourra à long terme être appliquée dans son intégralité en Tanzanie.


Le rapport initial de la République-unie de Tanzanie (CRC/C/8/Add.14/Rev.1) souligne que sur 31 millions d'habitants en 1997, le pays comptait 16 millions d'enfants de moins de 18 ans. Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans était en 1997 de 137 pour mille naissances vivantes. En 1995, 14% des enfants souffraient d'une insuffisance pondérale à la naissance et 43,4% des enfants de moins de cinq ans souffraient d'un retard de croissance modéré ou grave. Le rapport rappelle que la Tanzanie fait partie des pays les plus pauvres du monde et que c'est principalement la charge de la dette qui compromet l'équilibre économique du pays. Près de la moitié des 16 millions d'enfants tanzaniens ne sont pas scolarisés et ne bénéficient par ailleurs d'aucune préparation à la vie quotidienne ou à l'emploi. Beaucoup d'enfants vivent dans la rue et de nombreuses fillettes deviennent mères alors qu'elles-mêmes ne sont encore que des enfants. Le rapport précise qu'il existe au moins neuf catégories d'enfants exigeant des mesures de protection spéciale: enfants vivant dans la rue, enfants professionnels du sexe; enfants victimes de violence et de négligence; enfants employés comme domestiques; enfants orphelins; enfants handicapés; enfants placés dans des institutions; enfants réfugiés et enfants victimes de mariages et de grossesses précoces. Plus d'un million de Tanzaniens sont séropositifs dont environ 65 000 nouveau-nés, poursuit le rapport. On estime à 430 000 les cas de sida dans le pays et à 800 000 le nombre d'enfants touchés par cette maladie. En 1994, on estimait à 250 000 le nombre d'enfants dont les parents étaient décédés du sida, et ce nombre pourrait avoir doublé aujourd'hui, indique le rapport daté d'octobre 1999.

Le premier tribunal pour mineurs a été créé en 1997 et il est prévu de doter chaque région d'un de ces tribunaux. La situation difficile que connaît le pays a entraîné une réduction considérable des crédits budgétaires alloués aux programmes en faveur de l'enfance. Ainsi, la part du budget de l'État consacrée à l'éducation, qui était de 13,3% en 1982-83, est tombée à 2,5% en 1995-96. En ce qui concerne la définition de l'enfant, le rapport indique qu'aux termes du Code pénal, un enfant de 7 ans n'est pas pénalement responsable. Toutefois, un enfant de 7 à 14 ans peut être présumé, sauf preuve contraire, capable de savoir que ce qu'il a fait, ou omis de faire, constitue une faute et peut être considéré comme pénalement responsable. En dessous de 14 ans, un enfant ne peut être condamné à une peine de prison et, de 14 à 16 ans, il ne peut être emprisonné qu'à défaut de toute autre solution adéquate. L'ordonnance relative à l'emploi interdit l'admission à l'emploi d'enfants apparemment âgés de moins de 12 ans. En ce qui concerne le mariage, le droit islamique autorise apparemment le mariage dès la puberté et admet également, semble-t-il, la possibilité pour les fillettes d'être mariées avant la puberté et sans leur consentement (la fillette ainsi mariée a la possibilité de répudier le mariage lorsqu'elle devient adulte). En vertu de la loi sur l'éducation de 1978, l'enseignement primaire est obligatoire de 7 à 13 ans.

À Zanzibar, précise par ailleurs le rapport, la loi punit les enfants qui vivent et travaillent dans la rue plutôt qu'elle ne les protège. Il est préoccupant qu'en vertu du Code pénal, ils puissent être arrêtés pour vagabondage et atteinte à l'ordre public. En principe, poursuit le rapport, les enfants des deux sexes ont accès à des conditions d'égalité à l'éducation, à la santé, au sport et autres services. Cependant, les filles sont victimes de plusieurs pratiques et préjugés sociaux et culturels qui les empêchent de progresser dans les domaines économique et social. Le rapport souligne que les châtiments corporels sont encore prévus par la loi et peuvent être infligés aux enfants et jeunes délinquants à titre de punition. Dans les écoles, le recours aux châtiments corporels est officiellement strictement contrôlé. Bien que l'ordonnance sur l'emploi interdise l'emploi d'enfants de moins de 12 ans, cette interdiction n'est pas scrupuleusement respectée par méconnaissance des droits juridiques qu'elle confère aux enfants, tant de la part des enfants que des employeurs et des autorités chargées de l'application de la loi.


Examen du rapport de la Tanzanie

Un membre du Comité a souligné que la Tanzanie fait face à une situation économique difficile en raison, notamment, du poids du service de la dette extérieure. Cet expert a par ailleurs relevé un problème de gestion de l'administration, notamment du point de vue des ressources humaines. Il semble en effet que la qualité du personnel soulève un réel problème, a noté cet expert.

Interrogée sur la place de la Convention et du droit coutumier dans le droit interne tanzanien, la délégation a assuré que le droit coutumier sera considéré comme nul et non avenu en cas de contradiction avec la Convention relative aux droits de l'enfant - laquelle n'a par ailleurs toujours pas été ratifiée par le Parlement tanzanien.

En ce qui concerne Zanzibar, la délégation a rappelé que la République-unie de Tanzanie est née en 1964 d'une Union entre le Tanganyika et Zanzibar. Depuis, certaines questions sont réglées dans le cadre de l'Union alors que d'autres relèvent directement de chaque entité. En particulier, les questions intéressant la femme et l'enfant ne relèvent pas de l'Union et c'est pourquoi deux ministères distincts s'occupent de ces questions dans le pays.

La Commission nationale des droits de l'homme de Tanzanie a été créée en avril dernier et ses membres n'ont pas encore été nommés à ce jour, a par ailleurs précisé la délégation. Un comité spécial, également chargé d'établir le règlement intérieur de cette commission, devrait prochainement proposer les candidatures aux postes de commissaires de ce nouvel organe.

La délégation a indiqué que le budget de l'éducation était de 11,7% du budget total du pays en 1980-81 et représente actuellement près de 24% du budget national.

En ce qui concerne la définition de l'enfant, la délégation a notamment indiqué qu'avant 1998, le Code pénal fixait à 12 ans l'âge minimum de la responsabilité pénale. Après qu'un amendement à la loi eût été adopté en 1998, l'âge minimum de la responsabilité pénale a été abaissé à 10 ans. Actuellement, une personne de moins de dix ans ne peut donc être considérée comme pénalement responsable de tout acte qu'elle aurait commis. La délégation a déclaré que, selon elle, et contrairement à ce qui figure au paragraphe 110 du rapport, une personne de moins de 18 ans ne peut pas être soumise à la peine capitale en vertu du Code pénal.

En ce qui concerne le mariage, la délégation a expliqué que la loi a renforcé divers aspects de la loi islamique et du droit coutumier. La loi sur le mariage fixe ainsi à 15 ans pour les filles et à 18 ans pour les garçons l'âge légal du mariage, a précisé la délégation.

S'agissant des principes généraux énoncés dans la Convention, certains experts se sont enquis des mesures prises pour prévenir toute discrimination à l'encontre des enfants handicapés et des enfants nés hors mariage.

Un expert s'est inquiété de la qualité de l'éducation dispensée en Tanzanie et a fait état d'informations selon lesquelles moins de 25 à 35% des enfants passent l'examen de fin d'école primaire.




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